SG/SM/5985

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PARLE DU DÉVELOPPEMENT DU PARTENARIAT ENTRE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE ET L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES

On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée ce jour par le Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali à Moscou devant la Douma :

 

Cette assemblée est l'un des principaux rouages du système de gouvernement de la nation russe, superpuissance mondiale. Vous êtes ici pour servir le peuple de Russie, un grand peuple remarquable et talentueux.

Vous êtes les représentants élus du peuple russe. M'adresser à vous n'est donc pas simplement un plaisir mais aussi un honneur et un privilège.

Le monde entier suit toujours avec beaucoup d'attention ce qui se passe à Moscou. Étant donné la force des idées russes et la portée des décisions prises ici, les autres pays y attachent souvent une grande importance. Les idées qui ont vu le jour dans ce pays et les luttes qui y ont été menées ont une influence sensible bien au-delà des frontières russes.

La Russie sera mentionnée à presque toutes les pages des livres retraçant l'histoire et la politique du XXe siècle. La lutte contre l'absolutisme et le féodalisme, la montée du prolétariat, le rôle du peuple, du parti et de l'État dans la révolution et la construction du socialisme, la défaite du fascisme et le triomphe de la démocratie sont autant de thèmes de réflexion profondément marqués par les Russes et par la pensée russe.

La Russie était présente à la création de l'Organisation des Nations Unies. Alors que la guerre continuait de faire rage, elle songeait déjà à la construction de la paix. Comme l'a souligné le Président Boris Eltsine dans l'allocution qu'il a prononcée le 22 octobre dernier à la réunion commémorative de l'Assemblée générale tenue à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'ONU :

"Divisé et meurtri, le monde a compris que le seul avenir possible passait par la compréhension et l'interaction mutuelles."

La Russie est l'une des nations dont l'attachement à la paix s'est concrétisé dans le texte même de la Charte des Nations Unies. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, elle exerce une influence considérable au sein de l'Organisation, et ce depuis sa création.

Aujourd'hui, l'Organisation est en pleine crise financière. Malgré leurs obligations conventionnelles, de nombreux États ne versent pas leur quote-part intégralement ou dans les délais.

Nous avons procédé à des réductions budgétaires sans précédent et j'ai entrepris de vastes réformes mais la crise financière se poursuit. Le montant total des arriérés dus à l'Organisation par les États Membres, tant pour les opérations de maintien de la paix qu'au titre du budget ordinaire, s'élève à 2,8 milliards de dollars. Soixante et un États seulement sur 185 ont versé l'intégralité de leur contribution au budget ordinaire pour 1996.

La Fédération de Russie, et vous devez en être fiers, est un de ces pays. En ce qui concerne le budget ordinaire, elle s'est acquittée de toutes ses obligations envers l'Organisation et je constate avec satisfaction qu'elle a élaboré un plan de paiement prévoyant le règlement sur une période de six ans des sommes qu'il lui reste à verser aux opérations de maintien de la paix. Je vous remercie de votre aide.

Ce que je tiens à souligner aujourd'hui, c'est que non seulement la Russie a été et reste un membre essentiel de l'Organisation mais qu'elle aura un rôle crucial à jouer dans l'instauration de nouvelles relations internationales, fondées sur la Charte des Nations Unies. Les idées et l'action de votre pays seront déterminantes à l'aube du XXIe siècle.

Le monde a beaucoup évolué depuis la création de l'Organisation. Nous sommes actuellement en pleine période de transition. En cette époque marquée par des changements rapides et parfois spectaculaires, nous nous dirigeons vers un nouveau système international pour le XXIe siècle. L'occasion s'offre à nous d'instaurer enfin le système mondial que prévoyait la coalition antifasciste aux lendemains de la seconde guerre mondiale.

La Charte rejette l'idée que les relations entre les États puissent être fondées sur la force ou la crainte. Elle envisage un monde conforté par la conviction partagée que le développement, la démocratie, la justice et les droits de l'homme constituent la base d'une paix durable.

Nous sommes sortis de la guerre froide durant laquelle les deux superpuissances intervenaient systématiquement dans les conflits régionaux ou locaux. Nous vivions alors dans la crainte de voir ces conflits s'aggraver subitement, voire déborder sur une guerre nucléaire. La survie de l'humanité semblait se jouer chaque jour.

Depuis la fin de la guerre froide, le règlement des conflits est le plus souvent confié à l'Organisation des Nations Unies. Dans de nombreux cas, comme au Cambodge, en El Salvador, au Mozambique et en Angola, l'Organisation a aidé la nation divisée à choisir la voie de la paix. A chaque fois, la communauté internationale a félicité l'Organisation pour sa contribution à la recherche de solutions pacifiques.

La Russie, qui a toujours joué un rôle essentiel, prend une part active aux travaux de l'Organisation. Avec l'ONU, elle oeuvre en faveur de la paix et de la sécurité dans de nombreuses régions du monde. Elle témoigne de son attachement à l'Organisation en appuyant ses activités sur toute la ligne : maintien, rétablissement et consolidation de la paix.

La Russie participe activement aux opérations de maintien de la paix. Ainsi, elle a détaché des observateurs militaires au Sahara occidental, en Angola, sur les frontières entre l'Égypte et Israël et entre l'Iraq et le Koweït.

Le Président Eltsine a évoqué cette coopération dans le discours qu'il a prononcé à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'Organisation. Il a en outre déclaré que la Russie était prête à fournir des forces de réserve à l'Organisation, en vertu de l'Article 43 de la Charte des Nations Unies. Je lui en suis reconnaissant.

La Russie a également participé aux efforts de maintien de la paix déployés par la communauté internationale en ex-Yougoslavie. Les diplomates russes ont joué un rôle clef au sein du Groupe de contact et ont pris une part active au processus qui a conduit à la conclusion des Accords de Dayton.

La Russie a fourni des contingents, des observateurs et des membres de la police civile aux opérations des Nations Unies en ex-Yougoslavie. Le bataillon russe apporte un soutien essentiel à l'Administration transitoire des Nations Unies pour la Slavonie orientale.

La Russie contribue également au maintien de la paix au niveau régional. Vous avez récemment adopté une loi qui expose la position de votre pays en ce qui concerne la mise à disposition de personnel militaire et civil pour les activités de maintien ou de rétablissement de la paix et de la sécurité internationales.

Dans le Haut-Karabakh, en Georgie/Abkhazie et au Tadjikistan, la Russie et l'ONU oeuvrent ensemble à la recherche de solutions pacifiques.

Dans le Haut-Karabakh, les efforts de la Russie ont abouti à un cessezle-feu en mai 1994. Aujourd'hui, l'Organisation soutient l'action du Groupe Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui est coprésidé par la Russie.

En Géorgie/Abkhazie, la Russie joue un rôle crucial de catalyseur. La force de maintien de la paix de la CEI y est en contact étroit avec la Mission d'observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG).

Au Tadjikistan, la force de maintien de la paix de la CEI et les gardes frontière russes sont des facteurs importants de stabilité. La Russie et mon Représentant spécial y collaborent étroitement dans le cadre du processus de paix.

Dans toutes les zones évoquées, la coopération nouée entre l'ONU et la Russie se poursuivra. Le Président et le Premier Ministre de la Fédération de Russie ont tous deux dit clairement que telle était la politique du Gouvernement russe.

Pourtant, la participation de la Russie aux activités de l'Organisation est loin de s'arrêter là. Et j'espère que, dans les années qui viennent, la Russie jouera un rôle encore plus vaste et plus substantiel dans l'action que le système des Nations Unies mène en faveur du développement.

La Russie prend une part active aux débats en cours sur le travail de l'Organisation dans le domaine du développement durable. Scientifiques et responsables russes participent aux discussions qui ont lieu à l'ONU sur l'environnement, les changements de climat et la diversité biologique. L'appui que la Russie a apporté à l'Agenda pour le développement est, pour moi, des plus précieux. Les responsables russes ont manifesté un vif intérêt à l'égard de la récente série de conférences internationales dont la Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing, et le Sommet mondial pour le développement social.

Les organismes de développement des Nations Unies collaborent avec la Russie au processus de réforme économique et social.

On constate que la vieille dichotomie entre paix et développement s'estompe de plus en plus dans l'activité de la communauté internationale et que ces deux domaines sont de plus en plus liés. On constate que la paix ne résiste pas à l'échec du développement. Et on constate trop souvent que des conflits ethniques peuvent éclater lorsque le progrès économique n'est pas au rendez-vous et que la démocratie et les droits de l'homme sont oubliés.

Chacun sait que les démocraties se font rarement la guerre. Bien au contraire, elle encouragent la paix. La paix est essentielle au développement. Il y a donc un lien clair entre la paix, le développement et la démocratie.

Il est donc nécessaire d'agir sur tous les plans, non seulement pour la paix et le développement, mais aussi pour la justice sociale, la démocratie et les droits de l'homme, et de comprendre les liens qui existent entre ces différentes composantes de la paix.

Enfin, permettez-moi de vous dire, avec tout le respect qui vous est dû, l'importance que j'attache aux responsabilités qui sont les vôtres en tant que représentants élus du peuple russe. Vous qui siégez dans cette illustre assemblée, vous n'avez pas seulement la charge éminente de représenter vos électeurs, vous avez aujourd'hui une nouvelle responsabilité, en tant que parlementaires. Aujourd'hui, les parlementaires sont eux-mêmes de nouveaux acteurs sur la scène internationale. Leurs voix se font entendre dans le monde entier.

L'ONU se félicite de cette évolution positive. Lorsque des parlementaires du monde entier siègent dans des comités ou commissions des Nations Unies, lorsqu'ils représentent leur pays auprès d'organismes des Nations Unies et lorsqu'en tant que groupe mondial, ils se réunissent à l'ONU, la cause de la démocratisation du système international s'en trouve renforcée.

J'appelle la Russie à s'engager davantage. Je constate qu'un nouveau partenariat entre l'Organisation et la Fédération de Russie voit le jour; il aidera à construire les relations internationales de demain.

Je vous remercie de l'action que vous menez pour soutenir la coopération nouée entre la Russie et l'ONU. Je vous engage à poursuivre dans cette voie et à veiller à ce que la Russie joue le rôle de premier plan qui lui revient dans l'édification d'un monde meilleur pour tous les peuples au prochain siècle.

 

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