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CS/728

LE CONSEIL DE SECURITE CONDAMNE LE RENVERSEMENT DU GOUVERNEMENT LEGITIME ET DE L'ORDRE CONSTITUTIONNEL AU BURUNDI ET EXPRIME SON APPUI AUX EFFORTS DES PAYS DE LA REGION

30 août 1996


Communiqué de Presse
CS/728


LE CONSEIL DE SECURITE CONDAMNE LE RENVERSEMENT DU GOUVERNEMENT LEGITIME ET DE L'ORDRE CONSTITUTIONNEL AU BURUNDI ET EXPRIME SON APPUI AUX EFFORTS DES PAYS DE LA REGION

19960830 APRES-MIDI CS/728 Il réexaminera la question le 31 octobre et faute de négociations entre les partis et factions, il pourrait prendre des mesures de sanction en vertu de la Charte

Le Conseil de sécurité a condamné à l'unanimité cet après-midi le renversement du Gouvernement légitime et de l'ordre constitutionnel au Burundi. En adoptant à cet effet la résolution 1072 (1996), le Conseil de sécurité condamne aussi toutes les parties et factions qui ont recours à la force et à la violence en vue d'atteindre leurs objectifs politiques. Il engage le régime à assurer le retour à l'ordre et à la légitimé constitutionnels, à rétablir l'Assemblée nationale et à lever l'interdiction frappant tous les partis politiques. Le Conseil exprime son appui résolu aux efforts déployés, notamment à leur réunion tenue à Arusha le 31 juillet 1996, l'Organisation de l'unité africaine et l'ancien Président Nyerere, en vue d'aider le Burundi à sortir pacifiquement de la crise grave qu'il traverse actuellement et les encourage à continuer de faciliter la recherche d'une solution pacifique.

Le Conseil de sécurité exige que tous les partis politiques et toutes les factions du Burundi, sans exception, qu'ils se trouvent à l'intérieur ou en dehors du pays, et y compris des représentants de la société civile, engagent immédiatement des négociations sans conditions préalables en vue de parvenir à un règlement politique global. Le Conseil se déclare prêt à aider le peuple du Burundi en lui assurant la coopération internationale nécessaire pour étayer le règlement politique global. Il prie à cet égard le Secrétaire général à commencer, lorsqu'il y a lieu, de préparer la convocation d'une conférence d'annonce de contributions visant à aider à la reconstruction et au développement du Burundi une fois intervenu un règlement politique global.

Le Conseil décide de réexaminer la question le 31 octobre 1996 et prie le Secrétaire général de lui rendre compte, d'ici à cette date, de l'évolution de la situation au Burundi, y compris l'état d'avancement des négociations ci- dessus mentionnées. Le Conseil de sécurité décide, au cas où le Secrétaire général l'informerait que lesdites négociations n'auraient pas débuté, d'envisager de prendre des mesures en vertu de la Charte des Nations Unies.

(à suivre - 1a)

- 1a - CS/728 30 août 1996

Celles-ci pourraient comprendre une interdiction de la vente et de la livraison d'armes et de matériels connexes de tous types au régime du Burundi, ainsi qu'à toutes les factions, qu'elles se trouvent à l'intérieur ou en dehors du pays. Ces mesures pourraient être prises à l'encontre des dirigeants du régime et de toutes les factions qui continuent d'encourager la violence et de faire obstacle à un règlement pacifique de la crise politique au Burundi.

Le Conseil de sécurité a entendu les déclarations du Chili, de la France et de l'Italie. Le Représentant permanent du Burundi est intervenu à l'issue du vote.

Le 28 août, le Conseil de sécurité avait débattu de la situation au Burundi, dans le contexte de la rupture de l'ordre constitutionnel survenue le 25 juillet 1996.

Texte de la résolution (S/1996/708)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant toutes ses résolutions précédentes et les déclarations antérieures de son Président sur la situation au Burundi,

Rappelant la déclaration de son Président en date du 24 juillet 1996 (S/PRST/1996/31), par laquelle a été vigoureusement condamnée toute tentative de renverser le Gouvernement légitime du Burundi par la force ou par un coup d'État, et rappelant également la déclaration de son Président en date du 29 juillet 1996 (S/PRST/1996/32) par laquelle ont été condamnées les actions qui avaient abouti au renversement de l'ordre constitutionnel au Burundi,

Profondément préoccupé par la détérioration persistante de la situation dans laquelle le Burundi se trouve sur le plan humanitaire et sur celui de la sécurité, qu'ont caractérisée ces dernières années assassinats, massacres, torture et détentions arbitraires, ainsi que par la menace que ceux-ci font peser sur la paix et la sécurité de la région des Grands Lacs dans son ensemble, Engageant à nouveau toutes les parties au Burundi à désamorcer la crise actuelle et à faire preuve de la cohésion, de l'unité et de la volonté politique nécessaires pour rétablir sans tarder l'ordre et les procédures constitutionnels,

Réaffirmant qu'il est urgent que toutes les parties concernées au Burundi s'engagent à nouer un dialogue en vue de trouver une solution politique globale et de créer des conditions propices à la réconciliation nationale,

Rappelant que toutes les personnes qui commettent ou autorisent des violations graves du droit international humanitaire en sont individuellement responsables et auront à en répondre, et réaffirmant la nécessité de mettre fin à l'impunité dont elles jouissent, ainsi qu'au climat qui rend possibles leurs agissements,

Condamnant résolument les responsables des attaques lancées contre le personnel des organismes internationaux à vocation humanitaire et soulignant que toutes les parties au Burundi sont responsables de la sécurité dudit personnel,

Soulignant qu'il est urgent d'établir des couloirs humanitaires afin d'assurer l'acheminement sans entrave des secours humanitaires destinés à tous au Burundi,

Prenant note de la lettre du Représentant permanent de la République- Unie de Tanzanie en date du 2 août 1996 (S/1996/620, annexe et appendice),

( suivre)

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Prenant note également de la note du Secrétaire général transmettant une lettre du Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en date du 5 août 1996 (S/1996/628, annexe),

Réaffirmant son appui à la reprise immédiate des négociations et du dialogue engagés dans le cadre du Processus de paix de Mwanza animé par l'ancien Président Nyerere et comme suite au Communiqué conjoint du deuxième Sommet régional d'Arusha sur le Burundi en date du 31 juillet 1996, qui vise à assurer démocratie et sécurité à tous au Burundi,

Résolu à appuyer les efforts et les initiatives des pays de la région, qu'appuie également l'Organe central du Mécanisme de l'Organisation de l'unité africaine pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, visant à remettre le Burundi sur la voie de la démocratie et à contribuer à la stabilité dans la région,

Soulignant l'importance qu'il attache à la poursuite des efforts de l'OUA et de sa Mission d'observation (MIOB),

Saluant l'action menée par les États Membres intéressés et par l'Union européenne en vue de contribuer à un règlement pacifique de la crise politique au Burundi,

Soulignant que seul un règlement politique global peut ouvrir la voie à la coopération internationale pour la reconstruction, le développement et la stabilité du Burundi, et se déclarant prêt à appuyer la convocation, le moment venu, d'une conférence internationale à laquelle seraient conviés les organismes des Nations Unies, les organisations régionales, les institutions financières internationales, les pays donateurs et les organisations non gouvernementales, visant à mobiliser l'appui de la communauté internationale à la mise en oeuvre d'un règlement politique global,

Rappelant sa résolution 1040 (1996) du 29 janvier 1996, en particulier le paragraphe 8, par lequel il s'est déclaré prêt à envisager de décréter des mesures en vertu de la Charte des Nations Unies,

Prenant note du rapport du Secrétaire général en date du 15 août 1996 (S/1996/660),

A

1. Condamne le renversement du Gouvernement légitime et de l'ordre constitutionnel au Burundi; condamne aussi toutes les parties et factions qui ont recours à la force et à la violence en vue d'atteindre leurs objectifs politiques;

2. Exprime son appui résolu aux efforts déployés par les dirigeants de la région, notamment à leur réunion tenue à Arusha le 31 juillet 1996,

( suivre)

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l'Organisation de l'unité africaine et l'ancien Président Nyerere en vue d'aider le Burundi à sortir pacifiquement de la crise grave qu'il traverse actuellement, et les encourage à continuer de faciliter la recherche d'une solution politique;

3. Engage le régime à assurer le retour à l'ordre et à la légitimité constitutionnels, à rétablir l'Assemblée nationale et à lever l'interdiction frappant tous les partis politiques;

4. Exige que toutes les parties au Burundi déclarent unilatéralement la cessation des hostilités, lancent un appel pour qu'il soit mis fin immédiatement à la violence et assument leur responsabilité individuelle et collective de rendre la paix, la sécurité et la tranquillité au peuple du Burundi;

5. Exige également que les dirigeants de toutes les parties au Burundi créent les conditions indispensables pour assurer la sécurité de tous au Burundi en s'engageant à s'abstenir d'attaquer les civils, à assurer la sécurité du personnel des organismes humanitaires opérant dans le périmètre qu'ils contrôlent et à assurer la protection des membres du Gouvernement du Président Ntibantunganya et des membres du Parlement au Burundi ainsi que leur sécurité au sortir du pays;

6. Exige en outre que tous les partis politiques et toutes les factions du Burundi, sans exception, qu'ils se trouvent à l'intérieur ou en dehors du pays, et y compris des représentants de la société civile, engagent immédiatement des négociations sans conditions préalables en vue de parvenir à un règlement politique global;

7. Se déclare prêt à aider le peuple du Burundi en lui assurant la coopération internationale nécessaire pour étayer le règlement politique global devant résulter des négociations susmentionnées, et prie à cet égard le Secrétaire général, agissant en consultation avec la communauté internationale, à commencer, lorsqu'il y aura lieu, de préparer la convocation d'une conférence d'annonce de contributions visant à aider à la reconstruction et au développement du Burundi une fois intervenu un règlement politique global;

8. Encourage le Secrétaire général, agissant en consultation avec toutes les parties intéressées, y compris les pays voisins, les autres États Membres, l'Organisation de l'unité africaine et les organismes internationaux à vocation humanitaire à prendre les dispositions voulues pour assurer l'acheminement rapide, en toute sécurité, des secours humanitaires dans tout le Burundi;

9. Conscient des conséquences qu'a pour la région la situation régnant au Burundi, souligne l'importance que revêtira le moment venu la convocation, sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies et de

( suivre)

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l'Organisation de l'unité africaine, d'une conférence des pays de la région des Grands Lacs;

B

10. Décide de réexaminer la question le 31 octobre 1996 et prie le Secrétaire général de lui rendre compte, d'ici à cette date, de l'évolution de la situation au Burundi, y compris l'état d'avancement des négociations mentionnées au paragraphe 6 ci-dessus;

11. Décide, au cas où le Secrétaire général l'informerait que les négociations mentionnées au paragraphe 6 ci-dessus n'ont pas débuté, d'envisager de prendre des mesures en vertu de la Charte des Nations Unies afin de faire donner suite aux dispositions dudit paragraphe. Celles-ci pourraient comprendre une interdiction de la vente et de la livraison d'armes et de matériels connexes de tous types au régime du Burundi, ainsi qu'à toutes les factions, qu'elles se trouvent à l'intérieur ou en dehors du pays, de même que des mesures à l'encontre des dirigeants du régime et de toutes les factions qui continuent d'encourager la violence et de faire obstacle à un règlement pacifique de la crise politique au Burundi;

12. Réaffirme l'importance qu'il attache aux plans de circonstance demandés au paragraphe 13 de la résolution 1049 (1996) du 5 mars 1996 et encourage le Secrétaire général et les États Membres à continuer de faciliter l'élaboration de plans de circonstance en prévision de l'éventualité où une présence internationale serait à assurer et des autres initiatives qu'il pourrait y avoir à prendre pour étayer et aider à faire tenir la cessation des hostilités, ainsi qu'à veiller à une intervention humanitaire rapide en cas d'explosion de violence ou de détérioration grave de la situation humanitaire au Burundi;

13. Décide de demeurer activement saisi de la question.

Explications de vote

M. JUAN LARRAIN (Chili), prenant la parole au nom des pays co-auteurs du projet de résolution (Allemagne, Botswana, Chili, Egypte, Etats-Unis, Fédération de Russie, Guinée-Bissau, Honduras, Indonésie, Royaume-Uni et République de Corée) a fait remarquer que le projet de résolution qui va être adopté reflète la position sans équivoque du Conseil de sécurité et apporte un franc soutien aux dirigeants régionaux, aux accords d'Arusha et à l'OUA, notamment aux efforts de l'ancien Président Julius Nyerere. Le Chili rappelle que le Conseil se réunira de nouveau le 31 octobre prochain afin d'examiner la situation. C'est le souhait des coauteurs ainsi que de la communauté internationale, de voir cette réunion se muer en soutien aux négociations déjà inaugurées au Burundi. En l'absence de progrès, il n'y aura aucun doute que le Conseil examinera toutes les mesures qu'il jugera adéquates pour voir le début réel de ces négociations.

( suivre)

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M. HERVE LADSOUS (France) a indiqué que sa délégation a voté en faveur de la résolution que le Conseil de sécurité vient d'adopter. Elle avait accueilli favorablement la démarche des auteurs du projet dès sa première présentation au Conseil. Ce projet reprenait en effet l'expression de préoccupations formulées précédemment, en particulier par l'Union européenne dans sa déclaration du 19 août dernier. Ces préoccupations, la France les a exprimées directement au major Buyoya depuis le 25 juillet en insistant sur les points suivants: un dialogue doit être très rapidement organisé rassemblant toutes les forces politiques, sans exclusive, pour négocier un consensus institutionnel et démocratique; des gages politiques de confiance doivent être très vite donnés à toutes les composantes politiques du pays, des engagements en matière de respect des droits de l'homme doivent être pris et les principaux corps et institutions de l'Etat doivent être progressivement mais très concrètement ouverts au multiethnisme. Seule une solution politique peut résoudre la crise burundaise, une éventuelle explosion de violence rendant pratiquement inévitable une intervention extérieure. Dans l'immédiat, l'armée doit avoir un comportement irréprochable et des garanties de sécurité doivent être données aux anciens dirigeants, députés et cadres du FRODEBU. Il est important et urgent que se tienne une conférence sous l'égide des Nations Unies et en liaison avec l'OUA pour traiter de façon durable des crises de la région des Grands Lacs.

La reprise récente du dialogue entre le commandant Buyoya et l'ancien président Nyerere constitue une première réponse encourageante aux demandes formulées par la communauté internationale. Ce premier pas doit être suivi par d'autres mesures concrètes, en particulier l'ouverture rapide de négociations entre toutes les parties sans exclusive. C'est pourquoi, la délégation française a approuvé l'idée que le Conseil reprenne l'examen de cette question dans un délai de 60 jours et, au cas où cette dernière demande ne serait pas satisfaite, qu'il puisse envisager l'application de mesures contraignantes. Il nous parait important que les mesures évoquées par la résolution soient définies de telle manière qu'elles n'accroissent pas les souffrances de la population mais contribuent en revanche à limiter la violence et à sanctionner ceux qui l'entretiennent. En ce qui concerne les mesures prises par les pays de la région lors de la réunion d'Arusha du 31 juillet dernier, la France a déjà exprimé et réitère ses graves préoccupations, partagées par ses partenaires de l'Union européenne et par de nombreuses organisations humanitaires internationales, à propos de leur impact humanitaire, tout particulièrement sur les groupes les plus défavorisés. Cette question doit être examinée d'urgence et très attentivement. Il est en particulier essentiel de permettre aux organisations internationales et non gouvernementales de continuer leur travail en direction de ces groupes.

M. FRANCESCO PAOLO FULCI (Italie) a indiqué que son pays a voté en faveur du projet de résolution car elle est convaincue que face à cette crise, le Conseil doit faire montre de son unanimité. L'Italie estime qu'il est désormais temps de remplacer la confrontation par l'apaisement. Elle lance un

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appel à toutes les parties pour qu'elles oeuvrent en vue de remettre le pays sur la voie de la réconciliation nationale et du développement.

Déclaration

M. TERENCE NZANSE (Burundi) a estimé que l'enjeu pour son pays est sans égal et astronomique. Il importe par conséquent à la délégation du Burundi de participer activement aux consultations du Conseil. Le Burundi remercie les membres du Conseil de sécurité pour les efforts qu'il déploie depuis deux ans en faveur du Burundi. Une palme spéciale revient à l'Ambassadeur Somavía du Chili, qui a pris l'initiative de cette résolution. Le Burundi se félicite du compromis qui a prévalu. Les préoccupations légitimes de l'Union européenne ont apporté une contribution essentielle. Le Burundi entend répondre aux requêtes formulées dans la résolution. Mieux, le Burundi entend prendre une série de mesures, compatibles avec la Charte de l'ONU. Le nouveau régime se mobilisera en outre en faveur du retour à une vie normale. Le nouveau régime s'engage à lutter contre les bandes armées et les milices.

Malheureusement, certaines dispositions de ce texte dressent un grave écueil sur la voie de la normalisation. Ainsi, il est regrettable que le Conseil de sécurité ait manqué de condamner le blocus injuste dont le Burundi est frappé. Aucune mention n'est faite quant à l'envoi d'une commission ad hoc, qui aurait été chargée d'évaluer la situation sur le terrain. Etranglé économiquement, isolé diplomatiquement, le nouveau régime aura du mal à se conformer aux demandes du Conseil. La menace d'un embargo éventuel est en outre une mesure injuste, qui épargne les anciens dirigeants irresponsables et frappe un nouveau régime sincère.

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