CDI/G/17

LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL ACHÈVE L'ÉLABORATION D'UN PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L'HUMANITÉ

16 juillet 1996


Communiqué de Presse
CDI/G/17


LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL ACHÈVE L'ÉLABORATION D'UN PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L'HUMANITÉ

19960716 Genève, 12 juillet -- La Commission du droit international, réunie à Genève pour sa quarante-huitième session, du 6 mai au 26 juillet 1996, a achevé ses travaux d'élaboration d'un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, mettant ainsi un terme à un exercice normatif qui aura été au centre de ses efforts depuis 1981.

Le projet de code, instrument composé de 20 articles, doit être soumis à l'Assemblée générale qui en déterminera le statut juridique : convention, déclaration, ou autre.

Le but du projet de code est d'établir et de traiter les questions relatives à la responsabilité pénale individuelle et au châtiment des crimes de haine punissables en vertu du droit international. Selon le projet, cinq catégories de crimes entrent dans la catégorie des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité: le crime d'agression, le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, le crime contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé, et les crimes de guerre.

Saisie du sujet dès sa première session en 1949, la Commission du droit international a proposé à l'Assemblée générale, un projet de code dès 1954. L'Assemblée générale, considérant que le projet de code des crimes formulé par la Commission posait des problèmes étroitement liés à ceux que soulevait la définition de «l'agression», a décidé de charger un comité spécial de préparer un rapport sur un projet de définition de l'agression et de différer l'examen du projet de code jusqu'à ce que le Comité spécial eût présenté son rapport. En décembre 1981, l'Assemblée générale a invité la Commission à reprendre ses travaux en vue de l'élaboration du projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité.

Au cours de la présente session, qui prendra fin le 26 juillet, la Commission a aussi adopté, en première lecture, un ensemble de projets d'articles sur la responsabilité des États. Elle a par ailleurs examiné la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, ainsi que des questions portant sur «le droit et la pratique concernant les réserves aux traités» et la «succession d'États et nationalité des personnes physiques et morales».

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Crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité

Le projet de code fait une claire distinction entre «l'agression» et le «crime d'agression». L'agression, commise par un État, est traitée par des règles existantes du droit international, notamment la Charte des Nations Unies et, de ce fait, ne s'inscrit pas dans le cadre du projet de code. Le crime d'agression, traité à l'article 16, se réfère à tout individu qui prend une part active au déclenchement ou à la conduite d'une agression commise par un État.

Le crime d'agression est attribué à tout individu qui, en qualité de dirigeant ou d'organisateur, prend part dans -- ou ordonne -- la planification, la préparation, le déclenchement ou la conduite d'une agression, étant donné qu'en général seuls les individus occupant les plus hautes positions de décision dans les sphères politique, militaire, financière et économique, sont en mesure de participer à ces activités ou à en ordonner l'exécution.

Le crime de génocide, prévu à l'article 17, s'entend des actes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. De tels actes incluent: le meurtre ou l'atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe, ou la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle. Sont aussi qualifiés de crimes de génocide, les mesures visant à empêcher les naissances au sein d'un groupe ou encore le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre.

Les dix crimes contre l'humanité, traités à l'article 18, impliquent les actes suivants: le meurtre; l'extermination; la torture; la réduction en esclavage; les persécutions pour des motifs politiques, raciaux, religieux ou ethniques; la discrimination institutionnalisée pour des motifs raciaux, ethniques ou religieux; la déportation ou les transferts forcés de populations; la disparition forcée de personnes; le viol, la contrainte à la prostitution et les autres formes de violence sexuelle; d'autres actes inhumains, qui portent gravement atteinte à l'intégrité physique ou mentale, à la santé ou à la dignité humaine, tels que mutilations et sévices graves.

Cependant, pour que ces crimes soient considérés comme des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, ils doivent avoir été commis sous deux conditions. La première est qu'ils aient été commis «d'une manière systématique et sur une grande échelle», la seconde suppose qu'ils aient été préparés et dirigés à l'instigation d'un gouvernement, d'une organisation ou d'un groupe.

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L'article 19 porte sur les crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé lorsqu'ils sont commis intentionnellement et d'une manière systématique ou sur une grande échelle. Dans cette catégorie sont classés le meurtre, l'enlèvement, ou une atteinte accompagnée de violence contre les locaux officiels ou les moyens de transport de ces personnels.

L'article 20 comporte la liste des crimes de guerre. Il ressort de cet article que tous les crimes de guerre ne constituent pas forcément des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité. Chacun des crimes de guerre énumérés à l'article 20 constitue un crime lorsqu'il est commis «d'une manière systématique ou «sur une grande échelle».

Aux termes du projet de code, la liste des crimes de guerre comprend sept types d'actes criminels commis intentionnellement en violation des lois ou coutumes de la guerre tels que: l'homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains; le fait de soumettre une population à une attaque; l'emploi d'armes toxiques; la destruction sans motif de villes et de villages. La plupart de ces actes constituent des crimes de guerre quand ils sont commis dans le contexte de conflits armés internationaux. Toutefois le projet de code considère également comme crimes de guerre les actes suivants commis dans le cadre de conflits armés qui ne revêtent pas un caractère international : atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes; punitions collectives; prise d'otages; actes de terrorisme; condamnations prononcées et exécutions effectuées sans un jugement.

Selon le projet de code, les atteintes à la dignité de la personne en violation du droit humanitaire international (notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur) sont reconnus comme crimes de guerre dans les contextes des conflits armés internationaux et non-internationaux. Les dommages graves à l'environnement causés dans le cas d'un conflit armé constituent aussi des crimes de guerre.

Est tenu responsable d'un crime de génocide, de crimes contre l'humanité, de crimes contre le personnel de l'ONU et de crimes de guerre, l'individu qui non seulement commet intentionnellement un tel crime, mais qui en ordonne la commission, omet d'en empêcher la commission, participe à la planification ou à une entente en vue de commettre un tel crime, et tente de commettre un tel crime.

Tout individu qui est responsable d'un crime contre la paix et la sécurité de l'humanité est passible d'un châtiment proportionnel au caractère et à la gravité du crime. Bien que le projet de code ne soit pas spécifique à ce sujet, aucune forme de peine n'est exclue.

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Le projet de code stipule que le fait qu'un individu accusé d'un crime contre l'humanité a agi sur ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur hiérarchique ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale, mais peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si cela est conforme à la justice. La qualité officielle de l'auteur d'un crime, même s'il a agit en qualité de chef d'État ou de gouvernement, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale.

S'agissant de la juridiction, le projet de code stipule que sans préjudice de la compétence d'une cour internationale, chaque État partie doit prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître notamment des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes contre le personnel de l'ONU et des crimes de guerre quels que soient le lieu et l'auteur de ces crimes. Pour ce qui est de connaître des crimes d'agression, toutefois, la compétence appartient à une cour criminelle de justice, bien qu'il ne soit pas interdit à un État partie de juger ses ressortissants pour ces crimes.

Par une «cour pénale internationale», le projet de code entend se référer à des tribunaux qui sont investis de la crédibilité et du soutien de la communauté internationale, tels que les tribunaux spéciaux que le Conseil de sécurité a créé dans les cas de l'ancienne Yougoslavie et du Rwanda. Les tribunaux créés par quelques États sans soutien de la part de la communauté internationale ne sont pas pris en considération.

Le projet de code consacre le principe fondamental du droit pénal aut dedere aut judicare, qui sous-tend un grand nombre d'instruments juridiques internationaux reconnus dans le domaine du droit humanitaire et applicable aux droits de l'homme. Ainsi, l'État partie sur le territoire duquel l'auteur présumé des crimes (notamment de génocide, contre l'humanité, contre le personnel des Nations Unies, ou de crimes de guerre) est découvert devra extrader ou poursuivre ce dernier. En cas d'absence de traité d'extradition, un État partie a la faculté de considérer le code comme la base juridique de l'extradition en ce qui concerne ces crimes (article 10).

En ce qui concerne les garanties judiciaires, l'article 11 du code applique à tout individu accusé d'un crime contre l'humanité les normes internationales telles que celles prévues au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En vertu de ces garanties, l'accusé a droit à la présomption d'innocence et à un procès équitable, dans le plus court délai, jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie. Autrement dit, tout individu accusé d'un crime aux termes du code a droit sans discrimination aux garanties minimales reconnues à toutes personne humaine tant en ce qui concerne le droit qu'en ce qui concerne les faits. Le code applique aussi le principe pénal reconnu, non bis in idem, selon lequel nul ne peut être poursuivi à nouveau en raison d'un crime pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté. Le code prévoit les cas d'exception dans lesquels un accusé peut être poursuivi une nouvelle fois.

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