CS/725

LE CONSEIL DE SECURITE EXAMINE LA SITUATION AU BURUNDI A LA LUMIERE DE LA RUPTURE DE L'ORDRE CONSTITUTIONNEL DU 25 JUILLET DERNIER

28 août 1996


Communiqué de Presse
CS/725


LE CONSEIL DE SECURITE EXAMINE LA SITUATION AU BURUNDI A LA LUMIERE DE LA RUPTURE DE L'ORDRE CONSTITUTIONNEL DU 25 JUILLET DERNIER

19960828 MATIN CS/725 Réuni sous la présidence de M. Tono Eitel (Allemagne), le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, la situation au Burundi, à la lumière de la récente rupture de l'ordre constitutionnel, survenue le 25 juillet dernier.

Les Etats Membres du Conseil suivants ont fait une déclaration : Botswana, Chili, France, Indonésie, Italie, République de Corée, Pologne, Etats-Unis, Guinée-Bissau, Honduras, Egypte, Royaume-Uni, Chine, Fédération de Russie et Allemagne.

Le représentant du Burundi s'est exprimé devant le Conseil de sécurité. Les pays suivants, non membres du Conseil, ont aussi participé au débat : Irlande (au nom de l'Union européenne), Belgique, République-Unie de Tanzanie, Canada, Australie, Afrique du Sud, Ouganda, Japon et Ethiopie.

Au titre de l'examen de la question, le Conseil était notamment saisi du rapport de la Commission internationale d'enquête, et des conclusions que son Président, M. Edilbert Razafindralambo (Madagascar), a remis au Secrétaire général le 23 juillet 1996. Le Conseil était également saisi du dernier rapport du Secrétaire général, qui n'exclut pas que le pire se produise et que le Burundi soit le théâtre d'un génocide.

Le Conseil de sécurité était également saisi d'une série de lettres concernant la situation dans le pays et en particulier d'une lettre datée du 2 août par laquelle le Représentant permanent de la Tanzanie transmet au Secrétaire général le texte du Communiqué conjoint du IIème Sommet régional sur le Burundi, qui s'est tenu le 31 juillet 1996 à Arusha. Convoqués par le Président de la Tanzanie, les Président du Kenya, de l'Ouganda, du Rwanda, les Premiers Ministres de l'Ethiopie et du Zaïre, se sont réunis à Arusha, aux côtés du représentant du Président en exercice de l'OUA et du Secrétaire général de l'OUA. Le Sommet régional demandait au régime d'entreprendre immédiatement et inconditionnellement des négociations avec toutes les parties au conflit. Le Sommet régional décidait d'exercer le maximum de pression sur le régime de Bujumbura, y compris l'imposition de sanctions économiques afin de créer des conditions propices à la normalisation au Burundi. Le Sommet lançait vivement un appel à la communauté internationale pour qu'elle appuie les efforts déployés et les mesures prises par les pays de la région.

(à suivre - 1a)

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Dans une lettre datée du 19 août 1996 adressée au Secrétaire général, le Chargé d'affaires par intérim de la Mission permanente de l'Irlande, M. Conor Murphy, transmet une Déclaration faite le même jour par la Présidence au nom de l'Union européenne. L'Union y appelle toutes les parties burundaises à cesser immédiatement les violences et à respecter la sécurité de tous les Burundais. Elle réaffirme qu'elle est disposée à soutenir les efforts de redressement du Burundi, dès lors que l'oeuvre de réconciliation nationale attendue est engagée avec toute la détermination nécessaire.

Dans une lettre adressée le 7 août au Secrétaire général, le Kenya transmet la Déclaration de son gouvernement sur l'imposition de sanctions économiques contre le Burundi. Le Kenya se joint aux autres pays de la région et à la communauté internationale pour condamner le coup d'Etat au Burundi et exhorte toutes les parties, en particulier les factions armées à l'intérieur comme à l'extérieur du Burundi qui prennent part au conflit, à engager immédiatement et sans conditions des négociations. Dans le cadre de l'initiative régionale visant à normaliser la situation au Burundi, le Gouvernement kenyan a donné des instructions à tous les organismes compétents à l'intérieur de nos frontières pour qu'ils veillent à ce que toutes les formes de communication entre le Kenya et le Burundi soient suspendues, y compris la circulation des personnes, des biens et des services par voies aérienne, routière et ferroviaire.

Dans une lettre au Secrétaire général, en date du 5 août, le Secrétaire général de l'OUA fait part du communiqué publié le même jour par l'Organe central du Mécanisme de l'OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits concernant la situation au Burundi. L'Organe central y exhortait tout le peuple du Burundi à rester calme et à éviter toute action susceptible de compromettre le processus de paix. L'Organe central y priait le régime en place au Bujumbura de prendre des mesures immédiates pour mettre un terme à l'illégalité et rétablir l'ordre constitutionnel au Burundi.

Rapport final de la Commission d'enquête internationale au Burundi (S/1996/682)

Dans une lettre en date du 25 juillet 1996 qu'il adresse au Président du Conseil de Sécurité, le Secrétaire général soumet au Conseil de sécurité le rapport final de la Commission d'enquête internationale au Burundi (S/1996/682).

Le Secrétaire général rappelle que suite à sa résolution 1012 (1995), du 28 août 1995, le Conseil de sécurité l'avait prié d'établir une commission d'enquête internationale chargée d'établir les faits concernant l'assassinat du Président du Burundi, le 21 octobre 1993, ainsi que les massacres qui ont suivi.

Le Secrétaire général rappelle qu'à la suite de la résolution 1012 du Conseil, il a nommé, le 20 septembre 1993, une Commission d'enquête internationale au Burundi composée de quatre juristes, M. Edilbert Razafindralambo (Madagascar), Président de la Commission et MM. Abdelali El Moumni (Maroc), Mehmet Güney (Turquie), Luis Herrera Marcano (Venezuela) et Michel Maurice (Canada).

Auparavant, indique le Secrétaire général, deux missions des Nations Unies ont précédé la Commission au Burundi. En mars 1994, à la suite de la tentative de coup d'Etat au Burundi qui a conduit à l'assassinat du Président Melchior Ndadaye et à une vague de massacres et actes de violence dans tout le pays, le Secrétaire général, pour donner suite à une demande du Gouvernement burundais et conformément à une note du Président du Conseil de sécurité, avait dépêché une mission préparatoire chargée d'établir les faits à laquelle il a nommé les Ambassadeurs Martin Huslid et Siméon Aké. Le rapport de cette mission a été rendu public le 24 février 1995. Le 26 juin 1995, le Gouvernement burundais ayant officiellement demandé à l'ONU de créer une commission d'enquête judiciaire, le Secrétaire général avait envoyé M. Pedro Nikken au Burundi pour étudier les modalités selon lesquelles une telle commission pourrait être mise en place. Le rapport de M. Nikken contenait des recommandations relatives à la création de la Commission et à son mandat.

Le 5 janvier 1996, rappelle le Secrétaire général, il a présenté un rapport intérimaire sur les travaux de la Commission (S/1996/8). Le présent rapport lui a été remis le 23 juillet 1996, par le Président de la Commission. Le mandat de la Commission, tel que défini dans la résolution 1012 du Conseil de sécurité, comportait les éléments distincts ci-après :

-- "établir les faits concernant l'assassinat du Président du Burundi le 21 octobre 1993"; -- "établir les faits concernant ... les massacres et les autres actes de violence graves qui ont suivi (l'assassinat du Président du Burundi le 21 octobre 1993)"; -- "recommander ... des mesures visant à traduire en justice les responsables de ces actes ..."; -- "recommander des mesures de caractère juridique, politique ou administratif, selon qu'il conviendrait, après consultation avec le

( suivre)

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Gouvernement burundais, ... pour empêcher que ne se reproduisent des actes analogues à ceux sur lesquels elle aurait enquêté et, d'une manière générale, pour éliminer l'impunité et promouvoir la réconciliation nationale au Burundi".

S'agissant des principes, le Secrétaire général souligne que bien que le Gouvernement burundais ait demandé qu'il s'agisse d'une commission d'enquête judiciaire, la Commission n'a été dotée d'aucun pouvoir judiciaire. Elle était chargée d'effectuer une mission d'établissement des faits concernant les crimes indiqués plus haut et était très libre dans la formulation de ses recommandations. Cela étant, la mission a décidé d'appliquer à ses activités d'établissement des faits, dans la mesure du possible, les normes qui régissent les activités judiciaires — non seulement pour asseoir sur une base solide les conclusions auxquelles elle aboutirait, mais aussi afin de réunir des éléments de preuve qui puissent servir ultérieurement dans des poursuites judiciaires. (Les règles de procédure régissant à la fois son propre fonctionnement et l'audition des témoins figurent à l'annexe I du rapport.)

Les travaux de la Commission se sont divisés en deux périodes : la première, du 25 octobre au 20 décembre 1995, a abouti à la présentation d'un rapport préliminaire selon les dispositions de la résolution 1012, et la seconde, du 7 janvier au 22 juillet 1996, qui se termine par la remise du présent rapport.

Conclusions

La Commission estime que les éléments de preuve dont elle dispose suffisent à établir que des actes de génocide ont été perpétrés au Burundi contre la minorité tutsie le 21 octobre 1993 et les jours suivants à l'instigation et avec la participation de certains militants et responsables hutus du FRODEBU, y compris au niveau des communes.

[Aux termes de l'article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le génocide s'entend du meurtre de membres d'un groupe ethnique commis dans l'intention de détruire ce groupe en tout ou en partie. Le fait que le Burundi n'ait pas ratifié cette convention est sans pertinence puisque ses dispositions font maintenant partie du droit international coutumier et ont valeur de jus cogens.]

La Commission estime que les éléments de preuve ne lui permettent pas de déterminer si ces actes avaient été planifiés ou ordonnés ou non par des dirigeants au niveau supérieur.

La Commission considère que, même si elle n'a pas recueilli de preuves — et on ne pouvait pas non plus attendre d'elle qu'elle en recueille vu les circonstances — de témoignages directs ni de preuves matérielles à l'appui, les éléments de preuve indirecte dont elle dispose l'autorise à conclure que certains membres haut placés du FRODEBU avaient planifié à l'avance une riposte face à l'éventualité bien réelle d'un coup d'Etat de l'armée, que cette riposte consistait notamment à barrer les routes et à armer les Hutus, à prendre en otages des hommes et des jeunes hommes tutsis et que ce plan avait

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été connu d'avance de certains membres locaux du FRODEBU occupant des postes de responsabilité, y compris au niveau des communes.

La Commission estime qu'il est établi que des éléments de l'armée et de la gendarmerie burundaises et des civils tutsis ont perpétré un massacre aveugle d'hommes, de femmes et d'enfants hutus. Si l'on n'a pas rapporté la preuve que la répression avait été planifiée ou ordonnée par les autorités centrales, il est constant que les autorités militaires à tous les échelons de la hiérarchie n'ont fait aucun effort pour prévenir, arrêter, réprimer de tels actes ou ouvrir une enquête sur ce sujet. La Commission considère que pour n'avoir pas agi, les autorités militaires en question voient leur responsabilité engagée vis-à-vis de ces actes.

La Commission estime que les éléments de preuve dont elle dispose ne lui permettent pas d'identifier nommément les individus qui doivent répondre des actes visés dans les présentes conclusions devant la justice.

Recommandations

Formuler des recommandations quant à la manière de réaliser la réconciliation nationale au Burundi et de rétablir la paix et la sécurité dans le pays dépasse sinon le mandat de la Commission, certainement les moyens dont elle dispose. On aurait tort d'attendre de la Commission qu'elle opère des miracles là où, en dépit des efforts intenses qu'ils ne cessent de déployer, l'Organisation des Nations Unies et les autres membres de la communauté internationale ne sont toujours pas parvenus — il s'en faut de beaucoup — à prévenir, encore moins à inverser la détérioration constante de la situation.

Pour s'être imprégnée des réalités de l'intérieur du pays dans une certaine mesure, la Commission croit devoir souligner cependant qu'il semblerait que les efforts notoires de la communauté internationale soient axés sur la redistribution des pouvoirs au sein de l'élite politique et militaire de Bujumbura et que le problème fondamental de la réinstallation de dizaines de milliers de Tutsis déplacés à l'intérieur du pays et de Hutus en exil, du freinage de la croissance démographique, de la création de possibilités d'emploi ailleurs que dans l'agriculture et de l'amélioration des rendements agricoles, toutes choses qui requerraient une assistance extérieure considérable, ne soit guère évoqué.

L'impunité a été sans aucun doute une cause non négligeable du pourrissement de la crise actuelle. Toutefois, si à l'origine elle était l'une des causes de la situation actuelle, elle en est maintenant devenue un effet. Faire de l'élimination de l'impunité une condition préalable à la solution de la crise, ce serait faire totalement preuve d'irréalisme et ne servirait qu'à fournir les prétextes à ceux qui sont peu disposés à prendre les mesures qui s'imposent.

Seule une bonne administration de la justice en toute équité permettrait d'éliminer l'impunité. La Commission ne voit pas comment une telle administration de la justice pourrait être mise en route tant qu'un semblant de vie normale n'aura pas été rétabli dans le pays.

( suivre)

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La Commission estime que, dès que la situation dans le pays permettrait d'opérer des réformes efficaces, la plus importante de celles-ci serait d'établir un équilibre ethnique raisonnable à tous les niveaux dans les corps des juges, des procureurs et de la police judiciaire. Il faudrait pour cela confier à un organe apolitique impartial, indépendant, à composition ethnique équilibrée, doté des pouvoirs nécessaires et bénéficiant de la confiance de la population, le soin de nommer ces fonctionnaires et de les relever de leurs fonctions. La police judiciaire, corps pratiquement inexistant à l'heure actuelle, devrait être dotée des effectifs et des moyens nécessaires et être affranchie de tout contrôle ethnique ou politique. Elle devrait avoir un statut purement civil et n'entretenir aucun lien avec l'armée ou la gendarmerie. Il faudrait mettre un terme à la pratique actuelle de la détention pour une durée indéterminée en l'absence de toute accusation formelle ou de poursuites.

À l'évidence, aucun système de justice n'a les moyens de poursuivre tous les dizaines, les centaines de milliers d'individus appartenant aux deux groupes ethniques qui se sont rendus coupables d'homicide à une époque ou une autre. tant qu'ils sont. Pour que les principaux responsables de ces crimes puissent un jour être traduits en justice, les juges ou les procureurs doivent être habilités à offrir l'immunité ou des remises de peine aux simples exécutants ou participants en échange de leur coopération.

La mise en place d'un système de justice impartial et efficace nécessiterait une assistance internationale considérable sous la forme d'activités de formation et d'un concours financier. On pourrait ménager une période de transition pendant laquelle, pour gagner la confiance des justiciables, on inviterait des magistrats d'autres Etats francophones d'Afrique à siéger en qualité d'observateur auprès des tribunaux à composition ethnique mixte et à faire office de médiateurs entre les juges, le cas échéant.

Ayant conclu que des actes de génocide ont été perpétrés contre la minorité tutsie au Burundi en octobre 1993, la Commission est d'avis qu'une compétence internationale doit s'exercer à l'égard de ces actes.

La Commission estime toutefois qu'il ne sera pas possible de mener une enquête internationale convenable sur ces faits tant que la situation actuelle persistera au Burundi. Si l'on décidait d'exercer une compétence internationale à raison des actes de génocide perpétrés au Burundi une fois l'ordre et la sécurité et l'harmonie entre les ethnies rétablis dans une mesure raisonnable, l'enquête, loin d'être circonscrite aux actes commis en octobre 1993 devrait s'étendre à ceux perpétrés dans le passé afin de déterminer si ces derniers constituaient également des actes de génocide et, dans l'affirmative, d'en identifier les auteurs et de les traduire en justice. Il faudrait en particulier s'intéresser aux événements qui ont eu lieu en 1972, lorsque, de l'avis général, on avait entrepris systématiquement d'exterminer tous les Hutus instruits. Nul n'a jamais été poursuivi pour ces actes.

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Tout organe international chargé d'enquêter sur le génocide au Burundi doit être doté de moyens et de pouvoirs qui lui permettent d'inspecter tous fichiers et dossiers, d'ordonner la divulgation de toutes pièces, d'appeler des témoins, de faire réprimer le faux témoignage, de garantir la sécurité des témoins et l'immunité ou des remises de peine en faveur de toute personne disposée à lui prêter sa coopération.

En ce qui concerne l'assassinat du Président Ndadaye, la prise d'otages et la répression aveugle sur la personne de civils, tous faits qui relèvent de la compétence interne du Burundi, la Commission estime qu'il est patent qu'il n'y a aucun espoir de voir la justice burundaise actuelle engager en toute justice une enquête ou des poursuites efficaces en l'espèce tant que ceux-là même dont la conduite doit faire l'objet d'une enquête continuent du haut de leurs postes de responsabilité au sein du Gouvernement, de l'armée et de la rébellion armée, d'exercer sans partage un pouvoir de vie et de mort sur les citoyens dans l'ensemble du pays. Une telle enquête devrait être confiée à un organe judiciaire indépendant, crédible, doté de tous les pouvoirs nécessaires et agissant dans des conditions d'ordre public et de sécurité raisonnables.

Aperçu des autres conclusions de la Commission

La Commission internationale indique qu'elle s'est heurtée à des difficultés considérables dans l'accomplissement de son mandat. Parmi celles- ci, le temps écoulé depuis les événements visés par l'enquête; la polarisation ethnique du pays; la situation au Burundi sur le plan de la sécurité; l'insuffisance des moyens.

Bien que la Commission n'ait pas obtenu — et ce n'est guère étonnant vu les circonstances — de preuves directes sous forme de témoignages oraux ou écrits, elle considère que les preuves indirectes sont suffisantes pour lui permettre de conclure que l'assassinat du Président Ndadaye et de son successeur désigné par la Constitution a été prémédité dans le cadre du coup d'Etat qui a renversé le Président, et que le coup d'Etat a été préparé et exécuté par des officiers occupant des postes élevés dans la hiérarchie de l'armée burundaise. La Commission estime toutefois qu'étant donné les éléments de preuve dont elle dispose, elle n'est pas en mesure d'identifier les personnes qui devraient être traduites en justice pour ce crime.

Au sujet de l'enquête sur les massacres et autres actes de violence graves qui ont suivi l'assassinat du Président Ndadaye, la Commission a dû resteindre le cadre temporel de l'enquête; étant donné que la violence au Burundi n'a jamais cessé depuis l'assassinat et en est la conséquence.

Une montagne de dépositions et autres éléments de preuve tendent à désigner certains militants et dirigeants hutus du FRODEBU, y compris au niveau des communes comme les instigateurs des massacres de Tutsis partout où la Commission a été conduite par son enquête. Quant à savoir si ceux-ci avait agi de leur propre chef ou s'ils obéissaient à des ordres ou à un plan préétabli, les éléments de preuve disponibles n'autorisent nullement à se prononcer. Aucune preuve directe ne permet de conclure dans un sens ou dans l'autre et les éléments de preuve indirecte peuvent être interprétés dans un

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sens comme dans l'autre. En effet, si d'une part, on peut en conclure que les responsables locaux avaient agi sur des ordres précédemment émis par leurs supérieurs, il n'est pas inconcevable d'autre part que les responsables en cause, ayant appris au terme d'une journée de tension indescriptible que le Président Ndadaye avait été tué et croyant leur gouvernement irrémédiablement condamné, aient entrepris de leur propre chef de massacrer les otages tutsis en différentes parties du pays. Entre l'exécution des otages et le massacre systématique des femmes et des enfants, il n'y avait qu'un petit pas à franchir. Autant que la Commission ait pu en juger, les actes de prise d'otage constituent un phénomène sans précédent au Burundi, voire au Rwanda.

Les massacres de Tutsis, loin de constituer uniquement une manifestation d'hostilité de la part d'un groupe politique ou ethnique contre un autre groupe étaient une tentative d'extermination totale de l'ethnie tutsie. Les Tutsis n'ont pas été massacrés dans un accès de violence, mais systématiquement traqués. Que l'on ait dans certains cas laissé la vie sauve à des femmes tutsies peut s'expliquer par le fait qu'au Burundi la femme ne perpétue pas l'ethnie car l'enfant appartient à l'ethnie de son père. Parfois, des Hutus ont été pris en otages en même temps que les Tutsis, mais il s'agissait uniquement de Hutus dont l'affiliation à l'UPRONA était notoire, alors que dans le cas des Tutsis l'affiliation politique était indifférente. La plupart des Hutus de l'UPRONA ont certes subi de graves sévices, mais ils n'ont pas été tués. Les dirigeants qui avaient donné le coup d'envoi des massacres ici ou là n'ont cessé, dans leur fuite, de les susciter dans les endroits qui en étaient encore épargnés.

Rapport du Secrétaire général sur la situation au Burundi (S/1996/660)

Dans son rapport présenté sur la situation au Burundi en application de la résolution 1949 (1996) du 5 mars dernier, le Secrétaire général a rappelé que le Conseil lui a demandé, ainsi qu'aux Etats Membres concernés continuer à faciliter activement l'établissement des plans d'urgence qui permettraient une réponse humanitaire rapide en cas d'explosion de violence ou de détérioration grave de la situation humanitaire au Burundi. Le Secrétaire général indique que depuis lors, son représentant permanent a régulièrement fait rapport au Conseil de sécurité oralement. Le 22 juillet 1996, il a lui-même adressé une lettre au Président du Conseil, conformément au paragraphe 15 de la résolution 1049 (1996), l'informant que la situation s'était à nouveau dégradée dans ce pays. Le lendemain, la Commission d'enquête internationale au Burundi, créée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1012 (1995) du 28 août 1995, lui a présenté son rapport final qu'il a transmis au Président du Conseil le 25 juillet 1996.

Précisant que son rapport a été établi sur la base des informations dont le Secrétariat disposait au 8 août 1996, le Secrétaire général a fait observer que le conflit au Burundi est exacerbé par la notion, profondément ancrée dans l'une et l'autre communauté, que sa survie est compromise si elle n'a pas les rênes du pouvoir. En conséquence, la minorité tutsie historiquement dominante refuse de renoncer à une domination effective alors que la majorité hutue est résolue à reprendre le pouvoir qu'elle avait conquis à la faveur d'une élection démocratique en 1993. A l'évidence, ce conflit ne se prête pas à une

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solution militaire. Il faut trouver des mécanismes politiques menant à un partage du pouvoir entre la majorité et la minorité qui apaiserait les craintes des deux parties et édifierait progressivement la confiance qui leur permettra de vivre en harmonie. La convention de gouvernement de 1994 était un de ces mécanismes, mais, malheureusement, elle a échoué. Manifestement aussi, dans la situation actuelle, les deux parties ne pourront pas entre elles définir et mettre en place des mécanismes politiques efficaces. Elles ont besoin de concours extérieurs.

Fort heureusement, des éléments extérieurs sont disposés à les aider. Ces derniers mois, ils ont tous appuyé les nobles efforts déployés sans relâche par le Président Nyerere et ils espèrent que celui-ci va redoubler d'efforts pour amener tous les partis politiques et factions du Burundi à engager un dialogue qui permettra de négocier un nouveau mécanisme politique prenant à la suite de la convention de gouvernement. Vu l'acuité de la crise actuelle, il est souhaitable que toutes les tendances soient représentées à ces pourparlers, aussi difficile que cela soit pour les uns de s'asseoir à la même table que les autres après les horreurs que le Burundi a vécues ces quelques années.

Le Secrétaire général fait remarquer que le coup d'Etat du 25 juillet n'a pas arrangé les choses. Comme il l'avait déclaré la veille, le renversement par la force du gouvernement légal ne résoudra pas les problèmes du Burundi. Il ne fera qu'accentuer les craintes d'une partie et renforcer les extrémismes des deux bords. Il renforcera la violence et ajoutera aux souffrances du peuple burundais. La nécessité du dialogue politique n'en est que plus impérieuse.

La réaction prompte et énergique des pays de la région montre à quel point ils s'inquiètent des répercussions de ce coup d'Etat sur la paix et la sécurité dans la région déjà troublée des Grands Lacs. Elle ne manquera certainement pas de bien signifier à ceux qui ont pris le pouvoir que leur action n'allégera pas l'épreuve que vit leur pays. Cela étant, il faut veiller à ce que les sanctions ne deviennent ni un instrument punitif ni une source de difficultés et de souffrances supplémentaires pour le peuple burundais. Les sanctions ne sont jamais qu'un moyen au service d'une fin. Et la fin est en l'occurrence l'ouverture de négociations sérieuses en vue d'un règlement politique.

Dans l'intervalle, le Secrétaire général demeure convaincu que la communauté internationale ne doit pas écarter toute éventualité que le pire se produise et que le Burundi soit le théâtre d'un génocide. En pareil cas, quoi qu'en pensent les gouvernements aujourd'hui, l'intervention militaire pour sauver des vies humaines pourrait s'imposer comme une obligation inévitable. Elle serait alors plus rapide et plus efficace si elle était planifiée à l'avance par des pays qui ont les capacités militaires et logistiques pour ce faire. Le Secrétaire général en appelle de nouveau à ces pays afin qu'ils élaborent les plans d'urgence nécessaires. L'organisation des Nations Unies est prête à apporter son concours, dans la limite de ses moyens, mais il ne

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faut pas se leurrer : une telle opération ne saurait être planifiée, déployée et commandée par l'ONU comme il s'agissait d'une opération de maintien de la paix.

Déclaration

M. NSANZE TERENCE (Burundi) a souligné qu'au lendemain de l'avènement d'un nouveau régime, un sommet tenu à Arusha par les pays de la région des Grands Lacs a décrété des sanctions économiques globales contre le Burundi. A l'intérieur du Conseil, il a tenu à mettre en relief les facteurs principaux militant contre cet étranglement généralisé au détriment d'un peuple innocent. Appelant l'attention sur les impératifs nationaux qui militaient en faveur d'un changement de gouvernement, il a notamment fait valoir qu'en dépit d'une croisade mondialisée, le Burundi cheminait inexorablement vers l'apocalypse redoutée, le régime déchu s'étant notoirement avéré impuissant à assurer le salut d'une nation en péril. En témoignent les massacres quotidiens qui se commettaient sous les yeux d'un pouvoir littéralement tétanisé. Une question aussi légitime qu'inéluctable surgit : à l'intention de ceux qui s'apitoient sur une démocratie contrariée, est-il raisonnable et responsable de soutenir qu'un système politique, où la population est quotidiennement décimée est encore une démocratie ? Au demeurant, le gouvernement antérieur au 25 juillet 1996 n'était pas issu des élections. Il n'était que l'émanation des douze partis politiques ayant conclu une Convention de gouvernement appelée à régir l'Etat burundais pendant une période transitoire, consécutivement à l'impossibilité pour le parti victorieux de gouverner seul du fait du génocide imputé à ses membres en 1993-1994.

S'agissant de la précipitatioan des mesures coercitives, le représentant a considéré qu'au stade actuel, les mobiles ayant poussé les pays voisins restent inconnus et, dans le meilleur des cas, sont diversement interprétés. Le déchaînement contre le Burundi est dicté par des motifs inavoués. Comme pour les autres pays dans la région et dans le monde, la dose minimum de réalisme et de sagacité politiques commandaient qu'on laisse le nouveau régime réussir ou échouer dans son évolution vers une démocratie élective. Pour cause, dans le programme gouvernemental, le Président Pierre Boyoya a déjà solennellement et expressément engagé le nouveau régime à mettre un terme à toutes formes de violence et de criminalité, oeuvrer pour une paix et une sécurité durables, éradiquer l'impunité, déclencher un nouveau processus démocratique, confirmer la mission confiée à M. Mwalimu Julius Nierere, entamer des pourparlers même avec les factions armées décidées à déposer les armes et à divorcer avec les idéologies d'extermination et de génocide. Dans le droit fil de cette nouvelle dynamique politico-démocratique, des consultations sont déjà entreprises en vue de l'instauration d'une assemblée nationale transitoire. Cette nouvelle assemblée sera convoquée en session ordinaire dès le mois d'octobre. Dans le même ordre d'idées, le débat national que le Burundi et le Conseil de sécurité appellent de tous leurs voeux est programmé pour le mois de novembre. Quant aux partis politiques, ils seront régis par une nouvelle loi qui sera votée par l'assemblée nationale.

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Sans doute sous l'influence de l'effet entraîneur du blocus économique, certains acteurs s'évertuent à asséner à la nation burundaise un autre coup mortel, destiné à priver le Burundi de l'indispensable bouclier normalement assuré par l'armée nationale, à savoir en décrétant l'embargo sur les armes. En revanche le Burundi propose au Conseil de sécurité de se rabattre sur une alternative plus réaliste, plus constructive et plus rentable. Dans cette optique, une dynamique diplomatique se traduisant par une mission ad hoc dans les Etats de la région des Grands Lacs, dont le Burundi, permettrait au Conseil de sécurité de mieux maîtriser les tenants et les aboutissants de la problématique globale. Ayant côtoyé les données du problème à la source même, il lui serait infiniment plus aisé d'y apporter des solutions commandées par les réalités existantes.

Comme en fournit l'évidence la démonstration ci-après, la Charte des Nations Unies est gravement violée par les sanctions économiques ordonnées contre le Burundi. En effet à juger d'après leur nature et leur gravité, elles sont identiques à celles prescrites par le Chapitre VII de la Charte. Or, de telles sanctions ne sont imposées à un Etat Membre de l'Organisation que lorsqu'il s'est rendu coupable d'une menace grave contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression. La rupture des relations économiques et l'interruption des diverses communications en vertu de l'article 41 de la Charte ne sont nullement justifiées dans le cas de notre

pays, puisqu'il n'a agressé aucun autre Etat et n'a menacé la paix nulle part dans la région l'ayant accablé de sanctions.

Depuis l'accession à la tête de l'Etat par un gouvernement plus apte à opérer le sauvetage de la nation, les mêmes acteurs dans la même région se coalisent pour décréter la mort collective du peuple burundais. Hier la prévention du génocide était l'objectif prioritaire aux dires de ces Etats et d'autres acteurs principaux. La question se pose sur la différence entre le génocide par les armes à feu ou les armes blanches et le génocide éventuel que provoqueront ces sanctions économiques combien draconiennes.

L'avènement du nouveau régime au pouvoir par un canal spécial et pour des impératifs nationaux a été commandé par un patriotisme historique, celui d'accourir à la rescousse d'un peuple sur le point de sombrer dans les ténèbres. La voie empruntée par le Burundi en souscrivant au changement de régime à la tête de l'Etat n'est pas l'unique exception à la démocratie. Néanmoins sous l'impulsion du respect total des options démocratiques en vigueur dans d'autres pays et de la sacro-sainte souveraineté des Etats, le Burundi s'abstient scrupuleusement à émettre à leur encontre la moindre critique. En vertu de ce code de conduite s'inspirant précisément et de la démocratie et des principes du droit international illustrés dans la Charte de l'ONU et dans celles de l'OUA, le Burundi se garde de se mêler des affaires intérieures des autres gouvernements et s'interdit rigoureusement de s'arroger le droit de les menacer de ou encore moins de leur imposer des sanctions quelconques sous prétexte ou au nom d'un don-quichottisme à sens unique et insollicité. A ce stade la question surgit, celle de savoir si le Burundi est, aujourd'hui et sera, à l'avenir habilité à réciproquer par des mesures

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coercitives à l'encontre de l'un quelconque de ces Etats, si, certains principes ou pratiques démocratiques y sont sacrifiés.

Débat

M. CONOR MURPHY (Irlande), au nom de l'Union européenne et des Etats associés, a indiqué que l'Union européenne appuie les efforts des dirigeants régionaux, de l'OUA et du Président Nyerere, en vue d'aider le Burundi à surmonter la grave crise qu'il traverse. Nous encourageons ces acteurs à poursuivre leurs efforts pour faciliter la recherche d'une solution politique. L'Union européenne a récemment nommé un Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, M. Aldo Ajello, qui devra apporter son assistance à la recherche d'une solution politique. Toutes les mesures doivent être prises pour garantir que d'autres vies ne seront pas perdues; le rapport du Secrétaire général sur la situation au Burundi documente clairement l'énormité et la gravité de la situation politique et humanitaire actuelle.

Dans ce contexte, l'Union juge essentiel d'organiser, sans délai, un dialogue, en vue de rassembler toutes les forces politiques burundaises sans exception, y compris les représentants des organisations civiles. Ce dialogue devra permettre des négociations sur un consensus démocratique, institutionnel, capable de garantir la sécurité pour tous. Seule la participation libre et entière de toutes les couches de la société dans les institutions et organes principaux de l'Etat pourra restaurer la réconciliation nationale et la paix, de manière durable. Des mécanismes politiques doivent être conçus, en vue du partage du pouvoir, et de façon à exclure la peur et à rétablir progressivement la confiance d'un peuple qui doit pouvoir vivre en harmonie.

L'Union européenne appuie ce principe. Elle demande instamment à toutes les parties burundaises de déclarer immédiatement un cessez-le-feu, nécessaire au processus de réconciliation. La sécurité des Burundais doit être complètement respectée. La violence ne fournira pas de réponse à la crise burundaise. L'Union ne sous-estime pas la complexité de la tâche à venir. Une nouvelle relation fondée sur la confiance doit naître au Burundi. A cette fin, la culture régnante de l'impunité doit prendre fin. La volonté de nouer le dialogue est presque le test le plus essentiel de la responsabilité politique. La volonté de mettre de côté toute position inflexible est le test du courage politique. L'Union européenne et ses Etats Membres ont apporté une contribution importante aux niveaux multilatéral et bilatéral, en vue d'alléger les souffrances du peuple burundais. Elle réaffirme sa volonté d'appuyer les efforts de relèvement, une fois que le processus de réconciliation nationale aura été résolument entamé par tous ceux concernés. L'Union européenne souhaite réitéré l'importance qu'elle attache à une solution prompte et satisfaisante du sort de ceux qui ont cherché protection auprès des missions européennes et des autres missions étrangères au Burundi.

M. DIRK WOUTERS (Belgique) a fait remarquer que le coup d'Etat récent a été rejeté par la communauté internationale. Consciente des éventuelles répercussions régionales de la crise burundaise, la Belgique, comme ses partenaires européens, salue l'action diplomatique engagée par le Chefs d'Etat

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de la région pour aider le Burundi à surmonter de façon pacifique la grave crise qu'il traverse et les encourage à poursuivre leurs efforts pour faciliter la recherche d'une solution politique négociée. Elle en appelle à toutes les parties burundaises pour qu'elles collaborent pleinement et de façon constructive à ces efforts.

La Belgique appelle à l'arrêt immédiat de toutes violences au Burundi, perpétrées par quelqu'auteur que ce soit. Elle lance un appel pour un cessez- le-feu immédiat et sans conditions entre les belligérants au Burundi. Le cessez-le-feu constitue la première étape du processus de réconciliation nationale et de la reconstruction du pays. Ce n'est que par le respect de la sécurité de tous les Burundais que la paix peut être restaurée dans ce pays. Le processus de paix passe ensuite par le dialogue et l'ouverture des pourparlers rassemblant toutes les forces politiques sans exclusion. Afin que ce dialogue puisse porter ses fruits et que la paix civile au Burundi soit durablement restaurée, la Belgique estime que l'Assemblée nationale et les partis doivent pouvoir jouer un rôle dans le processus de réconciliation.

Pour ce faire, les dirigeants politiques devront prendre rapidement leurs responsabilités et faire montre d'un sens de l'Etat et d'une conviction démocratique. La Belgique reste prête à contribuer substantiellement à tout effort de reconstruction économique une fois que la paix au Burundi a été retrouvée.

M. GOEFFREY M. NKURLU (Tanzanie) a fait observer que son pays, qui partage une frontière avec le Burundi, a été le témoin, , au fil des ans, du problème endémique de la violence ethnique, de sa cruauté et de la dévastation qu'elle entraîne. Comme la plupart des conflits de cette nature, le conflit burundais transcende les frontières. La Tanzanie a été affectée par ce conflit, tant au niveau social ou économique. Le Gouvernement et le peuple de la Tanzanie se sont réjouis des événements positifs de juillet 1993, au cours desquels le Burundi, revenu à une démocratie multipartite, a élu Melchior Ndadaye. Avec l'assassinat de Ndadaye et les massacres qui ont suivi, la maturité politique dont avait fait preuve Pierre Buyoya pendant et durant les élections générales au Burundi, en cédant le pouvoir au vainqueur, a volé en éclats. Le Burundi a été ramené au règne de la fragmentation et de la méfiance entre parties en conflit. Dans le contexte des efforts menés par le Président Nyerere pour engager les parties politiques au dialogue, de l'OUA et de la communauté internationale, le coup d'Etat du 25 juillet ne peut que rencontrer la condamnation dans les termes les plus vigoureux. Toute tentative visant à appuyer ce coup d'Etat enverrait un mauvais message au régime burundais actuel. Quelques que soient les circonstances, le coup d'Etat est illégal. Il est une méthode dépassée et obsolète d'assumer le pouvoir politique.

Comme convenu au IIème Sommet régional d'Arusha, le régime de Bujumbura doit immédiatement prendre des mesures spécifiques visant le retour à l'ordre constitutionnel établi. Le régime doit immédiatement et sans conditions entreprendre des négociations avec toutes les parties au conflit, y compris avec les parties et factions armées, dans le pays et à l'extérieur. Le cadre de ces négociations doit être le processus initié à Mwanza et consolidé par

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l'Initiative de paix d'Arusha, sous les auspices de M. Mwalimu Nyerere. A tort, le régime du Burundi souhaite donner l'impression que les décisions d'Arusha, et l'imposition de sanctions, sont une ingérence dans ses affaires intérieures et une atteinte à sa souveraineté. Elles sont le seul moyen viable d'aider le peuple burundais à régler leurs différences.

M. DAVID KARSGAARD (Canada) a déploré le coup de force militaire qui a mis un terme aux institutions constitutionnelles et légales du Burundi. Un coup de force ne peut pas remplacer le dialogue entre toutes les factions et parties impliquées pour rétablir la paix sociale et politique dans un pays. Seul un nouvel accord politique, respectueux des principes démocratiques et des droits des minorités, contribuera à les résoudre. Le Canada souscrit entièrement aux efforts constants des pays voisins du Burundi pour promouvoir des négociations efficaces entre toutes les parties burundaises concernées.

Depuis de nombreux mois, le Canada déploie des efforts pour encourager une solution pacifique et durable aux divers différents qui frappent la région des Grands Lacs de l'Afrique centrale. Il soutient les nobles efforts des facilitation et médiation entrepris par l'ancien président tanzanien, M. Mwalimu Julius Nyerere. Toutefois, le coup de force du 25 juillet dernier a singulièrement entravé ces efforts qui ne visaient qu'à porter appui aux institutions que le peuple burundais lui-même s'était librement donné dans la plus grande transparence.

Le Canada appuie pleinement la prise de position ferme et courageuse des chefs d'Etat, en session à Arusha le 31 juillet dernier. Toute la région souhaite ardemment que les nouvelles autorités en place au Burundi prennent rapidement le chemin de la table de négociation et du respect des principes démocratiques qui sont les leurs et les nôtres.

M. MASAKI KONISHI (Japon) a fait valoir qu'il ne faut pas permettre l'usage de la force et de la violence par quelque partie que ce soit. En vue d'atténuer les souffrances des réfugiés du Burundi et du Rwanda qui ont cherché refuge au Zaïre, notamment, le Japon a fourni une assistance humanitaire de 54 millions, durant son dernier exercice fiscal. Cette aide a été acheminée par le canal des institutions de l'ONU et les ONG. Le Japon a fourni de plus 10 millions de dollars, cette année, au HCR, afin de protéger et d'aider les réfugiés. Le Japon invite instamment les parties concernées à renouer les négociations à travers le processus de paix de Mwanza. Tout en invitant les parties à négocier, nous devons leur donner des raisons et les encourager à le faire. La communauté internationale doit dire clairement aux parties qu'un règlement politique global ouvrira la voie à la reconstruction et le développement de leur pays. Le Japon appuie par conséquent l'idée d'une conférence internationale, qui le moment venu, ferait suite à une solution politique.

Le mois prochain, le Japon accueillera un symposium à Tokyo, sur les problèmes que rencontrent les pays africains au lendemain des règlements politiques de longs conflits, la recherche d'une paix véritablement durable et la promotion d'une reconstruction et du développement en dépit des difficultés de ces pays. Bien qu'il ne soit pas en mesure de fournir du personnel ou un

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appui logistique à une éventuelle force multinationale, le Japon envisagera la possibilité et les modalités d'une contribution financière.

M. RICHARD ROWE (Australie) a demandé instamment à tous les secteurs de la population burundaise d'entamer un dialogue constructif, en vue d'une solution pacifique et durable au conflit et du rétablissement, sans délai, des institutions et processus démocratiques. L'Australie lance un appel à toutes les parties pour qu'elles fassent preuve de retenue et permettent l'avènement d'un environnement, où les parties seraient libérées de la peur d'être écartées et partageraient une confiance générale. L'Australie invite les parties à reconnaître que la violence continue ne ramènera pas la paix au Burundi. L'Australie appuie les efforts des pays des la région.

Le Ministre des affaires étrangères de l'Australie, M. Alexander Downer, a participé au Sommet de l'OUA à Yaoundé, en juillet dernier. Il a été impressionné par la détermination des dirigeants africains à oeuvrer en faveur d'une solution au Burundi. Tout en appuyant l'initiative régionale, le Gouvernement australien souligne l'importance de réponses mesurées qui permettraient à la fois une solution politique et la satisfaction des besoins essentiels de la population. L'accès libre et sans entrave de l'aide humanitaire est impératif, pour stabiliser la situation au Burundi. Si une intervention extérieure devient la seule solution pour empêcher le Burundi de sombrer dans l'anarchie et le génocide, les Etats Membres de l'ONU ont l'obligation de veiller à ce que les objectifs d'une telle action soient clairement définis, et que les moyens nécessaires à leur réalisation soient suffisants et disponibles. Le Secrétaire général doit continuer, en coopération avec l'OUA, d'envisager les mesures qui empêcheraient un autre désastre humanitaire.

M. K.J. JELE (Afrique du Sud) a jugé que la communauté internationale ne saurait tolérer la poursuite des actes de violence dans l'impunité la plus totale. Leurs auteurs doivent se rendre à l'évidence qu'ils en seront tenus personnellement pour responsables. Les vues de l'Afrique du Sud coïncident avec le rapport sur le Burundi : la crise au Burundi requiert un dialogue et une solution politiques. L'intervention militaire doit demeurer l'ultime recours. L'Afrique du Sud appuie les mesures prises à Arusha, notamment l'imposition de sanctions. La communauté internationale devrait pour sa part agir à l'unisson avec les efforts régionaux et appuyer la mise en place d'un dialogue politique susceptible de contribuer au règlement de la crise. La communauté internationale doit agir maintenant afin de mettre un terme au cycle de la violence au Burundi.

M. PAUL MUKASA-SSALI (OUGANDA) a indiqué que son pays condamne sans appel les putschistes au Burundi et exige un retour rapide à l'ordre constitutionnel. Les sanctions imposées ne visent pas à punir mais à encourager les dirigeants de Bujumbura à prendre rapidement les mesures nécessaires à la restauration de l'ordre constitutionnel dans le pays. Elles visent en outre à encourager l'ensemble des parties au conflit à inaugurer sans conditions, des négociations dans le cadre du processus de paix de Mwanza, renforcé par l'initiative de paix d'Arusha sous les auspices du Président Nyerere. Dans ce contexte, les dirigeants burundais doivent

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restaurer les prérogatives du Parlement et lever l'interdiction des partis politiques.

M. DURI MOHAMMED (Ethiopie) a fait observer que la situation au Burundi est un sujet d'extrême préoccupation pour la communauté internationale et l'Afrique en particulier. Les efforts diplomatiques de l'OUA et sa présence sur le terrain démontrent l'engagement du continent aux côtés du Burundi. Les Chefs d'Etats de la région des Grands Lacs a appuyé l'initiative du Président Nyerere. Le coup d'état du 25 juillet constitue une menace à la paix et à la sécurité de l'ensemble de la région. Le deuxième sommet d'Arusha a estimé que le problème le plus grave demeure celui de l'illégalité. Il a par conséquent décidé d'imposer des sanctions contre le Burundi. Les dirigeants de ce pays ont la responsabilité d'oeuvrer en faveur d'une solution aux problèmes. Le retour du Burundi à l'ordre constitutionnel demeure le défi prioritaire. L'Ethiopie appelle les parties au conflit à mettre un terme aux hostilités. Les efforts de la communauté internationale devraient être coordonnés.

M. MOTHUSI NKGOWE (Botswana) a regretté que certaines personnalités élues du peuple burundais y compris le Président Ntibantunganya aient dû chercher refuge dans des ambassades occidentales, en raison de l'action non démocratique de l'armée burundaise. Il a aussi regretté que le coup d'Etat n'ait pas rencontré la condamnation énergique de tous les membres de l'ONU, ainsi que nous l'aurions préféré. Un coup d'Etat est une accession illégale au pouvoir et l'illégalité politique ne saurait être tolérée, en aucune circonstance et quels que soient les lettres de créance du leader du nouveau régime militaire. Le message de l'Afrique à la suite du coup d'Etat burundais a été ferme et clair. Le régime militaire ne bénéficiera d'aucun délai pour consolider son pouvoir et s'investir d'un mandat qui viole les aspirations de la majorité du peuple burundais. Les pays voisins ont parlé d'une seule voix et agi de façon unie.

Ce n'est pas le première fois que les pays africains ont réagi de la sorte. Les responsables du coup d'Etat n'ont pas été punis parce qu'ils sont burundais. Au Lesotho déjà, en 1994, un groupe de pays africains avaient jugé les limites atteintes et fait savoir aux auteurs du coup d'Etat que leur action était inacceptable. L'époque des coups d'Etat en Afrique et de régimes armés doit être reléguée aux oubliettes de l'histoire. Les dirigeants militaires ne doivent pas être encouragés à user de telles méthodes illégales pour parvenir au pouvoir, parce qu'ils sont considérés comme bienfaisants ou modérés.

Le Botwsana est parfaitement conscient et sensible aux besoins humanitaires du peuple burundais. Il appuie les efforts du Secrétaire général, en consultation avec les Etats voisins et le Secrétaire général de l'OUA, en vue d'ouvrir des couloirs humanitaires. L'accent de ce débat ne saurait être mis toutefois sur les effets du boycott décrété par les pays voisins du Burundi. Le Conseil de sécurité et toute la communauté internationale doit concentrer leurs efforts sur les objectifs de ce boycott. Le Conseil doit adopter une déclaration claire de principes, pour appuyer les efforts des Etats voisins, pour demander à toutes les parties politiques au Burundi de renouer le dialogue sous les auspices du processus de paix de

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Mwanza, pour imposer un embargo sur les armes à toutes les factions burundaises y compris celles á l'extérieur, déclarer sa volonté d'imposer d'autres mesures spécifiquement ciblées à l'encontre des dirigeants qui feraient entrave au processus de paix.

M. JUAN SOMAVIA (Chili) s'est dit préoccupé par le fait que le Conseil de sécurité ne se décide pas encore à déclarer que la situation au Burundi ressemble fort à celle d'un génocide. Il est d'avis qu'un embargo sur les armes à destination du Burundi est devenu une nécessité car toute arme qui arrive dans ce pays est utilisée pour tuer un civil désarmé. Il s'agirait là d'un message à l'intention de l'ensemble des factions armées et signifierait que le recours à la force et à la violence doit cesser. La solution du problème au Burundi appelle plus qu'une simple perspective humanitaire. Elle est tributaire de la manifestation d'une volonté politique authentique. Eu égard à la situation, le Chili estime que l'inaction s'avère être la pire des voies à suivre. Dans ce contexte, il est ici le lieu de saluer la grande leçon de décision politique démontrée par les dirigeants de la région des Grands Lacs, qui ont su faire preuve d'une capacité d'action immédiate et d'un engagement en faveur de la démocratie, contrastant avec les hésitations des apôtres traditionnels du système démocratique.

Le Chili condamne le coup d'état et tous ceux qui incitent à la violence et au génocide d'où qu'ils proviennent. Il appuie les efforts des dirigeants régionaux et de l'OUA, en particulier ceux déployés par l'ancien Président Nyerere. Le Chili appelle de ses voeux l'inauguration de négociations politiques engageant l'ensemble des parties. Il est temps que ces dernières démontrent leur bonne foi, notamment par la cessation des hostilités, la protection du personnel humanitaire international et des fonctionnaires du gouvernement constitutionnel antérieur. Le Chili plaide en faveur de la mise en place de corridors humanitaires assurant le libre accès de l'assistance humanitaire à l'ensemble de la population burundaise.

Pour sa part, le Conseil de sécurité devrait inviter au lancement de négociations dans un délai de 60 jours, en vue d'un accord politique global. Si les parties agréent, l'on pourrait établir une opération de maintien de la paix de type classique, susceptible de renforcer le cessez-le-feu et de préserver la stabilité au cours du processus de négociation. Le Chili est d'avis que le moment est le plus opportun pour agir.

M. HERVE LADSOUS (France) a jugé que les demandes que le Conseil a exprimées il y a un mois appellent une réponse de la part de toutes les parties et de tous les dirigeants burundais. La France s'associera aux efforts du Conseil pour obtenir que cette réponse soit positive et intervienne rapidement. La France, dans l'esprit de la déclaration de l'Union européenne du 19 août, soutient en outre les efforts que les dirigeants régionaux, l'Organisation de l'Unité africaine et l'ancien Président Nyerere ont entrepris pour aider le Burundi à surmonter la grave crise qu'il traverse. Comme ses partenaires européens, la France est préoccupée par les répercussions humanitaires des mesures prises par les Etats de la région, en particulier par l'impact de ces mesures sur les groupes défavorisés. Il est important que les organisations internationales et non gouvernementales

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puissent continuer leur travail en direction de ces groupes. Elle estime que cette question doit être examinée de manière urgente et avec la plus grande attention.

La délégation française continue en outre d'appeler de ses voeux, dès que les conditions en seront réunies, la tenue d'une conférence sur la situation dans la région des Grands Lacs sous l'égide des Nations Unies et avec le concours de l'OUA.

M. NUGROHO WISNUMURTI (Indonésie) a jugé qu'une solution pacifique ne pourra être trouvée au Burundi qu'au moyen de négociations et d'un dialogue entre les parties. Compte tenu du risque de contagion de ce conflit aux pays voisins, de la menace posée á la paix et la sécurité dans la région, l'Indonésie estime que tout report ou ambiguïté de la part du Conseil auraient non seulement des conséquences graves pour le Burundi, mais aussi encouragerait une plus grande instabilité dans la région des Grands Lacs. L'Indonésie appuie les initiatives régionales et internationales de paix, en particulier les efforts du Président Nyerere. Au Burundi, le recours à des moyens militaires a seulement contribué à plus de violence, qui a engendré à son tour une spirale sans fin de violence. Le coup du 25 juillet a compliqué une situation déjà dangereuse, en renforçant les craintes d'une partie et en durcissant la position des extrémistes des deux bords. La seule solution viable ne peut que résider dans la création d'un mécanisme de partage du pouvoir entre la majorité et la minorité.

A cette fin, la communauté internationale doit adresser un message fort aux dirigeants actuellement au pouvoir à Bujumbura. La récente visite de quatre parlementaires burundais au Conseil de sécurité atteste du désir de nombreux burundais de rompre avec les traditions du passé, d'entamer un dialogue propice à la réconciliation nationale. L'Indonésie se félicite de la réponse prompte et unanime apportée par les pays de la région contre ceux qui détiennent aujourd'hui le pouvoir au Burundi. La communauté internationale a un rôle clé à jouer, pour atténuer le risque d'une catastrophe humanitaire au Burundi. L'Indonésie appuie l'établissement de couloirs humanitaires dans le pays. Le Conseil doit également encourager la transparence et informer la communauté internationale des événements passés et présents au Burundi.

M. FRANCESCO PAOLO FULCI (Italie) a déclaré qu'un cessez-le-feu immédiat est absolument nécessaire afin de dissiper la menace d'autres massacres et destructions. Un climat de confiance mutuelle doit voir le jour. L'inauguration d'un dialogue politique est à même de jeter les bases pour la reconstruction des institutions démocratiques du pays et le retour sur la voie du développement économique. L'Italie privilégie une approche régionale et globale. La présence de plus d'un million et demi de réfugiés dans la région représente un grave facteur de déstabilisation. Leur retour à leur foyers dans des conditions sûres et dignes est essentiel au rétablissement de la paix. L'engagement de la communauté internationale est elle-même nécessaire à la relance du processus démocratique au Burundi. Le Conseil de sécurité doit clairement se prononcer sur les objectifs qu'il entend poursuivre s'il désire relancer un processus crédible de réconciliation nationale.

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M. PARK SOO GIL (République de Corée) a estimé que la situation actuelle au Burundi milite en faveur de mesures urgentes que la communauté internationale doit adopter, afin de prévenir une détérioration plus grande de la situation et d'aider le pays à renouer avec la paix et une solution politique. Nous appuyons sans réserve les décisions du IIème Sommet d'Arusha. Nous appuyons les mesures décidés au Sommet afin de faire pression sur les parties burundaises pour qu'elles rouvrent de sérieuses négociations en vue d'une solution politique. Cette initiative régionale est la manifestation d'une division du travail entre l'ONU et les organisations régionales. Arusha II marque également un tournant historique dans la détermination de la région à condamner le renversement inconstitutionnel de gouvernements. Cette initiative aura, à n'en pas douter, des effets salutaires sur l'avenir de tout le continent. Le Conseil, à son tour, doit assumer sa responsabilité première, pour maintenir la paix internationale et la stabilité dans la région des Grands Lacs. Le Conseil doit se préparer à toute éventualité. Nous appuyons dans cet esprit le plan opérationnel d'urgence établi par le Secrétaire général, qui vise à fournir un niveau maximum d'assistance humanitaire en cas d'aggravation soudaine du conflit.

M. ZBIGNIEW MATUSZEWSKI (Pologne) a déclaré que la situation au Burundi met en péril non seulement l'existence même de ce pays mais également la paix et la sécurité de l'ensemble de la région. L'heure est venue pour les dirigeants du Burundi de retrouver la voie de la paix, de la démocratie et de la sécurité. La Pologne les incite à renouer immédiatement avec un dialogue politique fructueux. L'ensemble des forces politiques au Burundi ainsi que les tous les secteurs de la société doivent avoir le droit de siéger à la table des négociations. La Pologne appelle les dirigeants burundais à déclarer un cessez-le-feu immédiat et à mettre rapidement un terme à la violence.

M. KARL F. INDERFURTH (Etats-Unis) a estimé que force est de constater que les militaires de Bujumbura n'ont entrepris aucun pas vers la restauration de la démocratie. De ce fait, les massacres des deux côtés se poursuivent. Dans ce contexte, les Etats-Unis appuient les efforts des pays de la région en vue d'accroître la pression sur les auteurs du coup d'état. Les Etats-Unis appuient surtout les dispositions d'Arusha qui appellent le nouveau régime à entamer sans conditions des négociations avec l'ensemble des parties, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays en vue du retour à l'ordre constitutionnel et à la légalité, de la restauration de l'Assemblée Nationale dans ses prérogatives et de la légalisation de tous les partis politiques. Les Etats-Unis expriment en outre leur appui aux sanctions économiques imposées au Burundi. Ils émettent l'espoir que ces mesures sauront convaincre les auteurs du coup d'état que la seule issue demeure l'arrêt des combats et l'instauration du dialogue politique. Dans l'éventualité où ces mesures s'avèrent sans effet, le Conseil de sécurité demeure prêt à envisager toute action visant à la cessation des hostilités, y compris un embargo sur les armes, voire des sanctions sélectives à l'encontre des dirigeants de factions, si la situation l'exigeait. Aujourd'hui, le Conseil adresse un message clair au nouveau régime ainsi qu'aux rebelles selon lequel la communauté internationale ne saurait tolérer un génocide. La communauté internationale ne doit pas permettre la répétition des horreurs du Rwanda. Pour ce faire, le Conseil de sécurité oeuvrera en faveur d'un projet de résolution sans

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équivoque: les dirigeants des factions au Burundi doivent absolument mettre un terme aux massacres et entamer rapidement un dialogue politique.

M. ALFREDO LOPES CABRAL (Guinée-Bissau) a déclaré que le coup d'Etat militaire du 25 juillet dernier au Burundi est un acte violent qui bafoue l'ordre constitutionnel établi, accélère la spirale de la violence et confisque arbitrairement le pouvoir politique, au détriment de la démocratie, de la réconciliation nationale et de la paix dans ce pays. Il s'agit assurément, d'un acte illégal qui tend à consacrer la primauté des armes sur les bulletins de vote. Il faut le réprouver. Il importe de le condamner. A l'évidence, ce conflit ne se prête pas à une solution toute faite ou encore moins imposée de l'extérieur. Il faut trouver des mécanismes politiques susceptibles de promouvoir le partage du pouvoir entre les deux ethnies hutue et tutsie.

La rupture brutale de la Convention de Gouvernement de 1994, seul cadre juridique auquel la plupart des protagonistes de la scène politique burundaise pouvaient s'associer sans se méconnaître, risque encore une fois, de provoquer la recrudescence de la violence et d'alourdir en l'allongeant la souffrance du peuple burundais. Le Conseil de sécurité ne peut pas admettre l'usage de la force dans le règlement de la situation au Burundi. L'armée burundaise et ceux qui la commandent doivent respecter la légalité constitutionnelle et les institutions qui en sont issues.

La Guinée-Bissau estime en effet que la réconciliation nationale est le seul moyen pour l'instauration et la consolidation d'une paix durable au Burundi. Elle lance un appel pressant aux frères et soeurs burundais pour qu'enfin et, au delà de leur affiliation politique, de leur appartenance ethnique ou de leur famille idéologique, ils se retrouvent ensemble et s'engagent, honnêtement, courageusement et sans tarder, dans un dialogue ouvert et constructif en vue d'instaurer un climat de confiance, de reconnaissance et de respect mutuels conduisant à la paix et à la sécurité pour tous sur l'ensemble du territoire national.

La reprise du dialogue et des négociations, dans le cadre des pourparlers de Muanza, sous les auspices de Mwalimu Julius Nyerere doit être encouragée. Il est de l'avis de la Guinée-Bissau que des sanctions appliquées par les voisins du Burundi de façon sélective, ciblée et limitée dans le temps contre les auteurs du coup d'état et ceux qui les soutiennent peuvent accélérer ce processus, pourvu qu'elles soient soutenues dans leur principe par le reste de la communauté internationale et assorties de mesures capables d'en endiguer le coût social. Toute démarche individuelle ou toute action collective de la part de nos états doit s'inscrire dans cette logique et concourir au rétablissement de la légalité et de la paix véritables au Burundi.

Le Guinée-Bissau estime que l'action humanitaire doit être poursuivie, de même que doivent être étudiées, dès maintenant toutes les modalités pour la reprise de l'aide au développement, une fois que la paix, la réconciliation nationale, la démocratie et le strict respect des droits de l'homme auront gagné droit de cité et triomphé.

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M. GERARDO MARTINEZ BLANCO (Honduras) a considéré que la violence ethnique et la souffrance de la population burundaise risquent de durer sans le rétablissement de l'ordre constitutionnel et l'instauration d'un dialogue politique. Le Honduras appelle les parties burundaises à entreprendre les efforts qui s'imposent afin d'installer la confiance mutuelle et créer les conditions de la paix et de la réconciliation nationale. Il est convaincu que seul le partage du pouvoir entre la minorité tutsie et la majorité hutue demeure l'élément clé pour instaurer la paix et l'harmonie entre tous les Burundais et afin que le pays retrouve la voie de la coopération internationale. Eu égard aux difficultés en vigueur, le Honduras souhaite que le Conseil de sécurité exprime son appui à la réouverture des négociations dans le cadre du processus de paix de Mwanza et des efforts entrepris par l'ancien Président Nyerere. Tout aussi important est l'appui que le Conseil est susceptible d'apporter aux initiatives régionales en faveur d'une solution pacifique au conflit au Burundi, notamment aux décisions adoptées lors du deuxième sommet d'Arusha. Le Honduras estime que la situation qui prévaut actuellement au Burundi constitue une menace à la paix et à la sécurité de la région des Grands Lacs. Il existe au Burundi une menace d'escalade de la violence susceptible d'embraser l'ensemble de la région. Concernant la situation humanitaire, le Honduras estime que le risque de génocide persistera tant qu'il ne sera pas mis fin au règne de l'impunité, à la violence ethnique et aux violations des droits de l'homme.

M. MAGED ABDEL AZIZ (Egypte) a déclaré, qu'au vu des événements survenus au Burundi, il est regrettable qu'il n'ait pas été tenu compte des décisions d'Arusha I. Les parties au Burundi ont montré qu'elles ne peuvent pas s'entendre entre elles. L'Egypte appuie donc les initiatives des pays voisins , en vue de résoudre les problèmes du pays. Ces Etats ont raison, car ils sont exposés en premier aux conséquences de l'évolution de la situation. L'Egypte appuie les initiatives adoptées par l'OUA, qui avait déployé il y a 3 ans une mission d'observation. L'Egypte appuie les requêtes formulées par ces pays voisins, en vue de rétablir l'ordre constitutionnel et de garantir l'accès des populations à une assistance humanitaire. Le Burundi doit faire face aux événements du passé et surmonter ses peurs. Les Etats voisins et la communauté internationale devra faire preuve de détermination pour encourager un règlement politique et organiser, le moment venu, une conférence internationale sur le Burundi.

M. STEPHEN GOMERSALL (Royaume-Uni) a considéré, comme l'affirme le Secrétaire général, que le conflit au Burundi ne saurait trouver une solution militaire. Nous appuyons les initiatives prises à Arusha par les dirigeants des Etats voisins, et les efforts de médiation du Président Nyerere en particulier. Nous nous félicitons de l'approche régionale de principe adoptée en réponse au changement inconstitutionnel de gouvernement du 25 juillet dernier. Nous saluons cette initiative de l'Afrique, tout en soulignant que le Conseil et la communauté internationale conservent un rôle crucial. Le Conseil est saisi d'un projet de résolution qui, de l'avis de notre délégation, devrait être un véhicule important aux fins d'une réponse coordonnée. Nous appuyons les décisions prises à Arusha concernant l'imposition de sanctions économiques, mais partageons l'inquiétude du Secrétaire général quant aux effets possibles de ces mesures sur les

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fournitures humanitaires et le personnel de secours. Il est essentiel que les institutions humanitaires soient autorisées à avoir accès, sans restriction et en toute sécurité, aux personnes dans le besoin. Nous nous félicitons de la décision des dirigeants régionaux de créer un Comité de coordination régional, à Nairobi. Nous accueillons avec confiance leurs assurances au sujet de la distribution et de l'accès de l'aide humanitaire. La présence d'observateurs des droits de l'homme continue d'être justifiée.

En dépit des nombreuses promesses du Major Buyoya, les actes d'oppression se poursuivent. Il n'existe aucun consensus national sur sa proposition touchant une période de transition prolongée avant le retour à un gouvernement. Le Major Buyoya doit répondre aux préoccupations des dirigeants régionaux. Toutes les parties doivent déclarer un cessez-le-feu immédiat et entamer des négociations sérieuses. Comme le note le Secrétaire général, nous devons prévoir un plan d'urgence au cas où les efforts régionaux et internationaux ne suffiraient pas à éviter une catastrophe humanitaire.

M. QIN HUASUN (Chine) s'est dit convaincu que le règlement de la crise au Burundi passe par la réconciliation nationale, la coexistence pacifique et le partage du pouvoir entre les divers groupes ethniques du pays. Pour ce faire, toutes les parties au Burundi doivent immédiatement cesser les hostilités et entamer rapidement des négociations. La Chine partage l'opinion du Secrétaire général, qui considère que le règlement de la question burundaise ne passe nullement par une option militaire. Bien au contraire, c'est bien la voie politique qu'il s'agit de promouvoir. La Chine appelle les dirigeants burundais à renoncer à la violence et à la haine raciale et à embrasser la voie de la réconciliation nationale et de la défense des intérêts nationaux. Elle émet l'espoir qu'ils sauront pleinement coopérer avec les efforts inlassables du Président Nyerere auxquels la Chine exprime son soutien.

M. YURIY V. FEDOTOV (Fédération de Russie) a estimé que le débat du Conseil donnera une impulsion nouvelle aux efforts visant à une solution politique de la situation au Burundi. Une solution militaire n'en est pas une. Une catastrophe humanitaire se profile à l'horizon. Faute d'un règlement politique qui répondra aux véritables questions, il sera impossible de rétablir la paix au Burundi. Nous appuyons les efforts des dirigeants de la région visant à imposer des sanctions. Ces sanctions doivent cependant répondre à des objectifs clairs et définis, et frapper également les dirigeants de l'extérieur. La Russie se félicite des assurances données par les pays de la région, en vue d'acheminer l'aide humanitaire. L'on ne peut exclure d'autres mesures visant à soumettre à embargo la fourniture d'armes aux factions à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Les sanctions pourraient également frapper les dirigeants et leurs avoirs personnels. La Russie estime que l'envoi en temps utile d'une mission du Conseil de sécurité est important, pour évaluer la situation véritable du pays.

M. TONO EITEL (Allemagne) a indiqué que son pays partage l'opinion selon laquelle la crise au Burundi ne saurait être réglée par la voie militaire. Elle est convaincue qu'un dialogue politique demeure essentiel avec l'ensemble des forces politiques, y compris les représentants de la société civile.

( suivre)

- 22 - CS/725 28 aot 1996

L'Allemagne exprime son appui aux efforts des dirigeants de la région, en particulier ceux de l'ancien Président Nyerere, en vue de promouvoir une solution à la crise. Elle appuie leur appel en faveur de la restauration immédiate des prérogatives de l'Assemblée nationale, de la levée de l'interdiction des partis politiques et de l'inauguration de négociations avec les parties au conflit. Les sanctions imposées ne doivent pas être considérées comme un instrument de punition. Elles sont des moyens visant à une fin. Toutefois, elles ne doivent pas non plus contribuer à l'aggravation des souffrances du peuple burundais. L'Allemagne se félicite des dérogations au régime des sanctions à des fins humanitaires. L'Allemagne attache une importance particulière au déploiement à travers le pays, d'observateurs des droits de l'homme, financé par la Commission européenne.

M. TERENCE NZANZE (Burundi), reprenant la parole, a déclaré que le régime est engagé à poursuivre le dialogue. Le Conseil doit donc prendre acte de cet engagement solennel du nouveau régime. Le rapport du Secrétaire général, bien qu'il reflète la triste situation du Burundi, aurait gagné à être actualisé. La situation actuelle est beaucoup moins sombre. La semaine dernière, le nouveau régime a publié une déclaration invitant des membres de la communauté internationale à se rendre au Burundi, pour enquêter sur les allégations d'Amnesty International. Aujourd'hui encore, le nouveau régime a fait parvenir un message au Secrétaire général, dans lequel il réaffime sa volonté de défendre et de respecter le droit à la vie. Dès sa naissance, le nouveau régime a déclaré qu'il invitait le Président Nyerere à relancer les pourpalers de paix avec toutes les parties. "L'histoire nous apprend que l'homme n'apprend rien de l'histoire". Certaines délégations et collègues devraient réfléchir à cette phrase d'Hegel, et se souvenir de la situation qu'a connue leur propre pays.

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( suivre)

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