COMITE PREPARATOIRE POUR UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE : IL FAUT MAINTENIR
Communiqué de Presse
AG/L/167
COMITE PREPARATOIRE POUR UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE : IL FAUT MAINTENIR
19960819 MATIN AG/L/167 Le Comité préparatoire examine la question de la protection de l'accusé, des victimes et des témoins, puis celle des dépositionsLe Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale a poursuivi, ce matin, sous la présidence de M. Adriaan Bos (Pays-Bas), l'examen des questions relatives à la procédure, à la nécessité d'un procès impartial et aux droits de l'accusé. Le Comité a entamé un échange de vues sur le libellé de l'article 43 du projet de statut tels que proposé par la Commission du droit international (CDI), qui a trait à la protection de l'accusé, des victimes et des témoins.
A ce titre, les représentants des pays suivants ont pris la parole : Israël, Pays-Bas, Australie, Egypte, Slovénie, Etats-Unis, Finlande, Samoa, Portugal, France, Argentine, Allemagne, Chine, Mexique, Japon, Fédération de Russie, Canada, Jamahiriya arabe libyenne et Danemark.
Dans leur majorité, les délégations ont souligné la nécessité de développer dans le statut même de la Cour les dispositions relatives à la protection de l'accusé, des victimes et des témoins. Plusieurs représentants ont mis l'accent sur l'équilibre à obtenir entre la protection des droits des victimes et des témoins et ceux des accusés. Pour certaines délégations, la Cour doit fixer les principes d'indemnisation des dommages subis par la victime. Il appartiendra ensuite à une juridiction civile ad hoc, de déterminer, au niveau national le montant et les modalités de cette indemnisation. Plusieurs représentants se sont interrogés sur la pertinence d'envisager dans un même article la protection des droits de l'accusé, qui fait l'objet de plusieurs dispositions dans le statut et la protection des droits des victimes et des témoins. Quelques représentants ont rappelé la nécessité de veiller à ce que la protection des victimes et des témoins ne se fasse pas au détriment des droits de la défense.
Le Comité préparatoire a ensuite entamé l'examen de l'article 44 du projet de statut qui traite des dépositions. Les représentants des pays suivants ont pris part à l'échange de vues sur cet article : France, Finlande, Australie, Etats-Unis, Singapour, Egypte, Pays, Bas, Japon, Italie, Canada, Irlande, Mexique et Philippines.
Les discussions relatives à l'article 44 qui a trait aux dépositions ont principalement été axées sur la recevabilité et l'admissibilité des éléments de preuve et plus particulièrement sur la spécificité du faux témoignage et du parjure. De nombreuses délégations ont souligné la nécessité de réexaminer cet article, afin de déterminer la relation à établir entre les règles nationales et les dispositions qui devront figurer au statut ou en annexe.
En début de séance, le Président a indiqué que le Secrétariat du Comité préparatoire, conformément au paragraphe 6 de la résolution 1996/14 qu'il a adoptée lors de sa dernière session de fond, attire l'attention des membres du Comité préparatoire sur la possibilité d'appliquer les principes fondamentaux de justice pour les victimes de crimes et d'abus de pouvoirs contenus dans la Déclaration adoptée le 29 novembre 1985 par l'Assemblée générale. A cette fin, les membres du Comité préparatoire se sont vu remettre le texte de la Déclaration et des recommandations adoptées par le groupe d'experts qui s'est réuni en 1995 à Vienne.
La prochaine séance du Comité préparatoire aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
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Examen des questions relatives à la procédure, à la nécessité d'un procès impartial et aux droits de l'accusé: article 43 du projet de statut de la Commission du droit international relatif à la protection de l'accusé, des victimes et des témoins
Documentation
Aux termes du premier paragraphe de l'article 43 du projet de statut de la Cour, qui porte sur la protection de l'accusé, les victimes et les témoins, la Cour prend toutes les mesures nécessaires dont elle dispose pour protéger l'accusé, les victimes et les témoins et peut, à cette fin, ordonner le huis clos ou permettre que les dépositions soient présentées par des moyens électroniques ou autres moyens spéciaux.
Echange de vues
Le représentant d'Israël a fait valoir que les mesures de l'article 43 doivent être compatibles avec les dispositions relatives aux droits de l'accusé. L'article 44 qui a trait aux dépositions ne devrait traiter que des principes régissant cette matière, les règles pratiques devant figurer dans le Règlement intérieur. Le paragraphe 2 de l'article 44 est trop vague. Non seulement il faut y parler de faux témoignage, mais également de document falsifié. En cas de faux témoignage, le Procureur doit immédiatement en saisir la Cour. La Cour ne peut pas se prononcer sur la pertinence et l'admissibilité d'un élément de preuve avant d'avoir entendu les parties. Au paragraphe 5, il faut supprimer la mention "contrevenant gravement" qui est trop restrictive.
Le représentant des Pays-Bas a indiqué que, s'agissant de l'article 43, qui concerne la protection de l'accusé, les victimes et les témoins, la réunion d'experts sur les victimes d'experts, qui a eu lieu en 1995 à Vienne, a permis de dégager neuf principes. Aux termes de ceux-ci, il faut notamment faire preuve de respect à l'égard des victimes tout au long de la procédure. De même, les victimes doivent être informées dans une langue compréhensible de leur droit et de tous les renseignements qui les concernent. Il faut également protéger leur vie privée. Les procédures doivent être mises en oeuvre sans aucune incidence pécuniaire pour les victimes. L'indemnisation des victimes est également abordée. Selon le représentant, il faudrait faire figurer ces règles en annexe au Règlement intérieur plutôt que dans le statut lui-même.
Le représentant de l'Australie a souligné la nécessité de mieux définir l'article 43 afin de mieux défendre les droits des victimes et des témoins, dans la mesure où de nombreuses dispositions du statut ont déjà trait à la protection des droits de l'accusé. Le représentant a jugé indispensable que la Cour puisse se pencher sur les neuf principes dégagés en 1995 à Vienne par
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les experts. Pour autant, le Comité préparatoire n'a pas à examiner les questions relatives à l'indemnisation des victimes. Le Comité préparatoire devra approfondir sa réflexion sur les droits des victimes et ceux des témoins à chaque étape de la procédure, afin de mieux tenir compte de leurs besoins spécifiques. De même, il faudra définir clairement les modalités qui concernent le témoignage anonyme, en cherchant à éviter le recours à ce système. En revanche, la protection des témoins doit être assurée.
Le représentant de l'Egypte a estimé qu'il serait possible de renforcer la protection des accusés, des témoins et des victimes en créant une unité spéciale. Cette proposition est contenue dans le projet de Syracuse et dans le statut du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. S'agissant de l'indemnisation des victimes, il convient de rappeler que si l'on peut considérer stricto sensu que cette question ne relève pas de la compétence de la Cour, il y a cependant lieu de rappeler que l'indemnisation des victimes est étroitement liée à la protection des victimes. Tout en reconnaissant la nature civile de l'indemnisation des victimes, l'Egypte estime que la Cour doit pouvoir aider à la définition de l'étendue de l'indemnisation qu'une victime sera, par la suite, en droit d'obtenir devant une juridiction ad hoc.
Le représentant de la Slovénie a jugé nécessaire d'approfondir la discussion sur l'article 43. Il y a quelques années, on négligeait les secours aux victimes. Aujourd'hui, les victimes de crimes ont droit au respect et à la bienveillance des organes chargés du respect du droit. Il a estimé que ces droits peuvent être considérés comme un élément important du statut de la CCI. Or, l'article 43 n'offre pas ces droits. Il faudrait une aide en leur faveur. Les inculpés méritent également une certaine protection. Il a par ailleurs fait remarquer que, d'un point de vue formaliste, sa délégation préférerait que les victimes soient séparés des accusés et des témoins.
Le représentant des Etats-Unis, notant que l'article 43 est assez général, a estimé qu'il faut établir un équilibre avec la protection d'autres droits, notamment en matière d'interrogatoires des témoins. Il a ajouté être vivement intéressé par la protection des droits des victimes, qu'elles soient mises au courant à temps et qu'elles puissent exprimer leur préoccupations. Il est important qu'il y ait un service en place pour l'aide aux victimes et aux témoins qui ne fasse pas double emploi, ni ne crée trop de bureaucratie. Il a abordé la question de la compensation. Il faut savoir comment indemniser les victimes.
Le représentant de la Finlande a jugé que l'article 43 donne l'essentiel, mais l'expérience du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie montre que cette disposition doit être approfondie et mise en application. Il faut offrir une protection aux victimes compatible avec les droits de l'accusé.
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Il s'est déclaré en accord avec la plupart des éléments de la proposition néerlando-australienne et avec la proposition française. Il a estimé qu'un service d'aide aux victimes et aux témoins est nécessaire. Il a fait valoir que les victimes des crimes devraient avoir droit à la protection de la Cour par le biais d'un mécanisme.
Le représentant de Samoa, exprimant sa reconnaissance aux Pays-Bas pour avoir introduit cette résolution et avoir mis en avant ces éléments, a précisé que sa délégation endosse ces suggestions. L'article 43 pourrait être approfondi et élargi en adoptant la proposition Syracuse. Le projet de Syracuse est valable dans l'ensemble. L'article 43 devrait être conservé dans le statut de la CCI plutôt que dans son règlement intérieur, même si certains détails devraient être approfondis dans le règlement.
La représentante du Portugal a souligné l'importance de dispositions particulières pour les victimes et pour les témoins. Ces dispositions devraient être séparées de celles ayant trait à la protection de l'accusé. Il convient de mettre à l'aise les témoins et les victimes, de les inciter à collaborer avec la justice. Il faut répondre à leurs besoins. Il faut les tenir informés de tout ce qui les concerne. Ils ne devraient supporter aucun frais de procédure. Leur vie privée devrait être protéger. Le Portugal, qui est très sensible à la question de l'indemnisation des victimes, fera prochainement des propositions en ce sens qui viendront compléter celles déjà faites.
Le représentant de la France a déclaré partager les préoccupations de nombreuses délégations ainsi que celles faites par l'Australie et la Nouvelle-Zélande. La France a, dans son projet de statut, rédigé un article 102, qui, tout en consacrant le principe de la protection des victimes et des témoins, indique que celle-ci ne doit pas porter atteinte aux droits de la défense. Elle rappelle que certaines mesures de protection sont applicables sur le territoire d'Etats parties au statut de la Cour. Ces Etats devront donc s'acquitter de leurs obligations. De façon générale, il y a lieu de protéger l'identité, l'adresse ou toute coordonnée des témoins et des victimes afin d'empêcher qu'ils puissent être identifiés. La France estime que la chambre de première instance a la faculté d'ordonner la tenue d'une audience à huis clos. Cette possibilité doit se transformer en droit lorsque la victime a subi des violences sexuelles. En ce qui concerne le témoignage, le témoin doit pouvoir s'il le souhaite être dispensé de décliner son identité. La France est d'avis que la Cour détermine les principes qui pourraient gouverner l'indemnisation des dommages qu'a subis la victime. Cette détermination devrait s'imposer aux juridictions nationales qui seraient ensuite chargées d'examiner les questions d'indemnisation.
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Le représentant de l'Argentine s'est félicité que la question de l'indemnisation de la victime ait été abordée par le représentant des Pays-Bas. L'Argentine estime que la possibilité doit être donnée aux victimes d'intervenir de façon active dans la procédure pour pouvoir se porter partie civile afin que le montant d'indemnisation soit établi aux fins de réparation. Dans ce cas, on devrait permettre à l'accusé de s'opposer à la demande d'indemnisation. La proposition que vient de présenter la France contient des éléments fort intéressants en matière d'indemnisation de la victime.
Le représentant de l'Allemagne a estimé que la victime doit avoir le droit de refuser le témoignage d'une personne en raison d'un devoir de confidentialité. En effet, une victime peut avoir des relations particulières avec le témoin ou ce dernier peut exercer des responsabilités telles qu'il lui est difficile de témoigner. De même, aucune personne ne devrait être mise en position de s'incriminer.
Le représentant de la Chine a estimé nécessaire d'avoir une disposition telle que l'article 43. Mais la formulation de ce principe n'est pas suffisante. Il faudrait tenir compte des trois points suivants qui devraient être ajoutés à l'article 43, à savoir : la protection des témoins et des victimes doit être séparée de celle des accusés; il ne faut pas être trop vague en matière de protection des victimes et des témoins. Or, la disposition n'est pas assez précise. Les victimes et les témoins doivent avoir une responsabilité auprès de la Cour, de même que la Cour a la responsabilité de protéger les victimes et les témoins; quels sont les moyens de protection? Il faut être précis quant à la responsabilité de la Cour en la matière. Le moment où les victimes et les témoins doivent être protégés et le moment où cette protection cesse doivent être précisés. Quand la Cour prend des mesures de protection, elle doit obtenir l'accord des victimes et des témoins et entendre leur point de vue afin d'éviter des conflits. La protection de la Cour ne doit pas s'arrêter aux victimes et aux témoins spécifiques. La Cour doit non seulement prendre ses propres mesures, mais aussi demander la coopération des Etats. Ce point doit être développé.
La représentante du Mexique a considéré que l'article 43 est trop général et qu'il faut procéder à la révision de sa portée. Les questions de principe en matière de protection des victimes et témoins doivent être précisées dans le statut. Elle a exprimé des doutes quant à la protection de l'accusé. La protection de l'accusé a-t-elle sa place dans l'article 43?, a-t-elle demandé. L'idée d'un service d'aide aux victimes est intéressante. Ce service devrait être établi dans le cadre du bureau du procureur.
Le représentant du Japon a exprimé sa reconnaissance aux délégations précédentes qui ont parlé de toutes les questions nécessaires, et notamment aux Etats-Unis qui ont mis en lumière l'équilibre nécessaire entre les droits de l'accusé et de la protection des victimes.
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Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que la protection des victimes et des témoins est une obligation de la Cour. L'adoption de telles mesures ne doit pas porter de tort aux moyens de la défense. Les Etats membres parties au statut doivent coopérer en ce qui concerne la protection des victimes, des témoins et de leur famille.
Le représentant du Canada a proposé un amendement à l'article 43, en y ajoutant "sous réserve des dispositions de l'article 41". L'article 41, qui a trait aux droits de l'accusé, contiendrait, quant à lui, la mention sous réserve de l'article 41.
Le représentant de la Jamahiriya arabe libyenne a estimé que la Cour dans son souci de parvenir à la vérité, en cherchant à privilégier la déposition de témoignages, ne doit pas porter préjudice aux droits de la défense.
Le représentant du Danemark a jugé nécessaire que l'article 43 stipule qu'il n'existe aucune obligation de témoigner, ce, afin d'éviter toutes représailles pour la victime ou pour le témoin. L'idée d'établir une unité spéciale doit être examinée.
Examen des questions relatives à la procédure, à la nécessité d'un procès impartial et aux droits de l'accusé: article 44 du projet de statut de la Commission du droit international relatif aux dépositions
Aux termes du premier paragraphe de l'article 44 qui a trait aux dépositions, chaque témoin , avant de déposer, conformément au Règlement, prend l'engagement de dire la vérité dans sa déposition. Selon le paragraphe 2, les Etats parties étendent les dispositions de leur législation qui sont applicables au faux témoignage aux dépositions faites par leurs ressortissants en vertu du présent Statut et ils coopèrent avec la Cour aux enquêtes menées et, le cas échéant, aux poursuites engagées en cas de faux témoignage présumé.
Le paragraphe 3 dispose que la Cour peut exiger d'être informée de la nature de toute déposition avant que celle-ci ne soit faite, afin de pouvoir se prononcer sur sa pertinence ou son admissibilité. Au paragraphe 4, il est indiqué que la Cour n'exige pas la preuve des faits qui sont de notoriété publique, mais elle peut en prendre acte comme tels. En vertu du paragraphe 5, les dépositions obtenues par des moyens contrevenant gravement aux dispositions du présent Statut ou à d'autres règles du droit international ne sont pas admissibles.
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Echange de vues sur l'article 44
Le représentant de la France a jugé préférable d'adopter le même raisonnement que celui de la Commission du droit international qui a proposé que la Cour n'ait pas à connaître du faux témoignage, mais se contente de le constater. Dans cette hypothèse, la poursuite du faux témoignage serait du seul ressort de la juridiction nationale du pays dont le témoin est ressortissant. La France estime nécessaire que les témoins se présentent en personne à la barre. Toutefois, il convient de prévoir des dérogations permettant au Procureur de se rendre sur place pour prendre note du témoignage. Dans ce cas, une demande d'assistance judiciaire devra être faite. Le statut doit également tenir compte de la spécificité du témoignage d'un mineur ou d'une personne dont la faculté de discernement est altérée. Dans ce cas, la Cour ne saurait fonder son jugement sur ce seul témoignage.
Le représentant de la Finlande a déclaré que le contenu des articles 44 du statut et 124 de la proposition de la France s'appuie sur les juridictions nationales en matière de faux témoignage. Il s'est déclaré réticent à imposer de nouvelles responsabilités à la CCI qui pourrait l'empêcher de se consacrer pleinement à son activité principale. Le point de départ du principe de complémentarité est que la CCI est censée agir dans les cas où les procédures nationales seraient inexistantes ou inefficaces. Comment les procédures nationales pourraient fonctionner à l'égard des cas de faux témoignages, a-t-il souligné. Que faire quand la personne qui a fourni un faux témoignage n'est pas ressortissant d'un Etat partie au statut? Il a souligné que le même type d'arguments est valide pour la question difficile de l'indemnisation aux victimes. Quelle est la probabilité pour que les victimes fassent entendre leur demande d'indemnisation dans un système national?
Le représentant de l'Australie a estimé que l'article 44 suscite des questions fondamentales en ce qui concerne le fonctionnement équitable de la Cour. Il n'est pas possible d'avoir une approche fondée uniquement sur un système. Il faudra établir des passerelles. Les dispositions concernant les dépositions doivent figurées dans le statut. Mais si le règlement intérieur est plus facile à amender que le statut, alors il faut y insérer de nombreux détails. S'agissant des faux témoignages il faut savoir quel est le rôle des instances nationales en la matière. Toute Cour devrait avoir en son pouvoir la possibilité de châtier les faux témoignages. Le problème de la Cour est la nécessité de déterminer quelles sont les normes qu'elle appliquera en matière de dépositions admissibles et pertinentes. Une autre question ardue est celle de savoir quel est le poids à accorder aux preuves recueillies par les instances nationales, a-t-il ajouté.
La représentante des Etats-Unis a estimé qu'il faut approfondir les règles de la preuve, sans pour autant avoir les codes très volumineux du droit coutumier. Il vaut mieux édicter les principes généraux de la preuve, et
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le projet de l'Australie nous en donne un bon exemple. En ce qui concerne le parjure, elle s'est déclarée en accord avec la délégation australienne sur le fait qu'il existe de nombreuses lacunes, notamment en ce qui concerne le droit qui prévaut dans le pays dont l'accusé est ressortissant. Elle s'est également déclarée d'accord avec l'Australie quant à l'exclusion de certaines preuves, précisant que l'irrecevabilité de la preuve est une question difficile qu'il faudra approfondir.
Le représentant de Singapour a indiqué que la règle de la preuve fait partie des règles judiciaires et des droits de l'accusé. En conséquence, il faut en parler au statut. Il a rappelé que ce statut est un amalgame de différents systèmes juridiques. Il faudra donc rédiger des règles précises pour que chaque Etat comprennent les règles de la Cour. Mais il est peu plausible qu'on puisse couvrir tous les cas en fixant les règles de la preuve. En conséquence, il faut donner à la Cour suffisamment de souplesse pour qu'elle puisse établir ses règles de la preuve. Il a demandé s'il faut forcer un témoin à donner un témoignage. Il a également soulevé la question des privilèges et notamment le refus de répondre. Comment la preuve documentaire, et notamment informatique, peut-elle être établie? a-t-il ajouté. Le représentant a déclaré qu'il étudiera toutes les propositions en la matière avec un vif intérêt. Il a cependant émis des réserves en ce qui concerne une éventuelle profusion de règles de la preuve. La Cour ne peut représenter tous les systèmes judiciaires à la fois, a-t-il précisé. Il faut laisser au tribunal le soin de soupeser la preuve qui lui est proposée.
Le représentant de l'Egypte a fait valoir qu'une bonne partie du dispositif contenu à l'article 44 devrait figurer au Règlement intérieur pour les raisons qui ont été évoquées par de nombreux orateurs. La question du parjure devra être examinée au niveau national. Pour autant, la Cour aura un droit de regard en ce qui concerne l'outrage à magistrat que constitue le parjure. Il importe d'établir un équilibre entre les droits de l'accusé et ceux de la victime. C'est pourquoi, le statut ne saurait tolérer une infraction, quelle que soit son importance. De façon générale, il conviendra de faire preuve de souplesse en matière de dépositions.
Le représentant des Pays-Bas a estimé que les questions d'administration ordinaire des éléments de preuve devraient figurer au règlement intérieur, mais également au statut. Il faudra aller au-delà du simple débat contradictoire. Le statut devra donner les règles de la preuve afin d'établir la culpabilité ou non de l'accusé. Les Pays-Bas sont favorables à l'inclusion d'un paragraphe qui traiterait des sources de preuve. Ils sont d'avis qu'il est indispensable de tenir compte des procédures judiciaires nationales. Le statut ne contient aucune disposition sur la façon dont la Cour doit tenir compte des éléments de preuve fournis par les juridictions et les autorités nationales. Les Pays-Bas sont favorables à l'introduction d'une disposition réfutable, ce qui permettrait à la Cour de reconnaître à priori que les
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juridictions nationales ont agi dans le respect du droit national. La Cour ne devrait pas avoir à statuer sur la légalité des éléments de preuve recueillis au niveau national, dans la mesure où elle n'agit pas en qualité de Chambre d'appel internationale.
Le représentant du Japon a fait valoir que l'article 44 ne contient que les dispositions les plus importantes en ce qui concerne les dépositions, notamment pour ce qui est de la collecte illégale des éléments de preuve. Le statut devrait préciser certaines règles relatives à l'admissibilité des éléments de preuve sans pour autant contenir une liste exhaustive des dispositions applicables en la matière. Le Japon estime que le parjure relève à priori du droit national. Or, il est impossible de faire passer les règles nationales en ce domaine du niveau étatique au niveau international. C'est pourquoi, les règles relatives au parjure devront être appréhendées dans un document se rattachant à la procédure suivie par la Cour. Le projet présenté par le Japon contient des propositions sur cette question.
Le représentant de l'Italie a estimé que le texte de l'article 44 est suffisamment souple. Il peut donc, dans son ensemble, être accepté en l'état.
Le représentant du Canada, déclarant qu'il partage les préoccupations des délégations de la Finlande, de l'Australie et du Japon en ce qui concerne le jugement d'un faux témoignage uniquement par les juridictions nationales, a demandé quelle garantie on aura qu'un Etat s'engage à poursuivre un crime subsidiaire comme le faux témoignage? Que se passe-t-il si le pays n'est pas partie au Statut et que se passe-t-il dans le cas où l'Etat est partie au Statut, mais que le ressortissant n'habite pas dans ledit Etat? Qui a obligation de poursuivre cette personne? Le pays qui n'a pas vu son ressortissant depuis 15 ou 20 ans ou le pays où réside le ressortissant incriminé? En ce qui concerne l'exclusion des dépositions, il a demandé si cela concernait toutes les dépositions ou seulement certaines. Quelles sont les règles du droit international auxquelles il est fait référence au paragraphe 5?
Le représentant a estimé que les violations du droit national ne sont pas pertinentes dans une large mesure. Lorsqu'un Etat demande assistance mutuelle, il ne se pose pas de questions sur la manière dont l'autre Etat rassemble les preuves. Il peut toutefois en tenir compte si cela peut affecter les droits de l'accusé. La Cour n'applique que son propre droit, un droit international, et n'a pas à se préoccuper des droits internes. Le représentant a par ailleurs précisé que la demande de référence ou de consultations auprès d'une Cour nationale pourrait prendre beaucoup de temps et, en conséquence, que le procès devant la Cour pourrait être retardé d'autant. Le représentant a par ailleurs posé la question de savoir quels sont les motifs pour exclure des preuves. Il a rappelé que le document
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présenté par l'Australie et les Pays-Bas proposent notamment deux motifs : des méthodes qui jettent le doute sur la fiabilité des preuves, comme la torture, et des méthodes qui sont contraires à l'intégrité des procédures de la Cour. Il faut également des règles particulières pour protéger les victimes de sévices sexuels.
Le représentant de l'Irlande a estimé qu'il faut établir un système cohérent, où le tout est plus important que les parties. Il est difficile en droit pénal d'en rester aux principes et de ne pas entrer dans les détails. Dans cette matière, nous avons une responsabilité plus lourde que pour établir une convention internationale dans un autre domaine, a-t-il ajouté. Il faut être sûr que les principes que nous allons inclure sont les plus importants. Il faut donc faire preuve de prudence. Comment peut-on accepter des preuves de la part de personnes qui les ont obtenues sous la torture? La Cour doit avoir les normes les plus élevées. La gravité des charges ne doit jamais être perdue de vue.
La représentante du Mexique a souligné que les dispositions de l'article 44 contiennent des éléments importants qu'il faut étudier scrupuleusement. Il comporte néanmoins des lacunes. Le chapitre concernant les preuves est fondamental. En ce qui concerne la question du faux témoignage, elle comprend les positions de la Finlande et de l'Australie, mais elle n'est pas convaincue que le faux témoignage doit être étudié par la Cour.
Le représentant des Philippines a estimé qu'en ce qui concerne le faux témoignage, il faut que le témoin comprenne qu'il y aura sanction s'il ne dit pas la vérité.
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