En cours au Siège de l'ONU

DH/G/444

LA SOUS-COMMISSION POURSUIT SON DÉBAT SUR LA PROTECTION DES MINORITÉS ET LES FORMES CONTEMPORAINES D'ESCLAVAGE

14 août 1996


Communiqué de Presse
DH/G/444


LA SOUS-COMMISSION POURSUIT SON DÉBAT SUR LA PROTECTION DES MINORITÉS ET LES FORMES CONTEMPORAINES D'ESCLAVAGE

19960814 Elle est saisie du rapport préliminaire sur l'esclavage sexuel en période de conflit armé

Genève, 14 août -- La Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a poursuivi ce matin son débat sur la protection des minorités, la liberté de circulation, les formes contemporaines d'esclavage et l'esclavage sexuel en temps de guerre.

Elle était notamment saisie du rapport préparé par le Rapporteur spécial sur le viol systématique, l'esclavage sexuel et les pratiques analogues assimilées durant les conflits armés, Mme Linda Chavez, et du rapport annuel du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage, présidé par Mme Halima Warzazi.

La Sous-Commission a entendu les déclarations de Mme Erica-Irene Daes (Grèce), M. Ribot Hatano (Japon) et M. Fisseha Yimer (Éthiopie). Mme Daes a mis l'accent sur la question de la codification des droits fondamentaux des minorités, en particulier dans le cadre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des minorités, de 1992, qui a consacré la reconnaissance de l'identité culturelle, linguistique, religieuse, économique et sociale des minorités et leur droit de participer aux affaires de l'État. Elle a rappelé que la Déclaration stipule que les minorités doivent pouvoir bénéficier de l'appui de l'État pour exercer leurs droits et qu'elle inscrit la protection des minorités dans le cadre de la coopération internationale, notamment financière et technique. Cela veut dire, a souligné l'expert, que les Nations Unies doivent aider les États à assurer le respect des droits des minorités.

Passant en revue le rapport préliminaire sur l'esclavage sexuel en temps de guerre, M. Hatano a déclaré qu'il faudrait dans ce domaine se pencher sur la question de savoir si l'élaboration de nouveaux instruments juridiques internationaux était souhaitable. M. Yimer a estimé que ce rapport constitue «un bon début» mais que sa forme finale devrait explorer davantage l'état du droit international dans ce domaine ainsi que la question de l'indemnisation et de la réhabilitation des victimes de l'esclavage.

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La Sous-Commission a par ailleurs procédé à l'audition des huit organisations non gouvernementales suivantes dans le cadre du débat sur les formes contemporaines d'esclavage : Pax Romana; Christian solidarity international; Fédération internationale des syndicats libres; Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; Centre Europe-Tiers monde; Organisation internationale pour le progrès; Mouvement fédéraliste mondial; Liberation. Plusieurs intervenants ont mis en évidence les formes contemporaines d'esclavage et l'exploitation sexuelle, en particulier des enfants, dans le Sud-Est asiatique, en Inde, au Pakistan et au Soudan. D'autres représentants ont mis l'accent sur les diverses formes de discrimination que subissent les victimes de l'exploitation sexuelle, et notamment la violation des droits des travailleurs migrants lorsque ces personnes sont envoyées à l'étranger.

Les représentants de la Lettonie, de la Fédération de Russie, du Pakistan et des Philippines sont intervenus dans le cadre du débat sur les minorités et la liberté de circulation. Certains ont insisté sur la nécessité d'assurer la représentation adéquate des représentants des minorités dans les institutions représentatives des États dans lesquels ils résident. La plupart ont évoqué les mesures et dispositions constitutionnelles qui existent dans leur pays afin de garantir la protection des droits des diverses minorités qui y résident. Certains ont évoqué les problèmes liés à la protection des travailleurs migrants.

Les représentants du Nigéria, de l'Albanie et de l'Estonie ont exercé leur droit de réponse.

La Sous-Commission poursuivra son débat sur ces questions cet après- midi, à 15 heures.

Présentation de rapports relatifs aux Formes contemporaines d'esclavage

Mme HALIMA EMBAREK WARZAZI, Présidente du Groupe de travail, présentant le rapport du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage, a notamment déclaré que la prostitution s'étend de plus en plus aux mineurs. Elle a affirmé que l'exploitation qui est faite de la prostitution des mineurs a pris des dimensions alarmantes car de nouveaux pays s'ouvrent au tourisme sexuel. Quelques pays occidentaux ont bien promulgué des lois visant à pénaliser leurs citoyens qui se sont livrés à ces pratiques dans des pays vulnérables, mais il serait souhaitable que cette politique soit largement suivie. Par ailleurs, le Groupe de travail ne saurait trop condamner la pornographie qui affecte tout particulièrement les enfants et qui devrait être combattue par tous les États grâce à des mesures urgentes, notamment pour protéger les mineurs. Mme Warzazi a également souligné la nécessité d'une large ratification des deux conventions pertinentes, celles de 1949 et de 1956. Elle a regretté que, cette année, les représentants des États Membres contactés ne se soient pas manifestés.

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Mme Warzazi s'est en outre inquiétée des problèmes rencontrés par le Fonds volontaire de contribution des Nations Unies pour la lutte contre les formes contemporaines d'esclavage, créé en 1991, en raison de l'indifférence dont font preuve les États à son égard. En un mot, c'est un fonds qui n'a pas de fonds. C'est pourquoi le Groupe de travail a pris l'initiative de faire appel à la générosité de certaines multinationales et institutions privées. Mais il n'a pas reçu de réponse à ce jour, a précisé Mme Warzazi. Aussi, puisque le Fonds ne peut s'acquitter de sa tâche, qui est de permettre à des organisations non gouvernementales ou des particuliers d'apporter leur témoignage devant, le Groupe de travail, celui-ci a demandé que soit inclus, dans le projet de résolution sur le Fonds, un paragraphe suggérant au Secrétaire général de confier le mandat du Conseil d'administration du Fonds au Groupe de travail.

S'agissant du travail servile des enfants, Mme Warzazi a indiqué que l'attention du Groupe de travail a notamment été attirée sur le tenue, en 1997, d'une Conférence sur les formes les plus intolérables du travail des enfants. Examinant la question du trafic d'organes et de tissus humains, le Groupe de travail a par ailleurs entendu une organisation non gouvernementale évoquer la question des femmes contraintes d'avorter pour que les tissus des enfants avortés soient utilisés à des fins de transplantation. L'examen des questions relatives aux travailleurs migrants a donné lieu à un débat au cours duquel l'extrême vulnérabilité des travailleurs migrants, dans certains pays du Golfe et d'Europe, a été soulignée. Le fait le plus grave à relever à cet égard, est la confiscation, par les employeurs des passeports de ces travailleurs, en particulier ceux des femmes, ce qui les expose à une situation proche de l'esclavage.

Mme Warzazi a regretté qu'en raison de la tenue concomitante de réunions internationales importantes durant la session du Groupe de travail, peu d'organisations non gouvernementales et d'observateurs internationaux aient été présents durant ses travaux. Elle a souhaité qu'à l'avenir, les organisations non gouvernementales enquêtent afin de déterminer si, comme l'affirme Dominique Torres dans son livre «Esclaves» publié l'an dernier, il existe des multinationales de l'esclavage dont les victimes se voient réserver un sort effroyable dans les capitales européennes.

La Commission était également saisie du rapport préliminaire de Mme Linda Chavez, Rapporteur spécial sur le viol systématique, l'esclavage sexuel et les pratiques analogues à l'esclavage en période de conflit armé. Présentant le rapport de Mme Chavez, MME GAY McDOUGALL, Expert des Etats-Unis, a indiqué qu'il présente un historique des abus commis durant les conflits armés, y compris durant la première et seconde guerre mondiales, en matière de viols et d'esclavage sexuel. Elle a indiqué que, bien souvent, le viol a été utilisé comme torture et que les grossesses forcées ont servi les politiques d'épuration ethnique. Le rapport mentionne également des faits plus récents, tels que ceux qui se sont produits dans l'ex-Yougoslavie où l'on dénombre

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quelque 20 000 victimes de viol, durant l'occupation iraquienne du Koweit, le conflit au Rwanda, les actes contre-terroriste menés au Pérou, ainsi que durant la guerre civile au Libéria. Le document met l'accent sur la nécessité d'assurer l'indemnisation et la réhabilitation des victimes. Le document insiste également sur la compétence d'organes juridiques internationaux, tel que la Court international de justice et les tribunaux internationaux pour juger des crimes de guerre, pour instruire et pour suivre ceux qui se sont livrés à ces pratiques en temps de guerre.

La Sous-Commission examinera aussi le rapport du Secrétaire général sur la mise en oeuvre du Programme d'action pour l'élimination de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine, qui présente notamment des informations fournies par les gouvernements de l'Angola, de 'Australie, du Bangladesh, de la Lettonie et des Philippines sur l'application du Programme.

Déclarations des experts

Mme ERICA-IRENE DAES, expert de la Grèce, a rappelé qu'il a fallu aux Nations Unies presque cinquante ans pour codifier les droits fondamentaux des minorités. Aujourd'hui même, de nouvelles explosions de violences assassines se produisent encore, notamment en Europe. S'agissant des normes juridiques en vigueur dans ce domaine, Mme Daes a évoqué la Déclaration des Nations Unies sur les minorités qui a consacré la reconnaissance de l'identité culturelle et linguistique des minorités et leur droit de participer aux affaires de l'État et d'être représentées dans les institutions représentatives. La Déclaration stipule que les minorités doivent pouvoir bénéficier d'un appui public pour exercer leurs droits et qu'elle inscrit la protection des minorités dans le cadre de la coopération internationale, notamment financière et technique. Cela veut dire, a souligné l'expert, que les Nations Unies doivent aider les États à assurer le respect des droits des minorités.

Mme Daes a regretté que certains États continuent de se sentir menacés par les minorités et continuent de s'opposer à toute coopération internationale, notamment en matière de développement. Or, le Secrétaire général a lui-même insisté sur l'importance du respect des droits de minorités pour la stabilité des États. Mme Daes a encouragé, au sein des Nations Unies, la formation de personnel en matière de promotion et de protection des droits des minorités, en particulier pour le personnel affecté au rétablissement de la paix après les conflits ainsi que les activités d'information et de sensibilisation de la presse internationale sur l'importance de la question du respect et de la promotion des droits des minorités. L'efficacité de la Déclaration dépend également de l'efficacité du groupe de travail de la Sous- Commission sur cette question, a-t-elle fait valoir. Elle a souhaité que la Sous-Commission recommande au Conseil économique et social de proroger le mandat du groupe de travail jusqu'à la fin de 1999.

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M. RIBOT HATANO, expert du Japon, a souhaité que Mme Chavez, qui doit remettre son rapport final sur l'esclavage sexuel en période de conflit armé l'année prochaine, précise en quoi la Convention de l'OIT sur le travail forcé, qui exclut comme forme de travail forcé celui qui est exercé en temps de guerre, peut constituer une norme internationale établie qui gouverne le sujet de son étude. Il a également estimé que peu d'États ont admis par le passé s'être livrés au viol systématique et accepté de dédommager les victimes. Il a fait valoir qu'en l'état, il est impossible de dire s'il existe ou non une loi internationale d'application générale ou de traité efficace dans ce domaine. Il faudrait se pencher sur la question de savoir si l'élaboration de telles dispositions juridiques internationales serait souhaitable.

M. FISSEHA YIMER, expert de l'Éthiopie, a estimé que le rapport préliminaire du Rapporteur spécial, Mme Chavez, constitue un bon début mais doit explorer la situation du droit international dans le domaine étudié, ainsi que les moyens précis d'indemnisation et de réhabilitation des victimes de l'esclavage sexuel. Il a déclaré attendre avec impatience la remise du rapport final sur cette question.

Fin du débat sur les minorités et la liberté de circulation

M. ROMANS BAUMANIS (Lettonie) a déclaré qu'historiquement, la Lettonie a toujours été un pays multiculturel abritant des ethnies diverses. Avant la Seconde guerre mondiale, les non-Lettons représentaient 25% de la population. Suite aux transferts massifs de populations et à la politique de russification menée par les autorités soviétiques, la Lettonie compte aujourd'hui 55% de Lettons, 33% de Russes, 4% de Bélarussiens et 3% d'Ukrainiens et autres groupes. La Lettonie est engagée dans l'intégration des populations transférées sur son territoire. La pierre angulaire de la protection des droits de l'homme de tous les résidents du pays est la «Loi constitutionnelle sur les droits et devoirs des citoyens et des personnes». En 1995, a été établi un Bureau national des droits de l'homme, agence indépendante consacrée à la protection des droits de l'homme de tous les résidents en Lettonie. Il y a moins d'un mois, le Président de la République de la Lettonie a mis en place le Conseil consultatif sur les nationalités. Le Gouvernement letton soutient par ailleurs les activités de plus de vingt groupes ethniques du pays qui ont développé leurs propres associations et sociétés culturelles. Un des aspects les plus importants de l'intégration des populations d'origine étrangère au sein de la société lettonienne réside dans la nécessité de leur dispenser une formation en langue lettonne, étant donné qu'un quart seulement d'entre elles connaissent le letton. La Loi sur les langues assure à tous les résidents dans le pays le droit d'être éduqués dans leur langue d'origine.

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M. S. BEREZNY (Fédération de Russie) a indiqué que son pays accorde beaucoup d'importance à la diaspora russe dans les nouveaux États indépendants de l'ancienne Union soviétique, en Estonie et en Lettonie notamment. Il y aurait ainsi 200 000 ressortissants russophones en Estonie et 800 000 en Lettonie qui ne disposent d'aucune nationalité et dont le statut est apatride. M. Berezny a par ailleurs estimé qu'il fallait établir un dialogue entre la Sous-Commission et les organisations non gouvernementales qui s'occupent de la question des minorités, sans pour cela justifier le séparatisme et le terrorisme mené par certains groupes appartenant à des minorités, a jugé le représentant.

Mme TEHMINA JANJUA (Pakistan) a affirmé que la Constitution de son pays garantit la protection de tous les citoyens pakistanais quels que soient leur rang, leur croyance ou leur religion. Elle a également indiqué qu'une Commission nationale pour les minorités a été établie afin d'examiner les lois et pratiques qui sont susceptibles d'être discriminatoires à l'encontre des minorités. Les minorités jouissent de la liberté au Pakistan et peuvent recourir à tout tribunal si elles estiment que leurs droits ont été lésés. Mme Janjua a d'autre part déclaré que, suite à la guerre afghane et à l'augmentation du terrorisme urbain qui l'a accompagnée, des groupes armés ayant des croyances religieuses extrémistes sont apparus, très bien financés. Le Gouvernement pakistanais fait tout son possible pour contrôler les activités de ces groupes et pour promouvoir l'harmonie religieuse dans le pays. Mais le Pakistan continue d'être la cible d'actes terroristes financés par l'étranger.

Mme Janjua a par ailleurs affirmé que la Loi pakistanaise sur le blasphème trouve son origine dans les lois promulguées en 1926. Cette Loi a été amendée à plusieurs reprises et aucune condamnation n'a été appliquée à ce jour au titre de la Loi sur le blasphème. Diverses mesures administratives ont même été prises pour dissuader les gens de porter plainte en invoquant cette Loi. S'insurgeant contre le «venin répandu contre le Pakistan par certaines organisations non gouvernementales soutenues par l'Inde», Mme Janjua a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les conditions de vie des minorités en Inde. Elle a notamment dénoncé les meurtres de centaines de milliers de musulmans perpétrés par des fanatiques hindous depuis l'indépendance de l'Inde, ainsi que les viols dont ont été victimes des femmes cachemiris.

Mme OLIVIA V. PALALA (Philippines) a affirmé que les migrations internationales sont une conséquence inéluctable du processus de globalisation dont elles font par ailleurs partie intégrante. En tant que représentant d'une démocratie engagée dans la promotion des droits de l'homme, le Gouvernement philippin cherche à développer une stratégie permettant de gérer les mouvements libres et non contrôlés de la population. Cette politique est basée sur le respect des droits naturels de tout Philippin de voyager et de travailler à l'étranger. Tout en ayant conscience de la contribution

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considérable apportée à l'économie nationale par les Philippins qui travaillent à l'étranger, le Gouvernement philippin est préoccupé par les nombreux problèmes sociaux que pose ce phénomène. Depuis 1988, il a pris des mesures destinées à orienter le cours des migrations des travailleurs philippins afin que seuls les plus qualifiés puissent aller travailler à l'étranger et que le nombre de ceux qui cherchent un emploi à l'étranger dans les secteurs les plus vulnérables, notamment dans les travaux domestiques, diminue. Le Département philippin des affaires étrangères continue de protéger les Philippins travaillant à l'étranger, quels que soient leur emploi et leur statut d'immigration. Pour renforcer davantage cette protection, a été promulguée la Loi de 1995 sur les travailleurs migrants, qui punit notamment les activités de recrutement illégales. Mais les programmes et les lois existants ne peuvent pas à eux seuls résoudre tous les problèmes rencontrés par les travailleurs migrants; la coopération internationale est indispensable. Aussi, le Gouvernement philippin a-t-il signé des accords bilatéraux avec certains pays récepteurs de travailleurs migrants philippins.

Droit de réponse

Le Nigéria, en réponse à l'intervention, le 12 août dernier, de l'Association des éducateurs pour la paix mondiale, qui prétendait que les droits de l'homme sont violés au Nigéria, a affirmé que plusieurs mécanismes ont été mis en place par le Gouvernement nigérian dans les zones de production pétrolière, y compris dans la zone où vivent les Ogoni, afin d'assurer à ces populations la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels et de leurs droits civils et politiques. La Commission de développement des zones de production pétrolière a notamment été créée dans ce but. Selon les termes de la loi, 3% du revenu pétrolier total du pays sont dépensés par cette Commission pour traiter les problèmes écologiques des zones concernées. La zone pétrolifère dans laquelle vivent les Ogoni représente 3% des revenus pétroliers nationaux. Il est donc surprenant d'entendre dire que cette zone produit du pétrole pour une valeur de 30 milliards de dollars. Il est également inexact de prétendre qu'un tribunal a été spécialement créé pour juger le cas de neuf Ogoni, parmi lesquels le Chef Ken Saro-Wiwa, alors qu'ils ont été traduits en justice au titre du Décret sur les atteintes à l'ordre public promulgué trois ans plus tôt. Répondant par ailleurs à la déclaration prononcée par l'organisation «Libertidore», le Nigéria affirme que M. Kokori a été jugé pour des délits criminels et non pour des délits liés à ses activités syndicales.

Le représentant de l'Albanie a répondu à l'intervention faite hier par un représentant de la International Federation For The Protection of The Rights For Ethnic Religious Linguistic And Other Minorities, qui a «présenté une déformation grossière de la réalité en Albanie» en particulier pour ce qui concerne les droits de la minorité grecque. Cette personne a évoqué des faits

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qui ne se sont jamais produits dans mon pays, a déclaré le représentant estimant que personne ne doit déformer les faits et les chiffres qui sont par ailleurs aisément vérifiables. Il a invité le représentant de cette organisation à contacter la Mission pour obtenir une version officielle des faits mentionnés.

L'Estonie, souhaitant apporter quelques rectificatifs aux informations fournies à la Sous-Commission par un orateur précédent s'agissant des questions de citoyenneté, a rappelé que l'Estonie n'est pas un nouvel État indépendant puisque l'existence de la République d'Estonie remonte à 1918. Il y a cinq ans, l'Estonie a restauré son indépendance. Une nouvelle Loi sur la citoyenneté qui tient compte des dispositions des instruments internationaux auxquels l'Estonie est partie a été promulguée en 1995. Cette Loi permet à toute personne qui a légalement résidé en Estonie pendant cinq ans et qui possède une certaine connaissance de la langue et de la Constitution estoniennes de demander la citoyenneté estonienne. Cela signifie que toute personne qui vivait en Estonie avant le retour de l'indépendance peut immédiatement demander la citoyenneté estonienne.

Débat sur les formes contemporaines d'esclavage

Mme MARIA JOSE PARES (Pax romana) a dénoncé le problème de la prostitution des enfants, en particulier par le «tourisme sexuel». Elle a indiqué qu'un réseau de prostitution de jeunes garçons a été démantelé à Séville en Espagne en début d'année. Ce réseau était connu de tous mais personne ne disait rien. Les discothèques concernées ont été fermées, mais le problème subsiste sans que cela ne semble inquiéter les pouvoirs publics. Des problèmes similaires d'esclavage sexuel existent en Inde, notamment à Sohagachi, un des faubourgs de Calcutta où plusieurs milliers d'enfants sont prostitués dans 370 bordels. Une fille sur cinq et un garçon sur neuf sont victimes d'abus sexuel, selon des chiffres qui concernent l'Europe et l'Amérique du Nord. Ces proportions peuvent être encore supérieures dans les pays en développement. La Sous-Commission doit lutter contre ces abus et appuyer les travaux du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage.

M. JOHN EIBNER (Christian Solidarity international) a dénoncé les pratiques d'esclavage sexuel au Soudan, qui s'inscrivent, a-t-il dit, dans le cadre de la politique de génocide du gouvernement qui a provoqué la mort de plus d'un million de personnes et le déplacement de quelque 5 millions de Noirs africains dans la région des Montagnes de Nuba. Il a indiqué que les milices armées du régime mènent des raids durant la saison sèche, entre septembre et mai, dans ces régions et enlèvent les femmes et les enfants qu'ils soumettent ensuite à plusieurs formes d'esclavage. Les garçons sont souvent chargés des tâches domestiques tandis que les fillettes et les femmes

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sont obligées de satisfaire les besoins sexuels de leurs maîtres. Le représentant a rappelé que le Rapporteur spécial sur la situation au Soudan a lui-même reçu la semaine dernière les preuves flagrantes de cette politique systématique lors de sa visite officielle à Khartoum. M. Eibner a demandé au Rapporteur spécial d'intervenir personnellement auprès du Gouvernement soudanais afin qu'il relâche tous les esclaves identifiés par les organisations de défense des droits de l'homme.

M. ROBIN WHITEHOUSE (Confédération internationale des syndicats libres) a déclaré avoir des preuves de la persistance du phénomène de travail forcé dans plusieurs pays, notamment dans le sud-asiatique, au Myanmar, en Inde, au Pakistan, au Bangladesh, à Sri Lanka, ainsi qu'au Pérou, au Brésil, au Soudan et en Mauritanie. Il a indiqué que les pays qui continuent de pratiquer le travail forcé sont souvent ceux qui n'ont pas ratifié les conventions pertinentes de l'OIT. Il a notamment attiré l'attention de la Sous-Commission sur les abus perpétrés dans certaines régions de l'Inde, notamment dans l'État d'Uttar Pradesh, où les travailleurs sont parfois obligés de travailler douze heures par jour dans des conditions effrayantes, particulièrement du point de vue sanitaire.

M. ATSUKO TANAKA (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) a souligné que les droits des nombreuses victimes de l'esclavage sexuel sont violés de plusieurs façons sorte. Ces victimes sont souvent des femmes qui, lorsqu'elles sont envoyées dans d'autres pays, sont discriminées en tant qu'immigrantes illégales. Le représentant a recommandé l'adoption d'un système national d'enquêtes sur le trafic et l'exploitation de la prostitution ainsi que le lancement de campagnes de presse et d'information mondiales sur cette question. Il a également recommandé la formation de tous les personnels d'immigration, de police et de centres de détention dans le traitement de ces victimes.

Mme CYNTHIA NEURY (Centre Europe-Tiers monde, CETIM) a indiqué que les sept critères permettant de déterminer le degré d'esclavagisme dont sont notamment victimes les travailleurs migrants sont: le degré de contrainte dans le choix du lieu d'hébergement; les restrictions apportées à la liberté de mouvement; le pouvoir discrétionnaire de l'employeur sur les horaires de son employé; l'absence de rémunération du travail; l'aliénation culturelle; les mauvais traitements; l'absence de protection juridique. Elle a affirmé que ces sept critères sont réunis dans le cas de M. Ram Roop, citoyen indien mis par son père à disposition de M. Emmanuel Barwa, Conseiller de la Mission de l'Inde auprès de l'Organisation mondiale du commerce et exploité comme domestique avant d'être recueilli par la police genevoise le 9 avril 1996 dans un état de sous-alimentation et d'habillement pitoyable. Le Centre Europe- tiers monde défend actuellement le cas d'une vingtaine de personnes qui ont passé ici, à Genève, de nombreux jours de servitude sous le toit de diplomates. C'est pourquoi le CETIM demande une révision de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 au terme de laquelle jusqu'à présent, les diplomates, dans le cadre de leurs relations avec leur personnel domestique, jouissent d'une totale immunité diplomatique jusqu'à leur départ du pays hôte.

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Mme BHARTI SILAWAL (Organisation international pour le progrès) a dénoncé l'incapacité du Pakistan à contrôler et réprimer les formes contemporaines d'esclavage auxquelles sont soumis environ six millions d'enfants pakistanais. Selon la Commission des droits de l'homme du Pakistan, une victime de viol sur deux serait adolescente. Elle a également estimé que le commerce sexuel auquel se livrent les pays développés dans les pays du tiers monde, en particulier dans le sud-est asiatique, ne constitue qu'une forme moderne de nouveau colonialisme. Elle a dénoncé comme une autre forme d'exploitation sexuelle, le mariage forcé de jeunes filles à des hommes beaucoup plus âgés qu'elles.

M. DAVID LITTMAN (Mouvement fédéraliste mondial) a souligné que le troisième rapport présenté à la Commission par M. Gáspár Bíro, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, ne contenait pas l'information, dont il a pourtant fait état devant un comité de la Chambre des représentants des États-Unis, selon laquelle, en novembre 1995, plus de neuf mille enfants étaient soumis à un processus d'islamisation dans une vingtaine de camps de l'ancien État du Kordafan, au Soudan. M. Littman a affirmé avoir rencontré M. Bíro hier à Budapest et avoir reçu de lui l'autorisation de transmettre à la Sous-Commission la déclaration suivante du Rapporteur spécial concernant un article selon lequel M. Bíro aurait déclaré qu'il n'existait pas de pratiques esclavagistes au Soudan, NDLR : «L'article publié le 7 août dernier par le quotidien Al-Sudan Al-Hadith et cité par Reuters est dénué de tout fondement. Ces trois dernières années, j'ai constamment fait état de l'esclavage, de la servitude, du travail forcé et de pratiques similaires qui sont utilisées dans plusieurs régions du Soudan par certains membres de l'armée soudanaise et de groupes paramilitaires combattant aux côtés de l'armée gouvernementale dans le Sud du pays. Durant ma récente visite à Khartoum et durant ces deux derniers jours, j'ai continué à recevoir des informations faisant état de telles pratiques».

M. SORANO YOSHIHIRO (Liberation) a rappelé que le Gouvernement japonais n'a jamais reconnu que la violation des droits des «femmes de réconfort», en particulier sud-coréennes, qui étaient soumises à l'esclavage sexuel pendant la seconde guerre mondiale, constituait un crime contre l'humanité. Il n'envisage pas de poursuivre les responsables. Il a recommandé à la Sous- Commission d'exhorter le Gouvernement japonais à reconnaître ces crimes et à prendre les mesures nécessaires pour assurer leur indemnisation, conformément au droit international.

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