DH/G/386

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTAME L'EXAMEN D'UN PROJET D'OBSERVATION GÉNÉRALE SUR LES EXPULSIONS FORCÉES

15 mai 1996


Communiqué de Presse
DH/G/386


LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTAME L'EXAMEN D'UN PROJET D'OBSERVATION GÉNÉRALE SUR LES EXPULSIONS FORCÉES

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Genève, 15 mai -- Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a commencé, ce matin, l'examen d'un projet d'observation générale sur les expulsions forcées.

Le Comité avait décidé, en 1988, d'entreprendre l'élaboration «d'observations générales» se rapportant à divers articles et dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vue d'aider les États parties à s'acquitter de leurs obligations, notamment en matière de présentation des rapports. Depuis, le Comité a adopté six observations générales, la dernière concernait les droits économiques, sociaux et culturels des personnes âgées.

Le Président du Comité, M. Philip Alston, a indiqué qu'une fois adopté, le projet d'observation générale sur les expulsions forcées serait transmis à la Conférence d'HABITAT II qui se tiendra le mois prochain à Istanbul. Le Comité a ensuite procédé à l'examen du texte paragraphe par paragraphe.

Le projet rappelle que, dans son observation générale n°4, élaborée en 1991, sur le droit à un logement suffisant. Le Comité avait noté que les «décisions d'éviction forcée étaient prima facie contraires aux dispositions du Pacte». Le projet souligne que la communauté internationale reconnaît depuis longtemps la gravité de la question des expulsions forcées. Il rappelle qu'en 1976, la Déclaration de Vancouver sur les établissements humains soulignait qu'il ne fallait procéder à de vastes opérations de démolition que lorsque les locaux visés ne pouvaient être ni rénovés ni préservés et seulement après avoir relogé les occupants. Pour sa part, Action 21, adopté au Sommet de la terre à Rio, déclare que «les individus devraient être protégés par la loi contre toute éviction injuste de leur logis ou de leurs terres». La Commission des droits de l'homme a affirmé que la pratique des expulsions forcées constituait une violation flagrante des droits de l'homme. Dans le projet, l'expression «expulsion forcée» est utilisée pour mettre en évidence le caractère arbitraire et illégal de cette pratique au regard du droit international. Cette pratique est très répandue et constitue un problème majeur aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés.

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Bien que dans de nombreux cas, les expulsions forcées, telles que celles qui résultent de conflits armés internationaux ou internes et d'affrontements communautaires ou ethniques, soient liées à la violence, des mesures de ce type sont parfois prises au nom du développement.

Le texte constate que les femmes, les enfants, les jeunes, les personnes âgées, les populations autochtones, les minorités ethniques, les groupes à faible revenu, les paysans, les éleveurs et toutes les personnes et les groupes qui ne bénéficient pas d'une sécurité de logement établie de manière formelle souffrent plus que les autres de la pratique des expulsions forcées. Les femmes surtout sont particulièrement vulnérables du fait de la discrimination juridique dont elles sont victimes en matière de droit de propriété dans certains pays et en raison des actes de violence auxquels elles sont exposées quand elles sont à la rue.

Selon le projet, une législation garantissant une protection contre les expulsions forcées constituerait une base essentielle à la mise en place d'un système de protection efficace. Une telle législation devrait être applicable à toutes les personnes agissant sous l'autorité de l'État, y compris les collectivités locales et la police, ainsi qu'à tous les autres services publics et privés chargés du logement. Il conviendrait que les États parties réexaminent toute la législation en vigueur pour faire en sorte qu'elle soit conforme aux dispositions du Pacte relatives au droit à un logement suffisant. Le texte établit que les expulsions forcées ou les démolitions de logements à titre punitif sont contraires aux normes consacrées dans le Pacte. Dans les cas où l'expulsion forcée est jugée nécessaire, des mesures devraient être prises dans le strict respect des dispositions applicables de la législation internationale relative aux droits de l'homme. Les mesures de protection en matière de procédure qui devraient être appliquées dans les cas d'expulsion forcée seraient notamment les suivantes: préavis d'au moins 60 jours; informations sur l'expulsion envisagée; consultation des personnes touchées; présence des agents ou représentants du gouvernement lors de l'expulsion; identification des personnes exécutant l'ordre d'expulsion; les expulsions forcées ne devraient pas avoir lieu par mauvais temps; les mesures de contrainte, le cas échéant, ne devraient être appliquées que par des agents de l'État.

Aux termes du projet, les gouvernements devraient veiller à ce que toutes les autres solutions possibles soient envisagées afin d'éviter l'expulsion par la force. Le droit de faire appel de telles décisions devrait être garanti. Lorsqu'une expulsion risque d'entraîner la privation du droit à un logement suffisant, l'État partie devrait faire en sorte que d'autres possibilités de logement ou de réinstallation, selon le cas, soient offertes. Les personnes touchées par une occupation de terres ou de logement considérée comme illégale devraient avoir accès aux mesures essentielles de protection et aux recours prévus par la loi.

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Le Comité n'ignore pas que divers organismes internationaux ont été confrontés à des situations d'expulsion forcée dans certains États parties. A cet égard, il rappelle son observation générale n°2, dans laquelle il a déclaré notamment que «les organismes internationaux doivent éviter d'appuyer des projets qui encouragent ou entraînent des expulsions forcées ou des déplacements massifs, sans mesures appropriées de protection et d'indemnisation». Le projet établit que la pratique des expulsions forcées est souvent le corollaire de projets de développement à grande échelle tels que la construction de barrages et d'autres grands projets de production d'énergie. Dans ces cas, il est essentiel de veiller au plein respect des directives que la Banque mondiale et l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) ont adoptées afin de limiter l'ampleur des souffrances humaines liées à la pratique des expulsions forcées.

Le projet d'observation générale demande enfin que les États parties au Pacte fournissent, dans leurs rapports, des informations sur le nombre de personnes expulsées au cours des cinq dernières années et le nombre de personnes qui ne jouissent d'aucune protection juridique contre l'expulsion arbitraire ou toute autre forme d'expulsion. Le Comité souligne l'importance qu'il attache à de telles informations, sans lesquelles la surveillance effective du droit à un logement suffisant, que ce soit par le gouvernement concerné ou le Comité, est impossible.

Le Comité poursuivra l'examen du projet d'observation générale cet après-midi à 15 heures.

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