En cours au Siège de l'ONU

HAB/131

LA CONFERENCE HABITAT II INAUGURE SON DEBAT DE HAUT NIVEAU EN PRESENCE DE NOMBREUX DIRIGEANTS DU MONDE

12 juin 1996


Communiqué de Presse
HAB/131


LA CONFERENCE HABITAT II INAUGURE SON DEBAT DE HAUT NIVEAU EN PRESENCE DE NOMBREUX DIRIGEANTS DU MONDE

19960612

Le Secrétaire général souligne que les décisions prises à Istanbul sont un fondement solide pour le progrès futur

Istanbul, 12 juin -- Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, a solennellement inauguré, ce matin, le débat de haut niveau de la Deuxième Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II), et ce, en présence de plusieurs Chefs d'Etat et de Gouvernement du monde, parmi lesquels, le Président de la République du pays hôte, la Turquie, M. Süleyman Demirel.

Au cours de cette première séance du débat de haut niveau, qui se tiendra jusqu'au 14 juin, outre le Président de la République de Turquie et Président de la Conférence, M. Süleyman Demirel, les dignitaires suivants ont prononcé une allocution: S.E. Mme. Benazir Bhutto, Premier Ministre de la République islamique du Pakistan; S.E.M. Daniel Toroitich Arap Moi, Président du Kenya; S.E.M. Ion Iliescu, Président de la République de Roumanie; S.E. Aleksander Kwaniewski, Président de la République de Pologne; S.E. Ezer Weizman, Président de l'Etat d'Israël; ainsi que S.E.M. Omari Ali Juma, VicePrésident de la République-Unie de Tanzanie et S.E.M. Ahamad Shah Ahmadzai, Premier Ministre par intérim de l'Etat islamique d'Afghanistan.

Dans son discours d'inauguration, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali a émis l'espoir que de la Conférence d'Istanbul, émane un message qui perdure bien après l'achèvement de ses travaux, et ce message doit être que toutes les nations et tous les peuples entendent collaborer sur un pied d'égalité et partager les responsabilités d'un monde unique. Soulignant que c'est vers les établissements humains que le monde se tourne pour trouver une source de croissance économique et d'emploi pour les générations future, M. Boutros-Ghali a plaidé pour qu'ils deviennent viables, productifs, sûrs et sains.

- 2 - HAB/131 12 juin 1996

Le Secrétaire général a attiré l'attention sur une réalité: la solution de problèmes communs exige un programme mondial, ajoutant qu'à Istanbul, une voie nouvelle a été tracée. La Conférence Habitat, a été remarquable à maints égards. Il s'en dégage deux points saillants : la prépondérance accordée à la constitution d'alliances et l'expression d'idées novatrices, a-t-il estimé. M. Boutros-Ghali a conclu son allocution en insistant sur le fait que le moment est venu de montrer la clairvoyance, l'esprit d'organisation et la volonté politique nécessaires pour relever les défis lancés par la Conférence. Les décisions prises à Istanbul constituent en effet un fondement solide pour le progrès futur. Mais il faut les traduire en mesures concrètes, en politiques nationales, en formes nouvelles de coopération internationale, en une collaboration plus étroite entre gouvernement et société civile.

Dans son allocution, le Président de la République de Turquie et Président de la Conférence Habitat II, M. Süleyman Demirel, a estimé que la Déclaration d'Istanbul indiquera non seulement, dans les termes les plus fermes, la détermination et la volonté politique de la communauté internationale, mais enverra un message politique fort et clair au monde entier. Nous sommes tous dans le même camp. Nous sommes tous du côté de l'humanité. Nous devons, par conséquent, embrasser l'"esprit d'Istanbul" et, ensemble, nous montrer capables de chercher les voies et moyens de le traduire concrètement et même de le transcender. J'ai confiance en la communauté internationale et en sa sagesse collective pour relever les défis considérables auxquels elle est confrontée. Je suis convaincu que le débat de haut niveau et la Conférence elle-même seront couronnés de succès afin de répondre aux aspirations de l'humanité à un avenir meilleur et d'ouvrir la voie à la réalisation de ces attentes.

Au cours de son intervention, le Président de la République du Kenya, M. Daniel Toroitich Arap Moi, a rappelé qu'à plusieurs reprises les dirigeants africains ont, dans le cadre de conférences internationales, exhorté les pays développés à examiner sérieusement leurs appels en faveur d'un allégement de la dette et d'une amélioration des termes des échanges commerciaux pour permettre à leurs économies de progresser. Les gouvernements africains sont convaincus que cette conférence réalisera des progrès substantiels dans la réalisation de cet objectif. Le Kenya, a-t-il poursuivi, est fier d'accueillir le Siège du Centre des Nations Unies pour les établissements humains (HABITAT) à Nairobi. C'est pourquoi, la délégation du Kenya souhaite qu'HABITAT, sous l'autorité de la Commission des établissements humains soit renforcé et se voie confier la coordination, le contrôle et le suivi de la mise en oeuvre des recommandations d'Habitat II. Dans cet esprit, le Kenya s'engage à tout faire pour réussir la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat.

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Le Président de la Roumanie, M. Ion Iliescu, a fait valoir qu'Habitat II s'inscrit dans la dynamique positive du cycle des conférences mondiales organisées par l'ONU. Selon lui, les nations et les collectivités sont devenues plus conscientes que, sans une action en faveur de l'augmentation de la qualité de la vie, la société sera exposée à des coûts et à des risques inacceptables. Pour le Président roumain, la Conférence Habitat II a mis en évidence le caractère global du développement des établissements humains, qui suppose une approche et des solutions globales concertées. Il a indiqué que son pays apprécie

hautement la coopération internationale, à même de soutenir l'effort de chaque pays. La Roumanie, a-t-il conclu, est intéressée par le succès de cette conférence qui doit contribuer à l'instauration d'un partenariat réel pour le développement économique et social.

M. Aleksander Kwasniewski, Président de la Pologne, a souligné que les chefs d'Etat et de gouvernement, ainsi que les ministres réunis à Istanbul doivent satisfaire, dans leurs pays respectifs, les besoins en logement de leurs citoyens. Ils doivent se battre pour une meilleure gestion des terres et combattre les pathologies urbaines. "En nous aidant les uns les autres, nous aiderons aussi les autres", a déclaré M. Kwasniewski. Le Président polonais a proposé la création d'un centre régional pour le logement, la recherche sur l'aménagement foncier et la coopération technique pour venir en aide au pays, tel que le sien, qui connaissent de profondes transformations politiques et économiques. La Pologne est disposée à initier la création d'un tel centre et à l'accueillir sur son territoire. Elle approuve les documents finaux d'Habitat II et estime que le développement des établissements humains est l'un des éléments clés des programmes économiques et sociaux des Nations Unies.

Le Premier Ministre du Pakistan, Mme Benazir Bhutto a, pour sa part, souhaité qu'Istanbul sonne le clairon d'une ère nouvelle. Une ère au sein de laquelle la communauté internationale sera appelée à définir son avenir. La ville, a-t-elle fait remarquer, se meut bien souvent en un lieu du rêve. Mais les rêves frustrés ont souvent pour corollaire la frustration, la colère, l'aliénation, le crime et la toxicomanie, terreaux fertiles de l'extrémisme. Il est par conséquent l'heure de clamer "assez!". Une solution doit être trouvée, car elle existe. Les villes doivent devenir les centres de l'épanouissement des individus brillants, talentueux et travailleurs. Les opportunités qu'elles offrent ne sauraient se perdre du fait de la surpopulation.

Le Président de l'Etat d'Israël, M. Ezer Weizman a indiqué que la vision de la paix dans la région du Moyen-Orient prend désormais une tournure réelle. Les traités de paix déjà conclus et ceux à venir, si Dieu le veut, mettent en place un cadre nécessitant d'un contenu: l'amélioration des conditions de vie de l'ensemble de la région. Il s'agit d'un formidable défi qui nécessite l'effort de tous les Etats, des organisations et des individus. Il s'est en outre dit personnellement convaincu de la poursuite du processus de paix par le nouveau Gouvernement dirigé par M. Benjamin Netanyahou.

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Le Vice-Président de la République de Tanzanie, M. Omari Ali Juma, a indiqué que son pays est désormais convaincu du rôle crucial de la participation des secteurs communautaire et privé ainsi que des ONG et des autorités locales. L'on ne saurait par ailleurs ignorer les conséquences des guerres et des conflits sur l'habitat humain. A elle seule, la Tanzanie est le havre de plus de 1,3 million de réfugiés. Dans ce contexte, les efforts visant à l'amélioration et à la gestion des établissements humains doivent aller de pair avec des mesures de prévention et de règlement des conflits dans les pays concernés.

Enfin, le Premier Ministre par intérim de l'Afghanistan, M. Ahmad Shah Ahmadzai, a indiqué que le manque de ressources financières et de crédits demeure le principal obstacle au développement en Afghanistan. Convaincue du caractère vain de la poursuite du conflit armé, la politique gouvernementale tente de promouvoir la poursuite du dialogue entre Afghans. Dans ce cadre, le Président Rabbani s'est déclaré prêt à se rendre personnellement dans les fiefs de l'opposition afin d'y entamer des négociations de paix. L'Afghanistan prie les institutions des

pays développés et des Nations Unies, les ONG, les Banques islamique, asiatique et mondiale de fournir l'assistance dont l'Afghanistan a cruellement besoin pour sa reconstruction.

Le débat de haut niveau se poursuivra, cet après-midi, à partir de 15 heures.

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Ouverture du débat de haut niveau

M. SULEYMAN DEMIREL, Président de la République turque, Président de la conférence: la nation turque et la population d'Istanbul, en particulier, sont grandement honorées et se félicitent d'accueillir la dernière des grandes conférences des Nations Unies à l'aube du 21ème siècle. Les conférences poursuivent l'objectif de trouver des solutions mondiales aux questions planétaires. Sur la base des observations formulées tout au long de l'échange de vues général, la communauté internationale doit désormais afficher sa détermination et une volonté politique résolue à résoudre les problèmes relatifs à "un logement adéquat pour tous" et au "développement durable des établissements humains" afin que cette volonté politique se reflète dans la mise en oeuvre effective des politiques. C'est notre tâche, une tâche que nous devons accomplir pour les générations futures.

L'adoption et la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme pour l'habitat, ainsi que leur contrôle dans le cadre des structures existantes des Nations Unies nous servirons de guide. La Déclaration d'Istanbul indiquera non seulement, dans les termes les plus fermes, la détermination et la volonté politique de la communauté internationale, mais enverra un message politique fort et clair au monde entier.

Nous sommes tous dans le même camp. Nous sommes tous du côté de l'humanité. Nous devons, par conséquent, embrasser l'"esprit d'Istanbul" et, ensemble, nous montrer capables de chercher les voies et moyens de le traduire concrètement et même de le transcender. J'ai confiance en la communauté internationale et en sa sagesse collective pour relever les

défis considérables auxquels elle est confrontée. Je suis convaincu que le débat de haut niveau et la Conférence elle-même seront couronnés de succès afin de répondre aux aspirations de l'humanité à un meilleur avenir et d'ouvrir la voie à la réalisation de ces attentes.

La Turquie, qui est un pays qui s'achemine lentement vers l'urbanisation et déploie de nombreux efforts dans la limite de ses moyens pour surmonter les problèmes relatifs à "un logement adéquat pour tous" et au "développement durable des établissements humains", ne se contentera pas d'essayer de traduire les conclusions d'Habitat II en des politiques nationales efficaces, mais contribuera à la coopération internationale, à la collaboration et à la solidarité à l'échelle mondiale. La Turquie fera montre de zèle et de ferveur au niveau national et assumera sa part de responsabilité. Elle s'engage à garder vivant l'esprit d'Istanbul.

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M. BOUTROS BOUTROS-GHALI, Secrétaire général des Nations Unies: il doit émaner de cette Conférence d'Istanbul un message qui perdure bien après l'achèvement de ses travaux, et ce message doit être que toutes les nations et tous les peuples entendent collaborer sur un pied d'égalité et partager les responsabilités d'un monde unique. Nous traversons une époque de bouleversements, qui nous ouvre cependant des perspectives et nous donne l'espoir de bâtir un monde nouveau, de promouvoir le progrès social et d'accroître les chances offertes à tous les êtres humains.

Ces objectifs devront être atteints dans les villes, grandes et petites, comme dans les établissements plus modestes d'un monde en voie d'urbanisation rapide. Une civilisation mondiale d'un type urbain aura en effet des répercussions profondes sur les schémas de croissance économique et de développement national et international. Nous ne saurions faire abstraction de ses conséquences pour l'utilisation des ressources naturelles et la viabilité de nos activités du point de vue écologique. L'urbanisation n'est pas simplement un phénomène démographique: les rapports entre villes et campagnes, comme la physionomie des centres urbains autant que des villages, s'en trouvent modifiés.

Nous ne pouvons continuer d'agir comme nous l'avons fait dans le passé; nous devons réagir. Si nous nous attelons ensemble à la tâche, dans le cadre d'un partenariat mondial, nos chances de succès seront certainement meilleures.

Déjà, l'exode rural a eu pour effet d'aggraver la pauvreté dans les villes, surtout parmi les femmes et les enfants, le manque de logements et de services de base, le chômage et le sous-emploi, les tensions ethniques et la violence, la toxicomanie, la criminalité et la désintégration sociale. L'apparition de mégapoles s'est accompagnée d'une dégradation des sols, d'un engorgement de la circulation, et d'une pollution de l'air, de l'eau et du sol. Tous les établissements humains, grandes agglomérations, villes et villages, subissent des contraintes économiques sans précédent.

Mais c'est vers ces mêmes établissements humains que nous devons nous tourner pour trouver une source de croissance économique et d'emploi pour les générations futures. Il faut par conséquent qu'ils deviennent viables, productifs, sûrs et sains.

Il faut pour cela apporter des réponses à quelques questions très

difficiles. Comment améliorer la gestion et le financement des établissements humains ? Quelles politiques permettront d'améliorer les conditions d'existence et de travail des déshérités, des familles et des collectivités ? Comment stimuler la croissance économique et accroître les possibilités d'emploi dans les grandes villes sans provoquer des dommages écologiques à long terme et un gaspillage des ressources naturelles de la planète ? Comment faire profiter les villes et les campagnes des maigres ressources disponibles ? Comment offrir des logements et des services abordables à la population croissante du monde ?

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Ces questions ne s'adressent pas uniquement aux pays en développement du Sud. L'évolution économique et sociale jette aussi une ombre sur les grandes villes des pays industrialisés du Nord. Des problèmes communs exigent un programme mondial commun si nous voulons les résoudre.

Mais ici, à Istanbul, nous avons tracé une voie nouvelle. Nous avons lancé un processus nouveau pour un partenariat à l'échelle mondiale, en vue de créer des établissements humains viables dans un monde en cours d'urbanisation. En agissant ainsi, nous faisons aussi progresser les engagements pris par la communauté internationale lors des conférences marquantes de l'Organisation des Nations Unies, à commencer par le Sommet "Planète Terre" de Rio en 1992.

La Conférence Habitat, a été remarquable à maints égards. Il s'en dégage deux points saillants : la prépondérance accordée à la constitution d'alliances et l'expression d'idées novatrices.

Aucune autre conférence des Nations Unies n'a bénéficié de contributions d'un si grand nombre de groupements spécialisés de parties prenantes. Collectivités locales, entreprises, organisations non gouvernementales, parlementaires, groupes de femmes, syndicats, académies des sciences et des techniques, groupes religieux, sociétés culturelles, fondations et jeunes - chacun, dans son lieu de rencontre, a pu examiner et façonner son propre rôle en faveur des objectifs de la Conférence.

La Conférence a établi un mécanisme qui a permis à ces protagonistes d'exposer leurs idées, d'exprimer leurs préoccupations et de procéder à des échanges avec des représentants de gouvernements. Ainsi, Habitat est la première Conférence des Nations Unies à avoir offert, dans le cadre de son dispositif officiel, une tribune aux représentants de la société civile. C'est une conférence où de nouveaux partenariats ont commencé à prendre forme, en vue d'atteindre un objectif commun. Qui plus est, ce processus a été renforcé par les nombreuses manifestations parallèles qui ont eu lieu pendant la Conférence elle-même.

Il convient, en raison de sa contribution technique et concrète, de souligner un aspect important de la Conférence Habitat. Il s'agit de la mise en évidence des "meilleures pratiques", en tant que modèles de pensée novatrice et sources d'inspiration pour le progrès urbain. Ainsi, Habitat a été une pépinière d'idées susceptibles de changer la vie des gens, idées que l'on a toute latitude d'utiliser et d'adapter au profit de toutes les communautés en quête d'une vie meilleure. Pareille innovation a donné à la Conférence un caractère exceptionnel et promet des répercussions concrètes.

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Je constate avec une satisfaction particulière que c'est véritablement l'ensemble du système qui a oeuvré à cette entreprise. La coopération entre les organismes et programmes des Nations Unies, y compris les institutions de Bretton Woods, a été féconde dans le cadre tant des délibérations de la Conférence que des nombreuses manifestations parallèles. Je ne négligerai aucun effort pour faire en sorte que ce vigoureux esprit de collaboration et d'interaction persiste dans la prochaine phase - cruciale - consistant à traduire vos décisions en mesures concrètes.

A ce propos, je tiens à insister sur trois éléments :

- Les différentes composantes du système des Nations Unies doivent entreprendre des activités complémentaires. Cela est particulièrement important en raison du caractère multidisciplinaire de la Conférence.

- Le suivi de la Conférence doit s'intégrer aux mesures prises pour mettre en oeuvre les résultats d'autres conférences mondiales récentes. Le cadre de ce suivi intégré a été mis en place par les équipes spéciales thématiques constituées au sein du système des Nations Unies. Les questions traitées par ces équipes spéciales - emploi et moyens d'existence durables, environnement favorable et services sociaux -, ainsi que l'accent mis sur la lutte contre la pauvreté, revêtent une importance critique pour la mise en oeuvre des décisions auxquelles est parvenue la Conférence.

- Il nous faut donner une nouvelle impulsion à la phase de suivi afin de renforcer les relations de partenariat entre les Nations Unies et la société civile, dont la participation active et les divers apports à la Conférence l'ont rendue si singulière et féconde.

Le moment est venu de montrer la clairvoyance, l'esprit d'organisation et la volonté politique nécessaires pour relever les défis lancés par la Conférence. En tant que chefs d'Etat ou de gouvernement, vous êtes ceux qui, à titre individuel et collectif, faciliteront la mise en oeuvre de ce processus.

Les décisions prises à Istanbul constituent un fondement solide pour le progrès futur. Mais il faut les traduire en mesures concrètes, en politiques nationales, en formes nouvelles de coopération internationale, en une collaboration plus étroite entre gouvernement et société civile.

Allocutions

Mme BENAZIR BHUTTO, Premier Ministre de la République islamique du Pakistan: parmi les cent mégapoles de plus de trois millions d'habitants, huit se trouvent au Pakistan. Certes, l'urbanisation est parfois synonyme d'avantages. Mais ses inconvénients sont également légion, tant il est vrai

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que la surpopulation produit des réactions anormales. A l'heure où la communauté internationale est toute entière réunie à Istanbul pour promouvoir une meilleure gestion des villes, elle ne doit pas pour autant

négliger les campagnes. L'époque actuelle est confrontée à des défis nouveaux, parmi lesquels la surpopulation, l'urbanisation galopante et la dégradation de l'environnement.

Le logement est la condition matérielle sine qua non de la communauté, du développement, de la famille, de la ville. Il est l'illustration du droit à la sécurité. Toutefois, il est de la responsabilité de tous de ramener le sens de la Vie au sein des villes. Il s'agit pour ce faire, d'affronter courageusement les défis de la création des richesses et de l'élimination de la pauvreté. Il s'agit de promouvoir un développement équilibré entre les villes et les campagnes, de lutter contre le cancer des bidonvilles et en faveur de la durabilité des zones urbaines. Le rôle des gouvernements doit être défini ainsi que les voies optimales de la participation du secteur privé au développement urbain.

Qu'Istanbul sonne le clairon d'une ère nouvelle. Une ère au sein de laquelle la communauté internationale sera appelée à définir son avenir. Le Pakistan offre l'exemple le plus clair des contrastes de la planification urbaine et du développement. L'urbanisation a atteint un tel niveau qu'elle colporte désormais avec elle une série de fléaux et de vices, voire d'horreurs non dites. La ville est également le lieu du rêve. Mais les rêves frustrés ont souvent pour corollaire la frustration, la colère, l'aliénation, le crime et la toxicomanie, terreaux fertiles de l'extrémisme. Il est par conséquent l'heure de clamer "Assez". Une solution doit être trouvée, car elle existe.

Le monde doit joindre ses efforts pour créer des villes nouvelles. Il doit satisfaire les besoins en infrastructures du monde rural pour arrêter le rythme insensé des migrations. Le défi est à la hauteur de l'enjeu: il s'agit de gérer la croissance de la population de l'Asie, qui est de trois milliards et demi d'habitants. Les villes doivent devenir les centres de l'épanouissement des individus brillants, talentueux et travailleurs. Les opportunités qu'elles offrent ne sauraient se perdre du fait de la surpopulation. C'est la raison de notre présence ici: le partage des expériences et l'inauguration du chemin vers un avenir de développement durable pour tous.

M. DANIEL TOROITICH ARAP MOI, Président de la République du Kenya: il est véritablement choquant de constater que de nos jours, plus d'un milliard de personnes à travers le monde ne disposent pas d'un logement décent et que plus de cent millions d'autres n'ont pas de maison du tout. La plupart des pays africains connaissent une urbanisation rapide, des établissements humains non planifiés et une dégradation de leur environnement. Nos gouvernements appréhendent les problèmes des établissements humains de concert avec les

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autres besoins fondamentaux que sont l'emploi, la santé, l'éducation, la nourriture et l'environnement. Dans ce contexte, permettez-moi, au nom de mes collègues africains, de rendre un hommage particulier au Secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, pour avoir lancé l'Initiative spéciale des Nations Unies en faveur de l'Afrique.

La communauté internationale dispose de différents moyens pour aider l'Afrique et les autres pays en développement à parvenir à une croissance économique et à améliorer la situation des établissements humains. A plusieurs reprises, dans le cadre de conférences internationales, nous avons exhorté les pays développés à examiner sérieusement nos appels en faveur d'un allégement de la dette et d'une amélioration des termes des échanges commerciaux pour permettre à nos économies de progresser. Notre

souhait est de voir les efforts pour la paix et la stabilité sociale constituer l'axe central des politiques en faveur de l'Afrique. Les grandes conférences des Nations Unies ont toutes souligné la nécessité d'adopter une action concertée pour améliorer la qualité des établissements humains. Nous sommes convaincus que cette conférence réalisera des progrès substantiels dans la réalisation de cet objectif.

Il y a quelques mois, j'ai lancé un programme-cadre pour le Kenya, qui contient les réformes économiques qui seront entreprises d'ici à 1998. J'ai souligné dans ce document que la pauvreté et le chômage sont les deux principaux défis auxquels est confrontée notre nation. Tout en protégeant les personnes les plus vulnérables, nous devons encourager l'esprit d'entreprise dont fait preuve notre peuple. A cet égard, au Kenya, il existe un programme connu sous le nom de "Jua Kali", qui en swahili signifie littéralement travailler sous un soleil brûlant. Il vise à résoudre les problèmes de sécurité sur les lieux de travail, à améliorer les compétences, la distribution d'eau et d'électricité, à désenclaver les endroits reculés par la construction d'infrastructures routières, à allouer des terres et à enseigner le marketing.

Le Kenya est fier d'accueillir le Siège du Centre des Nations Unies pour les établissements humains (HABITAT) à Nairobi. C'est pourquoi, ma délégation souhaite qu'HABITAT, sous l'autorité de la Commission des établissements humains soit renforcé et se voit confier la coordination, le contrôle et le suivi de la mise en oeuvre des recommandations d'Habitat II. Dans cet esprit, nous nous engageons à tout faire pour réussir la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat.

M. OMARI ALI JUMA, Vice-Président de la République-Unie de Tanzanie: la Tanzanie a entrepris d'énormes efforts pour mettre en oeuvre les 64 objectifs adoptés lors de la Conférence de Vancouver. Des réussites ont été enregistrées mais certains échecs doivent être reconnus. La Tanzanie a adopté une approche holistique du développement, convaincue que le développement socio-économique et la protection de l'environnement sont susceptibles de bien compléter le développement durable. Dans ce contexte, et conscient des limites du secteur

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public, le pays est désormais convaincu du rôle crucial de la participation des secteurs communautaire et privé ainsi que des ONG et des autorités locales. Le Gouvernement est déterminé à assurer un partenariat authentique dans la planification, la mobilisation des ressources et l'investissement dans les établissements humains.

En dépit de ces prémisses, force est de reconnaître la faiblesse des capacités des autorités locales, qui ont longtemps été dépendants des subventions gouvernementales. Les autorités locales requièrent un appui financier et en termes d'édification de capacités afin de leur permettre d'élaborer, mettre en oeuvre et gérer les programmes de développement urbain. La Tanzanie saisit cette occasion pour attirer l'attention sur le fardeau de la dette, qui continue de handicaper ses efforts. De même, certains comportements culturels ont frustré les efforts vers de meilleurs établissements humains.

L'on ne saurait ignorer par ailleurs les conséquences des guerres et des conflits sur l'habitat humain. Les statistiques indiquent qu'entre 1985 à 1993, le nombre de réfugiés dans le monde a doublé pour atteindre les 19 millions. A elle seule, la Tanzanie est le havre de plus de 1,3 million de réfugiés. Dans ce contexte, les efforts visant à l'amélioration et à la gestion des établissements humains doivent aller de pair avec des mesures de prévention et de règlement des conflits dans

les pays concernés. Toutefois, il est clair que la solution durable à ces déplacements de populations, notamment en Afrique, demeure tributaire de la promotion des institutions démocratiques, d'un bon gouvernement, du respect des droits de l'homme et de la transparence. La Tanzanie est d'avis que la corruption contribue considérablement à l'échec des efforts gouvernementaux en faveur de la promotion des développements tant urbain que rural dans la plupart des pays en développement. La communauté internationale doit reconnaître que l'Afrique vit une situation particulièrement complexe qui rend impérative la préparation adéquate des populations à la mise en oeuvre de concepts nouveaux.

La pauvreté et la dégradation de l'environnement sont des phénomènes intimement liés. Ils contribuent tous deux à la mise en place d'établissements humains socialement sans sécurité. La Tanzanie est activement engagée dans un processus d'identification des causes et de l'ampleur de la pauvreté dans le pays. Qui plus est, le Gouvernement mène un double effort qui vise à améliorer la qualité de vie de la population rurale afin de dissuader les migrations anarchiques vers les villes d'une part, et la réalisation de programmes globaux de développement urbain tenant compte des nouvelles politiques économiques, d'autre part.

Le Gouvernement tanzanien est convaincu que le Centre Habitat, de concert avec la Commission des Nations Unies pour les établissements humains, constituent les institutions idoines pour la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat. Il est impératif dans ce contexte d'accroître les ressources financières et humaines du Centre.

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M. ION ILIESCU, Président de la Roumanie: Habitat II s'inscrit dans la dynamique positive du cycle des conférences mondiales organisées par l'ONU. Le développement des établissements humains et de l'urbanisation offrent en égale mesure les possibilités pour la promotion avec succès des politiques globales visant un développement durable. Les conditions d'amélioration de la qualité de la vie urbaine sont à présent plus favorables et, c'est pourquoi, pendant les dernières années, nous avons pu constater beaucoup d'initiatives menées en cette direction. Il est à remarquer l'importance des réunions d'experts en habitat et en urbanisme, comme l'Association internationale des experts en urbanisme, qui a récemment eu lieu à Bucarest et qui a formulé des recommandations utiles concernant l'utilisation efficace des terres, la restructuration des villes et la création de conditions décentes de vie. Les nations et les collectivités sont devenues plus conscientes que, sans une action pour l'augmentation de la qualité de la vie, la société sera exposée à des coûts et à des risques inacceptables.

A partir de 1990, la Roumanie s'est engagée dans un ample processus irréversible visant la consolidation d'une société démocratique, d'un Etat de droit, tout en adoptant un nouveau modèle de développement économique et social, ayant comme fondement l'économie de marché, avec une composante sociale adéquate. Pendant cette période de transition d'un système économique et politique centralisé vers une économie de marché et une démocratie stable, un nouveau système social a commencé à s'esquisser et à se développer, dans lequel la redéfinition sur un fondement durable du développement des établissements humains est en train de devenir une priorité des politiques nationale et locales.

La Conférence Habitat II a mis en évidence le caractère global du développement des établissements humains, qui suppose une approche et des solutions globales concertées. Dans ce contexte, la Roumanie apprécie hautement la coopération internationale, à même de soutenir l'effort de chaque pays. La Roumanie est intéressée par le succès de cette conférence qui doit contribuer à l'instauration d'un partenariat réel pour le

développement économique et social.

M. AHAMAD SHAH AHMADZAI, Premier Ministre par intérim de l'Etat islamique d'Afghanistan: 19 000 des 22 000 villages existants en Afghanistan ont été détruits par l'occupation soviétique et les autres conflits ayant sévi dans le pays. Plus de 3 millions d'Afghans sont des réfugiés et plus d'un million des personnes déplacées. Grâce à la relative amélioration de la situation politique dans le pays, l'année 1996 a été témoin d'une augmentation des rapatriements. Toutefois, des mesures doivent être adoptées pour satisfaire les besoins des réfugiés en matière de transports, de soins de santé et d'abris provisoires. Il serait plus avantageux cependant de s'atteler à la reconstruction de l'infrastructure des villages et des zones rurales. Le manque de ressources financières et de crédits demeurent les

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principaux obstacles au développement rural en Afghanistan. Pour sa part, le Gouvernements est engagé à la promotion d'activités et au retour à des conditions de vie normales. Pour cette raison, et convaincue du caractère vain de la poursuite du conflit armé, la politique gouvernementale tente de promouvoir la poursuite du dialogue entre Afghans. Dans ce cadre, le Président Rabbani s'est déclaré prêt à se rendre personnellement dans les fiefs de l'opposition afin d'y entamer des négociations de paix. L'Afghanistan prie les institutions des pays développés et des Nations Unies, les ONG, les Banques islamique, asiatique et mondiale de fournir l'assistance dont l'Afghanistan a cruellement besoin pour sa reconstruction.

M. ALEKSANDER KWASNIEWSKI, Président de la Pologne: nous ne pourrons relever les défis auxquels est confrontée l'humanité à l'aube d'un nouveau millénaire que si nous garantissons les perspectives d'un développement des établissements humains. Nous ne pourrons surmonter de tels défis que si nous ouvrons la voie à la satisfaction des besoins fondamentaux des êtres humains, et plus particulièrement des familles, que si nous ouvrons la voie à un logement décent. Je partage l'opinion qu'a exprimée il y a quelques jours le Secrétaire général des Nations Unies selon laquelle le problème est mondial et ne peut être résolu par des initiatives isolées. Je souhaite cependant souligner que nous les Présidents, les Premiers Ministres et Ministres réunis à Istanbul, nous devons surtout agir avec vigueur dans nos propres pays. Nous devons satisfaire les besoins en logement de nos citoyens. Nous devons nous battre pour une meilleure gestion des terres et combattre les pathologies urbaines. En nous aidant les uns les autres, nous aiderons aussi les autres.

Les expériences que la Pologne a accumulées en matière de redéfinition du logement, de construction et d'aménagement foncier sont typiques de celles qu'acquièrent les pays qui connaissent de profondes transformations politiques et économiques. Nous avons nos expériences, nos succès et aussi nos échecs. Il pourrait, par conséquent, être utile de créer un centre régional pour le logement, la recherche sur l'aménagement foncier et la coopération technique pour ce groupe de pays. La Pologne est disposée à en initier la création et à accueillir sur son territoire un tel centre.

Le Gouvernement polonais a créé maintenant les conditions d'un développement des établissements humains sur la base des économies locales des pays développés et en harmonie avec l'environnement naturel. Nous devons désormais ajuster nos dispositions réglementaires et nos programmes aux normes en vigueur dans les pays de l'Union européenne et à

celles de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe.

La Pologne approuve les documents finaux de cette Conférence et estime que le développement des établissements humains est l'un des éléments clés des programmes économiques et sociaux des Nations Unies. Conscients de la responsabilité qui nous incombe dans le succès du village planétaire, nous soutiendrons activement les efforts de la communauté internationale afin d'assurer les conditions d'un développement permanent des établissements humains dans le monde entier.

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M. EZER WEIZMAN, Président de l'Etat d'Israël: l'absorption satisfaisante, dans les domaines du logement et de l'emploi, de plusieurs vagues d'immigrants constitue un défi majeur qu'Israël a su relever. Israël a en outre engagé des programmes visant à améliorer l'infrastructure, élever le niveau de vie, et réduire les disparités sociales. Qui plus est, l'ensemble des investissements dans la construction de logements et de routes est mis en oeuvre en étroite coordination avec les autorités chargées de la protection de l'environnement. La vision de la paix dans la région du Moyen-Orient prend désormais une tournure réelle. Les traités de paix déjà conclus et ceux à venir, si Dieu le veut, mettent en place un cadre nécessitant un contenu: l'amélioration des conditions de vie de l'ensemble de la région. Il s'agit d'un formidable défi qui nécessite l'effort de tous les Etats, des organisations et des individus.

Israël considère la Turquie comme un élément important et central de stabilité. Il appuie ainsi l'adhésion de ce pays à l'Union européenne. En ce qui concerne le Moyen-Orient, Israël partage avec la Turquie les mêmes valeurs démocratiques et modernes. Je demeure personnellement convaincu de la poursuite du processus de paix par le nouveau Gouvernement dirigé par M. Benjamin Netanyahou. A l'instar de la Turquie, Israël lutte pour éliminer le terrorisme avec la même détermination qu'elle déploie pour gagner la paix. Malgré les actes de terrorisme enregistrés au cours des dernières 72 heures et la réaction incompréhensible des dirigeants arabes à la suite du résultat des élections, Israël saisit cette occasion pour rassurer la communauté internationale sur la volonté du nouveau gouvernement à poursuivre le processus de paix.

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