DH/G/440

LA SOUS COMMISSION ENTAME SON DÉBAT SUR LA QUESTION DE L'ÉLIMNATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

12 août 1996


Communiqué de Presse
DH/G/440


LA SOUS COMMISSION ENTAME SON DÉBAT SUR LA QUESTION DE L'ÉLIMNATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

19960812 Elle achève son débat sur le point relatif à la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays

Genève, 12 août -- La Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a entamé ce matin, son débat sur la question de l'élimination de la discrimination raciale. Elle a achevé son débat sur la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays.

MM. Volodymyr Boutkevitch et Mustapha Mehedi, respectivement experts de l'Ukraine et de l'Algérie, sont intervenus sur la question de l'élimination de la discrimination raciale. M. Boutkevitch a noté que beaucoup de gouvernements déclarent que la discrimination raciale n'existe pas sur leur territoire alors qu'en fait, le racisme se développe même en présence de mécanismes pour le combattre. Mais, a demandé l'expert, que sont l'épuration ethnique et le génocide, les expulsions de ressortissants étrangers, les profanations de cimetières, sinon des formes de discrimination raciale. M. Mehedi a pour sa part insisté sur l'importance de l'éducation et de l'enseignement en matière de droits de l'homme dans le cadre du programme d'action de la Troisième décennie de lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont pris part au débat sur la discrimination raciale: Conseil international des femmes juives, International Work Group of Indigenous Affairs, Société pour les peuples en danger, Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et Parti radical transnational.

Dans le cadre de l'examen de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Sous-Commission a entendu la déclaration de M. Stanislas V. Chernichenko, expert de la Fédération de Russie, qui a mis l'accent sur les violations des droits sociaux et économiques dans son pays et qui s'est inquiété des retards pris dans le versement de salaires de certains travailleurs, notamment les mineurs.

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Il a également abordé la situation en Tchétchénie, en estimant que la situation est parfois présentée de façon partiale par certaines organisations non gouvernementales qui ne font état que des seules violations des droits de l'homme perpétrées par les forces gouvernementales russes.

Les représentants des pays suivants sont également intervenus sur ce point : Albanie, Indonésie, République islamique d'Iran, Israël, Pakistan et Mexique. Ils ont évoqué la situation des droits de l'homme au Kosovo, au Timor oriental, en Iran, dans les territoires palestiniens, au Jammu-et- Cachemire et dans le Chiapas mexicain.

Les représentants de la Syrie, du Soudan, de la Turquie, de l'Iraq, de Chypre et du Nigéria ont par ailleurs exercé leur droit de réponse.

La Sous-Commission poursuivra son débat sur la question de l'élimination de la discrimination raciale cet après-midi, à 15 heures.

Fin du débat sur la question de la violations des droits de l'homme partout dans le monde

M. STANISLAV V. CHERNICHENKO, expert de la Fédération de Russie, a procédé à une brève évaluation de la situation des droits de l'homme en Fédération de Russie où les violations des droits sociaux et économiques ont particulièrement retenu son attention. Il s'est inquiété des retards pris dans les versements de salaires de certains travailleurs, notamment les mineurs, et a estimé qu'une amélioration prochaine de cette situation n'était pas en vue. M. Chernichenko a par ailleurs souligné que la situation en Tchétchénie est parfois présentée de façon partiale par certaines organisations non gouvernementales qui ne font état que des seules violations des droits de l'homme perpétrées par les forces gouvernementales russes. Or les séparatistes tchétchènes violent constamment les accords de cessez-le-feu, a souligné l'expert, ajoutant que, selon certaines informations, les séparatistes tchétchènes délogent les habitants de Grozny pour utiliser leurs foyers comme base. Il a également dénoncé les enlèvements systématiques et les prises d'otages dont sont victimes des personnes qui n'ont absolument rien à voir avec les événements en cours en Tchétchénie.

M. Chernichenko a par ailleurs estimé que la Sous-Commission reproduit le débat sur les droits de l'homme déjà mené par des organes de rang supérieur. Or, si les résolutions de ces organes ne donnent pas l'effet escompté, comment peut-on s'attendre à ce que celles de la Sous-Commission connaissent une meilleure destinée? L'expert a estimé que le moment est venu de reprendre l'idée d'un rapport mondial sur la situation des droits de l'homme. Les violations les plus graves des droits de l'homme doivent être reconnues comme crimes en vertu du droit international, a-t-il déclaré, déplorant par ailleurs l'opposition de certains pays occidentaux à cette idée.

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M. ANDI GJONEJ (Albanie) a formulé le voeu que la Sous-Commission suive de nouvelles orientations afin de s'adapter davantage à la structure onusienne des droits de l'homme. À cet égard, il a estimé que la Sous-Commission devrait enrichir ses mécanismes de coopération avec la Commission ainsi que ses mécanismes de surveillance de l'application des normes, qui sont d'autant plus importantes aujourd'hui que des formes complexes de violations des droits de l'homme se présentent. M. Gjonej a également déclaré que la normalisation et la paix dans les Balkans est fortement conditionnée par la résolution des problèmes yougoslaves. Or, a-t-il constaté, la situation au Kosovo est très délicate, contrairement aux autres territoires de l'ex-Yougoslavie où des changements positifs ont eu lieu depuis les Accords de Dayton. Il a affirmé que la population albanaise du Kosovo est toujours privée de ses droits légitimes. Cette situation est aggravée par l'absence de toute vie sociale, politique et économique due à l'existence d'une législation discriminatoire qui oblige de plus en plus d'Albanais à fuir le Kosovo sans aucune garantie de sécurité s'ils veulent y retourner. L'engagement de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) à engager des négociations avec les représentants Albanais du Kosovo, en présence de membres de la communauté internationale, constituerait un pas positif, a estimé M. Gjonej.

M. LOPEZ DA CRUZ (Indonésie) a déclaré que, derrière des problèmes apparemment endémiques, se cachent souvent des acteurs dont le seul but est de contrarier les efforts menés par certains gouvernements en faveur de la promotion des droits de l'homme. Il a affirmé que la déclaration faite devant la Sous-Commission par la délégation portugaise le 9 août dernier en ce qui concerne le Timor oriental comportait des affirmations erronées et de fausses allégations. La délégation portugaise se comporte comme un «entrepreneur de conflit» et un «générateur de haine», a estimé le délégué indonésien. Il a fait valoir les décisions rendues par la Cour internationale de justice concernant le Timor oriental et affirmé que la situation dont souffre la population du Timor oriental trouve avant tout son origine dans l'abandon irresponsable du territoire par le pouvoir colonial portugais, dans la nuit du 26 août 1975, qui a plongé le Timor oriental dans une tragique guerre civile.

M. BOZORGMEHR ZIARAN (République islamique d'Iran) a fait valoir que la politisation croissante du débat sur les droits de l'homme risque à terme de porter préjudice à la coopération des gouvernements avec les divers mécanismes de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il a estimé que la Sous-Commission est à même d'encourager la coopération entre tous les pays et d'initier un climat propice à la promotion de ces droits partout dans le monde. Évoquant les visites des Rapporteurs spéciaux sur l'intolérance religieuse et la liberté d'expression dans son pays, M. Ziaran a souligné que l'invitation transmise au Haut Commissaire aux droits de l'homme pour qu'il se rende en Iran ainsi que les demandes d'aide technique et de conseils pour l'administration de la justice et la gestion des prisons adressées au Centre pour les droits de l'homme témoignent d'une volonté politique claire et de l'intention sincère du Gouvernement iranien d'élargir sa coopération avec le système de protection des droits de l'homme des Nations Unies.

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M. RAPHAËL WALDEN (Israël) a souligné que le processus de paix au Moyen-Orient reposait sur des négociations directes et sur l'esprit de conciliation. Il a rappelé que son gouvernement a réaffirmé à de nombreuses occasions son attachement au processus de paix et que des progrès considérables ont été réalisés dans la mise en oeuvre des Accords d'Oslo depuis l'accession de M. Netanyahou à la tête du Gouvernement israélien. Le redéploiement militaire se poursuit, 90 % de la population palestinienne jouit d'une autonomie interne, de nombreux prisonniers ont été libérés, des élections ont été tenues dans les territoires. En dépit de cela, le Conseil palestinien continue de commettre de graves violations des droits de l'homme, a indiqué le représentant qui a estimé que le Conseil doit remettre de l'ordre sur son territoire. Le Conseil palestinien n'a pas, contrairement à son engagement en ce sens, endigué le terrorisme. En conséquence, Israël prendra toutes les mesures qui s'imposent pour protéger ses citoyens et poursuivra le bouclage des territoires pour empêcher l'infiltration des terroristes.

S'agissant de la question des colonies de peuplement, M. Walden a indiqué qu'il ne s'agit pas de construire de nouvelles zones d'habitat mais de développer les colonies existantes. Le Gouvernement israélien est par ailleurs prêt à reprendre les pourparlers avec la Syrie mais insiste sur son refus des conditions préalables exigées par la Syrie. Pour ce qui est du Liban, il a assuré que son pays n'a pas de revendications sur le territoire libanais et que le Gouvernement israélien ne réclame qu'une seule chose, que les attaques contre le Nord d'Israël cessent.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les défis lancés par la pauvreté et la violence à la promotion des droits de l'homme. En réponse aux commentaires de certaines «organisations non gouvernementales parrainées par le Gouvernement indien» concernant la situation au Jammu-et-Cachemire, il a dénoncé la situation difficile du peuple assujetti du Jammu-et-Cachemire occupé. Ce peuple lutte pour accéder au droit à l'autodétermination promise par le Conseil de sécurité depuis 1948. Des mercenaires et des bandits ont été recrutés par les autorités locales pour museler les Cachemiri, a affirmé le délégué pakistanais. Cette stratégie de la force s'accompagne d'une tromperie qui prend la forme d'élections truquées. Des élections libres et équitables ne sauraient se tenir sous occupation militaire étrangère, a estimé le délégué pakistanais. Le peuple du Jammu-et- Cachemire a refusé d'accepter cette situation. Ni l'Inde ni aucune autre puissance ne doit croire que cette supercherie parviendra à priver le peuple cachemiri de son droit à la liberté.

M. PORFIRIO THIERRY MUÑOZ-LEDO (Mexique) a déclaré qu'il est normal, dans une démocratie, que les faits fassent l'objet d'interprétations divergentes. S'agissant de la situation au Chiapas, il a affirmé que le Mexique est le premier pays latino-américain dont le gouvernement propose immédiatement le dialogue et la pacification comme solution au soulèvement armé d'un groupe dissident. Il est tout autant inhabituel dans ce genre de conflit qu'un État reconnaisse la justesse de certaines revendications.

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Actuellement, toutes les parties intéressées au Chiapas sont impliquées dans un processus de négociation pour résoudre les problèmes qui ont été à l'origine du soulèvement armé. Ainsi, le Gouvernement mexicain a concrètement montré qu'il est fermement décidé à perfectionner l'état de droit et la démocratie du pays.

Le Président Zedillo a lancé l'an dernier une initiative de réforme constitutionnelle qui s'est traduite par la désignation d'une nouvelle Cour suprême de justice ayant des pouvoirs élargis qui lui permettent de décider de la constitutionnalité des lois. Le Mexique ne connaît donc pas un contexte de violations systématiques des droits de l'homme. Ce pays fait même preuve d'une profonde volonté de coopération avec les mécanismes internationaux de protection de droits de l'homme. Le Mexique respecte la liberté d'expression et reconnaît l'utilité des organisations non gouvernementales qui dénoncent les violations des droits de l'homme. Pour autant, lorsque ces dénonciations sont excessives, cela porte atteinte à la crédibilité des ONG, qui sont si utiles à la démocratie et à la cause des droits de l'homme.

Droit de réponse

La Syrie a évoqué la déclaration du représentant d'Israël dans laquelle il indiquait que son pays tentait de reprendre les pourparlers avec la Syrie dans le cadre du processus de paix. La représentante a indiqué que cela ne peut être le cas puisque le nouveau gouvernement israélien ne reconnaît pas le principe de la terre contre la paix. Les négociations doivent reprendre, a-t- elle dit, mais elles ne doivent pas donner lieu à des manoeuvres politiques, comme cela est le cas actuellement. Elle a par ailleurs répondu à l'Organisation internationale contre la torture qui a fait référence à des violations qui auraient eu lieu en Syrie. Or, a -t-elle indiqué, pendant cinq ans, aucune violation des droits de l'homme n'a été relevée dans le pays. Elle a regretté que les déclarations tendancieuses de certaines organisations contribuent à saper leur crédibilité.

Le Soudan a répondu au représentant de l'organisation Christian Solidarity international en expliquant que le conflit armé qui fait rage au Soudan depuis 50 ans n'est un conflit ni religieux, ni arabo-africain mais qu'il est imputable aux politiques de l'ère coloniale. Le Soudan condamne la visite illégale des représentants de cette organisation ainsi que ses allégations sans fondements. Le Gouvernement soudanais tente de régler pacifiquement ce conflit, a assuré le représentant qui a ajouté que son gouvernement a officiellement invité les représentants de plusieurs mécanismes de protection des droits de l'homme à se rendre dans le pays dans la première semaine du mois d'août.

La Turquie, répondant à la déclaration d'un membre de la Sous-Commission qui a rendu hommage à un journaliste victime d'un meurtre odieux, s'est déclaré outré par l'exploitation faite du décès de ce journaliste pour

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proférer des accusations contre la Turquie. La Turquie a dénoncé cette attaque odieuse et une enquête est en cours. Il est regrettable que le membre en question ait fait état d'une théorie du complot. Pourquoi une telle théorie ne serait-elle pas élaborée pour dénoncer d'autres forces à l'oeuvre sur l'île de Chypre. Le membre de la Sous-Commission auteur de cette théorie est étroitement lié à l'administration chypriote grecque, a estimé le représentant.

Mme CLAIRE PALLEY, experte du Royaume-Uni, a regretté que certains se déclarent outrés de la dénonciation du meurtre d'un journaliste. Elle a nié avoir parlé d'une théorie du complot et a affirmé s'être bien gardé d'accuser la Turquie dans cette affaire. Elle a affirmé qu'en tant que puissance d'occupation, la Turquie a toutefois le devoir de protéger la vie des personnes qui se trouvent soumises à son administration.

L'Iraq a déclaré que les déclarations de nombre d'organisations non gouvernementales devant la Sous-Commission ont eu un caractère éminemment politique et visaient à exacerber les tensions existantes en Iraq afin de maintenir le blocus dont est victime le pays. Ces déclarations ont pour objectif de détourner l'attention des responsabilités réelles des États qui affament le peuple iraquien. Le représentant a souligné que les États-Unis ont été contraints de céder aux pressions des autres membres du Conseil de sécurité en ce qui concerne l'accord dit «nourriture contre pétrole».

Chypre a souligné que l'entité juridique et administrative mise en place par les autorités turques à Chypre n'est reconnue par aucun pays au monde, excepté la Turquie. Elle a recommandé au représentant de ce pays d'utiliser la terminologie en vigueur aux Nations Unies lorsqu'il se réfère à Chypre. Elle a par ailleurs estimé que l'impunité encourage la poursuite de la violation des droits de l'homme et du droit international et qu'elle permet que des jeunes gens dont le seul crime est de vouloir se déplacer librement soient assassinées, comme cela s'est produit hier, à Nicosie, avec l'assassinat d'un chypriote grec de 23 ans dont le seul crime a été de se déplacer.

Le Nigéria, répondant à la déclaration faite par la Fédération internationale de droits de l'homme, a affirmé que les informations qu'elle a prétendu apporter sur la situation au Nigéria sont tout à fait erronées. Le Gouvernement nigérian a pris toutes les mesures nécessaires pour que les citoyens puissent jouir de leurs droits élémentaires, conformément aux recommandations de l'équipe d'établissement des faits des Nations Unies qui s'est rendue dans le pays en début d'année. Il a indiqué que son pays est en pleine transformation économique et politique et qu'il a davantage besoin du soutien de la communauté internationale que des critiques d'organisations non gouvernementales qui profitent de la tribune offerte par la Sous-Commission.

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Débat sur l'élimination de la discrimination raciale

M. VOLODYMYR BOUTKEVITCH, expert de l'Ukraine, a noté que beaucoup de gouvernements déclarent que la discrimination raciale n'existe pas sur leur territoire alors qu'en fait, le racisme se développe même en présence de mécanismes pour le combattre. Mais, a demandé l'expert, que sont l'épuration ethnique et le génocide, les expulsions de ressortissants étrangers, les profanations de cimetières, sinon des formes de discrimination raciale.

Analysant les raisons pour lesquelles le racisme prospère aujourd'hui, M. Boutkevitch a souligné que tous les gouvernements ne sont pas parties aux conventions internationales contre le racisme et la discrimination raciale et ne sont ainsi pas tenus d'en respecter les dispositions. En outre, de nombreux États, bien que parties à des instruments internationaux de lutte contre le racisme, ne traduisent pas, dans leur droit interne, les dispositions de ces traités. Le racisme est également imputable aux normes constitutionnelles trop laxistes dans leur définition du racisme et de la discrimination raciale, ce qui s'explique, a-t-il dit, par la volonté des gouvernements concernés de cacher à la communauté internationale l'existence d'un tel fléau dans leur pays. En outre, a-t-il poursuivi, les organes judiciaires qualifient les actes de racisme de délits et non de crimes, ce qui équivaut, a-t-il estimé, à une légitimation de la perpétuation du racisme.

L'expert a également évoqué des causes organisationnelles telles que le manque de coordination au sein de l'État pour prévenir et sanctionner les manifestations de racisme. De nombreux pays ne souhaitent pas entretenir de liens avec les organisations non gouvernementales qui luttent contre la discrimination raciale et se privent ainsi des moyens d'améliorer l'information sur le crime de racisme. Peu d'États se sont dotés d'un programme à long terme de lutte pour l'élimination de la discrimination raciale, ou ont instauré un système d'enquêtes et d'indemnisations des victimes du racisme. Enfin, a poursuivi l'expert, il faut également regretter le manque de ressources financières affectées à la lutte contre ce fléau.

Par conséquent, M. Boutkevich a recommandé la mise en place d'une stratégie concertée de lutte et de prévention ainsi que la tenue d'une conférence internationale de lutte contre toutes les formes d'intolérance. Il a également jugé souhaitable la publication des textes et normes constitutionnelles existantes en matière de lutte contre le racisme, ce qui, a-t-il ajouté, pourrait permettre à d'autres États d'élaborer des normes plus efficaces dans ce domaine. La Sous-commission pourrait également recommander aux États de prendre des mesures de dédommagement des victimes de la violence et d'actes racistes.

M. MUSTAPHA MEHEDI, expert de l'Algérie, a affirmé que l'enseignement et l'éducation devraient être parmi les éléments les plus importants des activités entreprises par l'Organisation des Nations Unies, notamment dans le cadre du Programme d'action pour la Troisième Décennie de lutte contre le

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racisme et la discrimination raciale. Il a distingué l'enseignement, qui est dispensé dans un cadre formel, de l'éducation, davantage destinée à un auditoire de masse. Il est nécessaire d'étendre la sensibilisation et l'éducation aux droits de l'homme afin de lutter contre le racisme et la discrimination raciale, a déclaré l'expert.

Mme ANDRÉE FARHI (Conseil international des femmes juives) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les retours cycliques des mouvements d'extrême droite racistes et xénophobes sur la scène européenne, particulièrement en France. Dans ce pays, a-t-elle poursuivi, on frémit quand Jean-Marie Le Pen annonce sa prochaine prise de pouvoir car on peut craindre, pour la première fois, que ses prévisions ne soient pas une simple utopie. Or c'est en utilisant les ressorts de la démocratie que le Front national, mouvement pétri de haine raciale, d'antisémitisme et de xénophobie, a su se forger une respectabilité et s'implanter dans le paysage politique français. Le Front national s'est infiltré dans tous les rouages de la société, y compris dans la police, ce qui ne manque pas de poser le problème de la responsabilité de l'État républicain à garantir la neutralité des forces de l'ordre, piliers de la démocratie. Le mouvement lepéniste constitue un phénomène inédit car c'est un national-populisme à base ethnique. Aussi, il ne fait aucun doute qu'à la lumière de l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'article 2 de la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale, le Front national doit être interdit, quel que soit le nombre de ses électeurs.

Mme NALANI MINTON (International Work Group for Indigenous Affairs), s'identifiant comme appartenant au peuple Kanaka Maoli d'Hawaï, a déclaré que les Kanaka Maoli sont victimes de discrimination raciale étant donné les mesures d'exclusion, de restriction et de préférence qui continuent d'être appliquées sur l'île et qui n'ont leurs droits de l'homme. Elle a demandé à la Sous-Commission d'enquêter sur les violations des droits de l'homme liées au plébiscite de 1996 imposé par les États-Unis. Des enquêtes devraient également être menées en ce qui concerne le plébiscite frauduleux de 1959 qui a conduit au déni du droit de la population d'Hawaï à un processus de décolonisation. Le rétablissement de ce droit doit être soutenu par une résolution de la Sous-Commission, a déclaré Mme Minton.

M. ISAK CHISHI SWU (Société pour les peuples en danger) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation au Nagaland et a dénoncé l'état d'urgence décrété par le Gouvernement indien dans cette zone dite «perturbée» depuis le 1er avril 1995. Au Nagaland, a-t-il poursuivi, les droits de l'homme les plus élémentaires sont violés en toute impunité. Les personnes détenues par l'armée sont assassinées dans des circonstances particulièrement cruelles. Ajoutées aux agissements de l'État indien au Jammu-et-Cachemire, ces exactions montrent que les autorités indiennes se comportent comme des terroristes. À l'opposé, plusieurs centaines de militaires indiens arrêtés par les forces naga ont été bien traités et libérés dans des conditions de dignité. La Sous-Commission devrait recommander à la Commission d'envoyer une mission d'établissement des faits au Nagaland et de nommer un rapporteur spécial sur cette question.

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Mme ATSUKO TANAKA (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) a estimé qu'il serait très utile que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et la Sous-Commission se réunissent sur une base régulière et que le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme et de discrimination raciale soit étroitement associé aux travaux du Comité. Le représentant s'est également dite favorable au droit individuel de pétitionner devant les organes internationaux de lutte contre le racisme. Il faut que les Nations unies continuent d'étudier les causes profondes du racisme, a-t-elle par ailleurs estimé.

M. NADIR BYEKIR (Parti radical transnational) a estimé qu'il était difficile de lutter contre la discrimination raciale lorsque celle-ci est dissimulée et notamment lorsqu'elle est institutionnalisée par les autorités régionales sans le contrôle du gouvernement central. Or il est difficile pour les organes internationaux de surveiller la situation des droits de l'homme sur une base régionale surtout quand le gouvernement central a tendance à se départir de sa responsabilité. De telles situations se présentent tout particulièrement dans les grands pays qui ont développé un système d'autonomies régionales. Une situation similaire de discrimination souterraine existe lorsque la violation des droits politiques, économiques, sociaux et culturels de certains groupes ethniques n'est pas officiellement basée sur des considérations de race mais sur d'autres facteurs qui ont le même effet dans la pratique. Il existe également des situations dans lesquelles les droits de l'homme sont reconnus sans restrictions par la législation régionale et nationale, mais où les gouvernements ne protègent pas, dans les faits, les droits de certains groupes ethniques pas plus qu'ils ne poursuivent les auteurs des violations de ces droits. Ainsi, le Gouvernement ukrainien n'a pas, par exemple, dénoncé la politique menée depuis six ans par le Gouvernement de Crimée qui vise à limiter le rapatriement et la réinstallation des Tatars de Crimée dans leur Crimée natale.

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