SG/SM/6009

L'EXTREME PAUVRETE EST UNE INJURE PERMANENTE AUX VALEURS LES PLUS FONDAMENTALES DE LA CHARTE DE L'ONU, SOULIGNE LE SECRETAIRE GENERAL

24 juin 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6009


L'EXTREME PAUVRETE EST UNE INJURE PERMANENTE AUX VALEURS LES PLUS FONDAMENTALES DE LA CHARTE DE L'ONU, SOULIGNE LE SECRETAIRE GENERAL

19960624

Le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, prononcera, le 25 juin, à Genève, le discours suivant à l'occasion du dialogue sur la pauvreté :

Permettez-moi, tout d'abord, de vous souhaiter la bienvenue au sein de l'Organisation des Nations Unies. Et je veux tout de suite vous dire, de la façon la plus chaleureuse, que vous êtes ici chez vous !

Car l'ONU ne doit pas seulement vous apparaître comme une enceinte solennelle où se réunissent les chefs d'Etat et les diplomates pour gérer les affaires du monde.

L'Organisation mondiale est aussi un lieu d'accueil et de rassemblement pour tous les peuples.

Elle doit être un forum ouvert et vivant où chacun peut faire entendre sa voix. Elle doit offrir la parole à toutes celles et à tous ceux qui restent trop souvent silencieux et ignorés. Elle doit être à l'écoute des angoisses, des douleurs et de la souffrance du monde. Elle doit aussi donner un espoir nouveau à tous ceux qui vivent dans le malheur ou dans la difficulté.

C'est bien ainsi que je conçois notre réunion et que je comprends le dialogue qui va s'instaurer entre nous. Il s'agit là, à mes yeux, d'une manifestation essentielle. Et je veux donc remercier toutes celles et tous ceux qui ont pu concourir à sa réalisation.

Merci donc au Canton et République de Genève pour son aide généreuse !

- 2 - SG/SM/6009 24 juin 1996

Merci aussi au Mouvement ATD Quart Monde pour son engagement au service des plus démunis.

Merci enfin à vous toutes et à vous tous qui êtes venus, souvent de très loin, pour participer à cette rencontre.

C'est d'abord à vous que je veux m'adresser pour vous dire, de la manière la plus forte, que votre combat est aussi le nôtre ! Car l'extrême pauvreté est une injure permanente aux valeurs les plus fondamentales de la Charte des Nations Unies.

Il est inadmissible qu'à l'heure actuelle un milliard trois cents millions de personnes vivent dans un état de pauvreté absolu ! Il est inacceptable qu'un milliard cinq cents millions de personnes n'ont pas accès aux soins de santé les plus élémentaires. Et nous savons que les premières victimes de la pauvreté sont les femmes puisqu'elles représentent plus de 70 % des déshérités de la terre.

Cette situation est intolérable !

La pauvreté est une atteinte insupportable aux droits de la personne humaine. Elle est aussi une insulte permanente à l'idée que nous nous faisons du développement. Elle requiert donc une mobilisation d'urgence de la Communauté internationale dans son ensemble !

Lorsque la Charte de l'ONU a été signée, il y a cinquante ans, elle s'est donnée pour objectif de "favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande".

C'est dans cet esprit qu'a été élaborée la Déclaration universelle des droits de l'homme. C'est aussi la raison pour laquelle a été signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Ce sont ces textes fondamentaux qui doivent, en permanence, inspirer notre action. C'est en leur nom que nous avons, plus que jamais, l'impérieuse obligation de nous attaquer à la misère du monde.

Car le droit international n'est pas un ensemble de textes abstraits applicables seulement entre les Etats. Il doit s'incarner dans la réalité quotidienne de chaque homme et de chaque femme afin d'améliorer sa condition politique, économique et sociale.

Je voudrais que vous entendiez ce message pour que vous compreniez que le droit élaboré par la Communauté internationale s'adresse d'abord à vous et que vous en êtes les principaux destinataires !

Mais je veux vous dire aussi que nous ne pourrons construire une société plus juste et plus équitable que si on vous donne les moyens de participer, vous aussi, à cette élaboration.

- 3 - SG/SM/6009 24 juin 1996

Vous avez droit à la parole. La Communauté internationale a le devoir de connaître les attentes de ceux qui vivent la misère au quotidien. Nous devons, avant tout, vous écouter !

C'est en ce sens que je considère notre dialogue d'aujourd'hui comme une étape essentielle dans la préparation et la mise en oeuvre de la Décennie pour l'élimination de la pauvreté, décrétée par l'Assemblée générale des Nations Unies.

Car la pauvreté est aussi une interpellation permanente faite à la société internationale.

Nous avons tous besoin ensemble de construire un monde plus juste, plus équitable et plus humain. Nous avons tous besoin ensemble de favoriser

le progrès et le développement social.

Il y a un an, à Copenhague, l'Organisation des Nations Unies a voulu mobiliser tous les acteurs de la vie internationale pour lutter contre la pauvreté et pour favoriser l'intégration sociale des plus démunis. Vous pouvez compter sur moi pour faire tout ce qui est en mon pouvoir pour assurer le suivi de ce Sommet social. Car il ne faut pas que l'élan de Copenhague se ralentisse !

Mais, dans cette tâche longue et pénible, moi aussi j'ai besoin de vous. J'ai besoin de votre détermination. Je veux entendre vos aspirations. Je veux m'alimenter de votre courage.

C'est en ce sens que s'instaure déjà entre nous un véritable dialogue. Car votre présence à Genève est, pour moi, un profond encouragement à poursuivre ma mission pour combattre l'injustice, le sous-développement et les atteintes à la personne humaine sous toutes leurs formes.

En de multiples occasions, j'ai répété que l'ONU se doit d'être l'Organisation de l'ensemble des "peuples des Nations Unies". Elle doit accueillir non seulement les Etats, mais aussi les organisations nongouvernementales, les associations, les institutions privées, les hommes et les femmes qui sont en quête d'une plus grande solidarité humaine.

C'est donc bien pour vous que l'ONU existe ! C'est pour vous qu'elle se bat, chaque jour, de par le monde, afin de faire reculer la violence, l'inégalité et la pauvreté.

Nous sommes là aujourd'hui, avant tout, pour vous tendre la main et pour ouvrir un dialogue franc et direct avec vous. Pour vous dire que vous n'êtes pas seuls, que l'ONU est attentive à vous et qu'elle est déterminée à travailler, avec vous, à un monde plus généreux, plus juste et plus solidaire.

- 4 - SG/SM/6009 24 juin 1996

Il y a maintenant plus de quinze ans que le Père Joseph Wresinski a forgé les premiers liens entre le Mouvement ATD Quart Monde et l'Organisation mondiale. Vous avez su rester fidèles à son message et vous pouvez être fiers de continuer son action.

Quant à moi, je veux vous assurer que vous me trouverez toujours à vos côtés pour soutenir vos aspirations et pour rappeler à la Communauté internationale ses engagements.

Nous avons à conduire ensemble une longue lutte et nous avons un rude chemin devant nous. Mais nous savons que nous avons le devoir de le poursuivre ensemble, au nom de la dignité humaine et pour donner l'espoir aux générations futures.

Je vous remercie profondément d'être venu ici. Considérez-moi, désormais, comme votre ami. Et considérez l'Organisation des Nations Unies comme votre propre demeure.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.