DR/G/201

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DES RAPPORTS DE LA NAMIBIE ET DU VENEZUELA

14 août 1996


Communiqué de Presse
DR/G/201


LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DES RAPPORTS DE LA NAMIBIE ET DU VENEZUELA

19960814 Genève, 13 août -- Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen des rapports présentés par la Namibie et le Venezuela sur les dispositions prises par leurs Gouvernements pour la mise en oeuvre des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

M. Utoni Nujoma, représentant du Ministère de la justice de la Namibie, a indiqué qu'après l'indépendance, son Gouvernement a lancé une politique de réconciliation nationale en mettant un terme aux iniquités de l'apartheid. Il a souligné que la Namibie a hérité d'un corps considérable de lois qui établissaient une discrimination criante à l'égard des Noirs. Toutes ces lois empreintes de discrimination raciale n'ont pas encore été abrogées ou modifiées, mais la Namibie est sur la bonne voie de l'élimination de la discrimination raciale, a déclaré son représentant.

Le rapporteur du Comité chargé du rapport de la Namibie s'est félicité du sérieux avec lequel ce pays répond à ses obligations internationales, malgré un passé troublé et beaucoup de difficultés. Il a salué les mesures de discrimination positive prises par le Gouvernement namibien visant à redresser les torts causés par l'apartheid. Le rapport montre qu'il existe des survivances de discrimination raciale, notamment dans la répartition des terres, mais également dans les textes de loi.

Le représentant du Venezuela, présentant le rapport de son pays, a souligné le caractère multiracial de la composition de la population vénézuélienne. Un ensemble complexe de dispositions juridiques ont donné un statut normatif à l'égalité ethnique. Le représentant a toutefois reconnu qu'il serait difficile de dire de façon absolue qu'il n'existe aucune discrimination raciale au Venezuela.

Le rapporteur du Comité pour le rapport du Venezuela a indiqué que ce pays renferme une richesse qui a toujours attiré les immigrants. Un sentiment de xénophobie peut se développer, comme dans tout pays, en particulier en

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période de chômage. Il n'existe aucune disposition spécifique permettant l'accès aux tribunaux pour les victimes de discrimination raciale. L'affirmation faite dans le rapport selon laquelle il n'existe pas de discrimination raciale au Venezuela n'est pas corroborée par les informations émanant de différentes organisations non gouvernementales notamment, a précisé un autre membre du Comité.

Le Comité reprendra, demain matin à 10 heures, l'examen des rapports de la Namibie et du Venezuela.

Examen du rapport de la Namibie

M. Utoni Nujoma, représentant du ministère de la justice de la Namibie, présentant le rapport de son pays, a indiqué que la Namibie est un État unitaire doté de treize régions administratives. La Namibie connaît un régime présidentiel ou le Président cumule les fonctions de chef de l'État et de chef du Gouvernement. Le système présidentiel tient compte de plusieurs aspects des systèmes présidentiels américains et britanniques. La Constitution a instauré un Ombudsman qui défend les droits de l'homme, a en outre indiqué le représentant.

La population de la Namibie a décidé de rompre avec l'apartheid. Après l'indépendance, le Gouvernement a lancé une politique de réconciliation nationale en tirant un trait sur les iniquités de l'apartheid. Le représentant de la Namibie a indiqué qu'il y a au moins deux Namibie, une blanche qui détient les richesses et une noire qui vit dans la misère.

Les auteurs de la Constitution ont fait de la discrimination raciale un délit. En décembre 1991, une loi contre la discrimination raciale a été promulguée. Le Gouvernement a pris des mesures législatives en vertu de cette loi garantissant l'accès à tous, sans discrimination raciale, aux équipements collectifs ou privés. La Namibie a hérité d'un corps considérable de lois qui établissaient une discrimination criante à l'égard des Noirs. La majeure partie de ces textes ont été abrogés. Mais toutes les lois empreintes de discrimination raciale n'ont pas encore été abrogées ou modifiées. Il en est ainsi des lois qui régissent l'administration des biens et la succession des défunts. La Commission de la réforme judiciaire s'attache à la modification de ces lois.

M. Nujoma a par ailleurs indiqué que des mesures tendant à redresser les torts causés par l'apartheid devraient être adoptées dans le courant de l'année. Le Parlement peut adopter des lois qui favorisent les Namibiens qui ont été désavantagés par les lois ou pratiques discriminatoires du passé, a-t-il indiqué.

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Le représentant namibien a expliqué qu'il existe des dispositions constitutionnelles qui permettent aux individus d'obtenir réparation en cas de violation de leurs droits de l'homme ainsi que des textes de lois qui offrent à tout citoyen des voies de recours. En cinq ans d'indépendance, un seul cas de discrimination raciale a été porté devant les tribunaux en vertu de la loi contre la discrimination raciale de 1991, dont les dispositions sont conformes à la Convention, a ajouté le représentant.

Le problème de la discrimination raciale émane principalement aujourd'hui de particuliers, a poursuivi M. Nujoma. Il a affirmé que son pays est sur la bonne voie de l'élimination de la discrimination raciale et sur la voie de la réconciliation nationale.

M. Andrew R. Chigovera, membre du Comité et rapporteur pour la Namibie, a salué le sérieux avec lequel la Namibie répond à ses obligations internationales, malgré un passé troublé et beaucoup de difficultés. Le rapport de la Namibie constitue de fait un rapport initial, les précédents rapports ayant été présentés au nom de la Namibie. M. Chigovera a souligné l'importance de la politique de réconciliation nationale menée en Namibie.

L'expert a estimé que des renseignements démographiques sur les différents groupes linguistiques sont nécessaires. Le Comité doit être informé de la répartition de la population namibienne dans les différentes régions qui ont des caractéristiques très variées, et plus particulièrement de la population Bushman. Les mesures positives d'attribution de terres plus productives à la population noire méritent d'être expliquées, et plus généralement les mesures prises par le Gouvernement afin de répartir plus équitablement la richesse nationale en faveur de la population noire. En ce qui concerne la discrimination positive, l'expert a salué les mesures prises par le Gouvernement namibien visant à redresser les torts causés par l'apartheid. Les effets de cette législation doivent être précisés par le représentant de la Namibie.

M. Chigovera a regretté le manque d'informations concernant l'application de l'article 5 de la Convention qui garantit l'égalité de tous dans la jouissance des droits, quels que soient la race, la couleur ou l'origine nationale ou ethnique des groupes et des individus.

En ce qui concerne les populations autochtones qui vivent dans des régions éloignées de la Namibie, M. Chigovera a souhaité savoir dans quelle mesure ils ont accès aux services de l'Ombudsman en cas de discrimination raciale.

M. Chigovera a déclaré que des informations émanant d'organisations non gouvernementales indiquent que certaines positions de haut rang au Ministère de la défense reviendraient au seul groupe ethnique des Ovambos. M. Chigovera

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a souhaité connaître les formes de discrimination qui persistent à l'encontre des noirs, ainsi que les mesures prises par le Gouvernement namibien pour y remédier. En ce qui concerne le système éducatif, il a demandé dans quelle mesure les enfants noirs ont accès aux anciennes écoles blanches.

M. Chigovera s'est déclaré préoccupé par le fait que la disparité de revenus entre les différentes couches sociales n'a pas fait l'objet d'une attention suffisante de la part du Gouvernement. La majorité de la population noire continue d'être privée de l'égalité de chances avec la population blanche dans le domaine de l'emploi. Le Gouvernement namibien semble hésiter à traiter la discrimination raciale dans le secteur privé, craignant d'aller à l'encontre de la politique de réconciliation nationale.

Un autre expert du Comité s'est félicité de l'ouverture du dialogue avec la Namibie. Il a noté que le rapport de la Namibie montre qu'il existe des survivances de la discrimination raciale, notamment dans la répartition des terres, dans le domaine du logement, de l'enseignement, mais également dans la législation, en particulier dans la loi sur l'administration des biens. Il a demandé qu'un bilan des réformes en cours en vue de l'élimination de la discrimination raciale soit présenté au Comité. Le fait que tout procès soit soumis à l'autorisation écrite du Procureur général semble expliquer le manque d'exercice effectif des voies de recours en matière de discrimination raciale.

Un autre expert du Comité a félicité la population namibienne pour son accession à l'indépendance. Le processus d'élimination des séquelles du passé sera long étant donné le fossé qui existe entre la population blanche et la population noire, notamment en matière de revenu. L'expert a indiqué que l'éducation constitue le moyen le plus efficace pour remédier à ces inégalités.

Examen du rapport du Venezuela

M. Naudy Suarez Figueroa, du Venezuela, a présenté le rapport de son pays précisant le cadre historique de son pays. Il a expliqué que les conquérants espagnols n'ont pas trouvé au Venezuela les richesses minières qu'ils ont pu trouver ailleurs en Amérique. La relative carence de ressources a eu pour conséquence que les esclaves ramenés d'Afrique n'ont pas été nombreux. Le mélange racial a été très efficace dans le pays. La composition de la population du Venezuela est multiraciale. Un ensemble complexe de dispositions juridiques ont donné le statut normatif à l'égalité ethnique. L'article 61 de la Constitution précise que «sont interdites les discriminations fondées sur la race, le sexe, la croyance religieuse ou la condition sociale».

M. Figueroa a souligné qu'il serait difficile de dire de façon absolue qu'il n'existe aucune discrimination raciale au Venezuela. La population est majoritairement métisse. La population du Venezuela compte 20 millions

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d'habitants regroupés en 28 groupes ethniques distincts. Le régime légal pour répondre au problème des populations autochtones se résume par une égalité fondamentale avec les autres Vénézuéliens, mais les dote d'une protection spéciale. Les autorités vénézuéliennes ont opté pour une politique envers les populations autochtones qui marie la protection de leur identité à l'intégration de ces populations au sein de la population vénézuélienne. Un projet de lois sur les communautés autochtones est actuellement étudié par les députés. Le Gouvernement étudie également la possibilité de ratifier la Convention No 169 de l'Organisation internationale du travail. En 1992, un nouveau recensement très complet des populations autochtones a été effectué. De nombreux renseignements ont été obtenus à cette occasion. En 1995, un groupe de dix-huit professeurs appartenant à autant d'ethnies autochtones ont été nommés afin de mettre en application le décret relatif au régime d'éducation interculturelle bilingue, dans le cadre du programme de formation interculturelle bilingue lancé en 1986.

M. Luis Valencia Rodriguez, membre du Comité et rapporteur pour le Venezuela, a fait valoir que ce pays renferme une richesse qui a attiré les immigrants, y compris des pays voisins. La plupart des immigrants demeurent illégaux. En 1981, environ un million soixante-quinze mille personnes parmi la population globale vénézuélienne étaient nées à l'étranger. M. Valencia a souhaité connaître les problèmes spécifiques qu'a pu poser l'arrivée des immigrants européens. Il a par ailleurs indiqué qu'il existe un sentiment de xénophobie face aux immigrants, comme dans tout le pays en période de chômage.

La majorité des autochtones vivent dans des zones isolées et pauvres qui manquent d'installations sanitaires et de système d'enseignement. La Constitution prévoit la protection de ces populations autochtones par un régime spécial afin d'essayer d'améliorer les conditions de vie de ces populations. Les mesures les plus importantes sont les mesures de restitution des terres, qui nécessitent des explications complémentaires. L'encouragement de l'enseignement dans les langues autochtones a également été souligné, ainsi que les mesures de protection de l'environnement.

Le Venezuela interdit toute forme de discrimination raciale et le principe d'égalité devant la loi est largement consacré par la Constitution. /L'entrée en vigueur d'un traité international en droit national ne se fait pas de manière automatique mais par la promulgation d'une loi spécifique. Le délit de discrimination raciale n'est cependant pas mentionné spécifiquement comme l'exige la Convention.

M. Valencia a souligné qu'il n'existe aucune disposition spécifique permettant l'accès aux tribunaux pour les victimes de discrimination raciale. Il n'existe également pas d'organe chargé de recueillir de telles plaintes. La loi sur l'amparo n'a pas été utilisée dans des cas de discrimination raciale. Des explications sur la façon dont les populations autochtones sont informées des dispositions de la Convention ont été demandées au représentant du Venezuela.

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Selon des informations d'Amnesty International, il existe des cas de dénonciation de violences contre les populations autochtones, perpétrées notamment par des hommes armés à la solde de grands propriétaires terriens. L'expert a fait également mention d'exécutions extrajudiciaires. Plusieurs activités de sociétés minières internationales sont menées au détriment des populations autochtones et de la préservation de leur environnement. La pratique de la torture semble également plus fréquente à l'encontre des communautés autochtones. Le rapport du Comité d'experts de l'Organisation internationale du travail ne mentionne pas une réduction des formes de discrimination raciale systématique à l'encontre des populations autochtones. Ce rapport fait également état de dispositions prises par le Gouvernement vénézuélien qui seraient opposées aux dispositions de la Convention.

Un autre membre du Comité a souligné que le Venezuela a réussi un profond mélange des races. Mais l'affirmation selon laquelle il n'existe pas de discrimination raciale n'est pas corroborée par les informations émanant de différentes organisations non gouvernementales notamment. Le Conseil indien du Venezuela fait état de violations graves dont sont victimes les populations indiennes, dans l'administration de la justice, dans la gestion de la santé, et dans l'enseignement notamment.

Un expert du Comité a souhaité des précisions sur la situation des Afro- vénézuéliens au sein de la société vénézuélienne et notamment leur participation dans le service diplomatique.

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