SG/SM/6077

SELON LE SECRETAIRE GENERAL, LE TRAITE D'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLEAIRES ANNONCE DE NOUVEAUX PROGRES EN MATIERE DE DESARMEMENT

16 octobre 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6077
GA/DIS/3053


SELON LE SECRETAIRE GENERAL, LE TRAITE D'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLEAIRES ANNONCE DE NOUVEAUX PROGRES EN MATIERE DE DESARMEMENT

19961016 Il estime que la communauté internationale attend que l'on aborde de façon novatrice la question de la réduction des armements

On trouvera ci-après le texte d'une déclaration prononcée aujourd'hui par le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, devant la Première Commission de l'Assemblée générale (Désarmement et sécurité internationale) :

C'est un grand plaisir pour moi que de prendre la parole devant la Première Commission si vite après l'adoption et la signature du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Au cours des trois dernières semaines, l'Assemblée a entendu répéter maintes fois que ce traité marquait un tournant décisif et qu'il constituait un pas important vers un désarmement nucléaire complet. Le Traité d'interdiction des essais s'ajoute à l'"arsenal" d'instruments politiques et juridiques qui peuvent nous aider à écarter la menace d'autodestruction nucléaire qui pèse sur nos têtes depuis plus de 50 ans.

C'est ici, dans cet immeuble qui symbolise la volonté collective de la communauté des nations, que j'ai eu l'honneur d'ouvrir le Traité à la signature voilà un peu plus de trois semaines. L'Organisation des Nations Unies offre à ses Etats Membres une enceinte où dialoguer, négocier et collaborer, afin de résoudre des questions de portée et d'intérêt mondiaux. Elle est légitimement fière d'avoir rendu cet événement possible.

Au nom des enfants d'aujourd'hui et des générations de demain, je rends hommage à tous ceux et toutes celles qui, personnalités en vue ou simples citoyens, ont préparé le terrain pour ce succès historique. La contribution de la Conférence du désarmement dans les domaines politique et technique a été déterminante : c'est elle qui a permis la rédaction du texte complexe que constituent le projet de traité et ses minutieux protocoles de vérification. C'est grâce aux moyens d'action uniques dont elle dispose que le projet a été appuyé à une écrasante majorité par la communauté internationale. Comment un traité multilatéral aussi complexe aurait-il pu, sinon, attirer 123 signatures et une ratification en un laps de temps aussi bref? Comment aurait-on pu, sinon, élaborer des mécanismes de vérification aussi subtils?

Il est impossible de parler du Traité sans rendre un hommage particulier à l'ambassadeur Jaap Ramaker qui a su diriger le Comité spécial d'une main ferme et experte. Je doute que, sans son énergie et sa patience exceptionnelles et son art consommé du compromis, on ait pu marquer des progrès aussi considérables et aussi rapides dans un domaine aussi complexe.

Dès le début des négociations, le principal objectif de nombreux Etats ne disposant pas d'armes nucléaires a été d'obtenir de tous les Etats, et en particulier de ceux qui sont dotés de ces armes, qu'ils s'engagent de nouveau, en vertu du Traité, à travailler progressivement et de façon plus systématique à un désarmement nucléaire complet. La conclusion du Traité a donné un nouvel élan aux efforts déployés en vue de parvenir à un tel désarmement.

On s'est pris à espérer que l'on parviendrait à accélérer le désarmement nucléaire tout en maintenant la sécurité et la stabilité internationales. La course au désengagement et au désarmement nucléaires devrait être aussi acharnée que la course aux armements nucléaires à l'époque de la guerre froide. De nos jours, alors que le XXe siècle s'achève, la question devrait être de déterminer les mesures à prendre pour garantir la sécurité et la stabilité au XXIe siècle, en l'absence d'armes nucléaires et d'armes de destruction massive.

La question du désarmement nucléaire est d'autant plus à l'ordre du jour que certaines institutions prestigieuses ont récemment pris position à ce sujet. Je songe en particulier à l'avis consultatif que la Cour internationale de Justice a rendu en juillet, sur la question de savoir s'il existe une circonstance où il est permis en droit international de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires. Tout en prêtant à controverse sur certains points, l'avis de la Cour a placé la question sur un autre plan juridique. Les juges ont répondu à l'unanimité qu'"il exist[ait] une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace". Cette décision témoigne d'une évolution marquée dans la façon de concevoir l'obligation de négocier en vue d'un désarmement. À mon avis, l'avis rendu par la Cour s'inscrit dans la lignée des dispositions de l'article 6 du Traité de non-prolifération touchant les obligations faites aux Etats parties. Elle est également conforme à l'esprit des principes et objectifs en matière de non-prolifération et de désarmement nucléaires. Elle signifie qu'une négociation débouchera sur un accord. J'espère que cette partie de l'avis de la Cour incitera tous les Etats à promouvoir le désarmement et la non-prolifération, en adoptant des mesures concrètes et réalistes.

Au niveau le plus général, la communauté internationale ne peut pas baisser sa garde. Les arsenaux nucléaires d'aujourd'hui ont une capacité de destruction 750 000 fois plus importante que celle de la bombe lâchée sur Hiroshima. Certains pensent encore qu'une guerre menée à coups d'armes nucléaires est viable. Un accident ou un attentat terroriste sont toujours possibles et l'éventualité d'un trafic de matières nucléaires n'est pas à négliger. La menace du recours à des armes chimiques et biologiques n'a pas été éliminée.

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Mais il n'est pas moins impératif de résoudre les problèmes qui se posent au niveau local. Chaque année, des dizaines de milliers de personnes sont encore tuées par des armes de petit calibre. On pose davantage de mines terrestres que l'on n'en retire. Par leur nature même, les armes de petit calibre sont infiniment plus difficiles à maîtriser que les armes nucléaires. Le commerce des armes classiques de tous calibres et leur trafic compromettent les acquis de l'après-guerre froide et grèvent le budget des Etats en développement.

Quelles mesures prendre pour faire face à cette situation? Il faudrait signer et ratifier le Traité sur la réduction des armes stratégiques (START II). Je salue les progrès annoncés dans les pourparlers entre les deux Parties et je les engage à avancer sur leur lancée. Si la Fédération de Russie ratifiait rapidement le Traité, on pourrait commencer à diminuer les arsenaux nucléaires et entamer le processus conduisant à START III. Toute nouvelle mesure prise par les deux Parties, soit en commun soit de façon unilatérale, peut réduire le risque de réutilisation d'armes mises hors service.

J'ai souvent insisté sur l'importance que j'attache à la prévention du trafic de matières nucléaires et à la lutte contre ce trafic. Je suis donc très satisfait du programme annoncé à Moscou en avril dernier lors du sommet des principaux pays développés. Je rends également hommage aux nombreuses organisations intergouvernementales qui se sont efforcées, sous les auspices de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), de prévenir le trafic de matières nucléaires.

La négociation du Traité d'interdiction complète des essais ayant retenu toute l'attention de la Conférence du désarmement, celle-ci n'a pas pu examiner cette année la question de la limitation de la production de matières fissiles à des fins d'armement. Elle a maintenant tout loisir de le faire. Une telle limitation est réaliste et possible; elle constitue logiquement la prochaine étape sur la voie du désarmement et de la non-prolifération nucléaires. Je demande instamment à la Première Commission de garder l'esprit ouvert et d'aider la Conférence à déterminer l'orientation de ses travaux pour 1997.

En tant que dépositaire de la Convention sur les armes chimiques, j'aimerais pouvoir annoncer que cet instrument est entré en vigueur. Si c'était le cas, il aurait pleinement force de loi au plan international et le système de vérification complexe qu'il prévoit pourrait être appliqué. Quelle que soit l'efficacité des dispositions qu'elle contient en matière d'interdiction des armes chimiques, la Convention ne sera crédible qu'avec la participation des deux superpuissances. Je suis heureux que le Président des Etats-Unis ait annoncé, au cours du débat général, qu'il ne renonçait pas à la ratifier. La communauté internationale a tout intérêt à ce qu'elle entre en vigueur et je demande instamment à la Fédération de Russie et aux Etats-Unis de la ratifier au plus vite. En même temps, j'engage les Etats parties à la Convention sur les armes biologiques à renforcer cet instrument, lors de la Conférence des Parties chargée de son examen, en mettant la dernière main aux dispositions concernant son protocole de vérification.

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J'ai accueilli avec satisfaction l'adhésion de tous les Etats d'Amérique latine et des Caraïbes au Traité de Tlatelolco en 1994, puis la signature du traité portant création d'une zone exempte d'armes nucléaires en Asie du Sud-Est en décembre 1995, celle des Protocoles du Traité de Rarotonga en mars 1996 par trois Etats dotés d'armes nucléaires et enfin, le mois suivant, celle du traité portant création d'une zone exempte d'armes nucléaires en Afrique. Ces succès ont amené plusieurs Etats à réclamer, au cours de la présente session de l'Assemblée générale, que des négociations soient engagées en vue de créer d'autres zones exemptes d'armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient et dans l'hémisphère Sud. Je suis content de ces initiatives et je demande instamment aux Etats intéressés de faire en sorte que cette belle idée devienne réalité.

Au nom des hommes, femmes et enfants des pays dévastés par la guerre et dans le souci d'assurer la sûreté et la sécurité du personnel de maintien de la paix des Nations Unies, je continuerai à préconiser vigoureusement une interdiction totale des mines antipersonnel. Je trouve encourageant que des Etats aient décidé, soit ensemble, soit de façon unilatérale, d'interdire ou de limiter ces armes au niveau national. Et j'appuie les efforts actuellement déployés au sein de la Première Commission pour entamer des négociations en vue d'une interdiction totale.

Le Groupe d'experts intergouvernementaux sur les armes légères, que l'Assemblée générale a créé l'an passé, procède de manière novatrice en organisant des ateliers dans les zones où la prolifération d'armes de petit calibre suscite de nouvelles tensions. Le premier de ces ateliers s'est tenu le mois dernier en Afrique du Sud. Ces activités sont encourageantes et j'attends avec impatience le rapport que le Groupe présentera l'an prochain.

Dans le cadre de l'Initiative spéciale du système des Nations Unies en faveur de l'Afrique que j'ai lancée cette année, une approche intégrée de la paix et du développement a été adoptée dans diverses régions du continent. Pour vous donner un exemple concret, l'assistance offerte par l'ONU au Mali afin de faciliter les activités de démobilisation et la réinsertion des anciens combattants dans la vie civile contribue à la consolidation de la paix dans ce pays. Je mène actuellement des consultations avec d'autres pays d'Afrique occidentale en vue de déterminer la meilleure façon de répondre à leurs préoccupations propres dans ce domaine.

J'ai accueilli avec satisfaction la signature par presque tous les Etats d'Afrique centrale, en juillet 1996, du Pacte de non-agression rédigé sous les auspices du Comité consultatif permanent chargé des questions de sécurité dans la région. Un apport de fonds est nécessaire si l'on veut continuer à s'efforcer de créer un climat de confiance dans cette région où règne l'instabilité. Je remercie vivement les Etats qui financent actuellement ces activités. Je demande à tous de verser de nouvelles contributions afin de soutenir cet effort.

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Les gouvernements du XXe siècle doivent se fixer comme tâche prioritaire d'élaborer un programme de désarmement pour le XXIe siècle. Il semble qu'à une écrasante majorité, les différents Etats appuient la proposition tendant à convoquer une nouvelle session extraordinaire de l'Assemblée générale sur la question. Cette session pourrait évaluer la situation en matière de sécurité dans la période de l'après-guerre froide et fixer le programme des négociations pour les années à venir. On pourrait commencer à préparer une telle session dès l'an prochain tout en attendant, le cas échéant, d'être parvenu à un consensus sur son ordre du jour et son programme de travail pour en arrêter précisément la date. La communauté internationale compte sur nous pour annoncer clairement que l'époque de la guerre froide est révolue et que l'heure est venue d'aborder la question du désarmement sous un angle nouveau et de façon plus efficace.

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