DR/G/189

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LES RAPPORTS DE LA BOLIVIE ET DU BRÉSIL

5 août 1996


Communiqué de Presse
DR/G/189


LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LES RAPPORTS DE LA BOLIVIE ET DU BRÉSIL

19960805 Genève, 5 août -- Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a abordé, cet après-midi, l'examen des rapports présentés par la Bolivie et le Brésil sur les mesures adoptées par ces pays pour mettre en oeuvre les disposition de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Tout en se félicitant des dispositions progressistes de la Constitution bolivienne, des membres du Comité ont exprimé leur préoccupation en ce qui concerne la persistance de la discrimination à l'égard des populations autochtones, et plus particulièrement la population guarani. Si la Constitution met en place les bases de la lutte contre la discrimination raciale, les membres du Comité ont souligné la nécessité de la compléter par des lois d'application.

Les experts se sont félicité des dispositions adoptées par le Brésil pour améliorer la protection des groupes raciaux défavorisés. Il a toutefois été souligné que beaucoup reste à faire dans le domaine de la protection des autochtones, notamment en ce qui concerne la propriété de la terre et la protection des terres indiennes contre les visées des sociétés minières et de l'exploitation forestière, ainsi que de la protection physique, sociale et culturelle de ces populations.

Examen du rapport de la Bolivie

Présentant le rapport de la Bolivie, M. Jorge Lema Patiño, Représentant permanent de la Bolivie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné que le rapport est le reflet du fait que la société bolivienne est sur la voie du progrès en matière de protection des droits de l'homme et de l'élimination de la discrimination raciale. Il a fait référence aux récentes mesures prises par son pays pour poursuivre la mise en oeuvre des dispositions de la Convention.

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M. Carlos Lechuga Hevia, membre du Comité et rapporteur chargé du rapport de la Bolivie, a attiré l'attention sur la grande diversité de langues en Bolivie, à l'origine notamment de la discrimination dont sont victimes les populations autochtones et dans ce cadre les critères relatifs au bilinguisme doivent être précisés. La variété géographique et ethnique est également un obstacle à la pleine mise en oeuvre des dispositions de la Convention. La discrimination à l'égard de la population guarani est un sujet de préoccupation particulier pour le Comité.

M. Lechuga s'est félicité que la Convention fasse partie du système juridique du pays et il faut encourager les dispositions positives prises en la matière par le Gouvernement bolivien, notamment en ce qui concerne l'obligation de l'enseignement des droits de l'homme, les lois sur la réforme de l'éducation qui permettent l'enseignement gratuit sans discrimination raciale. M. Lechuga Hevia a noté que l'accès à la justice se limite à certains groupes sociaux.

Par ailleurs, M. Lechuga Hevia a rappelé que le conflit avec les communautés autochtones qui cultivent le coca prend une dimension internationale et a souhaité des renseignements supplémentaires sur les mesures prises pour résoudre celui-ci. Des informations doivent également être apportées sur le Fonds pour le développement des populations autochtones.

D'autres membres du Comité ont souhaité obtenir des informations sur les mesures spéciales concernant les populations autochtones, et plus particulièrement sur les mesures prises en faveur de la population guarani. Des renseignements complémentaires ont été demandés concernant le décret numéro 22 611, qui crée une commission chargée de rédiger un projet de loi sur les peuples autochtones de l'Est et de l'Amazonie, qui vise à définir les ethnies et les peuples autochtones, notamment en ce qui concerne leurs droits et leurs devoirs. Certains membres du Comité ont souhaité connaître les mesures prises par le Gouvernement afin de protéger les cultures et les langues autochtones en dehors des zones délimitées. Des informations ont été demandées sur les mesures prises dans le domaine de l'éducation afin de préserver les coutumes autochtones. Un expert a également demandé des informations sur l'impact des exploitations minières sur la vie et les pratiques de ces populations.

Certains experts ont regretté que l'Article 4 de la Convention relatif à la condamnation de la propagande et de toutes organisations fondées sur la supériorité d'une race ne soit pas suffisamment pris en compte. Se référant au Code pénal bolivien, il a été demandé si le Gouvernement bolivien envisage d'amender celui-ci afin de se conformer à la Convention, plus particulièrement en ce qui concerne la qualification, en tant que délit, du racisme et des formes de discrimination sociale. Les dispositions constitutionnelles permettant de combattre la discrimination raciale étant en place, la nécessité de la compléter par des lois a été soulignée. Des exemples concrets de condamnations pour des actes discriminatoires ont été demandés à la délégation bolivienne.

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Examen du rapport du Brésil

Présentant le rapport du Brésil, M. Gilberto Vergne Saboia, Représentant permanent adjoint du Brésil auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a déclaré que ce rapport est le fruit d'une collaboration étroite entre le Gouvernement brésilien et le représentant de la société civile. Un dialogue réel a été mené avec les mouvements sociaux noirs, notamment.

En tant que nation issue de plusieurs populations et cultures, l'application réelle de la Convention est prioritaire pour le Gouvernement brésilien. La situation des populations noires et de couleur, qui représentent 44,2 % de la population totale, a fait l'objet d'une attention croissante de la part du Gouvernement brésilien. En novembre 1995, le Gouvernement a promulgué un décret pour la création d'un groupe de travail interministériel chargé de l'élaboration de politiques publiques pour la promotion de la population noire dans différents domaines, tels que notamment celui de l'information, du travail, de la communication, de l'éducation, des relations internationales, de la terre, des femmes noires, du racisme et de la violence, de la santé. Ce groupe de travail s'occupe également des questions relatives à la culture et à la religion noire, aux sports, aux études et à la recherche. L'action gouvernementale vise à établir un équilibre entre le développement durable et la préservation culturelle des communautés. Le Gouvernement brésilien s'est fermement engagé à définir les limites et les démarcations des terres des populations autochtones. Actuellement, 368 des 556 terres autochtones du Brésil ont vu leur processus de démarcation terminé. M. Vergne Saboia a également précisé que le Gouvernement brésilien attache une attention particulière notamment à la santé, à l'éducation et à l'information des populations autochtones.

M. Régis de Gouttes, membre du Comité et rapporteur chargé du rapport du Brésil, s'est félicité que le Brésil ait rétabli le dialogue avec le Comité, évoquant les transformations profondes que ce pays a connu récemment. Au plan interne, le Brésil offre l'exemple d'un pays qui a réussi à améliorer sa situation économique et sociale.

M. de Gouttes a souligné le poids démographique du Brésil dans le monde, avec ses 160 millions d'habitants selon les chiffres les plus récents. M. de Gouttes a relevé dans le rapport un certain nombre d'indicateurs démographiques relatifs au pluralisme ethnique, notamment la croissance de la population métisse qui trouverait son explication dans le nombre important de mariages interraciaux. Il a cependant noté le faible du nombre de mariages entre Noirs et Blancs. Seules cinq catégories ethniques sont mentionnées dans le rapport du Brésil, a-t-il en outre observé.

M. de Gouttes a demandé des précisions notamment en ce qui concerne les conséquences sociales des réformes politiques qui ont été menées ces dernières années, évoquant les récents mouvements d'opposition aux réformes politiques.

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La Constitution brésilienne ne prévoit pas d'exception au respect des droits fondamentaux. M. de Gouttes a toutefois voulu savoir quels droits peuvent faire l'objet de restrictions en cas de proclamation de l'état d'exception ou de l'état de siège. La proposition de création d'une commission nationale pour l'égalité des chances a-t-elle abouti, a en outre demandé l'expert. Des informations sont attendues également au sujet du service de police spécialisé qui a été créé en juin 1993 pour la poursuite des crimes raciaux. M. de Gouttes a également souhaité des informations concernant les mouvements néo- nazis et racistes au Brésil.

En ce qui concerne la protection des groupes raciaux défavorisés, il s'est félicité de l'amélioration de la situation de ces populations, tout en ajoutant que beaucoup reste à faire, notamment dans le domaine de la protection des terres autochtones contre les visées des sociétés minières et des exploitations forestières, de la protection physique, sociale et culturelle de ces populations. Le Comité attend des informations sur les programmes d'action à venir et les nouvelles mesures en faveur des populations autochtones.

M. de Gouttes a demandé également des renseignements complémentaires sur les projets du Gouvernement brésilien dans la lutte contre la discrimination à l'encontre de la population noire. Des informations concernant la protection des droits des populations paysannes, des habitants des favelas et des enfants des rues doivent aussi être fournies au Comité.

M. de Gouttes a souhaité des exemples pratiques concernant les mesures prises afin de lutter contre la discrimination raciale dans le domaine de l'emploi, ou encore de la consommation. Il a demandé des statistiques concernant l'emploi d'autochtones dans les différents services publiques tels que notamment la police, la justice et l'enseignement. Au titre des droits civils, le rapport du Brésil précise qu'un article du Code civil brésilien datant de 1916, considère les indiens comme incapables de réaliser certains actes de la vie civile et les soumet à un régime de tutelle qui «cessera progressivement jusqu'à ce qu'ils se soient adaptés à la civilisation du pays». Cet article, implicitement aboli, reste cependant en vigueur et mériterait d'être aboli officiellement, a souligné l'expert.

M. de Gouttes s'est déclaré particulièrement préoccupé par les informations concernant des violations des droits de l'homme de militants des droits de l'homme et des habitants des favelas notamment. Par ailleurs, le Gouvernement brésilien est-il disposé à faire une déclaration prévue par l'article 14 de la Convention, par laquelle un État partie peut reconnaître la compétence du Comité pour recevoir une plainte individuelle.

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Par ailleurs, le Comité a accepté la requête concernant le report de l'examen des rapports du Panama, du Guatemala et des Bahamas, qui seront examinés lors de la cinquantième session du Comité. Le rapport du Gabon sera examiné lors la cinquante-et-unième session du Comité.

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale entendra, demain matin à 10 heures, le Haut Commissaire pour les droits de l'homme, M. José Ayala Lasso. Il reprendra ensuite l'examen du rapport du Brésil.

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