CS/710

LE CONSEIL DE SECURITE CONSTATE AVEC PREOCCUPATION QUE LA CROATIE N'A PAS PRIS DE MESURES SUFFISANTES POUR PROTEGER LES DROITS DE LA POPULATION SERBE LOCALE

3 juillet 1996


Communiqué de Presse
CS/710


LE CONSEIL DE SECURITE CONSTATE AVEC PREOCCUPATION QUE LA CROATIE N'A PAS PRIS DE MESURES SUFFISANTES POUR PROTEGER LES DROITS DE LA POPULATION SERBE LOCALE

19960703

Il constate également avec préoccupation que le Gouvernement croate n'a pas créé les conditions voulues pour faciliter le retour des Serbes de Croatie

A la suite de consultations officieuses tenues sur la situation en Croatie, le Président du Conseil de sécurité, M. Alain Dejammet (France), a fait, cet après-midi, la déclaration suivante au nom des membres du Conseil :

Le Conseil de sécurité a examiné le rapport complémentaire du Secrétaire général en date du 21 juin 1996 (S/1996/456), présenté en application de sa résolution 1019 (1995) sur la Croatie.

Le Conseil constate avec une profonde préoccupation que le Gouvernement croate n'a pas pris de mesures suffisantes pour assurer la protection des droits de la population serbe locale, ni sa sécurité et son bien-être. Il constate également avec une profonde préoccupation que le Gouvernement croate n'a pas créé les conditions voulues, y compris des procédures adéquates, pour faciliter le retour de tous les Serbes de Croatie qui souhaiteraient rentrer. Le Conseil déplore vivement cette inaction.

Le Conseil note que le Gouvernement croate a commencé de coopérer avec les mécanismes internationaux de défense des droits de l'homme et qu'il a envisagé de prendre diverses initiatives en vue d'assurer la protection des droits des minorités. Il n'en souligne pas moins que le Gouvernement croate doit faire un effort déterminé et soutenu pour assurer le respect et la protection des droits des Serbes de Croatie, de même que leur sauvegarde dans le cadre juridique et constitutionnel de la République de Croatie, notamment en remettant en application les articles pertinents de la Loi constitutionnelle. Il rappelle au Gouvernement croate que son obligation de promouvoir le respect et la protection des droits des intéressés ne peut être subordonnée à d'autres facteurs, y compris les négociations politiques avec la République fédérative de Yougoslavie.

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Le Conseil attend du Gouvernement croate qu'il prenne immédiatement les mesures voulues pour se conformer aux exigences formulées dans sa résolution 1019 (1995) et dans les déclarations de son président en date des 8 janvier (S/PRST/1996/2), 23 février (S/PRST/1996/8) et 22 mai 1996 (S/PRST/1996/26).

Le Conseil réaffirme que tous les États doivent coopérer pleinement avec le Tribunal international et les organes qu'il a établis en application de sa résolution 827 (1993). Il note la coopération que le Gouvernement croate a jusqu'à présent apportée au Tribunal international, et lui rappelle qu'il a l'obligation d'exécuter les mandats d'arrêt délivrés contre toute personne inculpée par le Tribunal se trouvant sur son territoire. Il demande au Gouvernement croate, compte dûment tenu de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de la Bosnie-Herzégovine, d'user de son influence auprès des dirigeants des Croates de Bosnie afin d'assurer leur coopération avec le Tribunal.

Le Conseil continuera de suivre la question de près. Il demande au Secrétaire général de le tenir régulièrement informé des mesures que le Gouvernement croate aura pu prendre comme suite à la présente déclaration et, en tout état de cause, de lui présenter un rapport le 1er septembre 1996 au plus tard.

Aux fins de son examen de la question, le Conseil de sécurité était saisi d'un rapport complémentaire du Secrétaire général sur la situation relative aux droits de l'homme en Croatie.

Rapport complémentaire sur la situation des droits de l'homme en Croatie (S/1996/456)

Ce rapport, en date du 21 juin 1996, est présenté comme suite à la résolution 1019 (1995) du Conseil de sécurité en date du 9 novembre 1995, et á la déclaration du Président du Conseil en date du 23 février 1996 dans laquelle le Conseil a prié le Secrétaire général de le tenir informé de l'état d'avancement des mesures que le Gouvernement de la République de Croatie pourrait avoir prises en application de ses résolutions 1009 (1995) et 1019 (1995). Celles-ci avaient été adoptées à la suite des opérations militaires menées par la Croatie en mai et août 1995, qui avaient permis au gouvernement de rétablir sa domination sur certaines parties du territoire croate précédemment tenues par les Serbes en Slavonie occidentales et dans la Krajina, zones protégées par les Nations Unies, et désignées sous le nom de secteurs Ouest, Nord et Sud. Dans ces résolutions, le Conseil exigeait notamment que le gouvernement croate respecte pleinement les droits de la population serbe locale dans les anciens secteurs, y compris le droit de rester, de partir ou de rentrer en toute sécurité; qu'il prenne d'urgence des mesures pour mettre fin aux violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme et qu'il enquête sur toutes les informations faisant état de telles violations afin que les responsables de tels actes puissent être jugés et punis.

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Dans la déclaration du Président du Conseil en date du 23 février dernier, le Conseil a en outre demandé au Gouvernement croate d'envisager la possibilité d'amnistier les Serbes appartenant à la population locale qui étaient encore détenus sous l'inculpation d'avoir participé au conflit, et l'a instamment prié de s'acquitter pleinement et sans délai de ses obligations en ce qui concerne le Tribunal international. Il s'est également déclaré profondément préoccupé par la situation des réfugiés originaires de Croatie qui souhaitaient retourner chez eux, et a engagé le Gouvernement croate à revenir sur la décision qu'il avait prise de suspendre l'application de certaines articles de la loi

constitutionnelle concernant les droits des minorités, ainsi qu'à créer un tribunal des droits de l'homme.

Dans les observations qu'il présente au terme de son rapport, le Secrétaire général indique qu'il est évident que les mesures prises jusqu'à présent par le Gouvernement croate pour assurer la sécurité de ceux qui résident dans les anciens secteurs de Croatie ont été insuffisants. Globalement, le fait qu'aucune initiative concrète n'ait été prise pour encourager le retour des réfugiés Serbes de Croatie dans leur foyer donne à penser que l'idée d'une forte présence serbe dans le territoire de la République de Croatie continue de se heurter à une certaine hostilité.

Le désordre qui règne actuellement en particulier dans la zone située autour de Knin, appelle l'adoption de mesures supplémentaires, en particulier un renforcement de la présence de la police. L'impuissance du Gouvernement croate à assurer des conditions raisonnables de sécurité dans les anciens secteurs n'est pas propre à encourager le retour des Serbes en Croatie. Par ailleurs, les nombreux crimes commis contre la population serbe locale au cours des opérations militaires de l'été dernier n'ont toujours pas fait l'objet d'enquêtes. Si la Croatie a entrepris un vaste programme visant à assurer le retour dans les anciens secteurs Ouest, Nord et Sud des croates déplacés, ou des réfugiés croates venant de Bosnie-Herzégovine, en revanche, rien n'a été tenté pour faciliter le retour des réfugiés serbes de Croatie. Il semblerait que quelque 7000 d'entre eux aient été autorisés à rentrer, mais ce nombre est minime si on le compare aux 200 000 personnes qui se sont enfuies des anciens secteurs en 1995 ou aux 50 000 réfugiés ou déplacés d'origine croate qui sont revenus récemment dans les anciens secteurs avec l'approbation du Gouvernement croate.

Le fait que le Gouvernement croate n'a toujours pas décrété d'amnistie générale en faveur des anciens soldats de la "République serbe de Krajina" est aussi un facteur qui milite contre le retour massif des Serbes en Croatie, de même que la suspension toujours en vigueur de certaines dispositions constitutionnelles spéciales visant à assurer la protection et la défense des droits des minorités. Le Gouvernement croate doit être félicité pour l'attitude dont il a fait preuve en coopérant avec les organismes internationaux de défense des droits de l'homme et en envisageant diverses mesures pour assurer la protection des minorités. Une telle protection ne doit toutefois pas être liées á des négociations politiques avec la République fédérative de Yougoslavie.

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Les informations présentées dans le présent rapport, qui décrit l'évolution de la situation depuis la présentation du dernier rapport du Secrétaire général, le 14 février dernier, ont été réunies par l'opération sure le terrain du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, elle-même renseignée par diverses autres sources, dont la Mission de contrôle de la Communauté européenne, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Comité international de la Croix Rouge (CICR), et diverses organisations non gouvernementales. Le rapport prend également en considération le rapport du Gouvernement de la République de Croatie sur l'application de la résolution 1019 du Conseil de sécurité, en date du 10 juin 1996.

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