SG/SM/6051

LE SECRETAIRE GENERAL DECLARE QUE LE BLACK CAUCUS DU CONGRÈS DES ETATS-UNIS EST FIDÈLE À SON RÔLE TRADITIONNEL DE DEFENSEUR DU MONDE EN DEVELOPPEMENT

23 septembre 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6051


LE SECRETAIRE GENERAL DECLARE QUE LE BLACK CAUCUS DU CONGRÈS DES ETATS-UNIS EST FIDÈLE À SON RÔLE TRADITIONNEL DE DEFENSEUR DU MONDE EN DEVELOPPEMENT

19960923 On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, au forum organisé par le Black Caucus du Congrès des Etats-Unis à Washington D. C., le 13 septembre, sur le thème : "Le règlement des conflits en Afrique : diplomatie et action" :

Je suis très honoré de m'adresser à des représentants du peuple américain. L'Organisation des Nations Unies, que les Etats-Unis ont en grande partie créée après avoir tant rêvé de son existence, s'est installée ici, en Amérique. Je me sens particulièrement honoré d'avoir été invité à ce forum par Donald Payne, président du Black Caucus et éminent spécialiste de politique étrangère au Congrès. Je le remercie d'avoir organisé cette réunion sur le rôle de l'Organisation des Nations Unies dans le domaine du maintien de la paix et de nous offrir ainsi l'occasion d'informer un plus grand nombre d'Américains de cette mission essentielle de l'Organisation. Je tiens à rendre hommage à M. Payne ainsi qu'à Mesdames et Messieurs Cynthia McKinney, Alcee Hastings, Albert Wynn et Victor Frazer, qui siègent avec lui au Comité des relations internationales de la Chambre des représentants. Je sais que tous ont continué avec courage la tradition du Black Caucus, qui se fait le champion de l'intérêt porté par les Etats-Unis au monde en développement, et particulièrement aux pays d'Afrique et des Caraïbes.

L'histoire des Afro-américains est faite de luttes, de fierté et de brillants succès. Les Afro-américains sont une source d'inspiration pour tous ceux qui s'efforcent de vivre dans la liberté, la dignité et la justice. Je veux reconnaître la riche contribution que les Afro-américains ont apportée à l'Organisation des Nations Unies et à la diplomatie internationale. Cette année même, j'ai participé à l'inauguration du Centre Ralph Bunche pour les affaires internationales de l'Université de Howard. Ce centre admirable honore la mémoire et l'oeuvre d'un homme qui a joué un rôle prépondérant dans la mise en route de l'Organisation des Nations Unies.

J'ai aussi beaucoup de respect pour tous les diplomates afro-américains qui ont succédé à Ralph Bunche au service de l'Organisation des Nations Unies, et je tiens à rendre particulièrement hommage à la tâche accomplie par

Andrew Young en tant que représentant des Etats-Unis auprès de l'Organisation des Nations Unies. J'ai eu le privilège de travailler avec l'Ambassadeur Young et son digne successeur, l'Ambassadeur Don McHenry, à la fin des années 70, alors que, par leur intermédiaire, les Etats-Unis oeuvraient activement en faveur de l'autodétermination et du gouvernement par la majorité en Afrique australe. Et, bien entendu, il m'est impossible de participer à cette réunion sans rendre hommage à la communauté afro-américaine — en particulier à Randall Robinson de TransAfrica — et au Black Caucus, qui, au milieu des années 80, ont assumé un rôle décisif dans le vote de textes législatifs imposant des sanctions contre le régime d'apartheid en Afrique du Sud.

Permettez-moi maintenant de vous faire part de quelques souvenirs personnels. En 1977, on m'a proposé le poste de Secrétaire d'Etat en Egypte. J'y ai choisi, sans aucune hésitation, de me consacrer aux affaires africaines. À l'appui de la politique étrangère du Président Sadate, j'ai voyagé dans toute l'Afrique et je me suis attaqué aux problèmes du continent. Jetant aujourd'hui un regard en arrière, je peux dire que j'ai visité presque tous les pays africains. Et tourné vers l'avenir, je peux annoncer avec certitude que l'Afrique fera son entrée sur la scène mondiale sous les traits d'une puissance forte et dynamique.

Mes amis, je suis africain. Et en tant que tel, je vous suis reconnaissant de m'inviter à partager avec vous quelques-unes de mes réflexions sur le règlement des conflits en Afrique. La comparaison que j'ai publiquement faite entre l'attention et l'intérêt que la communauté internationale porte aux conflits d'Europe, par opposition à ceux d'Afrique, m'a valu une certaine impopularité. Mais je maintiens qu'il en va ainsi. Je proclame en outre la nécessité de se mobiliser davantage en faveur de l'Afrique. La communauté internationale n'accorde pas l'attention qu'il faut aux conflits africains.

Vous, dirigeants de la communauté afro-américaine, devez continuer à parler haut et fort au nom de l'Afrique. Vous devez engager la communauté internationale à prendre une part active au règlement des conflits africains avant que ceux-ci ne s'aggravent et ne prélèvent un effrayant tribut en vies humaines. Il importe de comprendre que la paix et la sécurité dans le monde dépendent dans une large mesure de la sécurité des Etats africains et de l'Afrique tout entière. Il faut mettre les décideurs, tant du secteur public que du secteur privé, et les médias internationaux en demeure de s'intéresser aux conflits africains et d'y chercher une solution.

Comment peut-on obtenir de la communauté internationale l'attention nécessaire pour résoudre les conflits en Afrique? Quatre méthodes me viennent à l'esprit : la diplomatie, le désarmement, la coopération régionale et la consolidation de la paix. L'Organisation des Nations Unies oeuvre dans tous ces domaines. Mais nous pouvons faire encore beaucoup plus avec votre aide.

- 3- SG/SM/6051 23 septembre 1996

Nous pouvons d'abord agir par le biais de la diplomatie. La diplomatie ne peut faire des miracles, en particulier lorsqu'une des parties espère réaliser un gain par l'emploi de la force. Mais en Afrique, on engage trop souvent une action militaire avant d'avoir épuisé les voies diplomatiques. Lorsqu'il y a place pour la diplomatie, de plus en plus d'Etats africains se tournent vers l'Organisation des Nations Unies. En tant qu'organisme impartial doté d'un mandat universel et qui n'a pas besoin de se faire connaître, l'Organisation peut obtenir des résultats remarquables en travaillant dans la coulisse où il est sans doute plus facile de trouver un compromis. Les succès remportés par l'Organisation en Afrique du Sud et en Sierra Leone témoignent de l'efficacité de sa diplomatie, de même que le règlement des différends territoriaux entre la Libye et le Tchad et, plus récemment, entre le Nigéria et le Cameroun.

Souvenez-vous toutefois, comme nous l'ont rappelé les exemples de l'Angola et de la Somalie, qu'aucune action diplomatique, si bien menée soit-elle, ne peut porter ses fruits sans un ingrédient essentiel : la volonté des parties de réaliser la paix. Cela est vrai aussi pour la consolidation de la paix, qui est fondée sur l'accord des parties et ne saurait donc intervenir tant qu'un conflit est en cours. Je soutiens de longue date que, dans ce dernier cas, la communauté internationale doit envoyer des forces armées ou n'envoyer aucune force.

L'expérience a montré qu'en cas de conflit, la meilleure solution est d'envoyer sur le terrain une force multinationale ou régionale, avec l'autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies. L'action coercitive peut ensuite être suivie, si nécessaire, par la consolidation de la paix. C'est ce qu'a fait la communauté internationale, jusqu'à présent avec succès, en Haïti, et le Black Caucus a joué en cette affaire un rôle essentiel. Je vous demande, membres du Black Caucus, de poursuivre vos efforts de médiation dans les conflits du Libéria, du Rwanda et du Burundi. Nous devons persévérer dans nos efforts pour régler ces conflits. L'histoire a montré que le travail acharné et la persévérance produisent des résultats, même dans les situations les plus difficiles.

Deuxièmement le désarmement est aussi un moyen de réduire les conflits en Afrique. Il contribue de manière essentielle au renforcement de la confiance, tant entre les Etats qu'au niveau national. La signature en avril du Traité portant création d'une zone exempte d'armes nucléaires en Afrique a marqué une étape importante dans la lutte contre les armes de destruction massive.

Il faut prendre maintenant des mesures pour arrêter l'afflux incontrôlé des armes classiques de petit calibre qui, depuis trop longtemps, alimentent et enflamment les conflits en Afrique. Il est indispensable de procéder à

- 4- SG/SM/6051 23 septembre 1996

ce que j'ai appelé le micro-désarmement. L'Afrique a été inondée d'armes de petit calibre. L'existence même de telles quantités d'armes légères y rend les conflits inévitables. L'Organisation des Nations Unies a commencé de suivre à la trace le transfert et le stockage des armes légères et de définir les diverses étapes du micro-désarmement.

Il est également urgent de décréter une interdiction internationale complète des mines terrestres. Des années encore après la fin d'un conflit, les mines terrestres continuent de poser un grave obstacle à l'agriculture, aux transports et à la mise en place de l'infrastructure. En Afrique, elles font partie de l'héritage destructeur des conflits, qui a entravé le développement. Et, cette situation, à son tour, ne fait qu'attiser de nouveaux conflits. L'Organisation des Nations Unies a ouvert la voie en sensibilisant la communauté internationale à la nécessité d'interdire la fabrication et le transfert de toutes les mines terrestres et de leurs composants. Cette campagne menée par l'Organisation mérite le plus large appui possible.

Troisièmement, nous pouvons également aider à prévenir — et régler — les conflits en Afrique en renforçant la coopération régionale. C'est ce qui a déjà été fait entre l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation de l'unité africaine. La situation actuelle au Burundi montre clairement à quel point les organisations régionales peuvent contribuer à la stabilité régionale et au règlement pacifique des conflits locaux. L'Organisation de l'unité africaine doit jouer un rôle encore plus actif dans le règlement des conflits africains. Consciente de la nécessité de montrer la voie dans ce domaine, elle a mis en place un mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits. Je remercie le Black Caucus de l'appui qu'il prête à l'OUA depuis de nombreuses années. Et je lui sais gré de s'être récemment prononcé en faveur d'une assistance américaine au renforcement des capacités de règlement des conflits de l'OUA.

En avril, j'ai salué la décision prise par les gouvernements des pays d'Afrique centrale d'affecter des unités armées aux missions de la paix que mèneraient éventuellement l'Organisation des Nations Unies ou l'Organisation de l'unité africaine. Cette mesure comporte des implications de grande portée en ce qui concerne les perspectives de gestion des conflits en Afrique centrale. Si elle avait été prise deux ans plus tôt, l'immense tragédie du Rwanda aurait pu être évitée.

J'ai participé activement aux travaux menés en collaboration par l'ONU et le Groupe de suivi de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest concernant le terrible conflit qui se déroule au Libéria. Comme vous le savez, j'ai pris l'initiative de recommander au Conseil de sécurité l'envoi de Casques bleus au Libéria afin de prêter un large appui à l'opération de la CEDEAO. Je sais que nous avons tous été déçus par le manque de volonté

- 5- SG/SM/6051 23 septembre 1996

politique dont ont fait preuve les chefs des groupes antagonistes pour parvenir à un accord pacifique. Toutefois, des motifs raisonnables d'optimisme se font désormais jour. Nous attendons que le Conseil d'Etat du Libéria se prononce sur le rôle que doit jouer l'ONU dans les élections qui sont prévues pour la fin de mai 1997. Nous croyons savoir qu'un consensus s'est dégagé pour en confier l'organisation à l'ONU. Pour ma part, je ne ménagerai aucun effort pour offrir au peuple libérien la possibilité de choisir ses propres dirigeants dans le cadre d'élections libres et régulières.

Le quatrième domaine d'action internationale est la consolidation de la paix, qui comprend de multiples volets. L'objectif est d'éliminer les causes des conflits et de consolider la paix. La démocratie et le respect du droit aident à protéger contre la division, les conflits et la guerre. En Afrique, la démocratie est une composante clef du processus de règlement des conflits. Elle facilite grandement la réconciliation nationale. Au Mozambique et en Angola par exemple, la démocratisation et une meilleure gestion des affaires publiques ont favorisé un attachement neuf à la paix et la fin des conflits.

En Sierra Leone, le processus électoral vient de prendre fin avec succès. Il n'a certes pas été facile de l'organiser. J'ai dû moi-même intervenir auprès de l'ancien Président Strasser, puis de son successeur le général Bio, afin de les convaincre de respecter leur engagement de convoquer des élections. Alors que cette affaire prenait un tour critique, je me suis rendu en personne à Freetown pour exposer les raisons qui commandaient d'organiser des élections libres et régulières.

Le développement joue un rôle essentiel. En son absence, les Africains, se disputant quelques maigres ressources, condamneront le continent à un conflit sans fin. Il faut épargner aux pays africains de ployer sous le fardeau insupportable de la dette. Il faut en outre augmenter l'aide au développement pour mettre les Africains en mesure de participer à l'économie nouvelle de dimension planétaire.

À l'initiative du Black Caucus et surtout du regretté Secrétaire au commerce Ron Brown, les Etats-Unis ont adopté une nouvelle politique commerciale et d'investissement en Afrique. Ron Brown a ouvert les yeux des milieux d'affaires américains sur les possibilités d'investissement fructueux en Afrique. Je salue la mémoire de Ron Brown, qui a perdu la vie alors qu'il effectuait une mission de consolidation de la paix. Il était un véritable artisan de la paix.

La nouvelle Initiative spéciale du système des Nations Unies pour l'Afrique, que j'ai lancée en avril 1996, offre une approche globale de la consolidation de la paix. Elle rapproche tous les éléments du système des Nations Unies, y compris les institutions de Bretton Woods, aux fins de mobiliser un appui en faveur des objectifs prioritaires de développement

- 6- SG/SM/6051 23 septembre 1996

de l'Afrique, cela de la manière la plus rentable et la plus efficace possible. Je vous demande d'aider les Américains à mieux connaître, et à appuyer, l'Initiative spéciale du système des Nations Unies pour l'Afrique.

Le Groupe d'éminentes personnalités sur le développement de l'Afrique, groupe d'experts internationalement reconnus qui traite du développement de l'Afrique, s'est réuni hier à New York pour me donner des conseils sur l'exécution de l'Initiative spéciale pour l'Afrique. Je suis heureux qu'Andrew Young soit membre de ce groupe.

C'est en offrant à l'Afrique tout l'appui qu'elle mérite que la communauté internationale pourra faire pencher la balance et assurer un avenir meilleur à l'ensemble de l'Afrique et au monde entier.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.