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FEM/904

LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES ENTEND UNE PRESENTATION ORALE D'UN RAPPORT EXCEPTIONNEL DU ZAIRE

 

Il entend également une présentation de la Présidente du Groupe de travail de la Commission sur la condition de la femme

 

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a poursuivi ses travaux, cet après-midi, en entendant la présentation orale d'un rapport exceptionnel du Zaïre. Il a également entendu une intervention de la Présidente du Groupe de travail de la Commission sur la condition de la femme sur le projet de protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Il a par ailleurs poursuivi l'examen des rapports périodiques de Saint-Vincent-et-Grenadines.

La représentante du Zaïre, Mme Safou Sindani, présentant ce rapport exceptionnel, a rappelé que son pays était secoué par une crise multiforme, qui l'avait empêché de venir présenter ses rapports au Comité. Elle a signalé que depuis l'indépendance les guerres fratricides qui secouent le pays ne permettaient pas une amélioration de la situation de la femme zaïroise, qui est encore considérée comme inférieure à l'homme. Elle a particulièrement mis l'accent sur la situation préoccupante des femmes en milieu rural, en matière d'éducation et de santé.

Les experts ont regretté que le Zaïre ait fait lecture d'un rapport régulier, alors qu'il s'agissait de la présentation d'un rapport exceptionnel sur les violations des droits des femmes en période de conflit. Il aurait fallu présenter ce qui se passait à l'heure actuelle au Zaïre, notamment à Goma et dans le Sud Kivu. Que s'est-il passé avec les réfugiées rwandaises? Quelles sont les répercussions de ce conflit dans la vie quotidienne des femmes zaïroises?

Les membres du Comité ont cependant reconnu que les informations fournies étaient exhaustives et présentaient un grand intérêt. Des intervenants ont estimé que ce qui est important ce n'est pas tant que les Etats parties présentent des informations sur l'application de la Convention que de savoir si la Convention est effectivement appliquée par les Etats parties lors de circonstances exceptionnelles.

Répondant aux questions des experts, les membres de la délégation zaïroise, ont indiqué qu'ils voulaient avant tout rappeler que la grande majorité de la population vit dans des conditions de paix. Toutefois, ils ont reconnu la gravité de la situation dans les Grands Lacs, précisant que les exactions touchent des réfugiés de l'extérieur aussi bien que la population autochtone. Ils ont appelé la communauté internationale à se mobiliser d'urgence en faveur de cette région du Zaïre.

Présentant le projet de protocole facultatif à la Convention, la Présidente du Groupe de travail de la Commission sur la condition de la femme, Mme Aloisia Woergetter, a déclaré que beaucoup de chemin avait été parcouru et que la Commission avait l'intention d'aborder la première lecture du projet de protocole facultatif dès mars prochain.

Les membres du Comité ont également poursuivi leurs questions sur les premier, deuxième et troisième rapports périodiques de Saint-Vincent-et- Grenadines. Ils se sont enquis de la situation des femmes en zone rurale et notamment de leur capacité à obtenir des crédits pour cultiver les terres redistribuées actuellement par le gouvernement.

La représentante de Saint-Vincent-et-Grenadines répondra aux questions des membres du Comité le 21 janvier lors de la séance de 10 heures.

Le Comité se réunira demain, jeudi 17 janvier, à partir de 10 heures pour entamer l'examen des deuxième et troisième rapports périodiques de la Turquie.
 

Questions des experts à Saint-Vincent-et-Grenadines

Revenant sur la question de l'avortement, un expert a souhaité connaître les conséquences de l'illégalité de l'avortement. Y-a-t-il des circonstances où l'avortement est légal? Quels sont les statistiques de décès ou de complications à la suite d'un avortement? Combien y-a-t-il de cas de SIDA et de cancers? Y-a-t-il des difficultés à obtenir des soins médicaux. Est-ce- que le taux des grossesses juvéniles a continué de s'accroître ces dernières années? Quel est l'âge des pères? Les zones rurales sont-elles accessibles aux soins médicaux? Quelle information est donnée sur les moyens de contraception et sur le SIDA? Qui en assume les coûts? Est-ce-que les programmes de planification familiale vise la question de l'inégalité entre les hommes et les femmes pour ce qui est du comportement sexuel? Ce même expert a demandé des informations sur les maladies sexuellement transmissibles, autres que le SIDA. Il a souhaité obtenir des données sur les dépenses publiques et privées en matière de santé. Quelles sont les composantes de la politique de planification familiale, a demandé un autre intervenant.

Les experts ont souligné que la promotion économique de la femme reste un secteur clef à développer. Ils ont demandé si des mesures spécifiques à l'égard des femmes étaient prévues en matière de crédits. Malgré des progrès, les femmes rurales ont encore des problèmes pour obtenir des crédits. Seuls 35% des terres disponibles ont été attribuées à des femmes. Un expert a demandé quelle est la durée de l'attribution des terres. Les femmes peuvent- elles facilement obtenir les crédits nécessaires à la location de ces terres? Les femmes ont-elles le droit d'hériter de la terre et d'en disposer librement? Quelles sont les mesures envisagées en matière scolaire dans les zones rurales et notamment au niveau des jardins d'enfants, classe d'âge propice aux changements des schémas traditionnels? Quel est le contenu des activités socio-culturelles auxquelles les femmes rurales prennent part? Un autre expert a demandé quelle est la situation de la protection sociale fournie aux femmes rurales. Les experts ont souhaité obtenir des données comparatives sur le niveau de l'activité économique entre zone rurale et zone urbaine. Alors que le gouvernement n'a pas fait d'étude globale sur les problèmes rencontrés par les femmes rurales, quel est le contenu exact des programmes mis en place à leur égard?

Un expert a souligné que l'on dénombre beaucoup d'unions libres dans l'Etat partie. Comment sont-elles protégées par la loi? Quel est leur statut juridique? Quel est le statut des enfants nés hors mariage? Que signifie l'expression "tous les mariages doivent être enregistrés"? Y-a-t-il des efforts de la part du Gouvernement pour encourager les mariages, décourager les unions libres ou encourager les femmes dans une situation de cohabitation? Les biens acquis pendant le mariage doivent-ils être divisés de manière égale? Les femmes utilisent-elles dans la pratique leurs droits pour ce qui est des biens acquis durant le mariage? Y-a-t-il des programmes gouvernementaux pour éduquer les femmes sur leurs droits? La législation de l'Etat partie contient-elle des dispositions qui traitent différemment les femmes mariées et celles qui ne le sont pas?

Présentation orale du rapport exceptionnel du Zaïre

Mme SAFOU SINDANI, Conseiller du Ministre de la santé et de la famille du Zaïre, a indiqué que son pays a été secoué par une crise multiforme qui l'a empêché de présenter en temps voulu son rapport périodique. Elle a indiqué que peu après Beijing, un grand forum sur le droit et le leadership de la femme au Zaïre, a été organisé avec l'aide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), et a fait l'objet d'un rapport qui constitue la base du rapport présenté aujourd'hui.

Le Zaïre a ratifié la Convention le 6 octobre 1985. Elle a précisé que longtemps le rôle de la femme s'est limité à ses tâches familiales, reproductrices et nourricières. Elle a été également soumise à des interdits alimentaires. Aussi les femmes ont-elles longtemps adopté une attitude soumise et résignée. De plus, l'accès à la vie politique lui était fermé. Depuis l'indépendance le pays est marqué par des guerres fratricides qui ne facilitent pas l'amélioration de la condition féminine. Toutefois à partir de 1966, un mouvement d'émancipation a été lancé et depuis on trouve les femmes traditionnelles surtout en milieu rural, des femmes qui veulent une évolution mais sont encore victimes des schémas traditionnels ainsi que des femmes totalement libérées.

La Constitution depuis 1966 consacre l'égalité entre l'homme et la femme. Un mécanisme national, chargé de la promotion de la femme, a été créé en février 1980 et des points focaux ont été installés dans tous les ministères, les entreprises privées, les ONG, les églises et les syndicats. En août 1996, un nouveau code de la famille est entré en vigueur et depuis 1993, il existe un Comité pour la femme. Le problème principal est que le budget alloué aux mécanismes nationaux en faveur de la femme est très faible et le Ministère pertinent a été remplacé par une simple administration. Il y a égalité dans la liberté de contracter le mariage, chacun des futurs époux doit consentir librement au mariage. L'âge minimum est de 15 ans pour les jeunes filles et de 18 ans pour les garçons. Les époux ont tous deux des obligations envers les enfants, contrairement à l'ancien code de la famille où la charge revenait seule au père. Cependant le code de la famille stipule que la femme mariée doit obtenir l'autorisation de son mari pour tous les actes juridiques auxquels elle s'engage, elle ne peut pas avoir librement un compte en banque, voyager ou signer un contrat. Par ailleurs, elle ne peut pas obtenir un passeport sans l'autorisation de son mari. La gestion des patrimoines communs aux époux est confiée au mari.

Le code pénal ne contient aucune discrimination, même si un problème subsiste quant à l'adultère où les peines sont plus sévères pour les femmes. L'avortement est considéré comme une atteinte à la dignité de la femme.

Le code du travail est appliqué indistinctement à l'homme et à la femme. Les droits sont égaux en matière de salaires et de formation. Cependant le travail de nuit est interdit ainsi que certains travaux dangereux. La femme se voit accorder 14 semaines de congé maternité avec deux tiers du salaire et une heure de repos par jour pour la femme allaitante. Traditionnellement la femme est considérée comme inférieure et le harcèlement sexuel a cours.

La femme est électrice et éligible. Elle est présente partout dans l'administration publique cependant sa représentativité est quasiment nulle. Le Parlement compte 38 femmes contre 699 hommes. Aucune femme n'est PDG dans les entreprises publiques et la diplomatie ne compte qu'une femme ambassadeur.

L'éducation est un droit pour tous les enfants sans distinction de sexe, cependant le taux d'abandon scolaire est plus élevé chez les fillettes que les garçons. Les disparités entre les sexes sont encore plus prononcées en milieu rural. 60% des femmes rurales sont analphabètes.

La santé de la femme est précaire notamment en raison de son ignorance, de sa dépendance économique et de sa surcharge de travail. Son espérance de vie n'est que de 53 ans. Les soins gynécologiques sont fort limités en raisons de la prégnance des coutumes, qui refusent notamment tout moyen de contraception. Un Comité national de la santé génésique existe depuis mars 1994.

La représentante a reconnu que la situation de la femme rurale est loin d'être satisfaisante. En effet, elle ne peut pas être propriétaire terrien. De plus, elle se trouve à l'écart des centres de santé et d'éducation. Les relations entre hommes et femmes sont encore des relations de supérieurs à inférieurs.

Questions des experts au Zaïre

Les experts se sont déclarés surpris et ont regretté que le Zaïre ait fait lecture d'un rapport régulier, alors qu'il s'agissait de la présentation d'un rapport exceptionnel sur les violations des droits des femmes en période de conflit. Les images dans les médias montraient qu'une grande tragédie avait lieu sur le territoire zaïrois, surtout pour les femmes et pour les enfants. Il aurait fallu présenter ce qui se passait à l'heure actuelle au Zaïre. Que s'est-il passé à Goma ces derniers mois? Que s'est-il passé avec les réfugiées rwandaises? Que s'est-il passé à Kivu? Quelles sont les répercussions de ce conflit dans la vie quotidienne des femmes zaïroises? On a entendu qu'il y avait eu des attaques massives contre de civils, des fuites massives de femmes et d'enfants, ainsi que des viols massifs et des massacres. Quelle est la situation actuelle des femmes et des enfants dans le Sud Kivu? Qu'a fait le Gouvernement pour sanctionner les violations de droits de l'homme par les soldats zaïrois et par les milices? Le Comité ne peut se déclarer engagé par le rapport qui a été présenté aujourd'hui, a déploré un intervenant.

Les experts ont cependant reconnu que les informations fournies par la représentante zaïroise étaient exhaustives, franches et présentaient un grand intérêt. Des intervenants ont toutefois estimé que ce qui est important ce n'est pas tant que les Etats parties présentent des informations sur l'application de la Convention que de savoir si la Convention est effectivement appliquée dans les Etats parties, notamment dans des circonstances exceptionnelles. Quand un pays fait face à des situations difficiles, le Comité a l'obligation de s'informer de l'application de la Convention. Les femmes zaïroises se sont trouvées dans des situations très particulières. Dans quelle mesure y-a-t-il eu des infractions à la Convention?

Réponse du Zaïre

Répondant aux remarques des membres du Comité, le représentant du Zaïre, M. ILEKA ATOKI, a indiqué qu'il n'y avait pas de malentendu et qu'il n'était pas question de présenter aujourd'hui un rapport périodique, mais bien un rapport oral exceptionnel. Les questions relatives à la situation actuelle à l'est du pays étaient abordées plus avant dans le texte mais le temps n'en a pas été laissé à l'intervenante. Toutefois il a souhaité mettre l'accent sur le fait que la grande majorité des Zaïrois vivent en paix, bien que dans des conditions très difficiles, notamment pour les femmes.

La région de l'est du pays est le témoin d'abus des droits de la personne de la part de l'armée du pays et de la "rébellion" zaïroise. Il a indiqué que depuis la semaine passée, des conseils de guerre exceptionnels ont été mis en place ainsi que des comités qui reçoivent les doléances des citoyens. Des officiers d'état-major sont actuellement traduits en conseil de guerre pour des exactions commises dans cette région. En outre, des mesures drastiques ont été prises dans les services de renseignements.

Il a reconnu qu'à l'est, la situation n'est pas contrôlée par le gouvernement, il s'agit d'une rébellion, a-t-il précisé. Le retour des réfugiés du Rwanda et du Burundi, estimés à 600 000 et 800 000 personnes, a créé d'énormes problèmes. Parmi ces personnes se trouvent des femmes et des enfants victimes de toute sorte d'exactions et dont ni les médias, ni la communauté internationale ne parlent plus. Le Conseil de sécurité n'est pas sans responsabilité, à cet égard, alors qu'une solution était envisageable en novembre 1996, il n'a pas osé prendre de mesures. Pendant ce temps, les parties belligérantes continuent de s'armer. La cellule familiale est détruite, les pères de famille sont assassinés pour délit de faciès et les femmes sont laissées sans moyen de subsistance. Il a demandé à la communauté internationale de se mobiliser.

Pour sa part, Mme SINDANI a précisé que la guerre a un caractère d'autant plus injuste que le Zaïre a accueilli de nombreux réfugiés, dont certains aujourd'hui se transforment en criminels. Il ne faut pas oublier que dans cette région, les victimes ne sont pas seulement les réfugiés rwandais mais également la population zaïroise. Ce fut le cas des réfugiés de Kinsangani. De nombreux orphelins arrivent par centaines à la capitale, sans avoir aucun refuge. Certaines ONG et organismes des Nations Unies apportent une aide essentielle. Le pays souffre souvent d'épidémies de choléra et autres. Elle a regretté que, pressée par le temps, elle n'ait pas pu parler plus avant de la situation dans la région des Grands Lacs. Elle s'est félicitée de la décision du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés de faire sienne la demande zaïroise concernant le retour des réfugiés dans leur pays d'origine dans la dignité, qui semble désormais prévoir de rapatrier les enfants rwandais non accompagnés. Il s'agit de la condition au retour de la stabilité dans la région des Grands Lacs, a-t-elle ajouté.

Déclaration

Mme ALOISIA WOERGETTER, Présidente du Groupe de travail à composition non limitée de la Commission sur la condition de la femme, dans sa déclaration concernant le projet de protocole facultatif à la Convention, a déclaré que son Groupe de travail avait travaillé sur la base des recommandations faites par le Comité. La discussion sur la question de la promotion de la femme a été bien accueillie. Beaucoup de chemin a été parcouru. Nous pouvons voir les choses avec optimisme pour la session de mars prochain, où le Groupe de travail abordera la première lecture du projet de protocole. La participation de membres du Comité a été très utile, a ajouté Mme Woergetter.

Questions des experts à la Présidente du Groupe de travail sur le protocole facultatif à la Convention

Les experts ont rappelé qu'ils sont indépendants et ne parlent pas au nom d'un gouvernement, quel qu'il soit. La réflexion sur le protocole facultatif ne doit donc pas nécessairement se faire au sein d'une délégation gouvernementale. Les experts devraient pouvoir user de leur influence comme conseiller indépendant. Un intervenant a demandé si la Présidente pouvait décrire plus concrètement les obstacles à l'adoption d'un protocole facultatif. Quelles objections juridiques et politiques sont énoncées? Le nombre d'Etats s'opposant à l'adoption d'un tel protocole est-il important? Combien d'Etats membres ont envoyé leur avis sur le protocole facultatif? Ceci permettrait aux experts de faire pression en faveur d'une prise de conscience de retour dans leur pays, a-t-il ajouté. Un autre expert a demandé quelle est la méthode de travail du groupe de travail? Le projet se trouve devant un nouveau défi, en raison de certaines objections juridiques et les experts ont indiqué qu'il fallait redoubler d'énergie et montrer une position plus ferme lors de la prochaine réunion de la Commission en mars. A cet égard, un expert a suggéré que le Comité fasse une déclaration.

Réponse de la Présidente du Groupe de travail

La Présidente du Groupe de travail, Mme WOERGETTER, a déclaré qu'il restait beaucoup de travail à accomplir, même si des progrès avaient été réalisés. Etant donné les observations favorables faites par les Gouvernements, elle a le sentiment que le protocole facultatif est mieux accepté. Elle a mentionné les grands obstacles juridiques qui se posaient à l'heure actuelle, tels que la question des incapacités, celui des personnes autorisées à venir aux débats ou encore que le protocole facultatif pourrait faire double-emploi avec d'autres instruments des droits de l'homme. Il est difficile de fournir un projet de protocole facultatif dès maintenant au Comité, a expliqué Mme Woergetter. Elle a demandé aux membres du Comité d'être optimistes à ce sujet. Le Secrétariat sait exactement le nombre des Etats membres qui ont envoyé des réponses concernant le protocole facultatif, a précisé la Présidente du Groupe de travail.

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