DH/G/431

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME CLÔT LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-SEPTIÈME SESSION

26 juillet 1996


Communiqué de Presse
DH/G/431


LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME CLÔT LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-SEPTIÈME SESSION

19960726 COMMUNIQUE FINAL DH/G/431 Il adopte des observations sur les rapports du Nigéria, du Brésil et du Pérou ainsi que des directives sur le droit de participer à la vie politique

Genève, 26 juillet -- Le Comité des droits de l'homme a terminé, ce matin, les travaux de sa cinquantième-septième session, qui s'est tenu à Genève du 8 au 26 juillet 1996. Le Comité a adopté ses observations finales sur deux des rapports examinés pendant la session, ceux du Nigéria et du Brésil. En ce qui concerne le rapport du Pérou, le Comité a adopté des observations préliminaires et a décidé de poursuivre son examen lors de sa prochaine session, en octobre 1996.

Dans ses observations finales sur le Nigéria, le Comité a exhorté cet État partie à prendre des mesures pour rétablir sans retard le démocratie et tous les droits constitutionnels. Le Comité s'est déclaré gravement préoccupé par le fait que le maintien du pouvoir militaire par des décrets présidentiels, qui suspendent ou abolissent des droits constitutionnels, est incompatible avec la mise en oeuvre effective du Pacte. Le Comité avait procédé à l'examen préliminaire du rapport du Nigéria à sa session de printemps, au mois d'avril 1996, à New York. Il avait alors émis des «recommandations urgentes» par lesquelles il demandait la suppression des tribunaux spéciaux et l'abrogation des décrets suspendant les garanties constitutionnelles en matière de droits de l'homme.

Concernant le Brésil, le Comité demande instamment au Gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour prévenir les cas d'exécutions sommaires et arbitraires, de torture, d'usage abusif de la force et de détention arbitraire par les membres des forces de sécurité et pour lutter contre ces violations.

S'agissant du Pérou, le Comité a souligné, dans ses observations préliminaires, que les difficultés créées par le terrorisme dans ce pays ne pouvaient justifier des mesures qui violaient les droits de l'homme. Les membres du Comité ont demandé qu'il soit mis fin à la pratique des «juges sans visage». Ils ont demandé au Gouvernement de réexaminer la loi d'amnistie de 1995 qui a absous les agents de l'État et les forces de sécurité coupables de violations des droits de l'homme dans leur lutte contre le terrorisme.

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Le Comité des droits de l'homme a, par ailleurs, finalisé et adopté au cours de cette session une observation générale sur les dispositions du Pacte énoncées dans l'article 25, qui reconnaît le droit de tout citoyen de prendre part à la direction des affaires publiques, de voter et d'être élu, et d'accéder aux fonctions publiques de son pays.

Le Comité s'est d'autre part réuni en séances privées, à plusieurs reprises au cours de la session, pour examiner les plaintes émanant de particuliers qui estiment être victimes d'une violation de l'un des droits énoncés dans le Pacte par un État qui est partie au Pacte et qui a également ratifié le Protocole facultatif s'y rapportant ou y a adhéré. Au cours de la présente session, le Comité a adopté des constatations sur quatorze cas. Six communications ont été déclarées recevables et quatre ont été jugées irrecevables. Les décisions du Comité sur les communications examinées au cours de la session seront rendues publiques ultérieurement.

Le Comité des droits de l'homme tiendra sa prochaine session du 21 octobre au 8 novembre 1996 à Genève. Il poursuivra alors l'examen du rapport du Pérou. Il examinera également à cette occasion les rapports initiaux de la Suisse et du Gabon, le troisième rapport périodique du Danemark, le quatrième rapport périodique de l'Allemagne, et un rapport spécial du Royaume-Uni sur Hong Kong. À sa session de printemps en 1997 à New York, le Comité se propose d'examiner les rapports présentés par les pays suivants : Inde, Géorgie, Colombie, Bolivie, Liban et France.

OBSERVATIONS DU COMITÉ

Observations finales concernant le rapport du Nigéria

Tout en appréciant que ce soit le gouvernement militaire qui ait ratifié le Pacte, le Comité note que le maintien du régime militaire, et en particulier la suspension des garanties constitutionnelles de droits fondamentaux, constitue un obstacle à la mise en oeuvre effective des droits protégés par le Pacte. Le Comité se félicite que des élections municipales aient eu lieu; que des partis politiques aient été inscrits; que les préparatifs des élections nationales soient en cours et que l'année prévue pour la tenue de ces élections ait été annoncée; qu'une Commission nationale des droits de l'homme ait été créée.

Toutefois, le Comité constate avec une profonde préoccupation qu'aucune mesure n'a été adoptée pour remédier à tous les problèmes préoccupants qu'il a relevés à sa cinquante-sixième session et donner suite aux recommandations urgentes qu'il a formulées. Le Comité se déclare gravement préoccupé par le fait que le maintien du gouvernement et du pouvoir militaires par des décrets présidentiels, qui suspendent ou abolissent des droits constitutionnels et qui ne sont pas susceptibles d'examen par les tribunaux, est incompatible avec la mise en oeuvre effective du Pacte.

- 3 - DH/G/431 26 juillet 1996

Le Comité exprime sa vive préoccupation devant le nombre élevé de cas d'exécutions extrajudiciaires et sommaires, de disparitions, de torture, de mauvais traitements et d'arrestations et détentions arbitraires dont seraient responsables des membres de l'armée et des forces de sécurité et l'inaction du gouvernement. Le Comité s'inquiète des mauvaises conditions de détention dans les lieux de détention, notamment le surpeuplement, ainsi que du grand nombre de personnes détenues sans inculpation et de la durée excessive de la détention avant jugement.

À l'issue de l'examen du rapport du Nigéria, le Comité recommande que des mesures immédiates soient prises pour rétablir sans retard la démocratie et tous les droits constitutionnels au Nigéria. Tous les décrets révoquant ou limitant les garanties de droits fondamentaux et de libertés fondamentales devraient être abrogés. Les principes énoncés dans le Pacte doivent être incorporés dans le système juridique national et des recours utiles doivent être prévus.

Le Comité prie le Nigéria de prendre des mesures efficaces pour que les femmes puissent jouir pleinement et dans des conditions d'égalité des droits et libertés protégés par le Pacte et pour combattre, par l'éducation, certaines traditions et coutumes telles que les mutilations génitales féminines et les mariages forcés.

Le Comité recommande aux autorités nigérianes de prendre des mesures efficaces pour empêcher les exécutions arbitraires, extrajudiciaires et sommaires ainsi que les actes de torture, les mauvais traitements et les arrestation et détentions arbitraires dont sont responsables des membres des forces de sécurité et pour que des enquêtes soient menées sur ces faits et de punir ceux qui sont reconnus coupables. Le Comité recommande au Nigéria d'envisager d'abolir la peine de mort. Dans l'intervalle, l'application de la peine de mort devra être strictement limitée aux crimes les plus graves.

Le Comité recommande, par ailleurs, que des mesures urgentes soient prises en vue de libérer toutes les personnes qui ont été emprisonnées arbitrairement ou sans inculpation, de réduire la durée de la détention avant jugement, et de faire cesser la pratique de la détention au secret. Il faudrait limiter le surpeuplement des prisons en accélérant les procédures judiciaires, en envisageant d'autres formes de sanction ou en augmentant le nombre de lieux de détention.

Le Gouvernement nigérian devrait faire en sorte qu'aucun particulier, y compris les membres d'organisations non gouvernementales, ne soit empêché de quitter le Nigéria pour assister aux sessions du Comité.

- 4 - DH/G/431 26 juillet 1996

Observations finales concernant le rapport du Brésil

Le Comité reconnaît que l'immensité du territoire brésilien, l'isolement de certaines zones ainsi que les disparités énormes dans la répartition de la richesse entravent la mise en oeuvre des dispositions du Pacte. Le Comité se félicite des mesures législatives et autres prises ces dernières années en vue d'accroître la promotion et la protection des droits de l'homme, notamment le lancement du programme national relatif aux droits de l'homme et la création de l'institution du défenseur public chargé de faciliter l'accès du public au système judiciaire.

Le Comité est très préoccupé par les nombreux cas de torture, de détentions arbitraires et illégales, de menaces de mort et d'actes de violence dont sont victimes des prisonniers de la part des forces de sécurité et, en particulier, de la police militaire. Le Comité déplore que ces actes ne fassent que rarement l'objet d'une enquête appropriée et demeurent très souvent impunis. Le Comité est extrêmement préoccupé par les conditions de détention intolérables et, en premier lieu, le surpeuplement carcéral.

Le Comité est préoccupé par le fait que les membres de la police militaire, accusés de violations des droits de l'homme, sont traduits devant un tribunal militaire et non devant un tribunal civil. Le Comité s'inquiète des menaces dont sont victimes des membres du pouvoir judiciaire et des actes d'intimidation dont font l'objet des témoins. L'ampleur du problème du travail forcé et de la servitude pour dette, en particulier en milieu rural, inquiète le Comité. Les problèmes graves que sont l'exploitation de la main- d'oeuvre enfantine et la prostitution enfantine demeurent un sujet de grande préoccupation pour le Comité. Le Comité est particulièrement préoccupé par la discrimination raciale et autre dont sont victimes les Noirs et les autochtones.

Dans ses recommandations, le Comité invite instamment le Brésil à veiller à ce que les dispositions du Pacte soient mises en oeuvre sur tout le territoire de la fédération. Le Comité demande instamment au Gouvernement brésilien de prendre immédiatement des mesures pour prévenir les cas d'exécutions sommaires et arbitraires, de torture, d'usage abusif de la force et de détention arbitraire par les membres des forces de sécurité, afin de lutter contre ces violations. Pour lutter contre l'impunité, il faut adopter des mesures sévères afin que les allégations de violations des droits de l'homme fassent promptement l'objet d'une enquête approfondie et que les auteurs de telles violations soient poursuivis. Le Comité a recommandé vivement qu'un organe indépendant - et non les forces de sécurité elles-mêmes - enquête sur toute plainte mettant en cause leurs membres.

- 5 - DH/G/431 26 juillet 1996

Pour réduire la surpopulation dans les prisons, des peines de substitution pourraient être envisagées. Il faudrait prendre immédiatement des mesures pour que les condamnés soient libérés sans retard à l'expiration de leur peine. Le Comité recommande vivement que des mesures soient prises pour renforcer davantage encore l'indépendance et l'impartialité de la justice et, à cet effet, d'organiser régulièrement des cours sur les droits de l'homme à l'intention des agents de police, des procureurs et des magistrats.

Le Comité demande instamment aux autorités brésiliennes de faire appliquer les lois interdisant le travail forcé, le travail des enfants et la prostitution enfantine et de mettre en oeuvre des programmes visant à prévenir et à combattre les violations des droits de l'homme de cette nature. Les responsables du travail forcé, de l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine et de la prostitution enfantine ainsi que ceux qui tirent directement profit d'activités de cette nature doivent être sévèrement punis par la loi. Le Comité recommande que le Brésil prenne immédiatement des mesures pour protéger les droits des personnes appartenant à des minorités raciales et à des communautés autochtones. Toutes les mesures voulues devraient être prises pour achever rapidement et équitablement le processus de délimitation des terres autochtones.

Observations préliminaires concernant le rapport du Pérou

Le Comité reconnait que le pays est en proie à des troubles internes et de la violence marquée par des actes de terrorisme. Le Comité affirme le droit et le devoir du Pérou de prendre des mesures fermes pour protéger sa population contre la terreur. Toutefois, il considère qu'un grand nombre de mesures adoptées par le Gouvernement ont entravé la mise en oeuvre des droits protégés par le Pacte.

Parmi les changements positifs, le Comité note une volonté tendant à réduire le niveau de la violence; le retour progressif de très nombreuses personnes déplacées; des amendements à des lois antiterroristes permettant une meilleure défense juridique des terroristes et des trafiquants de drogue; la création de l'institution de l'ombudsman public et l'ouverture d'un registre national des détenus.

Le Comité déplore vivement que le Pérou n'ait pas mis en oeuvre les recommandations et les suggestions élaborées par ses membres à l'issue de l'examen du deuxième rapport de ce pays. Aussi recommande-t-il que le Pérou prenne des mesures pour rétablir l'autorité du judiciaire et mette ainsi fin à un climat d'impunité qui prévaut dans les cas de violations de droits de l'homme. Le Comité demande au Gouvernement de réexaminer la loi d'amnistie de 1995 qui absout les membres de la police, des forces armées et les agents de l'État auteurs d'actes criminels commis dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme». Le Comité suggère aussi la révision ou l'abrogation des lois d'amnistie qui violent les droits garantis par le Pacte.

- 6 - DH/G/431 26 juillet 1996

Le Comité engage le Pérou à faire libérer, sans délai, les «prisonniers innocents», de les indemniser et de réviser systématiquement, sur une base non discrétionnaire, les condamnations prononcées par les tribunaux militaires dans les cas de trahison ou de terrorisme, et plus spécialement dans les cas ou la preuve de la charge n'a pas été apportée et dans les cas ou la preuve a été obtenue dans le cadre de l'application de la loi sur le repentir.

Le Comité insiste pour que le Pérou prenne des mesures efficaces pour enquêter sur les allégations d'exécutions sommaires, de disparitions, de torture et de mauvais traitements, d'arrestation et de détention arbitraire. Les coupables doivent être poursuivis et jugés et les victimes indemnisées. La détention au secret doit être abolie d'urgence recommandent encore les experts. Le Comité demande enfin que le Pérou abolisse le système des «juges sans visage» et rétablisse sans délai les procès publics pour tous les accusés, y compris pour ceux qui sont impliqués dans les affaires de terrorisme.

Observation générale sur l'article 25 du Pacte

Au cours de la session, le Comité des droits de l'homme a adopté l'observation générale sur l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, terminant ainsi un exercice normatif commencé à sa cinquante-troisième session tenue en avril 1995. L'article 25 reconnaît le droit de tout citoyen de prendre part à la direction des affaires publiques, le droit de voter, d'être élu et le droit d'accéder aux fonctions publiques.

En entreprenant d'élaborer une «observation générale» sur cette disposition du Pacte, le Comité avait pour objectif d'en expliquer davantage la portée afin d'aider les États à s'acquitter de leurs obligations découlant de l'article 25 du Pacte.

L'observation générale souligne notamment que l'article 25 est la base du régime démocratique fondé sur l'approbation du peuple. Si son dispositif est lié au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à déterminer librement leur statut politique, il traite du droit des citoyens, à titre individuel, de participer aux processus relatifs à la direction des affaires publiques. En tant que droits individuels, ils peuvent être invoqués au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Contrairement aux autres droits et libertés reconnus par le Pacte, qui sont garantis à tous les individus se trouvant sur le territoire d'un État, les droits protégés par l'article 25 sont ceux de tout citoyen. Tout citoyen doit jouir de ces droits sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de tout autre opinion.

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Obligations découlant du Pacte

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le premier Protocole facultatif ont été adoptés en 1966 par l'Assemblée générale et sont entrés en vigueur en 1976. En adhérant au Pacte ou en le ratifiant, les États parties souscrivent à l'obligation de garantir et de sauvegarder les libertés et les droits qui y sont reconnus. De plus, ils s'engagent à trouver des remèdes efficaces aux violations de ces droits sur le plan pratique tant administratif que judiciaire.

Le premier Protocole se rapportant au Pacte habilite le Comité à connaître des allégations individuelles de violation du Pacte par des États parties à cet instrument. Un deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte et visant à l'abolition de la peine de mort est entré en vigueur le 12 juillet 1991.

À ce jour, 134 États ont adhéré au Pacte ou l'ont ratifié. L'Ouzbékistan est le dernier État à devenir partie au Pacte. La ratification récente du Malawi au premier Protocole facultatif porte à 88 le nombre des États qui y ont adhéré ou l'ont ratifié. Vingt-neuf États ont adhéré ou ratifié le deuxième Protocole facultatif concernant l'abolition de la peine de mort.

Le Comité des droits de l'homme

Le Comité des droits de l'homme est un organe d'experts composé de 18 membres et chargé de surveiller l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des deux Protocoles facultatifs s'y rapportant.

Le Comité des droits de l'homme est composé d'experts élus pour une période de quatre ans par les États parties au Pacte et siégeant à titre individuel. Le Comité est actuellement composé comme suit : M. Fransisco José Aguilar (Costa Rica), M. Nisuke Ando (Japon), M. Tamas Ban (Hongrie), M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati (Inde), M. Marco Tulio Bruni Celli (Venezuela), M. Thomas Buergenthal (États-Unis), Mme Christine Chanet (France), Lord John Mark Alexander Colville (Royaume-Uni), M. Omran El-Shafei (Égypte), Mme Elizabeth Evatt (Australie), M. Laurel Francis (Jamaïque), M. Eckart Klein (Allemagne), M. David Kretzmer (Israël), M. Rajsoomer Lallah (Maurice), M. Andreas V. Mavrommatis (Chypre), Mme Cecilia Medina Quiroga (Chili), M. Fausto Pocar (Italie) et M. Julio Prado Vallejo (Équateur).

M. Aguilar Urbina est Président du Comité. Les Vice-Présidents sont MM. Ban, El-Shafei et Bhagwati. Mme Chanet est le Rapporteur.

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