DH/G/435

LA SOUS-COMMISSION EXAMINE LA QUESTION DE LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES DANS TOUS LES PAYS

6 août 1996


Communiqué de Presse
DH/G/435


LA SOUS-COMMISSION EXAMINE LA QUESTION DE LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES DANS TOUS LES PAYS

19960806

Genève, 6 août -- La Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a entamé, ce matin, sa discussion sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris la politique de discrimination raciale et de ségrégation ainsi que la politique d'apartheid dans tous les pays, en particulier dans les pays et territoires coloniaux et dépendants.

Dans le cadre de ce débat, M. José Bengoa, expert du Chili, a fait une déclaration dans laquelle il a notamment analysé les conséquences de la mondialisation sur la jouissance des droits de l'homme. Il a par ailleurs évoqué le problème de l'évaluation des mécanismes de protection des droits de l'homme établis par les Nations Unies ainsi que la question de l'impunité et de l'amnistie dont bénéficient certains criminels de guerre.

Les organisations non gouvernementales suivantes sont également intervenues: Pax Christi International; Communauté internationale baha'ie; Liberation; Service international pour les droits de l'homme; Fédération internationale pour la protection des droits des minorités ethniques, religieuses et linguistiques; Organisation mondiale contre la torture; Commission internationale de juristes; International Work Group on Indigenous Affairs; Congrès du monde islamique; et Société pour les peuples en danger.

Les interventions se sont particulièrement attachées à dénoncer les violations de droits de l'homme perpétrées en Algérie, en Indonésie, en République islamique d'Iran, au Jammu-et-Cachemire, en Tchétchénie, au Tibet, en Colombie, au Mexique, en Syrie, au Sahara occidental, au Timor oriental et dans la région africaine des Grands Lacs. Deux organisations non gouvernementales ont dénoncé le «plébiscite» qui doit se tenir à Hawaï, une autre s'est pour sa part inquiétée du sort de M. Khémaïs Chammari, détenu en Tunisie. On a également déploré que la communauté internationale fasse preuve d'une sévérité extrême à l'encontre de l'Iraq et, parallèlement, se préoccupe peu de la situation dans les territoires arabes occupés.

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La Sous-Commission a également adopté ce matin son ordre du jour révisé, qui inclut deux nouveaux alinéas: l'un, au titre du point de l'ordre du jour relatif à la promotion, à la protection et au rétablissement des droits de l'homme, est consacré au Trentième anniversaire de l'adoption des Pactes internationaux; l'autre, au titre du point de l'ordre du jour intitulé «Liberté de circulation», concerne le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d'y retourner.

La Sous-Commission a décidé, comme les années précédentes, d'établir, au titre du point de l'ordre du jour relatif à l'administration de la justice et aux droits des personnes détenues, son groupe de travail de session sur l'administration de la justice et la question de l'indemnisation, présidé par M. Louis Joinet.

Le bureau de la Sous-Commission tiendra, le vendredi 9 août, une réunion conjointe avec le bureau du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale.

La Sous-Commission poursuivra, cet après-midi à 15 heures, son débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Documentation relative à l'examen de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales

La Sous-Commission est saisie, pour l'examen de cette question, d'une note du Secrétaire général dans laquelle il évoque les divers rapports et mesures prises par les Nations Unies afin de prévenir les violations des droits de l'homme en République islamique d'Iran. Il présente également les rapports des groupes de travail ainsi que les observations du Comité sur l'élimination de la discrimination raciale et du Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels suite à l'examen du rapport de ce pays.

La Sous-Commission est également saisie d'une note de la Mission permanente d'Iraq adressée au Centre des droits de l'homme dans laquelle la Mission présente les résultats d'études menées sur l'utilisation d'armes radioactives par les forces alliées durant la guerre du Golfe et sur leurs conséquences négatives sur l'environnement et la population iraquienne.

Déclaration d'un expert

M. JOSÉ BENGOA (Chili) a indiqué que la mondialisation des marchés et des vecteurs de l'information ont contribué à étendre à l'ensemble de la planète la valeur universelle des droits de l'homme. Il est très important que l'on ait de plus en plus recours aux mécanismes de protection des droits de l'homme mis en place au niveau international et qu'ils cessent d'être muselés en raison des intérêts politiques d'un petit nombre.

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L'expert a également souhaité que la Sous-Commission examine la compétence des organes créés afin de juger des crimes de guerre dans l'ex- Yougoslavie et au Rwanda et en particulier en ce qui concerne les rapports à établir entre ces tribunaux, le système des Nations Unies et les mécanismes des droits de l'homme établis par les Nations Unies. Il faudrait également débattre de l'opportunité d'établir des liens entre les Rapporteurs spéciaux et les organes d'enquête.

Concernant l'impunité, M. Bengoa a souligné que certains crimes ne sont pas amnistiables et que la conscience collective des peuples ne peut que souffrir de l'oubli. Aucune poursuite internationale ne peut être engagée si ceux qui ont commis un génocide ou des crimes de guerre sont amnistiés au niveau national. La construction d'un ordre juridique international plus efficace n'est pas un concept abstrait mais un élément indispensable à un plus grand respect des droits de l'homme, a déclaré M. Bengoa.

Autres déclarations

M. J. VITTORI (Pax Christi International) a estimé que, si la communauté internationale est incapable de prendre ses responsabilités pour remédier aux violations des droits de l'homme, c'est parce que le budget de l'Organisation est équivalent à celui des pompiers de la ville de Tokyo. Il a rappelé que M. José Ayala Lasso a souligné que seuls 1,8% des fonds versés par les États contributeurs sont affectés à la défense des droits de l'homme, ce qui limite nécessairement les possibilités de la Commission et de la Sous-Commission de relever les défis en la matière. Le représentant a par ailleurs estimé que les résolutions contre l'Iraq ont des conséquences cruelles et injustifiables sur la population du pays et que l'inflexible sévérité à l'égard de ce peuple contraste de façon choquante avec le manque de considération accordée aux résolutions relatives à la situation dans les territoires arabes occupés.

M. TECHESTE AHDEROM (Communauté internationale baha'ie) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les persécutions dont sont victimes les Baha'is en Iran. Il s'agit, a-t-il estimé, d'un un cas flagrant de discrimination religieuse à la lumière de la masse de documents et de rapports officiels accumulés par la Sous-Commission au fil des ans. Il a déclaré que ces persécutions ne prennent pas seulement la forme d'une répression des libertés d'expression et de croyance religieuse mais se manifestent également dans tous les aspects de la vie sociale et privée des Baha'is. Il a affirmé que près d'une cinquantaine de documents et de lettres officiels émanant des autorités iraniennes et récemment reçues par la Communauté internationale baha'ie témoignent de la recrudescence et de l'étendue des violations des droits de la minorité Baha'ie en Iran. Afin de justifier, aux yeux de la communauté internationale, le traitement qu'elles infligent aux Baha'is, les

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autorités iraniennes les ont souvent accusés d'être des «agents de puissances étrangères», des «espions» ou de constituer une «organisation politique subversive», sans jamais apporter les preuves de ces accusations. Il faut espérer que la Sous-Commission exprimera, une fois de plus, sa préoccupation face à cette situation et condamnera les violations des droits de l'homme perpétrées contre les Baha'is en Iran.

M. LIEM SOCI LIONG (Liberation), a déclaré que les forces de sécurité indonésiennes se sont livrées à des exactions violentes contre la population civile au cours des dernières semaines à Jakarta, causant la mort d'au moins quarante personnes. Le représentant a affirmé que 156 personnes sont sur le point d'être jugées pour avoir participé aux émeutes et celles qui sont hospitalisées n'ont pas le droit de recevoir des visites, y compris celles des spécialistes des droits de l'homme. Les attaques menées contre les locaux du Parti démocratique indonésien par les forces de sécurité ne relèvent pas d'une querelle politique mais constituent une véritable affaire nationale, a déclaré le représentant qui a souhaité que les mécanismes de droits de l'homme mis en place par les Nations Unies soient appliqués d'urgence à l'Indonésie.

M. ANDRÉ JACQUES (Service international pour les droits de l'homme) s'est déclaré consterné par les accusations et la lourde condamnation dont a fait l'objet en Tunisie M. Khémaïs Chammari, membre du Conseil exécutif du Service international pour les droits de l'homme, condamné à cinq ans de prison pour «divulgation du secret de l'instruction dans une affaire portant atteinte à la sûreté de l'État». Depuis le début des procédures judiciaires et policières engagées contre lui en octobre 1995, M. Chammari, ainsi que son épouse, sont victimes d'un véritable harcèlement a déclaré le représentant. En septembre et octobre 1995, M. Chammari a reçu à son domicile près de sept mille lettres et cinq cents télégrammes provenant de citoyens qui, «spontanément», réclamaient sa démission de l'Assemblée tunisienne pour «haute trahison». Cette campagne a été condamnée par la Fédération internationale des droits de l'homme et la Ligue tunisienne. Le Service international pour les droits de l'homme, convaincu de l'innocence de M. Chammari, demande à la Sous-Commission d'intervenir auprès des autorités tunisiennes avec d'autant plus de force qu'«il faut craindre que le dérapage actuel en Tunisie n'affecte prochainement d'autres acteurs et institutions qui constituent les fondements de toute société démocratique».

M. KEALI'I GORA (Fédération internationale pour la protection des droits des minorités ethniques, religieuses et linguistiques), a souligné que le plébiscite que tentent d'organiser les États-Unis à Hawaï vise en réalité à bafouer les droits légitimes de la population hawaïenne sur sa terre et sa culture. Le représentant, dénonçant les pressions exercées par le gouvernement fédéral sur le population pour l'inciter à voter, a fait valoir que, tant que l'on ne permettra pas à la population de se prononcer sur son droit à l'auto-détermination, le peuple hawaïen considèrera que ses libertés fondamentales sont niés. M. Gora a demandé à la Sous-Commission de prendre des mesures pour arrêter les procédures mises en place pour la tenue de ce plébiscite.

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Mme DANIELA BAGOZZI (Organisation mondiale contre la torture) a déploré que le nombre des appels urgents relatifs à des violations de droits de l'homme dans le monde ait doublé en 1996. Elle a jugé préoccupante la situation qui prévaut en Colombie où sont perpétrées nombre de détentions arbitraires, d'actes de torture et d'exécutions sommaires, les responsables de ces violations restant souvent en liberté. La Sous-Commission doit faire tout son possible pour qu'un bureau permanent des Nations Unies soit installé en Colombie, dont la compétence serait reconnue par le Gouvernement colombien pour enquêter sur les violations des droits de l'homme dans le pays. La Sous- Commission devrait également prendre des mesures fermes pour condamner les violations de droits de l'homme et l'impunité qui prévalent dans certaines régions du Mexique. Il convient également de dénoncer le fait que les prisonniers de conscience qui ont récemment été libérés en Syrie ont dû, avant leur libération, signer un document par lequel ils s'engageaient à ne plus avoir d'activité politique. Au Sahara occidental, les droits des Sahraouis continueront d'être bafoués aussi longtemps que le statut de ce territoire n'aura pas été déterminé. De la même manière, les violations des droits de l'homme perpétrées au Timor oriental par l'armée indonésienne se poursuivront tant que les habitants de ce territoire ne pourront décider eux-mêmes de leur propre avenir. Dans la région africaine des Grands Lacs, des situations telles que celle qui prévaut au Burundi doivent inspirer la crainte, a déclaré la représentante.

Mme MONA RISHMAWI (Commission internationale de juristes) a dénoncé les violations massives des droits de l'homme en Algérie commises à la fois par les forces du gouvernement et des groupes armés. Le Gouvernement algérien a en outre formé des milices civiles qui sont chargées de mener des attaques contre ces groupes armés. Depuis 1994, des milliers d'Algériens ont été arrêtés et sauvagement torturés, a affirmé la représentante. Elle a également évoqué le conflit en Tchétchénie qui a causé des milliers de morts, essentiellement parmi les femmes et les enfants. Les forces armées russes ont poursuivi leurs attaques aériennes en dépit du second cessez-le-feu qui avait été proclamé, provoquant la destruction systématique de zones résidentielles. Bien que deux soldats russes aient été arrêtés et soupçonnés d'avoir assassiné 13 civils à Grozny, les exactions de nombreux autres soldats russes commises dans les centres de détention arbitraire, les viols, la torture et les pillages restent aujourd'hui impunis. Estimant que la réaction de la communauté internationale est bien en deçà de la gravité et de la violence du conflit, Mme Rishmawi a souhaité que la Sous-Commission recommande à la Commission de nommer un Rapporteur spécial chargé de s'assurer du respect des droits de l'homme en Tchétchénie.

M. JOSÉ LUIS MORIN (International Work Group for Indigenous Affairs) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le «plébiscite» frauduleux, baptisé «Vote des autochtones hawaïens» (Native Hawaiian Vote), auquel les États-Unis veulent soumettre les Kanaka Maoli à Hawaï. Ce plébiscite a été organisé par le Gouvernement de l'État et le Gouvernement fédéral par

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l'entremise d'une agence financée par l'État: le Conseil des élections de la souveraineté hawaïenne. L'objectif de ce scrutin, initié par l'État et non par les Kanaka Maoli, est d'éliminer à jamais la souveraineté naturelle de ces derniers en violant leurs droits de l'homme, en particulier leur droit à la terre et leur droit à l'autodétermination. La question posée est prédéterminée par l'État. M. Morin a en outre dénoncé le non-respect du secret du vote, ce qui est contraire aux normes universelles concernant des élections justes. La Sous-Commission devrait donc enquêter sur la violation des droits de l'homme que constitue, pour le peuple Kanaka Maoli, le plébiscite organisé à Hawaï et prendre des mesures immédiates pour protéger les droits de ce peuple.

M. M. AHMAD (World Muslim Congress) a souhaité que la Sous-Commission examine la question de la violation massive des droits de l'homme au Jammu-et- Cachemire, territoire annexé par l'Inde il y a 49 ans sans que la population ait jamais été consultée, a-t-il précisé. Le mouvement pacifique revendiquant l'exercice de son droit à l'auto-détermination a été délibérément diabolisé par les autorités indiennes, a déclaré le représentant qui a estimé que les élections organisées par l'Inde dans le territoire et qui doivent se tenir le mois prochain vont probablement exacerber les tensions dans le territoire. Bien que l'Inde ne souhaite pas que la question de la violation des droits de l'homme au Jammu-et-Cachemire soit discutée, la Sous-Commission a les moyens d'obtenir des informations pertinentes en la matière et de procéder à des auditions permettant de déterminer la validité des allégations de violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales au Jammu-et-Cachemire, a notamment déclaré le représentant.

M. NGAWANG CHOEPHEL (Société pour les peuples en danger) a déploré qu'aucune mesure concrète n'ait permis de mettre un terme aux violations des droits de l'homme dont sont victimes les peuples opprimés dans le monde, notamment au Timor oriental, en Papouasie occidentale, dans le Sud des Molluques, dans les Chittagong Hill Tracts, au Myanmar, en Tchétchénie, dans l'Est du Turkistan et au Tibet. S'agissant plus particulièrement du Tibet, le représentant a souligné la nouvelle vague de répression qui a frappé le peuple tibétain ces dernières années. Il a dénoncé les modifications apportées à la composition démographique du Tibet par la politique chinoise de transfert de colons dans la région et le contrôle coercitif des naissances des femmes tibétaines. L'irrespect le plus total dont fait preuve la Chine à l'égard des traditions religieuses du Tibet et dont témoigne la détention du onzième Panchen Lama, Gedhun Choekyi Nyima, montre qu'il n'existe aucune liberté religieuse au Tibet.

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