AG/L/162

LE COMITE PREPARATOIRE POUR LA CREATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE POURSUIT L'EXAMEN DES QUESTIONS DE PROCEDURE ET DES DROITS DE L'ACCUSE

13 août 1996


Communiqué de Presse
AG/L/162


LE COMITE PREPARATOIRE POUR LA CREATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE POURSUIT L'EXAMEN DES QUESTIONS DE PROCEDURE ET DES DROITS DE L'ACCUSE

19960813 MATIN AG/L/162 L'article 26 du projet de statut relatif à l'enquête sur les crimes présumés au centre des discussions

Poursuivant ce matin les travaux de sa deuxième session de fond sous la présidence de M. Adriaan Bos (Pays-Bas), le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale a poursuivi et examiné des questions relatives à la procédure, à la nécessité d'un procès impartial et aux droits de l'accusé.

Dans ce cadre, le Comité a procédé à un échange de vues sur le libellé de l'article 26 du projet de statut tel que proposé par la Commission du droit international (CDI), qui a trait à l'enquête sur les crimes présumés.

A ce titre, les représentants des pays suivants ont pris la parole : France, Algérie, Japon, Malaisie, Afrique du Sud, Iran, Allemagne, Canada, Fédération de Russie, Lesotho, Argentine, Chili, Israël, Royaume-Uni, Inde, Singapour, Thaïlande, Suisse, Finlande, Pays-Bas, Etats-Unis, Chine, Australie, Mexique, Autriche, Irlande et Egypte.

Au cours de sa prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures, le Comité préparatoire poursuivra l'examen des questions de procédure, de la nécessité d'un procès impartial et des droits de l'accusé.

Examen des questions relatives à la procédure, à la nécessité d'un procès impartial et aux droits de l'accusé : enquête sur les crimes présumés (article 26 du projet de statut)

Documentation

Aux termes du premier paragraphe de l'article 26 du projet de statut de la cour élaboré par la Commission du droit international (A/49/355), qui est relatif à l'enquête sur les crimes présumés, le Procureur de la cour, quand il reçoit une plainte ou la notification d'une décision prise par le Conseil de sécurité conformément au paragraphe 1 de l'article 23, ouvre une enquête, à moins qu'il ne conclut qu'il n'y a pas de base possible à des poursuites en vertu du statut et décide de ne pas ouvrir d'enquête, auquel cas il en informe la Présidence. Le paragraphe 2 dispose que le Procureur peut : a) convoquer et interroger suspects, victimes et témoins; rassembler des éléments de preuve par documents et autres éléments; procéder à des enquêtes sur place; prendre les mesures nécessaires pour garantir le caractère confidentiel des informations recueillies ou la protection de toute personne; en tant que de besoin, demander la coopération de tout Etat ou celle de l'Organisation des Nations Unies.

Le paragraphe 3 indique que la Présidence peut, à la demande du Procureur, délivrer des citations à comparaître et les mandats qui peuvent être nécessaires à la conduite d'une enquête, y compris un mandat ordonnant l'arrestation provisoire d'un suspect en vertu du paragraphe 1 de l'article 28. Au paragraphe 4, il est indiqué que si après enquête et eu égard, notamment, aux questions visées à l'article 35, il conclut à l'absence de motifs suffisants pour exercer des poursuites en vertu du statut et décide de ne pas établir d'acte d'accusation, le Procureur en informe la Présidence en précisant la nature et la base de la plainte ainsi que les raisons pour lesquelles il n'établit pas d'acte d'accusation.

Le paragraphe 5 stipule qu'à la demande d'un Etat plaignant, ou dans le cas visé au paragraphe 1 de l'article 23, à la demande du Conseil de sécurité, la Présidence examine toute décision du Procureur de ne pas ouvrir d'enquête ou de ne pas établir d'acte d'accusation et peut lui demander de reconsidérer ladite décision.

Au paragraphe 6, il est indiqué que toute personne soupçonnée d'un crime au sens du statut doit :

a) avant d'être interrogée, être informée des soupçons qui pèsent sur elle et de droits suivants : i) garder le silence sans que le silence soit pris en considération pour déterminer sa culpabilité ou son innocence; et ii) se faire assister par un défenseur de son choix ou, si elle n'a pas les moyens d'en rémunérer un, se voir attribuer d'office un conseil par la Cour;

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b) ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable; et,

c) si elle est interrogée dans une langue qu'elle ne comprend pas ou ne parle pas, obtenir les services d'un interprète compétent ainsi que la traduction des documents sur lesquels elle doit être interrogée.

Echange de vues

Le représentant de la France a indiqué que son pays, s'agissant du rôle du Procureur, est globalement d'accord sur sa responsabilité et dans la conduite de l'enquête avec la solution retenue par les membres de la Commission du droit international (CDI). Le Procureur a, en la matière, une responsabilité et une initiative propres. Pour autant, il convient d'adjoindre au Procureur une chambre d'instruction composée de trois juges chargés de contrôler l'activité de la cour avant l'audience. La France est soucieuse d'assurer une meilleure égalité entre la défense et le Procureur. La Chambre d'instruction ainsi créée devrait renvoyer l'affaire à une chambre de jugement à la fin de l'instruction. Elle aurait pour but de légitimer les demandes faites par les Etats.

La France est également très attachée à la mise en place d'une audience de confirmation qui permettrait à l'accusé de contester l'envoi de son affaire devant une audience de jugement. Cela permettrait dans certains cas un procès coûteux. Cela éviterait d'envoyer systématiquement devant la cour des personnalités, des chefs d'Etat ou de gouvernement lorsque leur innocence est manifeste. De plus, cela permettrait une audience alors même que la personne poursuivie est absente.

En ce qui concerne, l'article 26 du projet qui est relatif à l'enquête sur les crimes présumés, la France estime, eu égard au paragraphe 1 du projet, qu'il importe d'inclure avant le déclenchement de l'enquête, une phase judiciaire préalable. Le projet de la CDI n'envisage de contestation de la saisine de la cour qu'avant le procès. La France est d'avis que cette possibilité devrait être offerte à la personne poursuivie avant l'ouverture de l'enquête. Pour pallier les risques de disparitions des éléments de preuve, une disposition particulière envisagerait des mesures conservatoires.

S'agissant du deuxième paragraphe de l'article 26, il faudrait faire référence à la Cour de façon générale et non pas seulement au Procureur. La France juge nécessaire d'amender le troisième paragraphe, qui a trait à la citation à comparaître et à l'arrestation provisoire, afin de fournir des garanties procédurales aux personnes poursuivies. La France a repris le quatrième paragraphe de l'article 26 dans l'article 42 de son projet afin de renforcer les mesures relatives au classement sans suite. De même,

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dans l'article 43 du projet présenté par la France, il est fait référence à la contestation du classement sans suite qui figure au paragraphe 5 de l'article 26 du statut de la CDI. Quant au paragraphe 6 de ce même article, il figure dans le projet français. Cependant ce paragraphe est renforcé, en ce qu'il rappelle notamment le principe de la présomption d'innocence. Toutes les propositions de la France en ce qui concerne l'article 26 doivent être appréhendées eu égard à sa volonté de voir mise en place une chambre collégiale d'instruction.

Se référant à l'article 25, le représentant de l'Algérie a dit constater des observations sur d'autres aspects que ceux relatifs au paragraphe. Si l'Algérie n'a pas encore fait de commentaires, elle se réserve le droit d'y revenir. En outre, elle est favorable à la suppression de l'article 23. Concernant plus spécifiquement l'article 26, l'Algérie est en faveur d'une approche limitative et restrictive du rôle du Procureur lors du stade préliminaire de l'investigation. Sur les pouvoirs du procureur, ce dernier pourrait entamer la procédure d'enquête si les bases de la plainte sont fondées quant au fond et à la forme et si aucun Etat partie n'a exprimé une opposition préalable. Il faudrait prévoir un délai raisonnable permettant au Procureur de revoir les données sur lesquelles il a fondé son action. Le Procureur ne pourrait ouvrir une enquête si les bases de cette action sont sérieusement contestées. L'Algérie estime par conséquent que les dispositions de cet article méritent d'être davantage précisées.

Le représentant du Japon a prôné la prudence en ce qui concerne la question des pouvoirs du Procureur en matière d'enquête, afin d'éviter le risque du manque d'objectivité. Quant à l'efficacité et la coopération avec les autorités locales, elles soulèvent la question de la compatibilité entre la souveraineté nationale et les droits de l'accusé dans le pays intéressé. Il s'agirait par conséquent de prévoir un mécanisme complétant le système juridique national au cas où celui-ci ne prévoit pas un système de collecte de preuves contre la personne mise en cause. Concernant les droits de l'accusé, le Japon estime que cette question est essentielle et est d'avis que les dispositions importantes sont celles relatives au droit au silence et à l'assistance juridique au cours de l'enquête. Il faut garder un certain équilibre entre les différentes écoles de pensée. Les droits au silence et à un avocat sont des éléments fondamentaux déjà prévus dans le projet de la CDI.

La représentante de la Malaisie a déclaré que les Etats doivent demeurer maîtres dans la rédaction et l'application des dispositions de la Cour criminelle. Celle-ci n'est pas un organe générateur de droit. C'est avec l'approbation des Etats parties seulement que le pouvoir de légiférer par jurisprudence pourrait être reconnu. La Malaisie estime que les règles importantes de la preuve doivent être prévues par le statut de la cour. Elle appuie l'idée de conférences de révision lorsque la cour sera installée. Concernant les pouvoirs du Procureur, ils doivent être soumis aux règles de

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la complémentarité des règles nationales. Le Procureur doit avoir l'initiative de l'enquête si celle-ci est fondée. Il faut prévoir des conditions minimales avant que le Procureur ne décide de l'enquête.

Le représentant de l'Afrique du Sud a déclaré que les dispositions de l'article en question sont suffisamment étendues. Il faut arriver à un équilibre entre les pouvoirs du Procureur et les droits du suspect. Le Procureur devrait être en mesure de décider quant à l'instruction du procès. La Présidence, pour sa part, devrait pouvoir demander au Procureur de revoir sa demande. Le Procureur établirait ainsi dès le départ sa position. La proposition française d'une chambre d'instruction est donc tout à fait envisageable.

Le représentant de l'Iran a estimé, s'agissant de l'article 26 du projet de statut de la CDI, que le contenu d'une plainte déposée par un Etat doit constituer le point de départ de toute action. Cependant cet Etat doit apporter tous les éléments d'informations nécessaires. L'Iran estime que si le Procureur a le pouvoir d'établir un acte d'accusation, il serait souhaitable de lui adjoindre une chambre d'accusation

Le représentant de l'Allemagne a rappelé que son pays est très attaché au rôle impartial du Procureur afin de permettre la réalisation d'un procès équitable En ce qui concerne le paragraphe 4 de l'article 26, l'Allemagne estime qu'il faut pouvoir exercer un contrôle renforcé sur la décision du Procureur d'établir un acte d'accusation. C'est pourquoi, les propositions faites ce matin en ce sens, notamment celle de la France paraissent fort intéressantes.

Le représentant du Canada a indiqué que sa délégation émet certaines réserves quant au contenu de l'article 26 Le Canada estime que l'enquête doit être lancée sur une base suffisante Pour ce qui est de la conduite d'une enquête sur place, il importe de souligner la nécessité d'une coopération avec les forces de police locales En ce qui concerne le paragraphe 3, le Canada souhaite que l'expression "arrestation provisoire" soit remplacée par "arrestation avant mise en accusation" S'agissant du paragraphe 5, le Canada est d'avis qu'il faut parvenir à un compromis en ce qui concerne la position à prendre par rapport à la décision du Procureur de ne pas ouvrir d'enquête

Le représentant de la Fédération de Russie estime que le Procureur ne doit pas avoir la possibilité de déclencher une enquête sur sa propre initiative, conformément au principe de complémentarité, qui ne reconnaît cette prérogative qu'aux seules instances nationales L'enquête doit être effectuée en conformité avec les règles de l'Etat sur le territoire duquel elle est réalisée A cet égard, l'article 42 du projet français pourrait être repris Le statut devrait comprendre des dispositions relatives à la contestation des Etats à la suite de la décision du juge de ne pas ouvrir

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d'enquête ou de ne pas établir d'acte d'accusation On pourrait envisager une disposition selon laquelle l'Etat qui a déjà effectué une enquête sur l'affaire que le Procureur a décidé de ne pas poursuivre aurait la possibilité de transmettre les conclusions de son enquête à la cour afin de l'inviter à revoir sa décision. Il importe enfin que les normes minimales de la défense soient consacrées dans le statut de la cour, notamment le droit de garder le silence, sans que ce droit puisse être interprété d'une quelconque façon.

Le représentant du Lesotho a déclaré que si la cour est appelée à s'inspirer des Cours nationales, le statut doit respecter les règles strictes du procès équitable. Cette exigence mérite d'être mentionnée dans le projet de statut. Concernant la protection des droits du suspect, certains des droits fondamentaux y sont omis. Pour cela, l'article 26 doit être amendé afin d'y inclure les droits prévus par le Pacte sur les droits civils et politiques. Le Procureur doit demeurer indépendant et ne recevoir d'instruction d'aucun gouvernement. Il devrait utiliser des sources fiables avant d'ouvrir l'enquête.

Le représentant de l'Argentine s'est dit favorable à l'intervention de l'accusé dans la phase de la réunion des preuves. L'Argentine estime qu'il n'est pas nécessaire de modifier la structure de la cour et d'y ajouter une chambre chargée de la matière. De plus, l'Argentine estime qu'une chambre d'accusation pourrait contrôler l'établissement de l'acte d'accusation par le Procureur. La victime du délit doit pouvoir s'opposer à la décision du Procureur de ne pas renvoyer l'affaire à une chambre d'accusation. La cour doit s'assurer que l'accusé dispose d'une assistance technique.

Le représentant du Chili a déclaré que dans certaines circonstances, le Procureur devrait pouvoir bénéficier de l'initiative d'ouvrir une enquête. Même s'il ne s'agit pas d'une règle générale, qu'il n'y a pas de plainte de la part d'un Etat ou de référence du Conseil de sécurité, le Procureur devrait pouvoir bénéficier de cette capacité limitée d'ouvrir une enquête et ce, afin d'éviter l'impunité de prévaloir. Le Procureur ne doit pas être limité à l'information que l'Etat veut bien lui soumettre. La décision du Procureur de ne pas ouvrir d'enquête doit faire l'objet de contrôle et être motivée par des raisons solides.

Le représentant d'Israël a indiqué que certaines dispositions examinées aujourd'hui risquent fort d'aborder la question de la relation entre la cour et les juridictions nationales. Le Procureur devrait pouvoir obtenir toute la documentation nécessaire à son enquête. La personne soupçonnée devrait être pleinement informée du crime dont elle est accusée.

Le représentant du Royaume-Uni a fait valoir qu'il importe d'adopter le texte révisé du paragraphe 4 de l'article 26 que le Royaume-Uni a présenté lors de la session de printemps. L'amendement proposé est court. Il prévoit

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la possibilité pour le Procureur de ne pas entamer de poursuite lorsqu'il y a eu une poursuite de bonne foi par un Etat ou lorsqu'il y a déjà une enquête menée par un Etat. Il faudrait donc consacrer le pouvoir discrétionnaire du Procureur. Le Royaume-Uni estime qu'une chambre d'accusation, telle que proposée par la France, entraînerait des coûts supplémentaires et risquerait d'alourdir le système.

Le représentant de l'Inde a estimé que le Procureur doit être indépendant. Le respect de la complémentarité est en l'espèce essentiel. De même, la saisine doit être possible que sur présentation de preuves. L'enquête ne peut s'effectuer sur le territoire d'un Etat en l'absence d'un assentiment des autorités nationales intéressées. Il ne serait pas réaliste d'agir autrement. En ce qui concerne le paragraphe 6 de l'article 26, qui est relatif aux droits des personnes soupçonnées, il importe d'affirmer haut et fort que ces dispositions doivent être incluses dans le statut. L'Inde, en revanche, est opposée à toute prérogative accordée au Conseil de sécurité. Elle souhaite par conséquent que toute référence qui pourrait y être faite dans l'article 26 soit supprimée.

Le représentant de Singapour a indiqué que sa délégation approuve le libellé du paragraphe 2 de l'article 26, à l'exception de l'alinéa c) qui envisage la réalisation par le Procureur d'une enquête sur place. Tout au plus cette possibilité ne saurait être envisagée qu'avec l'autorisation des instances nationales. Singapour est favorable aux propositions avancées par les Etats-Unis lors de la première session du Comité préparatoire eu égard au principe de complémentarité afin de consacrer l'impartialité et l'indépendance du Procureur. S'agissant de la contestation de la décision de ne pas poursuivre, il serait préférable de confier cette prérogative à une chambre d'appel plutôt qu'à la Présidence. En ce sens, Singapour étudie avec intérêt les propositions de la France.

Le représentant de la Thaïlande a souligné que son gouvernement estime nécessaire que le Procureur puisse engager des poursuites, tout en faisant valoir que cette décision doit faire l'objet d'un contrôle. La possibilité de mener une enquête sur place ne peut exister qu'avec l'assentiment des autorités de l'Etat concerné. La Thaïlande juge nécessaire de définir de façon plus approfondie la notion d'absence de moyens financiers qui permettrait à une personne soupçonnée de se faire assister par un défenseur commis d'office.

L'Observateur de la Suisse a déclaré que le projet de statut accorde des pouvoirs importants. La Suisse est favorable à un organe collégial, telle une chambre d'accusation. Une telle chambre d'accusation, dont la création nécessiterait des aménagements, aurait pour tâches de vérifier la compétence de la Cour sous l'angle de la complémentarité; de vérifier s'il y a assez d'éléments pour faire juger le prévenu; et d'évaluer les décisions en cas de

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classement de l'affaire. L'avantage de cet organe serait de décharger la présidence de certaines fonctions au demeurant mieux gérées par un organe qui ne sera pas mêlé à la phase de jugement. Si la chambre d'accusation est une institution propre au droit continental, elle se retrouve également dans le Common Law. La chambre d'accusation pourrait donc servir de pont entre les deux systèmes juridiques.

Le représentant de la Finlande a déclaré que par sa nature, le Procureur devrait avoir un pouvoir discrétionnaire. Il s'agit ici de décider du partage des pouvoirs entre les divers acteurs. Le rôle du Procureur doit servir la justice, et partant l'ensemble de la communauté internationale.

Le représentant des Pays-Bas a déclaré que les preuves réunies peuvent être contrôlées lors du procès. Ce n'est pas le cas des conclusions du Procureur. Il n'y a pas pour l'accusé la possibilité d'enquêter pour son propre compte. La création d'une chambre d'instruction permettrait de combler cette lacune du côté des droits de l'accusé. Les décisions de la Chambre sont obligatoires pour les Etats parties.

La représentante des Etats-Unis a dit noter plusieurs opinions sur les pouvoirs du Procureur. Il faut davantage préciser l'établissement de l'acte d'accusation. L'article 26 fait référence à une base suffisante pour ce faire. La mise en accusation doit se fonder sur des preuves suffisantes. La cour doit opérer un tri dans les affaires qui lui sont soumises. Dans le cas de la révision de la décision du Procureur, les Etats-Unis se demandent si un Etat plaignant peut le faire. Il serait plus judicieux que cette démarche soit le fait d'un organe. Le pouvoir de la présidence de revoir une décision du Procureur pourra aller jusqu'à demander au Procureur de reconsidérer sa décision. Il serait utile d'envisager une norme sur la révision de la décision du Procureur.

Le représentant de la Chine a indiqué que son pays ne voit aucune objection à ce que l'ouverture d'une enquête puisse être faite à l'initiative du Procureur. Il importe cependant que celui-ci agisse de façon impartiale et indépendante. En ce sens, la proposition de la France est méritoire. Il faut que l'Etat puisse participer à la réalisation de l'enquête, non seulement en vertu du principe de la complémentarité, mais aussi parce que l'Etat concerné a fait preuve d'une certaine responsabilité juridique internationale. Le projet de statut ne fait aucune mention des enquêtes effectuées par les autorités nationales, ce qui constitue une importante lacune. Il convient d'apporter certaines améliorations dans le sens de la nécessité de l'existence d'un accord de l'Etat sur le territoire duquel est réalisée une enquête. La Chine estime que de telles enquêtes devraient, sauf exception, être menées par l'Etat pour le compte du Procureur. Le statut devrait contenir des dispositions précises afin que les Etats parties soient informés de ces circonstances exceptionnelles dans lesquelles le Procureur pourrait être autorisé à effectuer une enquête sur place.

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Le représentant de l'Australie a indiqué que le paragraphe 2 de l'article 26 constitue un bon point de départ en ce qui concerne les prérogatives permettant au Procureur d'entamer une enquête sur les crimes présumés. Le Procureur devrait vérifier lorsqu'il envisage de prendre une telle décision si un Etat n'a pas déjà lancé une telle procédure. En ce qui concerne le paragraphe 3, l'Australie partage le point de vue des Etats-Unis. Elle estime qu'il y a des avantages à envisager la possibilité d'établir une chambre d'instruction tel que cela a été proposé par la France. A propos des commentaires faits sur le paragraphe 5 de l'article 26, il a été dit que le Procureur devrait être contraint de déclencher des poursuites. L'Australie juge difficile de donner des instructions à un Procureur afin qu'il aille à l'encontre d'une décision qu'il a prise à titre discrétionnaire. Une solution prévoyant que le Procureur pourrait être invité à réviser sa décision semble plus acceptable. De plus, il serait judicieux, en ce qui concerne les droits d'une personne soupçonnée, de faire figurer ceux-ci dans le statut et non pas dans le règlement intérieur de la cour.

La représentante du Mexique a précisé que sa délégation est de façon générale d'accord avec les dispositions contenues aux paragraphes 2 et 3 de l'article 26 du projet de statut. On pourrait cependant les renforcer en donnant la possibilité au Procureur de sauvegarder les éléments de preuve. Il importe de doter le Procureur de toute l'indépendance et de toute l'impartialité nécessaires. En ce qui concerne la contestation de la décision du Procureur de ne pas ouvrir d'enquête ou de ne pas établir d'acte d'accusation, le Mexique est d'avis que la création d'une chambre ad hoc est une suggestion intéressante.

Le représentant de l'Autriche a indiqué que son pays est favorable à l'idée de la CDI qui consacre l'indépendance du Procureur et lui permet d'engager une procédure en dehors du champ d'application de la preuve, à condition que le statut le prévoit. Cela ne signifie pas que le Procureur dispose d'un pouvoir illimité. Le Procureur doit toujours s'assurer que la cour est compétente. Le Procureur devra remplir certains critères pour accomplir sa tâche. Mais la définition de ces critères semble difficile. La chambre d'instruction ou de mise en accusation dont la création a été évoquée ce matin, est déjà prévue dans une certaine mesure dans le statut. L'Autriche estime que cette chambre devrait être une instance collégiale, permanente, composée de trois juges qui ne participeraient pas aux autres activités de la cour. Une telle disposition consacrerait leur indépendance ainsi que celle du Procureur. De façon générale, l'Autriche estime que le document présenté par la France est une source très utile pour les travaux du Comité préparatoire.

Le représentant de l'Irlande a déclaré que l'on dispose déjà de sauvegardes en ce qui concerne les pouvoirs du Procureur. Ce dernier doit être une personne au-dessus de toute controverse. Il doit avoir un pouvoir d'initiative. L'enquête ne peut être assurée par une enquête nationale.

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Le principe de complémentarité vise à assurer la coopération avec les instances nationales. Le Procureur et non les Etats nationaux devra orienter les travaux de la cour.

Le représentant de l'Egypte a indiqué que le débat porte sur une instance judiciaire permanente. Il faut se prémunir contre les plaintes infondées. De ce fait, l'Etat sujet d'une plainte subirait un tort. Pour l'éviter, l'Egypte propose l'établissement d'un groupe autonome pour déterminer le sérieux de la plainte. La notion de tort non fondé porté à un Etat ne figure pas encore dans le projet de la CDI. Pour préserver la crédibilité de la cour, il s'agirait de prévoir l'indemnisation à offrir à l'Etat victime du tort infondé. Pour que le travail du Procureur soit complet, l'Egypte accueille avec satisfaction la proposition de création d'une chambre d'accusation.

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