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FAO/3653

JOURNEE MONDIALE DE L'ALIMENTATION : NOTRE PLUS GRAND DEFI EST DE ROMPRE LE CERCLE VICIEUX DE LA FAIM ET DE LA PAUVRETE, DECLARE M. BOUTROS-GHALI

25 octobre 1996


Communiqué de Presse
FAO/3653


JOURNEE MONDIALE DE L'ALIMENTATION : NOTRE PLUS GRAND DEFI EST DE ROMPRE LE CERCLE VICIEUX DE LA FAIM ET DE LA PAUVRETE, DECLARE M. BOUTROS-GHALI

19961025 Pour le Directeur de la FAO, le combat pour la sécurité alimentaire doit surtout être mené en faveur des femmes et des jeunes

Les Nations Unies ont tenu, ce matin, une cérémonie spéciale à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation autour du thème "Lutter contre la faim et la malnutrition".

Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, le Président de l'Assemblée générale, M. Ismail Razali, et M. Jacques Diouf, Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, ont fait une déclaration. Le Président du Conseil économique et social, M. Jean-Marie Kacou Gervais ainsi que M. Ivan Head, titulaire d'une chaire de l'Université de la Colombie britannique et ancien Président du Centre international de recherche sur le développement du Canada sont également intervenus.

Dans son allocution, M. Boutros Boutros-Ghali a déclaré que la communauté internationale n'a pas de plus grand défi que de rompre le cercle vicieux de la pauvreté, de la faim et de la malnutrition. Cette lutte est la clé du concept de développement durable. C'est un élément crucial de la lutte concertée contre la pauvreté, qui est actuellement développée dans les domaines économique et social des Nations Unies. De l'avis du Secrétaire général, l'agriculture durable et la sécurité alimentaire pour le développement de l'Afrique devraient constituer la clé du succès de l'Initiative spéciale en faveur de l'Afrique lancée par le système des Nations Unies. Ensemble, nous réussirons; ensemble nous gagnerons la lutte contre la faim, s'est déclaré convaincu M. Boutros-Ghali.

Le Président de l'Assemblée générale, M. Ismail Razali (Malaisie), a souligné que le seul fait que 800 millions de personnes continuent à être touchées par la malnutrition doit inciter la communauté internationale à s'engager dans la recherche de solutions durables. Le problème de la faim et de l'insécurité alimentaire doit être reconnu et traité comme un problème multidimensionnel qui exige des solutions multiples. La communauté internationale doit avoir le courage d'identifier et de s'attaquer aux forces et structures qui maintiennent cette injustice sociale et se garder d'embrasser trop rapidement la doctrine de la libéralisation du commerce et de présenter les nouvelles sciences et technologies comme solutions magiques.

M. Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, a pour sa part estimé que le combat pour la sécurité alimentaire doit surtout être mené en faveur des femmes et des jeunes. Dans les régions qui disposent d'un potentiel agricole, l'augmentation de la production sera génératrice de revenus et d'emplois et aura un effet d'entraînement sur l'ensemble des secteurs et de la population de la zone. Dans les régions où la production agricole est marginale, et dans les zones de pauvreté urbaine, il faudra trouver d'autres solutions de survie. Dans les deux cas, il faudra repenser les politiques économiques de façon à créer l'environnement favorable à l'augmentation de la production agricole et à la création d'autres activités économiques.

Le Président du Conseil économique et social, M. Jean-Marie Kacou Gervais (Côte d'Ivoire) a souhaité que l'on se demande comment la paix peut prévaloir dans un monde où les 358 personnes les plus riches contrôlent des actifs plus importants que les revenus annuels combinés de pays où vivent 45% de la population mondiale. Nous devons investir dans l'éradication de la pauvreté, et nous ne pouvons compter, a-t-il assuré, ni sur les initiatives privées ni sur le marché libre, car l'on sait qu'ils privilégient le rendement à très court terme au détriment des investissements à long terme. La bataille contre la pauvreté peut être gagnée, a-t-il dit, à la condition que nous nous montrions solidaires d'une action commune à mener à l'échelle planétaire.

Pour sa part, M. Ivan L. Head. Professeur de droit de l'Université de la Colombie britannique au Canada, a déclaré que la Conférence de Rome fournira l'occasion de montrer aux publics comme aux gouvernements les nouvelles dimensions de la communauté internationale, son interdépendance et les avantages que l'on peut escompter lorsque des Etats décident collectivement de politiques et définissent des règles pour le bénéfice de tous. L'environnement planétaire, l'économie globale et la société cosmopolite, qui caractérisent le monde actuel, exigent que l'on transforme les slogans en actions concrètes, a souligné M. Head.

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- 3 - FAO/3653 25 octobre 1996

Déclarations

M. ISMAIL RAZALI, Président de l'Assemblée générale des Nations Unies, a souligné qu'aujourd'hui encore 800 millions de personnes sont chroniquement touchées par la malnutrition, ce qui devrait mobiliser la communauté internationale dans la recherche de solutions réelles et durables pour surmonter ces inégalités intolérables. En se fixant comme objectif primordial la lutte contre la faim, la communauté internationale se doit d'examiner les racines du mal de manière critique. On constate aujourd'hui que la faim et la pauvreté ne sont pas seulement l'apanage des pays en développement, mais qu'elles accusent aussi une courbe ascendante même dans les pays développés, en dépit des progrès technologiques et sociaux dont ces derniers bénéficient.

De l'avis de M. Razali, le problème de la faim et de l'insécurité alimentaire ne pourrait simplement se résoudre par l'accroissement de la production agricole; il devrait être considéré et traité comme un problème multidimensionnel qui exige des solutions multiples. L'histoire de la faim est l'histoire de certains systèmes socio-économiques et politiques inéquitables qui ont eu pour conséquences de marginaliser les pauvres. L'élimination de la faim exige que la communauté internationale ait le courage d'identifier et de s'attaquer aux forces et structures qui maintiennent cette injustice sociale. Les Nations Unies ne sont pas étrangères à une telle approche et il faut espérer que les discussions de Rome tireront parti des connaissances accumulées lors des précédentes conférences internationales, a déclaré M. Razali.

Le Président de l'Assemblée générale a établi un lien étroit entre, d'une part, les dimensions impressionnantes de la faim et de l'insécurité alimentaire, et d'autre part, les questions liées au régime foncier, aux aléas de la production, aux habitudes de consommation. M. Razali a encore expliqué que la faim et l'insécurité alimentaire sont tributaires de la technologie au service des petits producteurs, du rôle des femmes dans les communautés agricoles, et du pouvoir politique quand il se sert de l'alimentation comme d'une arme politique et économique. Même si les origines de la faim se révèlent trop complexes pour être combattues en même temps, il faut se garder d'adopter trop rapidement la doctrine de la libéralisation du commerce et de considérer les nouvelles sciences et technologies comme des solutions magiques.

Les Nations Unies doivent défendre l'égalité et la justice sociale et protéger les intérêts des pauvres et des populations marginalisées, a conclu le Président de l'Assemblée générale, en appelant l'Organisation à rechercher les moyens politiques et économiques propres à protéger les intérêts, les droits et les compétences traditionnelles des fermiers et de ceux qui "ne peuvent dormir à cause de la faim".

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M. JEAN-MARIE KACOU GERVAIS, Président du Conseil économique et social, a déclaré que la malnutrition, en plus d'être un fléau, est une maladie cruelle et invalidante qui dénie à des centaines de millions d'êtres humains le droit de réaliser leur potentiel humain. Dans un monde qui produit assez de nourriture pour tous, cette situation est véritablement inacceptable.

Rappelant que l'ONU et ses institutions spécialisées se sont employées à rationaliser, à affiner et à coordonner leurs mécanismes en la matière, M. Gervais s'est dit convaincu que la seule restructuration de l'ONU ne suffira pas. Nous ne pouvons atteindre l'objectif du bien-être pour tous si les besoins financiers sur lesquels les efforts de l'ONU s'appuient ne sont pas régulièrement versés ou s'ils sont drastiquement réduits. Puisque notre monde a su réunir les moyens gigantesques pour financer les armements de destruction massive durant la guerre froide, pourquoi ne pourrions-nous pas aujourd'hui dégager les ressources relativement modestes nécessaires pour combattre la faim et la malnutrition, a demandé le Président de l'ECOSOC. Les dividendes de la paix peuvent être mis à profit au bénéfice de tous grâce à la promotion de systèmes agricoles rationnels et adaptés, a-t-il dit.

Evoquant la répartition inéquitable des richesses, principalement de la nourriture et des produits de première nécessité, M. Gervais a souhaité que l'on se demande comment la paix peut prévaloir dans un monde où les 358 personnes les plus riches contrôlent des actifs plus importants que les revenus annuels combinés de pays où vivent 45% de la population mondiale. Plus de la moitié de la population mondiale dispose de revenus inférieurs à 2 dollars par jour, a-t-il ajouté.

Il va de soi, a poursuivi M. Gervais, que nous devons investir dans l'éradication de la pauvreté et qu'une partie importante de ces investissements devra toujours provenir du secteur public et être coordonnée par les Nations Unies. Nous ne pouvons compter, a-t-il assuré, ni sur les initiatives privées ni sur le marché libre, car l'on sait qu'ils privilégient le rendement à très court terme au détriment des investissements à long terme. Des initiatives telles que la mise en place, par la FAO, d'un Programme spécial de production alimentaire à l'appui de la sécurité alimentaire dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier nous permettent d'espérer, a-t-il dit. Ce programme vise d'une part à aider les pays ne disposant pas de moyens pour importer les denrées alimentaires nécessaires à leurs besoins et d'autre part, pour permettre l'exploitation rationnelle de leur capacité de production. La mise en oeuvre d'un système de prévention et de réponse rapide contre les prédateurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes permet d'augurer de perspectives prometteuses pour l'ensemble des pays en développement, a-t-il dit. Le prochain Sommet mondial pour l'alimentation qui se tiendra à Rome au mois de novembre prochain devrait permettre de mobiliser les gouvernements et les organisations internationales, mais aussi des organisations non gouvernementales, des universitaires et des chercheurs en vue d'un effort concerté en faveur de la sécurité alimentaire. Il est de l'intérêt général d'agir tant au plan mondial que régional et national pour atteindre solidairement l'objectif tant souhaité de la sécurité alimentaire.

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M. Gervais a noté que le nombre de personnes mal nourries augmente dans certaines régions, notamment en Afrique, alors que le nombre de pauvres a baissé de 7% entre 1985 et 1995. Le Continent africain, a-t-il dit, compte 16% des pauvres du monde et une personne sur deux y vit dans l'extrême pauvreté et la misère, faute de pouvoir mettre en oeuvre une agriculture adaptée par des investissements rationnels. Nous savons, a-t-il déclaré, que la pauvreté et la faim ne sont pas fatales et qu'elles peuvent être éradiquées par la répartition équitable des revenus et la valorisation des ressources. Cette bataille peut être gagnée, a-t-il dit, à la condition que nous nous montrions solidaires d'une action commune à mener à l'échelle planétaire au nom de la dignité de l'espèce humaine.

M. BOUTROS BOUTROS-GHALI, Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé qu'aujourd'hui une personne sur cinq a faim. C'est le défi mondial auquel nous devons faire face pour célébrer la Journée mondiale de l'alimentation. La "Lutte contre la faim et la malnutrition" est le thème qui nous concerne tous. Presque 800 millions de personnes ont faim de façon chronique. Le Secrétaire général a précisé que deux à trois cents millions de personnes souffrent de carence en iode , que 40 millions d'enfants souffrent de carence en vitamine A; et que près de 200 millions d'enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de carences graves ou chroniques en protéines. Il n'existe pas de plus grand défi lancé à la communauté internationale, ni de plus grand défi lancé au système des Nations Unies, ni encore de plus grand défi lancé à chacun d'entre nous qui devons oeuvrer ensemble en vue de rompre le cercle vicieux de la pauvreté, de la faim et la malnutrition. Les Nations Unies oeuvrent pour créer des conditions politiques, économiques et sociales appropriées qui nous permettront de vaincre la faim. Les Nations Unies oeuvrent pour faire de ceux qui ont faim et sont mal nourris des participants actifs à la croissance et au développement durable de leurs sociétés. Le Haut Commissariat pour les réfugiés fournit une assistance de secours à des millions de réfugiés et de personnes déplacées qui ont été forcés de quitter leur foyer et leurs cultures et qui n'ont pas accès à la nourriture en raison des conflits ou catastrophes naturelles. Le Programme mondial de l'alimentation a, pour sa part, assisté quelques 50 millions de personnes, dont la moitié était victime de situations d'urgences causées soit par l'homme, soit par des catastrophes naturelles. Son aide a atteint 1,6 million de tonnes de nourriture en 1995. La lutte contre la faim et la malnutrition est au centre de la coopération renforcée qui lie la Banque mondiale et les autres organisations du système des Nations Unies. C'est la clé du concept de développement durable qui offre un cadre uniforme aux activités des institutions des Nations Unies dans le cadre du suivi de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, tenue à Rio en 1992. C'est un élément crucial de la lutte concertée contre la pauvreté qui est actuellement développée dans les domaines économique et social des Nations Unies.

Le Secrétaire général a souligné la nécessité de garantir l'accès à la nourriture en s'attaquant à la pauvreté, qui est la cause inhérente de la faim et de la malnutrition. Au Sommet mondial pour le développement social, tenu à

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Copenhague en 1995, les gouvernements s'étaient engagés à réaliser les objectifs d'élimination de la faim et de la malnutrition, et à promouvoir la sécurité alimentaire, en tant que composante de la lutte concertée contre la pauvreté. La condition économique et de santé des femmes constitue un facteur clé. Les engagements pris à Beijing l'année dernière, doivent être mis en oeuvre. L'autonomisation des femmes est essentielle pour assurer la production de la nourriture et pour répondre aux besoins alimentaires de base. Il faut s'attaquer à la crise causée par la faim et la malnutrition là où elle se répand le plus. L'agriculture durable et la sécurité alimentaire pour le développement de l'Afrique devraient constituer la clé du succès de l'Initiative spéciale en faveur de l'Afrique lancée par le système des Nations Unies.

Dans ce processus de mondialisation, il faudrait assurer que les progrès technologiques profitent aux pays en développement, qui en ont un très grand besoin. L'amélioration de la gestion de toutes les ressources permettra de suivre le rythme de la croissance démographique mondiale, même si l'on reconnaît la nécessité de prendre la responsabilité pour une croissance démographique rapide. Le Sommet mondial de l'alimentation, qui se tiendra à Rome le mois prochain, offrira une autre occasion cruciale aux décideurs pour renforcer et cibler leurs efforts afin d'éliminer la faim et la malnutrition. Le Sommet donne à la communauté internationale la possibilité de parvenir à un consensus universel et à l'engagement requis pour l'élimination de la faim et de la malnutrition, et pour la garantie d'une sécurité alimentaire universelle. Nous devons tous nous engager dans la lutte contre la faim et la malnutrition, a souligné le Secrétaire général. Les organismes du système des Nations Unies coopèrent, plus qu'auparavant, pour que nous mettions fin à ces fléaux de l'humanité. De toute évidence, cette lutte ne peut être gagnée sans la coopération étroite avec les organisations non gouvernementales, le secteur privé et tous les autres groupes de la société civile. Ensemble, nous réussirons. Nous gagnerons la lutte contre la faim.

M. JACQUES DIOUF, Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), a déclaré que la Journée mondiale de l'alimentation que nous célébrons aujourd'hui est dédiée à la "lutte contre la faim et la malnutrition". Ce thème devrait d'autant plus éveiller nos consciences pour que nous fassions face à un paradoxe invraisemblable persistant. Alors que la planète produit de quoi nourrir chacun d'entre nous, plus de 800 millions de personnes ne sont pas assurées de manger à leur faim. Paradoxe aussi que cette situation d'insécurité alimentaire lorsque certains pays se débattent devant une surproduction de vivres dont ils ne savent que faire. Tandis qu'un grand nombre de personnes souffrent de carences nutritionnelles diverses dans les pays en développement, dans certains pays l'obésité contribue à la réduction de l'espérance de vie. Il incombe à tous d'agir en faveur de ceux qui, aujourd'hui, ont faim et sont mal nourris, et de ceux qui, demain, risquent de ne pas avoir de quoi se nourrir. Un double défi se pose à nous, celui de produire assez de nourriture et celui d'assurer l'accès de chacun à cette nourriture pour atteindre enfin la sécurité alimentaire universelle. On ne peut oublier la hausse de productivité que la

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Révolution verte a apportée, en particulier en Asie, grâce à des systèmes de vulgarisation efficaces. Le potentiel des technologies de la Révolution verte n'a pas été entièrement exploité. Il subsiste encore un grand écart entre ce qu'un petit agriculteur récolte et ce que le chercheur obtient dans sa station expérimentale. En moyenne, la récolte de l'un correspond au tiers de celle de l'autre. Il suffit de mettre en pratique le savoir-faire existant.

Si la Révolution verte a montré ce que la science peut faire pour avoir davantage de nourriture, il est nécessaire d'affiner, de corriger et de compléter par d'autres méthodes les instruments mis en place par la Révolution verte, a estimé M. Diouf. La biotechnologie est l'un des outils qu'il faudra manier avec sagesse. Il faut soigneusement protéger les habitats naturels, les forêts en particulier, pour la sauvegarde de la biodiversité, pour la régularisation des climats, l'enrichissement des sols, et la conservation des eaux, parce que, finalement nous dépendons tous de cet environnement naturel. L'agriculture ne peut plus empiéter aveuglément sur les forêts ou sur la savane. L'agriculture doit donc être intensifiée en priorité là où elle est actuellement pratiquée sans danger pour l'environnement. Il faut mobiliser le potentiel qui existe en particulier en Afrique en donnant la priorité aux systèmes d'irrigation ou de maîtrise de l'eau à moindre coûts qui peuvent être construits et gérés par les agriculteurs eux-mêmes.

Pour M. Diouf, l'autre défi qui se pose aux gouvernements et aux institutions est celui de l'accès de tous à une nourriture suffisante, saine et équilibrée. Le combat pour la sécurité alimentaire doit surtout être mené en faveur des femmes et des jeunes qui constituent les groupes les plus vulnérables. Dans les régions qui disposent d'un potentiel agricole, l'augmentation de la production sera génératrice de revenus et d'emplois et aura un effet d'entraînement dont bénéficiera l'ensemble des secteurs et de la population de la zone. Dans les régions où la production agricole est marginale, là où l'environnement est fragile, et dans les zones de pauvreté urbaine, il faudra trouver d'autres solutions de survie. Dans les deux cas, il faudra repenser les politiques économiques de façon à créer l'environnement favorable à l'augmentation de la production agricole d'une part et à la création d'autres activités économiques d'autre part. Pour assurer l'accès de tous à la nourriture de façon permanente, il faut aussi constamment suivre la situation des approvisionnements au niveau mondial, régional, national et même local pour, non seulement suivre les tendances, mais surtout détecter à temps les situations d'urgence et mobiliser la communauté internationale pour mettre en oeuvre les moyens nécessaires. C'est le rôle du système d'information et d'alerte rapide de la FAO. Enfin, il faut favoriser le commerce international des produits agricoles et alimentaires sur des bases équitables tout en protégeant les consommateurs. C'est ce que fait la FAO en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La production alimentaire, ainsi que la lutte contre la pauvreté, rurale et urbaine, doivent redevenir la priorité du développement. Le Sommet mondial de l'alimentation, qui se tiendra à Rome du 13 au 17 novembre prochain et qui est une première historique, sera l'aboutissement d'une série de consultations avec les gouvernements, les organisations

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intergouvernementales et non gouvernementales ainsi qu'avec le secteur privé. Aux termes de son Plan d'action, le Sommet recommandera aux gouvernements des mesures concrètes visant notamment à assurer la sécurité alimentaire et les investissements requis. La FAO s'engage à assurer, dans le cadre de son mandat, le suivi du Sommet et la mise en oeuvre du Plan d'action en coopération étroite avec ses partenaires du système des Nations Unies.

M. IVAN L. HEAD, Professeur de droit de l'Université de la Colombie britannique au Canada, s'est demandé comment concilier un monde dans lequel 20% de la population des pays en développement se trouve constamment confrontée à la faim alors que l'obésité représente un problème de santé majeur dans les pays industrialisés. La lutte contre la faim étant une question de volonté et non de capacité, cette distinction représente la tragédie des 800 millions de personnes privées d'une bonne santé, d'espoir et d'opportunité. Evoquant la Conférence de Rome, M. Head a déclaré que son objet doit être de souligner que la faim n'est pas une notion abstraite mais représente une condition humaine qui ne sera combattue que par la détermination de tous, par des politiques exhaustives et une certaine éthique. S'agissant de la production alimentaire, il a proposé une coopération internationale intensive comme moyen efficace d'offrir une vie digne à ceux qui souffrent de la faim.

Revenant sur la Conférence de Rome, M. Head a estimé qu'il s'agit là d'une occasion importante de montrer aux publics comme aux gouvernements les nouvelles dimensions de la communauté internationale, son interdépendance et les avantages que l'on peut escompter lorsque des Etats décident collectivement de politiques et définissent des règles pour le bénéfice de tous. La diversité et le caractère actif de l'humanité soulignent la nécessité absolue de la coopération et de l'adoption de modes de conduite pour garantir le bien-être des générations futures. A cet égard, le rôle des Nations Unies et de ses institutions spécialisées sont d'une importance essentielle. Aucune autosuffisance alimentaire et aucun développement de la science, de la technologie ou du marché de l'alimentation, ne peut permettre à un Etat de mépriser les règles établies par la communauté internationale et de prospérer en l'absence d'une coopération et de l'appui de structures et d'institutions internationales. L'intensité de l'interdépendance en matière de connaissances, d'investissements, de biens et de services, de sécurité humaine est telle qu'elle a modifié considérablement, au cours des récentes années, la notion même de souveraineté des Etats.

La configuration actuelle de la puissance d'un Etat - taille de la population, niveau de l'activité humaine et disponibilité de nouvelles technologies - ne permet à aucun Etat de dédaigner les activités des autres Etats ni d'assumer la satisfaction de l'ensemble de ses besoins. La souveraineté n'est plus le fruit d'actes unilatéraux mais provient maintenant de la participation à la communauté internationale. Aujourd'hui, la réalité montre qu'un Etat renforce sa souveraineté par son engagement sur la scène

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internationale et l'amoindrit dès qu'il se retire. La souveraineté est donc le produit d'une adhésion aux règles et de la vigueur du droit international qui plaide en faveur des politiques modérées et qui légitime la justesse dans la conduite des affaires.

Cette justesse acquiert toute sa pertinence dans la lutte contre la faim. La faim devient ainsi bien plus qu'une question d'agriculture en ce qu'elle touche l'économie, la politique et même la morale. Elle représente un défi au concept de la communauté humaine et influe sur la réputation des gouvernements et des dirigeants qui ont réaffirmé à suffisance leur intention d'éliminer la faim, sans grand succès jusqu'ici. La Journée mondiale de l'alimentation doit montrer que nous vivons une nouvelle époque caractérisée par un environnement planétaire, une économie globale et une société de plus en plus cosmopolite. Ces circonstances exigent que l'on transforme les slogans en actions concrètes, a conclu M. Head.

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