SG/SM/6052

L'INDEPENDANCE DU PERSONNEL DES NATIONS UNIES DOIT ETRE LE FONDEMENT DE NOTRE ACTION, SOULIGNE LE SECRETAIRE GENERAL

18 septembre 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6052


L'INDEPENDANCE DU PERSONNEL DES NATIONS UNIES DOIT ETRE LE FONDEMENT DE NOTRE ACTION, SOULIGNE LE SECRETAIRE GENERAL

19960918 Ci-après, le texte de la déclaration prononcée le 13 septembre dernier par le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, à l'intention du personnel de l'Organisation des Nations Unies à l'occasion de la Journée du personnel 1996 :

"Chers amis et collègues,

Voici une année que l'occasion s'offrait à moi de m'adresser aux membres du personnel de l'Organisation des Nations Unies, une année qui aura été pour l'Organisation d'une importance capitale.

En effet, c'est au cours de cette période que l'Organisation a célébré son cinquantième anniversaire. Au travers de leurs déclarations à l'Assemblée générale, c'est plus de 200 dirigeants des pays du monde entier qui ont réaffirmé leur soutien à l'Organisation. La Déclaration du cinquantième anniversaire a fait état de la contribution apportée par les membres du personnel et de leurs sacrifices en termes clairs :

"À l'occasion du cinquantième anniversaire de l'Organisation des Nations Unies, nous, États Membres et observateurs de l'Organisation, représentant les peuples du monde ... exprimons notre gratitude à tous les hommes et à toutes les femmes qui ont rendu possible l'Organisation des Nations Unies, accompli son oeuvre et servi ses idéaux, notamment à ceux qui ont fait don de leur vie à son service."

Dans les mois qui ont suivi, les États Membres ont prêté une attention renouvelée à des questions essentielles — telles que la crise financière et la réforme structurelle — par l'intermédiaire des groupes de travail de l'Assemblée générale. L'Organisation prend les mesures voulues pour tenir les engagements pris par les États Membres dans la Déclaration et faire en sorte que "l'Organisation des Nations Unies entre dans le XXIe siècle dotée de moyens, de ressources financières et de structures qui lui permettent de servir efficacement les peuples au nom desquels elle a été créée".

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Mais nous sommes toujours assaillis par de nombreux problèmes. Les difficultés financières de l'Organisation demeurent graves. À la fin du mois d'août 1996, le montant des contributions impayées s'élevait à 2,8 milliards de dollars des États-Unis, dont 700 millions au titre du budget ordinaire et 2,1 millions au titre du budget des opérations de maintien de la paix. Seuls 89 États Membres s'étaient intégralement acquittés de leurs obligations. La situation financière est en progrès par rapport à l'année dernière; elle n'en reste pas moins critique.

Si l'Organisation ne reçoit pas, d'ici peu, de nouvelles contributions, et des contributions importantes, ses finances tomberont une fois de plus à un niveau dangereusement bas avant la fin de l'année.

Certes, la crise financière de l'Organisation des Nations Unies est due pour une part à l'expansion sans précédent des activités de l'Organisation comme aux difficultés internes que connaissent certains États Membres. Mais elle est aussi le symptôme d'un problème plus profond. La communauté internationale n'a toujours pas établi clairement ce qu'elle attend de l'Organisation. Elle n'a toujours pas décidé de la mesure dans laquelle elle est disposée à inscrire, au travers de l'Organisation des Nations Unies, certaines questions critiques à l'ordre du jour international.

À la suite de la seconde guerre mondiale, il avait fallu de nombreuses années pour qu'un nouveau système international ne prenne pleinement forme. Aujourd'hui que la guerre froide a pris fin, nous nous trouvons une fois de plus dans une période de transition. Le rôle des institutions en place est mis en cause, alors même que les règles d'un nouveau système international n'ont pas encore été véritablement posées.

Cela étant, une chose est certaine. La solution des problèmes, et ils sont de plus en plus nombreux, auxquels le monde est confronté n'est pas à la portée d'un seul État, ou même d'un groupe d'États. Une Organisation des Nations Unies forte est indispensable au monde de demain. Et c'est cette Organisation des Nations Unies de demain que vous édifiez aujourd'hui par votre travail et votre sacrifice.

L'édification d'une Organisation des Nations Unies forte pour le monde de demain ne s'effectue pas du jour au lendemain. C'est un processus. Ce processus est bien engagé, mais il est loin d'être achevé. Son succès dépend avant tout de votre persévérance.

Il ne faut pas confondre patience et compréhension avec passivité. C'est à nous, le personnel de l'Organisation des Nations Unies, qu'il appartient de mettre tout en oeuvre pour convaincre les États Membres de la nature essentielle de leur organisation. Nous devons être prêts à nous battre pour que l'Organisation soit plus largement comprise. Nous devons être prêts à ouvrir la voie à une ère meilleure.

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En tant que Secrétaire général, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour bien faire comprendre aux États Membres que l'action de l'ONU s'inscrit dans le long terme. L'Organisation ne saurait se permettre de limiter son action aux seules urgences de l'heure.

L'expérience montre que chaque action d'urgence entreprise en vue de maintenir la paix doit déboucher sur un engagement à long terme par lequel ses acquis seront consolidés. Chaque action d'urgence doit elle-même s'insérer dans l'oeuvre à long terme de construction de la paix. Sinon, les peuples courent le risque de retomber dans la guerre et le sang, de couler à nouveau.

Au Conseil de sécurité comme à l'Assemblée générale, je défends avec opiniâtreté une vision à long terme — l'établissement de politiques qui encouragent un développement durable sur lequel se fonde une paix viable. Au travers des idées que j'ai présentées dans Action 21 et Agenda pour le développement, j'ai cherché avant tout à souligner la nécessité d'une perspective globale, à long terme. C'est une vision à long terme qui doit guider l'Organisation des Nations Unies de demain.

Au niveau de l'administration, je me suis efforcé, dans mes rapports annuels et dans de nombreuses déclarations, de clarifier les responsabilités respectives des États Membres et du Secrétaire général. Je poursuis un dialogue continu avec les États Membres sur le processus en cours de réforme organisationnelle et structurelle, comme sur la voie dans laquelle il doit s'engager.

À deux reprises, l'année dernière, j'ai abordé, devant la Cinquième Commission, la crise financière et les conditions d'emploi.

J'ai souligné l'importance vitale que revêtent ces deux questions pour la viabilité de l'Organisation dans le siècle à venir. Une organisation qui ne repose pas sur des bases financières saines ne sera pas à même de faire face aux questions à long terme. Elle ne sera en mesure ni de répondre aux orientations conjoncturelles, ni de relever les nouveaux défis. Une organisation qui n'offre que des conditions d'emploi médiocres ne sera pas en mesure d'attirer le personnel spécialisé, requis pour exécuter les tâches qui lui seront confiées. La mise en place de conditions d'emploi compétitives fait partie intégrante du processus de réforme et de renouveau d'ores et déjà engagé.

Au cours de l'année écoulée, nous avons déployé des efforts renouvelés pour répondre aux critiques mal fondées adressées à l'encontre de l'Organisation et mettre les choses au point. Ces efforts ont porté leurs fruits. Mais le moment est venu d'en finir une fois pour toutes avec l'image mythique d'une bureaucratie lourde et surpayée. Je sais combien vous vous donnez à votre travail. Et je sais jusqu'où va le pouvoir d'achat de vos salaires.

Il incombe à chacun d'entre vous, à tous les niveaux, d'aider votre entourage à voir clair.

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Nous, les membres du personnel de l'Organisation des Nations Unies, devons être fiers de la capacité dont nous avons fait preuve, d'aller toujours plus loin avec des ressources toujours plus réduites.

En tant que fonctionnaires internationaux, nous avons le droit d'être fiers de notre travail au service de la communauté mondiale. Que dis-je, fiers, nous le sommes!

Au cours de l'année écoulée, nous, au Secrétariat, avons fait preuve d'une remarquable capacité d'adaptation au changement, et avons réussi à transformer nos méthodes de travail en fonction des évolutions rapides de la situation. Ce faisant, nous sommes restés fidèles aux objectifs et aux principes sur lesquels l'Organisation des Nations Unies repose.

Cela n'a pas été sans mal. Depuis le mois de janvier, nous sommes parvenus à accomplir les mandats qui nous avaient été confiés, y compris les tâches nouvelles et plus difficiles qu'ils comportaient, tout en réduisant de près de 1 000 le nombre des postes figurant au budget ordinaire. Pour ce faire, nous avons laissé les emplois se résorber par élimination naturelle, et nous avons institué des ensembles de mesures en vue d'une cessation de service anticipée ainsi qu'un programme de redéploiement du personnel. Nous avons agi vite et efficacement, et avons pu ainsi atténuer les effets négatifs de la situation pour le personnel. À ce jour, nous avons réaffecté la grande majorité des fonctionnaires touchés. Nous continuons à rechercher des affectations pour le reste du personnel.

Malgré ce contexte difficile, le personnel et les gestionnaires n'ont jamais perdu de vue la nécessité de promouvoir l'égalité des sexes au Secrétariat. Tout a été mis en oeuvre pour que les coupures de personnel n'affectent pas les femmes de manière disproportionnée. Nous devons continuer à donner la priorité à cet objectif important.

Il est possible que la réorganisation se poursuive au moins pendant quelque temps. Toutefois, mon équipe de hauts fonctionnaires et moi-même demeurons résolus à atténuer, dans toute la mesure du possible, les difficultés que de subséquentes réductions de poste pourraient entraîner pour le personnel. J'ai par ailleurs donné des instructions pour que des mesures soient prises afin de rétablir le processus de promotion et d'affectation à l'intention du personnel méritant, lorsque les circonstances le permettent.

J'apprécie à sa juste valeur la coopération dont le personnel, à tous les niveaux, a fait preuve tout au long de la réorganisation. De fait, l'expérience et l'imagination du personnel — ce personnel qui exécute les tâches quotidiennes de l'Organisation — sont les seuls critères d'évaluation des gains de productivité réels et durables.

Dans la stratégie que j'applique en matière de gestion des ressources humaines, je souligne combien il est important de créer une culture de gestion nouvelle orientée vers les résultats, une culture qui encourage chaque personne à tirer le meilleur d'elle-même, qui améliore l'efficacité en matière d'organisation.

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Pour créer une telle culture, il convient de renforcer les capacités de direction et de gestion. C'est pourquoi j'ai introduit un programme obligatoire de formation à la gestion des ressources humaines. En une année, plus de 90 % du personnel de niveau D-1 et D-2 y ont participé, et ce, dans tous les lieux d'affectation. J'ai moi-même participé à un symposium spécial qui s'adressait aux chefs de département et de bureau au Siège. Le Symposium a permis de mieux faire comprendre à tous le rôle de la gestion au plus haut niveau, et ce que le personnel attend en matière de direction et de soutien. En renforçant la collaboration entre départements, le Symposium a déjà porté ses fruits.

Je suis convaincu que, pour mettre en place les capacités actuelles et futures de l'Organisation des Nations Unies et répondre aux aspirations des membres du personnel, il est essentiel de s'attacher davantage à la mise en valeur des ressources humaines et à la formation du personnel. Investir dans la formation c'est, avant tout, investir dans l'avenir.

Je rendrai compte à l'Assemblée générale, à sa cinquante et unième session, des mesures déjà prises et d'autres à venir en vue de renforcer notre gestion des ressources humaines. L'Organisation des Nations Unies se doit de donner l'exemple et d'assurer un environnement sûr et supportif, qui offre à tous les membres du personnel — hommes et femmes — des chances égales de participer aux travaux de l'Organisation, tout en réalisant leurs aspirations professionnelles.

Dans le cadre de cet effort, il vous sera demandé, dans les semaines à venir, de remplir un questionnaire d'ensemble sur le harcèlement sur les lieux de travail à l'ONU. Seule une évaluation honnête de votre part permettra de traiter véritablement cette préoccupation importante.

Il incombe à chacun d'entre nous d'aider à ce que le personnel international soit protégé et épaulé dans l'exécution de ses fonctions.

Dans ce sens, je suis également heureux de relever que, depuis quelques mois, les consultations personnel-administration, se déroulent dans un climat plus constructif. Les représentants de l'administration et ceux du personnel oeuvrent avec dévouement pour que ces consultations se poursuivent. Dans cet esprit, j'attends avec intérêt les recommandations et les conseils avisés qui émaneront de la vingtième session du Comité de coordination entre l'Administration et le personnel, qui doit se réunir ce mois-ci.

Au niveau interinstitutions, j'ai fait tout ce qui était possible, en ma qualité de Président du Comité administratif de coordination, pour assurer la sécurité du personnel et sauvegarder l'intégrité du système commun, en faisant en sorte que les conditions d'emploi soient compétitives.

Chers collègues, j'ai souvent eu l'occasion de souligner que les États Membres ont dans le Secrétariat une fonction publique internationale unique en son genre. Sa diversité géographique, ethnique, linguistique et culturelle, n'a pas d'équivalent dans le monde. L'immense majorité des fonctionnaires internationaux sont hautement qualifiés et apportent à l'Organisation une richesse d'expériences et de perspectives.

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Mais le plus grand facteur de notre contribution à la communauté internationale demeure avant tout notre indépendance en tant que fonctionnaires internationaux. L'indépendance de la fonction du Secrétaire général, et l'indépendance de la fonction publique internationale, ce sont là nos atouts les plus précieux.

Nous sommes responsables envers tous les Membres de l'Organisation des Nations Unies; nous nous devons d'être à leur service.

L'indépendance du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et celle de son personnel sont la garantie de notre prestation à la communauté mondiale. Elles sont le fondement même de notre action comme il se doit.

Je vous remercie."

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