DH/G/436

LA SOUS-COMMISSION POURSUIT SON DÉBAT SUR LA QUESTION DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME

6 août 1996


Communiqué de Presse
DH/G/436


LA SOUS-COMMISSION POURSUIT SON DÉBAT SUR LA QUESTION DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME

19960806 Genève, 6 août -- La Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a poursuivi cet après-midi son débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays. Elle a notamment entendu la déclarations de deux experts.

M. David Weissbrodt, expert des États-Unis, a axé son intervention sur les orientations que la Sous-Commission devrait prendre à l'avenir, estimant notamment que la Sous-Commission devrait éviter de se transformer en «version plus petite» de la Commission des droits de l'homme. Il a souhaité qu'elle serve d'organe d'alerte sur les situations de violations de droits de l'homme qui n'auraient pas, jusque-là, reçu toute l'attention voulue.

M. Marc Bossuyt, expert de la Belgique, a pour sa part mis l'accent sur la situation au Burundi. Il a souligné qu'il ne peut y avoir de coexistence pacifique entre les ethnies et les forces politiques du pays si les responsables de l'assassinat du Président Ndadaye et des massacres qui ont suivi continuent de participer à la vie publique burundaise. Les informations en provenance du Burundi font craindre que le type de génocide à présager dans ce pays s'apparente à celui qu'a connu le Rwanda en 1994. M. Bossuyt a estimé que, dans les circonstances actuelles, des sanctions économiques ne sont pas le moyen approprié pour favoriser la démocratie et le respect des droits de l'homme au Burundi. Elles risquent au contraire d'accroître les chances d'un génocide.

Les représentants de l'Iraq, de la Syrie, de Chypre et de l'Égypte se sont également exprimés sur la question de la violation de droits de l'homme. Le représentant de Chypre a mis l'accent sur la situation préoccupante que connaît le peuple de Chypre depuis l'occupation par la Turquie de plus de 37% du territoire tandis que le représentant de l'Iraq a mis l'accent sur les difficultés humanitaires rencontrés par son pays en raison des sanctions économiques qui lui sont imposées. La Syrie et l'Égypte ont pour leur part

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évoqué la situation au Moyen-Orient. Elles ont en particulier insisté sur la nécessité de préserver l'élan en faveur de la paix né de la Conférence de Madrid et ont recommandé à Israël de mettre un terme à l'implantation de colonies de peuplement et de s'abstenir de prendre des mesures allant à l'encontre des engagements qu'il a pris dans le cadre du processus de paix.

Les représentants du Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et Pax Romana ont également pris la parole pour dénoncer les situations des droits de l'homme qui prévalent, respectives, au Sri Lanka et dans la région du Chiapas, au Mexique.

Les représentants de l'Algérie, du Mexique, et de la Syrie ont exercé leur droit de réponse.

La Sous-Commission poursuivra son débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales demain matin, à partir de 10 heures.

Déclarations des experts

M. DAVID WEISSBRODT, expert des États-Unis, a estimé que la Sous- Commission devrait adopter de nouvelles orientations afin de pouvoir poursuivre son rôle normatif en matière de droits de l'homme, domaine aujourd'hui le plus codifié du droit international. La Sous-Commission devrait faire preuve de retenue dans ce domaine et veiller à ce que les normes existantes sont effectivement appliquées plutôt que de s'attacher à l'élaboration de nouvelles normes.

M. Weissbrodt a en outre estimé que les études menées par la Sous- Commission sur de grands thèmes tels l'exil, la discrimination contre les personnes atteintes du SIDA, le droit à un procès équitable, le droit au logement, sont très utiles mais qu'elles couvrent déjà une grande variété de questions qui peuvent relever également de la compétence d'autres organes. La Sous-Commission devrait en conséquence proposer son savoir-faire à d'autres organes, comme le Comité sur l'élimination de la discrimination raciale, et leur apporter sa coopération. La Sous-Commission devrait également attirer l'attention de la Commission des droits de l'homme sur de nouvelles situations qui se présentent dans le domaine des droits de l'homme ou sur les situations de violations qui n'auraient pas été traitées de manière appropriée.

M. MARC BOSSUYT, expert de la Belgique, a souhaité attirer l'attention de la Sous-Commission sur la situation des droits de l'homme au Burundi. Il a estimé qu'en 1993, en n'intervenant ni pour rétablir l'ordre constitutionnel ni pour mettre fin aux massacres, la communauté internationale donnait un signal à ceux qui préparaient le génocide rwandais, à savoir qu'elle n'interviendra pas pour y mettre fin. Bien que tardivement, le Conseil de sécurité vient de recevoir la semaine dernière le rapport du comité

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international d'experts chargé d'établir les responsabilités pour les événements qui ont eu lieu fin octobre 1993 au Burundi. Il importe que ce rapport ne reste pas lettre morte et qu'en soient tirées des conclusions. Ceux dont il est démontré qu'ils sont directement impliqués dans l'assassinat du Président Melchior Ndadaye et dans les massacres qui ont suivi doivent être punis et doivent immédiatement être éloignés de la vie publique burundaise. Ceci doit se faire quelle que soit l'ethnie à laquelle ces personnes appartiennent ou le rang qu'elles occupent ou ont occupé dans les institutions burundaises, y compris l'armée. Faute de quoi, il ne peut y avoir de coexistence pacifique entre les ethnies et les forces politiques du pays.

Depuis plus de deux ans, a poursuivi M. Bossuyt, un génocide d'une ampleur inégalée était prédit par nombre d'experts sur le Burundi. Mais fallait-il craindre un génocide comme celui qui a été commis en 1972 par l'armée burundaise et qui avait fait plus de 200 000 victimes, ou fallait-il s'attendre à un génocide tel que celui qu'a connu le Rwanda en 1994? L'alliance, tout au moins présumée, des bandes armées de Léonard Nyangoma avec les interahamwe rwandais, qui avaient commis le génocide contre la minorité tutsie au Rwanda, fait craindre que la deuxième hypothèse est la plus plausible. M. Bossuyt a déclaré ne pas croire que, dans les circonstances actuelles, des sanctions économiques soient le moyen approprié pour favoriser la démocratie et le respect des droits de l'homme au Burundi. De telles sanctions risquent au contraire d'accroître les chances d'un génocide.

M. Bossuyt a estimé que la composition du nouveau gouvernement est un signe encourageant. Ce Gouvernement doit faire des efforts sérieux pour assurer la coexistence pacifique entre les deux ethnies du pays et prendre des mesures pour que l'armée s'acquitte sans bavures de sa tâche de gardien de la sécurité des citoyens, même dans les circonstances difficiles où elle est confrontée à des bandes armées qui ne respectent pas les règles du droit international humanitaire.

Autres déclarations

M. MOHAMAD SALMAN (Iraq) a déclaré que son pays est devenu la cible d'un plan visant des objectifs politiques, mené par des pays qui se prétendent défenseurs des droits de l'homme mais qui ne tiennent pas compte des conséquences d'un tel plan. Les sanctions économiques imposées à l'Iraq depuis 1990 attestent clairement de ce fait. L'utilisation croissante de sanctions économiques au cours de la dernière décennie, en particulier à l'encontre de pays en développement, révèle un grave défaut du système d'application de ces sanctions si l'on considère leur impact sur la situation des droits de l'homme dans les pays visés. Si elles sont une fin en soi, ces sanctions vont alors au-delà des termes de la Charte des Nations Unies et contredisent les principes des droits de l'homme. C'est pourquoi cette question devrait être soigneusement examinée par la Sous-Commission qui

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devrait proposer des moyens de réduire l'impact de telles mesures sur les pays visés. Les difficultés émanant de l'actuel blocus contre l'Iraq ont eu des conséquences encore plus néfastes pour le peuple iraquien que l'agression militaire contre l'Iraq en 1991, comme en témoigne la hausse du taux de mortalité. La Sous-Commission devrait donc continuer à adopter une attitude neutre et objective en lançant un appel pour que le blocus soit levé et que son impact sur les groupes les plus vulnérables de la population iraquienne soit réduit.

M. CLOVIS KHOURY (République arabe syrienne) a rappelé qu'Israël occupe le Golan syrien depuis plus de 29 ans et ce, en violation flagrante des dispositions du droit international et plus particulièrement des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Les lois promulguées par Israël visent à poursuivre l'implantation de 40 colonies de peuplement, contraires à la quatrième Convention de Genève sur la protection des civils en temps de guerre. Le peuple du Golan syrien occupé poursuit pourtant sa lutte contre l'occupation et l'annexion du Golan, a poursuivi M. Khoury, qui a rappelé la position des pays arabes sur le règlement pacifique de cette question, à savoir, le retrait total et sans conditions d'Israël de tous les territoires arabes occupés, y compris du Golan syrien, du sud du Liban et de la Bekaa ouest. Le refus des autorités israéliennes de retirer leurs troupes des territoires occupés ainsi que la poursuite de l'implantation des colonies de peuplement constitue non seulement un grave défi au droit international mais contribue à raviver dangereusement la tension qui prévalait dans la région avant la Conférence de Madrid, a fait valoir le représentant. La Sous- Commission devrait demander à Israël de respecter les engagements qu'elle a pris, de respecter la quatrième Convention de Genève et de ne pas entraver le processus de paix entamé à Madrid, a estimé le représentant syrien.

Mme LORIA MARKIDES (Chypre) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les souffrances infligées au peuple de Chypre suite à l'occupation, par la Turquie, de 37% du territoire de l'île. Elle a exprimé la préoccupation de son gouvernement en ce qui concerne la détention arbitraire de nombreuses personnes privées de leur liberté depuis 1974 et disparues depuis lors. Elle a également dénoncé le refus du régime d'occupation turc de permettre à plus de 200 000 réfugiés chypriotes grecs de retourner dans leurs foyers. Ces faits sont par ailleurs aggravés par l'implantation illégale sur l'île de colons venus de Turquie. Les quelques 661 Chypriotes grecs et Maronites qui vivent toujours dans la partie occupée de l'île, sur les 20 000 qui y vivaient à la fin des hostilités, continuent d'être victimes des formes violentes de racisme exercées par le régime d'occupation turc. Il est regrettable que les résolutions des Nations Unies, et notamment celles adoptées par la Sous- Commission pour demander le retour dans leurs foyers des réfugiés et des personnes déplacées, n'aient pas été appliquées. En outre, la communauté chypriote turque pâtit elle aussi de l'occupation turque, dans la mesure où la présence de 35 000 soldats turcs a des effets néfastes sur le développement économique et social ainsi que sur les conditions de vie de la population.

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M. MOUNIR ZAHRAN (Égypte) a demandé à toutes les parties concernées par le processus de paix engagé au Moyen-Orient de respecter leurs engagements et de s'abstenir de prendre des mesures contraire aux accords conclus. Il a en conséquence demandé à Israël de mettre un terme à la pratique des colonies de peuplement et de ne pas entraver la constitution d'un État palestinien. Il a demandé à la Sous-Commission de se prononcer de manière claire sur cette question. M. Zharan s'est par ailleurs dit gravement préoccupé par la situation dans la région des Grands Lacs, en Afrique, et en particulier par la situation des droits de l'homme, très préoccupante au Burundi. Il a en outre estimé que le Tribunal pénal international pour le Rwanda devrait effectivement juger toutes les personnes qui se sont livrées au crime de génocide dans ce pays.

Mme ATSUKO TANAKA (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination), tout en se déclarant consciente des efforts consentis par le Gouvernement sri-lankais pour restaurer la démocratie sur l'île, a exprimé sa préoccupation face aux nombreux cas rapportés de violations flagrantes des droits de l'homme au Sri Lanka. Faisant référence à un raid mené dans les foyers d'ingénieurs et de techniciens du Bureau de l'électricité qui avaient manifesté en mai 1996, raid qualifié par le Président sri-lankais lui-même d'opération choc, Mme Tanaka a dénoncé la manière dont le Gouvernement de l'île agit pour briser une grève, sans tenir aucunement compte des droits de l'homme de ces travailleurs et des membres des familles. Elle a aussi déploré les arrestations arbitraires dont ont été victimes des membres de la communauté tamoule. En outre, l'imposition de la censure, suite aux opérations militaires menées dans le Nord et l'Est de l'île, est très préoccupante. La Sous-Commission devrait donc prendre les mesures appropriées pour engager le Gouvernement de Sri Lanka à respecter ses obligations au titre des Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme.

M. JOSEP GARCIA (Pax Romana) a déclaré que la région du Chiapas connaît depuis 1994 des violations graves et massives des droits de l'homme. Les groupes de sécurité privés, connus pour leurs exactions, ne sont pas recherchés en dépit des 20 dossiers déposés au pénal et des 78 demandes d'arrestation qui ont été enregistrées, en raison de la protection dont ils jouissent de la part des agents du ministère public dans la région. Ce conflit a une forte dimension agraire, a expliqué le représentant qui a indiqué que les caciques se sont approprié les terres de force, forçant les autochtones à prendre la route de l'exil. Il a demandé à la Sous-Commission de donner instruction aux rapporteurs spéciaux de veiller au respect des droits de l'homme dans tout le pays et de demander au Mexique d'adopter dans les plus brefs délais des mesures visant à rétablir au Chiapas une paix digne et durable.

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Droit de réponse

L'Algérie, en réponse à l'intervention faite ce matin par la Commission internationale de juristes, a noté que cette organisation non gouvernementale est coutumière de déclarations surprenantes. Elle avait déjà affirmé, en 1993, devant la Commission des droits de l'homme, que l'Algérie venait de suspendre sa Constitution. Or la Constitution algérienne, qui date de 1989, n'a jamais été suspendue. L'Algérie a beaucoup de considération pour la Commission internationale de juristes, comme pour toutes les organisations non gouvernementales. Mais les critiques doivent être fondées. Aussi, la Commission internationale de juristes aurait dû donner suite à la requête qu'elle avait fait parvenir au Gouvernement algérien en 1994 afin d'envoyer une mission d'enquête dans le pays. L'Algérie attend toujours l'envoi de cette mission d'enquête. Il est également surprenant que cette organisation non gouvernementale ait soulevé ce matin, devant la Sous-Commission, un cas dont elle a saisi il y a quatre jours seulement le Gouvernement algérien, sans même attendre de réponse d'Alger. L'Algérie s'interroge donc sur les raisons qui la pousserait désormais à coopérer avec la Commission internationale de juristes.

Le Mexique est intervenu pour répondre à la déclaration prononcée ce matin par l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) qui faisait référence à de présumés cas de détentions, de torture, d'exécutions et de disparitions dans certaines régions du Mexique. Le représentant a assuré que, comme dans tout État de droit, des enquêtes sont menées par les autorités compétentes afin de fixer les responsabilités des auteurs d'actes qualifiés de délits. Prenant en compte les requêtes de l'OMCT, le Gouvernement mexicain a transmis à cette organisation des informations concernant les progrès enregistrés dans les enquêtes judiciaires en cours. Il est donc étrange que cette organisation anticipe les résultats des enquêtes et conclue avec légèreté qu'il existe un phénomène d'impunité au Mexique. En ce qui concerne les faits survenus à Aguas Blancas en juin 1995 et dont plusieurs organisations non gouvernementales s'étaient inquiétées l'an dernier, le Mexique tient notamment à préciser que des mesures pénales ont été prises contre plusieurs fonctionnaires et policiers de l'État de Guerrero.

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