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AG/L/172

LE COMITE PREPARATOIRE POUR LA CREATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE ENTAME L'EXAMEN DE LA QUESTION DES PEINES APPLICABLES

22 août 1996


Communiqué de Presse
AG/L/172


LE COMITE PREPARATOIRE POUR LA CREATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE ENTAME L'EXAMEN DE LA QUESTION DES PEINES APPLICABLES

19960822 MATIN AG/L/172 Les délégations s'opposent à la peine de mort

Réuni sous la présidence de M. Adriaan Bos (Pays-Bas), le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale a abordé ce matin l'examen des peines applicables par la Cour. Ce faisant, le Comité préparatoire a procédé à un échange de vues sur les articles 46 et 47 du projet de statut qu'avait présenté en juillet 1994 la Commission du droit international (CDI). Les représentants des pays suivants ont pris la parole : Suisse, Egypte, France, Trinité-et-Tobago, Israël, Chili, Japon, Allemagne, Suède et Singapour.

La plupart des délégations se sont déclarées satisfaites de voir que le projet de statut ne prévoit pas la peine capitale. L'une d'entre elles, faisant remarquer qu'un nombre conséquent de pays appliquent la peine de mort, notamment ceux où la "Charia" ou loi islamique est en vigueur, a cependant estimé qu'il convient de l'inclure dans le statut. La majorité des représentants ont demandé à ce que le statut contienne une liste précise et détaillée des peines en fonction de la gravité des crimes commis. Plusieurs délégations se sont opposées à la peine d'emprisonnement à vie et ont proposé de lui substituer une peine maximale d'emprisonnement. Par ailleurs, nombre d'entre elles ont souligné le caractère inapproprié de l'amende, mettant l'accent sur la nature et la spécificité des crimes dont aura à connaître la Cour.

La prochaine séance du Comité préparatoire aura lieu demain après-midi, vendredi 23 août, à 15 heures.

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Examen des questions relatives aux peines : prononcé de la peine et peines applicables, articles 46 et 47 du projet de statut de la Commission du droit international (A/49/355)

Aux termes du premier paragraphe de l'article 46 qui a trait au prononcé des peines, en cas de verdict de culpabilité, la Chambre de première instance tient une audience supplémentaire pour examiner tous les éléments servant à la détermination de la peine, pour permettre au Procureur et à la défense de faire des déclarations et considérer quelle peine il y a lieu d'infliger. Le deuxième paragraphe indique que pour fixer la peine, la Chambre tient compte de facteurs tels que la gravité du crime et la situation personnelle de la personne déclarée coupable.

Le premier paragraphe de l'article 47 qui est relatif aux peines applicables dispose que la cour peut infliger à une personne déclarée coupable d'un crime en vertu du présent Statut une ou plusieurs des peines ci-après : a) peine d'emprisonnement à vie ou d'emprisonnement à temps d'un nombre spécifié d'années; b) amende.

Au deuxième paragraphe, il est indiqué que pour fixer la durée de la peine d'emprisonnement ou le montant d'une amende, la cour peut tenir compte des peines prévues par la loi : a) soit de l'Etat dont le coupable est ressortissant; b) soit de l'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis; c) soit de l'Etat qui avait la garde de l'accusé ou avait compétence à son égard.

Le troisième paragraphe stipule que les amendes payées peuvent être transférées, par ordre de la Cour, à un ou à plusieurs des bénéficiaires ci-après : a) le greffier, pour couvrir les frais du procès; b) un Etat dont les ressortissants ont été les victimes du crime; c) un fonds créé par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies au profit des victimes de crimes.

Echange de vues

Le représentant de la Suisse a déclaré que l'article 47 du projet relatif aux peines applicables n'est pas acceptable dans sa forme actuelle. Il a jugé qu'une amende ne doit pouvoir être prononcée que conjointement avec une peine privative de liberté. L'échelle des peines doit être relativement précise pour satisfaire au principe de la légalité des peines, a-t-il rappelé. S'agissant de la possibilité qu'a la cour de se référer aux législations nationales, il a estimé que le projet nage en pleine indétermination.

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Deux solutions sont possibles, a-t-il souligné, à savoir l'obligation de la cour de se référer à la loi de l'Etat dont le coupable serait ressortissant ou inclure une grille autonome dans le statut de la cour. Notant que les deux solutions comportent chacune des inconvénients, le représentant a toutefois fait valoir que sa délégation est prête à accorder sa préférence à une grille autonome des peines minimum et maximum insérée directement dans le statut. Il a regretté, que contrairement aux statuts des tribunaux ad hoc pour l'ex- Yougoslavie et le Rwanda, le projet de la cour ne renferme aucune disposition sur la restitution des biens mal acquis.

Le représentant de l'Egypte, indiquant être en accord avec le représentant suisse sur de nombreux points, a demandé l'élimination de toute référence aux amendes dans le projet, faisant observer que les crimes dont il est fait référence sont trop graves pour être couverts uniquement par des amendes. Parmi les motifs de recours, il n'est pas utile de conserver la question de la proportion entre la peine et le crime. Le statut doit également refléter les différents systèmes juridiques existants dans le monde, et donc doit tenir de la peine de mort, puisque qu'un grand nombre de pays l'applique encore, notamment les pays qui appliquent la Loi islamique. La peine de mort pourrait être appliquée dans certains cas, en cas de circonstances aggravantes.

Le représentant de la France a fait valoir que le statut devrait prévoir l'ensemble des peines applicables aux personnes physiques comme aux personnes morales. Il n'est pas nécessaire de se référer aux législations nationales. Il a exclu la peine capitale sans aucune réserve. Il a indiqué que les amendes et les peines d'emprisonnement sont cumulables. Il a estimé que la cour ne peut prononcer de peine d'emprisonnement supérieure à 30 ans, durée ramenée à 20 ans pour les mineurs de 13 à 18 ans, sauf décision exceptionnelle et motivée. S'agissant des personnes morales, telles que les organisations politiques, les mouvements de jeunesse ou les organes de presse, le représentant a suggéré que les peines applicables pourraient être notamment l'amende, la dissolution ou la confiscation de tout ou partie des biens. Il a rappelé que le projet français stipule que la multiplicité des crimes n'entraîne pas le prononcé de plusieurs peines cumulables.

Le représentant de Trinité-et-Tobago a indiqué qu'il est important que la cour énonce le prononcé de la peine. L'idée qu'il faut un maximum ou un minimum de peine est une option viable.

La représentante d'Israël s'est demandée si la cour peut condamner une personne pour des crimes prouvés qui ne figurent pas dans l'acte d'accusation. Les peines maximales d'emprisonnement applicables pour chaque crime devraient être précisées. En revanche, la condamnation au versement d'une amende semble inappropriée dans la mesure où la personne poursuivie et condamnée s'est rendue coupable d'un crime grave. De plus, une telle peine sera inefficace

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dans les nombreux cas où les personnes seront également condamnées à de lourdes peines d'emprisonnement. Il importe d'ajouter un article dans le statut relatif à la confiscation de tous les avoirs des personnes condamnées.

Le représentant du Chili, commentant l'article 47 du projet de statut qui a trait aux peines applicables, a rappelé l'opposition de son pays à la peine de mort. La condamnation à un emprisonnement à perpétuité nécessite un examen approfondi et des peines maximales devraient lui être préférées. La condamnation à une amende semble inappropriée, même à considérer l'imposition d'une lourde amende. Le statut devrait également comprendre des dispositions relatives à la déchéance des droits civiques de la personne condamnée et à l'impossibilité pour elle d'occuper certaines fonctions publiques et électives.

Le représentant du Japon a fait valoir que le paragraphe 2 du de l'article 47 du projet de la Commission du droit international (CDI) qui fait mention des peines prévues par la loi de l'Etat dont le coupable est ressortissant, par la loi de l'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis et par la loi de l'Etat qui avait la garde de l'accusé ou avait compétence à son égard doit être amendé. Le représentant a jugé irréaliste de chercher à imposer une amende au coupable.

Le représentant de l'Allemagne a estimé que l'article 47 du projet de la CDI doit être complété et inclure une grille des peines applicables en fonction de la gravité des crimes connus. Il importe d'amender le paragraphe 2 afin d'affirmer dans le statut que la cour a l'obligation et pas seulement la possibilité de tenir compte des peines prévues au niveau national. Il faut exclure la peine capitale du statut.

Le représentant de la Suède s'est déclaré satisfait que le statut n'inclut pas la peine capitale dans les peines prévues. Les peines d'amendes et d'emprisonnement doivent seules être utilisées. Soulignant qu'il n'est pas favorable à une peine d'emprisonnement à vie, le représentant a estimé qu'il importe de déterminer une peine maximale d'emprisonnement. S'agissant de l'article 47, il a indiqué que la cour pourrait tenir de la peine prévue par un certain nombre d'Etats énumérés aux alinéas a), b) et c). Il s'est déclaré ouvert sur la question de l'indemnisation des victimes.

Le représentant de Singapour a estimé que, s'agissant du paragraphe 2 de l'article 47, il faut faire preuve de prudence. Il faut tenir compte des peines prévues par la législation nationale, mais en même temps, il ne faut pas trop mettre l'accent sur la loi nationale, car il existe de trop grandes différences pour un même crime et l'accusé risquerait d'être jugé différemment. Il a estimé que la cour doit prendre en compte d'autres

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facteurs pertinents pour déterminer la peine, comme les antécédents de l'accusé. Comment prendre en considération la détention préventive dans la détermination de la peine, a-t-il demandé. Il faut tenir compte de cette période de détention, non pour réduire la sentence mais pour réduire la période d'incarcération de l'accusé, a précisé le représentant.

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