SG/SM/6064

L'HEURE EST VENUE D'UNE RENAISSANCE DU NON-ALIGNEMENT, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL A L'OCCASION DU TRENTE-CINQUIEME ANNIVERSAIRE DU MOUVEMENT

24 septembre 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6064


L'HEURE EST VENUE D'UNE RENAISSANCE DU NON-ALIGNEMENT, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL A L'OCCASION DU TRENTE-CINQUIEME ANNIVERSAIRE DU MOUVEMENT

19960924 On trouvera ci-après le texte du discours prononcé le 24 septembre par le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, à la réunion commémorative du Mouvement des pays non alignés, à l'occasion de son trente-cinquième anniversaire :

"Bienvenue à l'Organisation des Nations Unies, vous êtes ici chez vous!

Je suis personnellement fier et heureux de me joindre à vous aujourd'hui pour célébrer le trente-cinquième anniversaire du Mouvement.

Monsieur le Président Samper, je me félicite de vous voir à la tête du Mouvement des pays non alignés. Promouvoir le développement social, développer la coopération Sud-Sud afin de compléter la coopération Nord-Sud, encourager les nations à reconnaître la primauté du droit, renforcer le Mouvement des pays non alignés pour faciliter la recherche d'un consensus entre les pays en développement, la Colombie est fermement résolue à atteindre tous ces objectifs et cela augure bien de l'avenir du Mouvement.

Mais reportons-nous un instant, si vous le voulez bien, aux origines du Mouvement — à Bandung, en 1955, à la Conférence afro-asiatique et à Belgrade, en 1961, au premier Sommet des pays non alignés.

À Bandung, la naissance du Mouvement des pays non alignés a été un acte d'audace qui a stupéfié le monde entier. Libérés du joug de l'oppression coloniale, les pays non alignés se sont propulsés sur la scène internationale, où ils ont fait entendre haut et clair une voix nouvelle. La politique internationale s'en est trouvée transformée à jamais de façon radicale.

Six ans plus tard, au Caire, la réunion préparatoire du premier Sommet des pays non alignés a énoncé les cinq principes fondamentaux du non-alignement : refus de prendre position dans l'affrontement entre l'Est et l'Ouest; alignement en ce qui concerne les luttes anticoloniales; refus de participer à des alliances militaires multilatérales; rejet de toute alliance bilatérale avec une superpuissance; et refus d'accueillir les bases militaires d'une superpuissance.

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Ces principes témoignent des préoccupations originelles du Mouvement : le colonialisme et l'affrontement entre les superpuissances.

Le colonialisme a quasiment pris fin avec la défaite de l'apartheid en Afrique du Sud. La guerre froide s'est terminée avec l'effondrement du mur de Berlin. Les deux piliers du non-alignement se sont ainsi écroulés.

Mais les principes qui le sous-tendaient demeurent d'actualité. Il serait bon, dans l'immédiat et à long terme, que toutes les nations :

Refusent que l'ordre international soit fondé sur la puissance et la force militaire;

Affirment que les relations internationales doivent reposer sur les principes de l'indépendance et de l'égalité souveraine;

Reconnaissent que le développement est un besoin universel et qu'il existe un lien entre désarmement et développement;

S'engagent à résoudre les questions mondiales au niveau multilatéral par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies;

Expriment leur attachement à une solidarité qui transcende la diversité — tout en y puisant sa force.

À l'ONU, j'applique quotidiennement les principes du non-alignement, qui orientent tous les aspects de mon travail de Secrétaire général. Et je tiens à témoigner aujourd'hui ici de leur importance croissante.

L'heure est venue d'une renaissance du non-alignement. Bien que la guerre froide ait pris fin et que la décolonisation soit presque achevée, nous sommes loin d'avoir atteint notre objectif d'un ordre mondial juste, pacifique et équitable.

La démarche sur laquelle repose le non-alignement est plus pertinente que jamais. Il existe un lien de continuité direct entre les principes qui sous- tendaient le Mouvement à l'origine, les doctrines qu'ils perpétuent et la nouvelle préoccupation qui nous pousse aujourd'hui à l'action, à savoir la démocratisation à l'échelle internationale. Nous sommes à une époque charnière, à un tournant décisif de l'histoire des relations internationales. La bipolarisation a disparu mais n'a pas encore été remplacée par de nouvelles structures. En même temps que des problèmes anciens ressurgissent dans des contextes différents, le monde doit faire face à une multitude de nouveaux problèmes dont la portée dépasse indéniablement les frontières nationales.

Le principe de l'égalité souveraine des États a toujours eu pour corollaire le devoir et la responsabilité de ceux-ci de contribuer ensemble à la survie et au bien-être de l'humanité et le nouvel environnement mondial rend la coopération internationale plus indispensable et plus accessible que jamais.

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Le Mouvement des pays non alignés est fondé sur une tradition démocratique et il est la meilleure preuve que cette tradition contribue à la fois au développement et à la paix.

Dès sa fondation, le Mouvement a affirmé sans ambiguïté qu'il était déterminé à jouer un rôle constructif et indépendant dans les affaires du monde — à être une force unifiée, ouverte vers l'extérieur.

Ces deux éléments — tradition démocratique et volonté de participer aux affaires du monde — ont toujours marqué les relations institutionnelles que le Mouvement entretient avec l'Organisation des Nations Unies. L'Organisation des Nations Unies avait 51 Membres à sa création, le Mouvement des non alignés en avait 25. L'Organisation compte maintenant 185 Membres et ils sont en grande majorité représentés aujourd'hui dans cette salle!

Les liens qui unissent ces deux institutions indispensables doivent être un motif de fierté pour nous tous. L'Organisation des Nations Unies est l'instance la plus représentative de tous les peuples de la terre. Le Mouvement des non alignés est le mouvement politique qui regroupe le plus grand nombre de pays du monde. Chacun s'enrichit de l'existence de l'autre. Ensemble, nous pouvons apporter au monde les changements dont il a un besoin urgent.

Je pense que nos efforts doivent porter en priorité sur trois domaines : la lutte pour le développement; la recherche de la paix; et le renforcement de l'Organisation des Nations Unies en tant qu'instrument efficace au service du développement et de la paix.

La lutte pour le développement

L'appui et la participation aux activités de coopération pour le développement ont fléchi depuis la fin de la guerre froide. En volume, l'aide aux pays en développement a non seulement cessé de progresser, mais a même diminué. Cette tendance s'accentue alors que l'écart alarmant entre les pays et peuples les plus riches et les plus pauvres ne cesse de se creuser.

Il est urgent de concevoir de nouveaux principes et un nouveau cadre de coopération pour le développement.

Dans le nouveau contexte mondial, le processus de démocratisation permettra de changer la nature des relations économiques internationales et de substituer la coopération à l'assistance. À mesure que les relations internationales se démocratisent, les points de vue des pays développés et ceux des pays en développement peuvent se rapprocher dans le cadre de conférences internationales et autres consultations intergouvernementales. C'est aussi grâce à une plus grande démocratisation que, par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies, les pays les plus pauvres pourront faire mieux entendre leur voix sur la scène internationale et qu'une partie de la planète ne sera pas laissée pour compte.

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L'Organisation des Nations Unies a déjà entrepris de faire progresser la coopération pour le développement, dans le cadre du débat en cours sur l'Agenda pour le développement. La série de grandes conférences mondiales tenues récemment fait partie intégrante de ce processus démocratique de réflexion. Il s'agit avant tout de créer une nouvelle forme de partenariat entre les différents acteurs du développement — pays du Nord et pays du Sud, gouvernements et organismes non gouvernementaux, secteur public et secteur privé.

Je salue l'initiative du Mouvement des pays non alignés, auquel s'est joint le Groupe des 77, pour relancer le dialogue sur le développement sur la base du partenariat — intérêt mutuel, interdépendance véritable et responsabilité partagée — en vue de donner au développement un caractère durable et de l'inscrire dans un climat international favorable. Cette initiative pourra être un moyen de formuler et de mettre en oeuvre l'Agenda pour le développement.

L'heure est venue pour l'Organisation des Nations Unies et pour le Mouvement des pays non alignés de faire jouer, dans la lutte pour le développement, cet esprit et cette détermination qui ont été les instruments des succès éclatants remportés dans notre lutte contre le colonialisme et l'apartheid.

La recherche de la paix

Avec la fin de la guerre froide, le danger aigu de conflit mondial et de dévastation nucléaire a diminué. Néanmoins les conflits régionaux et le déclenchement de conflits à l'intérieur des États font que le monde reste un endroit dangereux.

Il est maintenant devenu possible — et urgent — de mettre en place un système réellement efficace de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Là encore, la démocratisation sur le plan international ouvre de nouvelles possibilités.

Pendant la guerre froide, les grandes décisions en matière de paix et de sécurité internationales étaient souvent prises en dehors de l'ONU.

Aujourd'hui, l'effort déployé pour mettre en place un système efficace de sécurité collective a pris un bon départ à l'ONU, grâce au débat qui se poursuit sur l'Agenda pour la paix. L'accent est mis sur le renforcement, dans le cadre de la Charte, de l'efficacité de l'ONU et des moyens dont elle dispose pour ce qui est de prévenir, maîtriser et résoudre les conflits. Ceci se traduit par un travail constant d'innovation et de réflexion. La diplomatie préventive revêt la plus haute importance. De nouvelles initiatives ont été prises en matière de maintien de la paix. De plus, on privilégie maintenant aussi bien la consolidation de la paix que la coopération de l'ONU avec les organisations régionales en vertu du Chapitre VIII de la Charte.

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Le Mouvement des pays non alignés a largement contribué à ce travail et il a encore beaucoup à apporter. Pour ce qui est de rechercher des solutions aux conflits, il s'est toujours attaché à trouver des solutions pacifiques aux différends, outre qu'il entretient des relations de partenariat avec l'ONU et les organisations régionales. Ayant toujours donné l'impulsion dans le domaine du désarmement, le Mouvement peut contribuer à faire en sorte que le désarmement continue à faire partie intégrante des efforts de paix et de sécurité de l'ONU. Il peut s'attacher avec la même fermeté à éliminer les armes de destruction massive, à freiner les mouvements non réglementés d'armes classiques et à interdire définitivement toutes les mines terrestres et leurs composantes. Le Mouvement peut également contribuer à faire en sorte que le développement à long terme ne soit pas entravé par l'action menée d'urgence pour faire face aux conflits.

Le renforcement de l'Organisation des Nations Unies

Le regain d'activité de l'Organisation et la transformation radicale de son action dans tous les domaines font qu'il est à la fois nécessaire et possible d'entreprendre une réforme institutionnelle profonde, le but étant de créer une organisation plus forte, qui soit en mesure de répondre aux besoins et aux attentes des États Membres en cette ère nouvelle. Au lendemain de la guerre froide, c'est à l'ONU qu'il incombe de créer un nouveau système international. La façon la plus rationnelle, la plus efficace et la mieux adaptée de procéder est de renforcer les structures et les mécanismes de l'Organisation.

Depuis que j'ai pris mes fonctions, je m'emploie à simplifier et à améliorer le fonctionnement de l'Organisation. La réforme est une entreprise qui n'est jamais terminée. Elle va se poursuivre et elle se poursuivra.

Le Mouvement des pays non alignés et l'ONU sont unis par les liens fraternels. Nous devons nous épauler. Le Mouvement des pays non alignés ne doit jamais permettre que l'on mésuse des réformes. Ensemble nous devons faire en sorte qu'une organisation plus forte apporte à toutes les nations en développement la pleine participation et la prospérité mutuelle dans le cadre d'un système international plus démocratique.

Tout comme la naissance du Mouvement des pays non alignés en son temps, sa renaissance peut aujourd'hui transformer les relations internationales de façon radicale et pour le mieux.

Le message de Jakarta, publié lors de la dixième Conférence au Sommet du Mouvement des pays non alignés était un appel à l'action collective et à la démocratisation des relations internationales. Il précisait les éléments d'un nouvel ordre international plus équitable. Il était conçu pour servir la paix et la justice. La sécurité et le développement. La démocratie à l'intérieur des États et entre les États. Et la promotion des droits et des libertés fondamentaux des êtres humains et des nations.

Le monde a besoin d'entendre ce message et il a besoin de le traduire en actes.

Je vous remercie."

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