COMITE PREPARATOIRE POUR LA CREATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE: L'URGENCE DE CREER LA COUR NE DOIT PAS SE FAIRE AU DETRIMENT DE SON UNIVERSALITE
Communiqué de Presse
AG/L/175
COMITE PREPARATOIRE POUR LA CREATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE: L'URGENCE DE CREER LA COUR NE DOIT PAS SE FAIRE AU DETRIMENT DE SON UNIVERSALITE
19960826 APRES-MIDI AG/L/175 Le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale a poursuivi et terminé cet après-midi son examen conjoint des questions relatives à l'établissement de la cour et des relations de cette dernière avec l'Organisation des Nations Unies. Les représentants des pays suivants ont pris part à l'échange de vue sur ces questions: Venezuela, Jamahiriya arabe libyenne, Egypte, République tchèque, Pakistan, Singapour, Nouvelle-Zélande, Mexique, Suède, Irlande, Thaïlande, Chine, République-unie de Tanzanie, Chili, Malaisie, Australie, Kazakstan, Ukraine et Slovénie.Les délégations, rappelant qu'en l'état actuel des travaux du Comité préparatoire de grandes inconnues demeurent, ont estimé dans leur ensemble qu'il faut parvenir à un équilibre entre l'urgence de créer la cour et l'obligation pour celle-ci d'être sinon universelle du moins largement acceptée par la communauté internationale. Ce faisant, la plupart des délégations ont à nouveau souligné la nécessité, par souci d'efficacité et pragmatisme, de recourir à un traité multilatéral plutôt qu'à un amendement de la Charte des Nations Unies, voire à une résolution du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale, pour créer la future juridiction pénale internationale.
Les représentants ont essayé de proposer un seuil minimal de ratifications nécessaires à l'entrée en fonction de la cour eu égard au nombre d'Etats Membres de l'Organisation, au principe de représentativité régionale et aux statuts d'autres juridictions internationales. Nombre d'entre eux ont rejeté la solution qui consisterait à reconnaître à la cour un statut d'institution spécialisée. En revanche, les délégations ont mis l'accent sur le besoin d'instaurer des relations étroites entre la cour et le système des Nations Unies, au moyen d'un accord spécifique. Parmi les autres points souvent abordés par les représentants, figurent le caractère permanent de la cour et le souhait de voir, du moins dans un premier temps, son financement assuré par le budget ordinaire des Nations Unies.
La prochaine séance plénière du Comité préparatoire aura lieu demain, mardi 27 août, à 11 heures.
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Examen conjoint des questions relatives à l'établissement de la Cour criminelle internationale et des relations entre la Cour et l'Organisation des Nations Unies
Echanges de vues
La représentante du Venezuela a indiqué que la meilleure voie pour la création de la Cour est l'adoption d'un traité multilatéral, les autres méthodes, comme l'amendement ou l'adoption d'une résolution par l'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité, comportant de nombreuses et sérieuses difficultés. Il faut un nombre équilibré de ratifications. La cour doit être autonome et indépendante et en même temps liée à l'ONU. Il doit y avoir un accord spécifique pour établir les liens entre la cour et l'ONU.
Le représentant de la Libye a estimé que la cour devrait être créée par un traité multilatéral. Elle doit être permanente et indépendante des Nations Unies. Les relations entre la cour et l'ONU ne devraient pas dépasser le cadre d'un accord spécifique indépendant du statut de la Cour. Les termes de cet accord devraient stipuler l'indépendance de l'institution judiciaire. Cette dernière ne devrait être soumise à aucune pression politique, et plus particulièrement à aucune pression de la part du Conseil de sécurité.
Le représentant de l'Egypte s'est déclaré favorable à l'institution de la cour par un traité multilatéral. Pour ce qui est de son lien avec l'ONU, l'approche suivie dans l'article 2 du projet de statut est tout à fait satisfaisante. Le principe de l'indépendance de la cour doit être respecté. Elle doit également être un organe permanent. Il convient qu'elle soit sur un pied d'égalité dans le cadre de tout arrangement avec l'ONU et avoir une relation utile et efficace avec les Nations Unies. Il a souligné qu'il faut être souple quant au type de coopération à envisager. Le statut de la cour ne peut être analogue à celui d'une institution spécialisée, car c'est un organe unique en son genre, a-t-il poursuivi. Par ailleurs, il jugé prématuré d'entrer dans les détails financiers, réaffirmant la position de sa délégation au sujet de la possibilité d'entreprendre une étude de faisabilité. Pour ce qui est de la ratification, il faut un équilibre entre l'urgence de créer cette cour et son universalité, a-t-il ajouté.
Le représentant de la République tchèque a fait valoir que sa délégation est favorable à l'instauration de la cour par voie de traité. Le principe de l'universalité doit entrer en compte dans le nombre de ratifications requises. Un nombre de ratifications aussi élevé que 80 retarderait, voire même empêcherait l'entrée en vigueur du traité. 60 ou 65 paraît constituer un chiffre satisfaisant.
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Le représentant du Pakistan a indiqué, s'agissant des articles 2, 20, 21, 22 et 23 du projet de statut, que son pays attache une grande importance à l'instauration de relations étroites entre la cour et l'Organisation des Nations Unies. Il a cependant reconnu qu'il est difficile, à l'heure actuelle, d'envisager les modalités de telles relations, particulièrement en raison du fait qu'à la différence de l'ONU qui vient de célébrer son cinquantième anniversaire, il est difficile de prévoir ce que sera effectivement le fonctionnement de la cour dont le statut n'est toujours pas clairement défini. Le Pakistan rappelle son opposition à une compétence inhérente de la cour, qui tout au plus sera dotée d'une compétence consensuelle. Il appuie la proposition de l'Egypte d'effectuer une étude de faisabilité avant de se prononcer sur le financement de la cour. Le Pakistan n'a pour l'instant aucune position arrêtée en ce qui concerne les modalités de création de la cour. Il note cependant qu'une majorité de délégations préfèrent celle du traité multilatéral.
Le représentant de Singapour, tout en précisant que sa délégation n'a pas arrêté de position pour ce qui est de l'établissement de la cour, a fait valoir que le recours à un traité multilatéral constitue une solution pragmatique. Le nombre minimal de signatures nécessaires à l'entrée en fonction de la cour dépendra d'un grand nombre de facteurs, notamment du statut définitif de la juridiction. C'est pourquoi, il importe de faire preuve de circonspection et d'étudier de façon approfondie les incidences et les contraintes de chacune des solutions retenues. Il faudra qu'une masse critique d'Etats partie soit réunie pour que le traité puisse entrer en vigueur. Le tiers ou le quart des 185 membres des Nations Unies pourrait constituer un tel seuil. La nature permanente de la cour dépendra également du type de statut, de la compétence et du niveau d'activités de la cour. De même, pour le budget de fonctionnement de la cour, il conviendra de faire preuve de souplesse. Il semble hasardeux de décider que le financement de la cour s'effectuera sur la base du budget ordinaire des Nations Unies alors même que l'organisation internationale connaît les difficultés que l'on sait.
La représentante de la Nouvelle-Zélande a jugé inapproprié de comparer le statut de la future cour à celui du Tribunal international du droit de la mer, institution judiciaire née de la nécessité de compiler le droit coutumier maritime, fruit d'une démarche consensuelle. La Nouvelle-Zélande est défavorable à la création de la cour par une résolution du Conseil de sécurité. Pour autant, elle souhaite rester ouverte quant aux modalités de création de la cour. L'amendement de la Charte des Nations Unies retient pour l'instant ses faveurs. La Nouvelle-Zélande présentera en temps utile un projet en ce sens.
La représentante du Mexique a estimé que la création de la cour par un traité multilatéral est à même de garantir l'indépendance et l'efficacité du futur organe judiciaire. Pour autant, à l'instar d'autres délégations, le Mexique est d'avis que le débat doit rester ouvert. Le nombre minimum de
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ratifications nécessaires devra veiller au respect des principes d'universalité et de représentativité de la cour. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité devront l'avoir ratifié. La cour devra, dans une certaine mesure, revêtir un caractère permanent. Ainsi, le Président, le Procureur et le Greffier devront occuper leur fonction de façon permanente. Il faut compléter le paragraphe 2 de l'article 10 du projet de statut qui concerne les incompatibilités de fonctions pour les juges. Le statut devra garantir l'indépendance de la cour à l'égard des Nations Unies. Les relations entre la cour et l'ONU devront faire l'objet d'un accord international distinct définissant précisément leurs modalités.
Le représentant de la Suède a déclaré qu'en raison des difficultés pratiques que pose l'amendement de la Charte, sa délégation est favorable à l'option multilatérale en ce qui concerne la création de la Cour. Le nombre de ratifications doit être relativement faible, environ 30 à 40. Les relations entre la cour et l'ONU doivent être exposées dans un accord, comme celui qui existe entre l'ONU et le Tribunal international du droit de la mer ou de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA). Les postes de président, de procureur et de greffier devraient être des postes à temps complet dès le début. Il est difficile d'aborder dès maintenant la question du financement de l'institution judiciaire. Le représentant a exprimé des doutes quant au financement de la cour par le budget ordinaire des Nations Unies. Il serait souhaitable que les Etats parties payent sur la base de contributions obligatoires, selon un barème préétabli.
Le représentant de l'Irlande a fait valoir qu'il est en faveur du traité multilatéral, en ce qui concerne la création de la Cour. Le lien de la cour avec l'ONU doit être étroit car l'institution traitera de questions qui toucheront toute la communauté internationale. L'accord spécial devrait être conclu entre l'ONU et la cour, après l'entrée en vigueur du statut. L'accord spécial devra être tel que ses dispositions ne contreviennent pas aux dispositions du statut. Il serait utile que cet accord soit approuvé par une résolution de l'Assemblée générale. Il a estimé que la cour pourrait être financée à partir du budget ordinaire des Nations Unies. La cour doit être permanente, a-t-il poursuivi. En ce qui concerne le nombre de ratifications, il est en accord avec l'idée d'un équilibre entre l'urgence de créer la cour et son universalité. L'idée de cour criminelle internationale est largement acceptée. Dans ces circonstances, il faudrait peut être donner plus de poids à l'urgence qu'à l'universalité. En conséquence, il a estimé qu'un nombre plutôt faible de ratifications suffisait.
Le représentant de la Thaïlande a fait observer que sa délégation est favorable à la méthode du traité pour établir la cour. Le nombre de ratifications doit être élevé, plutôt que d'instituer la cour à la hâte sans pouvoir s'en servir efficacement. Il convient de mettre en place un accord entre la cour et l'ONU. L'institution judiciaire doit être permanente et
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disposée de ressources financières suffisantes. Son budget devrait provenir de l'ONU afin d'assurer sa stabilité. Il faut aussi envisager d'autres options pour assurer son financement. Les contributions volontaires devraient être encouragées de la part des Etats parties au statut comme de celle des Etats membres de l'ONU.
La représentante de la Chine a souligné que la cour doit être instituée par voie de traité, précisant que sa délégation n'est pas favorable aux autres voies proposées comme une résolution de l'Assemblée générale ou du Conseil de sécurité ou un amendement de la Charte. Le nombre des ratifications ne doit pas être limité à 30 ou 40 pays. Il doit être représentatif de tous les pays du monde pour garantir un fonctionnement efficace de la cour. Plus le nombre de ratifications sera élevé, plus l'autorité de la cour sera grande. La représentante a accepté l'idée de l'article 2 du projet de statut sur le lien entre la cour et l'ONU. Les Etats parties devraient assurer la responsabilité financière, les autres sources de financement devant être uniquement complémentaires. Sa délégation accepte en principe l'article 4 du projet sur la permanence de la cour.
La représentante de la République-Unie de Tanzanie a indiqué que pour son pays la voie la plus raisonnable pour créer la cour semble être le recours à un traité multilatéral. Les modalités d'instauration de la cour devront respecter le principe d'universalité. La représentante a estimé que pour déterminer le niveau de financement de la cour, il importe de réaliser une étude de faisabilité. Elle a prôné, durant la phase de démarrage, un financement à partir du budget ordinaire de l'Organisation des Nations Unies.
Le représentant du Chili a jugé approprié de recourir à un traité multilatéral pour établir la cour criminelle internationale. L'amendement de la Charte des Nations Unies présente cependant certains avantages sur lesquels il devrait être possible de revenir. A l'heure actuelle, la nécessité de créer la cour dans les meilleurs délais semble privilégier le traité multilatéral. Pour le Chili, la ratification du traité pourrait intervenir à partir d'un seuil de 35 à 40 Etats. On pourrait compléter ce principe par l'instauration d'un seuil minimal par groupe régional. Le représentant a jugé utile de s'inspirer du statut du Tribunal international du droit de la mer. Le financement de la cour devrait être assuré à partir du budget ordinaire de l'ONU, même si on peut concevoir que le financement soit supporté par les Etats parties.
Le représentant de la Malaisie a appuyé l'opinion selon laquelle la cour doit être créée par un traité multilatéral. A défaut d'être universelle, la cour devra être largement acceptée, par 60 pays représentatifs des différents groupes régionaux. La cour devra être une institution permanente qui oeuvrera en tant que de besoin. La cour devra entretenir des relations étroites avec le système des Nations Unies, au moyen d'un accord spécial, qui pourrait prendre la forme d'une acceptation des Etats parties. La Malaisie n'a pas de solution arrêtée quant au financement de la cour, même si celle défendue par le Japon semble digne d'être retenue.
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La représentante de l'Australie s'est déclarée favorable à l'établissement de la cour au moyen d'un traité. Elle a estimé que le nombre de ratifications nécessaires à l'entrée en fonction de la cour devra être suffisamment élevé, mais qu'il ne devra pas constituer un obstacle au démarrage des activités de la future institution pénale internationale. On pourrait s'inspirer de précédents, notamment de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques et de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Aussi, pourrait-on envisager 35 à 40 ratifications en 180 jours. Pour la représentante, il faut préserver l'indépendance et l'impartialité de la cour. La conclusion d'un accord de coopération spécial est nécessaire pour déterminer le type de relations à instaurer entre les deux organes. Le financement de la cour devrait être assurer par le budget ordinaire de l'Organisation.
La représentante du Kazakstan a appuyé l'idée selon laquelle la cour doit être créée sur la base d'un traité international. Il faut un nombre relativement élevé de ratification pour son entrée en vigueur, afin d'asseoir son autorité. Les Etats parties au statut doivent assumer le financement de la cour. La répartition des dépenses entre les Etats doit être précisément étudiée. Un accord spécial doit établir les liens entre l'institution judiciaire et les Nations Unies. La cour doit être un organe judiciaire autonome et indépendant.
Le représentant de l'Ukraine a déclaré que sa délégation soutient l'institution de la cour par voie de traité international. Le statut peut être placé en annexe au traité, ce qui en assurerait son caractère inaliénable. Pour parvenir à une acceptation la plus large possible de la cour, il faut prévoir un nombre élevé de ratification. Il a soutenu la proposition faite par plusieurs délégations d'environ 90 ratifications, comme chiffre maximal nécessaire à l'entrée en vigueur du traité. La cour doit être permanente, mais ne se réunirait que lorsqu'elle est saisie d'une affaire.
La représentante de la Slovénie s'est déclarée favorable à la méthode du traité pour créer la cour, avec un nombre de ratifications qui ne soit pas trop élevé pour ne pas retarder sa mise en place. Le financement de la cour devra être examiné dans le statut ou dans le texte du traité. L'organisation judiciaire devrait être financée par les Etats parties. La représentante a toutefois admis que cette solution comporte certains inconvénients.
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