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DH/G/427

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME: LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU PÉROU DÉCRIT LES EFFORTS DU GOUVERNEMENT PÉRUVIEN POUR RESTAURER L'ÉTAT DE DROIT

22 juillet 1996


Communiqué de Presse
DH/G/427


COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME: LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU PÉROU DÉCRIT LES EFFORTS DU GOUVERNEMENT PÉRUVIEN POUR RESTAURER L'ÉTAT DE DROIT

19960722 Les experts s'inquiètent des violations des droits de l'homme commises dans le cadre de la législation antiterroriste

Genève, 10 juillet -- Le Comité des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, l'examen du troisième rapport périodique que le Pérou soumet en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La délégation péruvienne, dirigée par M. Carlos Hermoza Moya, Ministre de la justice du Pérou, comprend notamment M. Luis Reyes Morales, Directeur des droits de l'homme au Conseil national des droits de l'homme et M. José Urrutia, Représentant permanent du Pérou à Genève.

Dans son exposé de présentation du rapport, le Ministre de la justice, M. Carlos Hermoza Moya, a décrit les efforts déployés par son pays pour restaurer l'état de droit en dépit de difficultés inhérentes au climat de violence que connaissait son pays. On pouvait se demander en effet, a déclaré le Ministre, quel était l'avenir des droits civils et politiques dans un pays secoué par la violence terroriste qui a coûté la vie à 25 000 péruviens, et causé des pertes matérielles qui s'élèvent à plus de 25 millions de dollars des États-Unis. Cette situation a nécessité des mesures antiterroristes transitoires. Des efforts ont aussi été menés avec succès pour réintégrer le Pérou dans l'économie mondiale.

L'une des principales innovations de la nouvelle Constitution de 1993 est l'institution du défenseur du peuple qui se distingue du Ministère public et dont le rôle consiste à défendre les droits constitutionnels et fondamentaux de la personne et de la société et à contrôler l'accomplissement, par l'administration publique, de ses obligations. Les membres du tribunal constitutionnel sont élus. Ces institutions entrent dans le cadre global de l'instauration de l'état de droit. Le Ministre péruvien a souligné la création récente du Conseil de coordination judiciaire qui est une étape importante dans le processus de réforme intégrale des institutions judiciaires. Ce Conseil ne s'ingère pas dans l'administration de la justice

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mais veille à ce que les questions pénales en suspens soient rapidement instruites. Créé par décret le 18 juin 1996, le Conseil a notamment pour objectif de réduire la population carcérale.

Dans le domaine pénitentiaire, le Gouvernement a pris des mesures importantes pour en améliorer les conditions. Il a lancé des campagnes de sensibilisation des droits de l'homme dans les écoles et auprès des groupes les plus vulnérables. La Commission permanente des droits de la femme continue son oeuvre de formation au niveau des municipalités. Pour ce qui est de la violence conjugale, le Pérou a franchi un pas important en ratifiant la Convention interaméricaine pour l'élimination de la violence contre les femmes. À cet égard, le Conseil national des droits de l'homme a entrepris de modifier la législation en la matière et de l'adapter aux exigences de cet instrument.

En 1991, a été créée la Commission technique chargée de faire le point sur la question des populations déplacées. En décembre 1993, le Gouvernement a mis sur pied le projet d'aide au retour (PAR), l'objectif ultime étant d'assurer le retour des personnes déplacées, en réunissant toutes les garanties de sécurité et les conditions minimales nécessaire à leur survie. Depuis, a poursuivi le Ministre, on assiste à un retour progressif des personnes déplacées, soit de leur propre gré soit par le truchement du projet d'aide au retour. En dépit de la volonté de changement, les autorités péruviennes sont conscientes qu'il reste beaucoup à faire, a ajouté le Ministre.

M. Luis Reyes Morales, Directeur des droits de l'homme au Conseil national des droits de l'homme, a précisé que l'État péruvien a restructuré les services de la défense nationale de façon à revenir à l'État de droit, à regagner la confiance de la population et à assurer la pacification interne. Une législation antisubversive a été adoptée pour lutter contre la violence terroriste. Pour éviter que les forces de l'ordre ne commettent des violations des droits de l'homme - exécutions extrajudiciaires et disparitions - le Gouvernement a pris des mesures dites de pacification permettant un contrôle de la lutte antisubversive.

L'État péruvien reconnaît les droits des populations autochtones a déclaré M. Reyes Morales, qui a ajouté que les mouvements terroristes ont bafoué ces droits. Depuis la pacification, les communautés autochtones ont recouvré leurs droits et ont pu regagner leurs terres d'origine. Le Gouvernement actuel s'emploie à indemniser les autochtones victimes de la violence terroriste.

La loi d'amnistie (Loi N° 26479) a eu l'objectif précis de pacifier le pays, mais n'a pas empêché le Gouvernement d'indemniser les victimes et les familles des victimes. Le décret-loi N°25592, qui prévoit de sanctionner les responsables des disparitions, est toujours en vigueur. La loi d'amnistie ne s'applique pas à ces délits. Le ministère public enregistre les dénonciations

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de violations de droits de l'homme, notamment des disparitions forcées, ouvre des enquêtes et prend les mesures qui s'imposent.

La Constitution de 1993 fixe la durée de la détention provisoire selon les délits. Au Pérou, personne n'est détenu sans enquête. D'après les statistiques, environ 70 % des détenus sont des prévenus, accusés d'actes de terrorisme. L'autorité policière communique toujours l'arrestation à l'institution compétente. Les inculpés ont le droit de désigner leurs défenseurs.

À propos des «juges sans visages», M. Reyes Morales a expliqué que cette procédure vise à protéger la vie des magistrats, cibles des terroristes. À propos de la compétence des tribunaux militaires à juger des civils, les dispositions législatives exceptionnelles stipulent que les délits de trahison et de terrorisme aggravé sont jugés par des juridictions militaires. Cette législation a été rendue nécessaire car la législation antérieure, qui s'appuyait sur les tribunaux civils dans ce domaine, n'avait pas été en mesure de faire face à la situation. C'est ainsi, signale le représentant, que le chef terroriste Guzman, du Sentier lumineux, avait été absout par un tribunal civil.

Certains experts ont constaté, avec inquiétude, que, au regard de l'application du Pacte, la situation n'avait guère changé quatre ans après la présentation du dernier rapport du Pérou. Ces mêmes experts s'interrogent comment le Pérou peut concilier les disparitions forcées et le droit à la vie. Les lois d'amnistie privent les victimes de violations des droits de l'homme du droit à réparation. Les experts du Comité craignent que l'impunité, consacrée par l'amnistie, ne cautionne la continuité des violations des droits de l'homme. Certains se sont demandés comment l'impartialité de la justice pouvait être conciliée avec la pratique des «juges sans visage» et la juridiction des tribunaux militaires.

Selon des experts, la lutte antiterroriste a entraîné le Gouvernement péruvien à mettre au point des mécanismes de répression et de violence incompatibles avec les dispositions du Pacte. Les experts se sont dits préoccupés des détentions préventives prolongées, de la pratique de la torture, des procès «à huis clos» qui se déroulent dans les prisons, des menaces à l'encontre des avocats de terroristes et de médecins qui les soignent. Ils ont qualifié de partiales les lois d'amnistie qui ne sont appliquées qu'aux agents de l'État.

La plupart des experts ont reconnu que le terrorisme devait être combattu, mais estimé qu'il fallait éviter une institutionnalisation du contre-terrorisme d'État. Ils ont noté que les deux lois d'amnistie décrétées par le Gouvernement péruvien ont eu une portée très large, alors que les lois antiterroristes sont, quant à elles, toujours en vigueur. Ces lois d'amnistie, selon plusieurs membres du Comité, sont non seulement contraires aux dispositions du Pacte, elles sont aussi contraires à la Constitution du

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Pérou. Le contrôle judiciaire de ces lois est exclu. Les tribunaux n'ont pas la faculté de contrôler le caractère constitutionnel de ces lois.

Un expert a estimé que l'application de la peine de mort dans les affaires de terrorisme est incompatible avec le Pacte. Il a souhaité que la délégation péruvienne explique ce qui a motivé cette décision.

Le Comité des droits de l'homme poursuivra l'examen du rapport du Pérou demain matin à 10 heures.

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