CONSEIL DE SÉCURITÉ: LE CHEF DE LA MINURCAT SOULIGNE QUE LA SITUATION AU TCHAD ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE DEMEURE PRÉCAIRE
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Conseil de sécurité
6042e séance – après-midi
CONSEIL DE SÉCURITÉ: LE CHEF DE LA MINURCAT SOULIGNE QUE LA SITUATION AU TCHAD ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE DEMEURE PRÉCAIRE
M. Victor da Silva Angelo souligne l’importance que les forces politiques tchadiennes confirment leur engagement démocratique
Le Conseil de sécurité a entendu cet après-midi un exposé de M. Victor da Silva Angelo, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), a cours duquel celui-ci a brossé un tableau plutôt positif et encourageant sur le plan de la sécurité, sans cacher que la situation humanitaire demeurait critique. Parmi les cinq États Membres qui ont ensuite pris la parole, le représentant de la France a souligné que le moment n’était « pas venu pour la communauté internationale de relâcher ses efforts ».
M. da Silva Angelo a averti que l’effectif de 4 900 hommes autorisé par le Tchad dans l’est du pays était un « minimum » pour que la MINURCAT puisse accomplir son mandat. Le Secrétariat a activement œuvré pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de vide sécuritaire au terme du mandat de l’EUFOR à la mi-mars 2009, a-t-il dit, en précisant que 16 pays s’étaient déclarés prêts à participer à la MINURCAT. La situation au Tchad demeure fragile, a constaté M. da Silva Angelo, précisant que le processus politique entamé par l’Accord de Syrte de 2007 entre Gouvernement et rébellion marquait le pas. Si l’EUFOR et la MINURCAT peuvent beaucoup pour stabiliser la situation, la stabilité du Tchad dépendait, au bout du compte, de l’engagement politique en faveur de la démocratie du Gouvernement et de l’opposition, a-t-il rappelé. Lors du débat, les représentants de l’Italie et du Costa Rica ont estimé indispensable d’aborder les causes profondes du conflit au Tchad.
Le représentant du Tchad a convenu qu’aucune force militaire ne pourrait assurer durablement la paix civile si le contexte politique à l’origine de l’insécurité ne changeait pas. Toutefois, a-t-il estimé, le règlement de la crise du Darfour sera la solution politique fondamentale à la situation dans l’est du Tchad. Le représentant de la République centrafricaine, a pour sa part, expliqué que son pays était en train de renaître après 20 ans de chaos. L’État centrafricain est encore trop fragile pour répondre à toutes ses obligations régaliennes et c’est la raison pour laquelle il a besoin de l’assistance de la communauté internationale.
LA SITUATION AU TCHAD, EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ET DANS LA SOUS-RÉGION
Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (S/2008/760)
Dans ce rapport, soumis en application de la résolution 1834 adoptée par le Conseil de sécurité le 24 septembre 2008, le Secrétaire général rend compte des faits survenus en relation avec le mandat de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) depuis son rapport du 12 septembre 2008. Le rapport décrit notamment la préparation, en collaboration étroite avec l’Union européenne, de la passation des pouvoirs entre la Force européenne (EUFOR) et la composante militaire des Nations Unies que le Conseil a exprimé son intention de déployer au Tchad et en République centrafricaine, ainsi que le concept d’opération de cette Force. Le mandat de l’EUFOR, autorisée par le Conseil de sécurité le 25 septembre 2007 dans sa résolution 1778 et qui compte 3 300 hommes, dont environ 200 en République centrafricaine, s’achèvera le 15 mars 2009.
Le Secrétaire général estime que les récentes mesures prises par les Gouvernements tchadien et soudanais pour normaliser leurs relations, notamment la reprise des relations diplomatiques, témoignent de leur intention de s’attaquer aux causes de l’instabilité à l’échelle régionale. Il y voit des « avancées positives » qui doivent être renforcées pour que la stabilité puisse être rétablie dans la région et que les vies des personnes touchées ne soient plus en danger. Il rend hommage au rôle joué par la Jamahiriya arabe libyenne pour favoriser le dialogue entre les parties et rappelle qu’il reste disposé à offrir ses bons offices. M. Ban rappelle en outre qu’il demeure de la responsabilité des Gouvernements tchadien et soudanais de veiller à ce que leur territoire respectif ne serve pas de refuge à des groupes d’opposition armés. Le Secrétaire général ajoute toutefois que tous les efforts entrepris resteront stériles à long terme si les deux problèmes fondamentaux que sont l’impunité et l’opposition armée ne sont pas entièrement réglés.
Le Secrétaire général note que la situation en matière de sécurité, notamment dans l’est du Tchad, est demeurée inchangée et que la fin de la saison augmente les possibilités d’attaques des rebelles. Les vols de voitures occupées, vols à main armée et crimes visant le personnel humanitaire et les citoyens et réfugiés tchadiens se sont poursuivis, alors que l’est du Tchad demeure confronté à une grave crise humanitaire, avec plus de 290 000 réfugiés soudanais, plus de 180 000 personnes déplacées, et 700 000 membres des communautés locales qui ont besoin de vivres, d’eau et de soins de santé. Le Secrétaire général estime que, « faute de conditions de sécurité suffisantes, il est peu probable que les réfugiés retournent dans leurs lieux d’origine » et qu’ils continueront donc à dépendre dans une large mesure de l’assistance extérieure, alors même que la poursuite d’attaques contre des organisations humanitaires menées par des bandits lourdement armés « a continué d’entraver considérablement les secours » et que « l’absence de sécurité dans le camp y empêche le retour des travailleurs humanitaires ».
Rappelant qu’au cours de l’année écoulée, l’EUFOR a contribué à faciliter l’acheminement de cette assistance, le Secrétaire général précise que les Nations Unies « ont élaboré et affiné encore un concept d’opérations » pour la force de remplacement des Nations Unies qui est « fondé sur le même mandat que celui de l’EUFOR ». Pour contrer la « menace de nature criminelle » constituée par les bandits équipés d’armements militaires, « y compris des armes lourdes », menace qu’il considère comme « la plus immédiate et la plus constante pesant sur la population civile et les opérations humanitaires », le Secrétaire général estime qu’il faut « davantage que des activités de police » que « la dissuasion militaire s’impose » et que « lorsqu’elle ne suffit pas, l’intervention militaire est nécessaire ».
C’est pourquoi, le Secrétaire général propose que les activités opérationnelles de la force de la MINURCAT visent à « prévenir les hostilités, rassurer la population civile, améliorer l’acheminement de l’assistance humanitaire, exécuter le mandat de la MINURCAT et assurer la protection du personnel et des installations des Nations Unies ».
Le Secrétaire général estime désormais que les effectifs requis pour la composante militaire de la MINURCAT s’élèvent à « 4 900 hommes au minimum ». Il « rend hommage à l’esprit constructif » qui a animé le dialogue entre l’ONU et le Gouvernement tchadien, en particulier avec le Président Idriss Déby qui a accepté ce chiffre.
La MINURCAT est également déployée en République centrafricaine. Le Secrétaire général rappelle que le Gouvernement de ce pays s’est dit prêt à accepter une présence de la force des Nations Unies dans le nord-est de son territoire. Parmi les trois options qu’il avait proposées pour cette présence militaire, il recommande celle consistant en un petit détachement militaire d’une quinzaine d’officiers « chargé d’assurer la liaison avec les autorités locales et les principaux acteurs, de maintenir une connaissance circonscrite de la situation, et d’évaluer l’état de l’aérodrome de Birao et déterminer les travaux d’entretien nécessaires ».
Déclarations
M. VICTOR DA SILVA ANGELO, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad, a rappelé que le Conseil avait autorisé par sa résolution 1834 (2008) le déploiement d’une force militaire devant succéder à la Force européenne EUFOR. Après avoir exprimé des réticences, le Président Idriss Déby du Tchad a autorisé le déploiement de 4 900 hommes dans l’est du pays. M. Da Silva a souligné qu’il s’agissait d’un « minimum » et que tout nouvel ajustement ultérieur éventuel aurait un impact négatif pour que la force puisse remplir son mandat. Concernant la demande du Conseil de déployer des effectifs dans le nord-est de la République centrafricaine, le rapport signale que la force devrait être plus visible et plus importante que l’EUFOR. En attendant, le Secrétariat a œuvré activement pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de vide sécuritaire à la fin du mandat de l’EUFOR. Seize pays ont indiqué leur disponibilité à considérer positivement une participation à la MINURCAT.
La MINURCAT exigera un soutien fort des États Membres, a-t-il souligné. La force des Nations Unies devra être très mobile et les unités fournies devront répondre aux besoins. Pour réussir, la force devrait aussi exercer une totale liberté de mouvement. Avant son déploiement, un accord sur son statut devra être conclu avec le Tchad et la République centrafricaine. Une équipe d’experts techniques expérimentés se rendra, la semaine prochaine, dans la région afin d’avoir des consultations avec les autorités nationales sur des questions juridiques et administratives.
La situation au Tchad demeure fragile, a constaté M. da Silva Angelo. Les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de Syrte du 25 octobre 2007 entre le Gouvernement tchadien et les principaux groupes rebelles ont été limités. Les deux parties ont, semble-t-il, renforcé leur position de part et d’autre de la frontière ces derniers mois. Le Représentant spécial a cependant qualifié d’encourageantes les réunions du groupe de contact et la reprise des relations diplomatiques entre le Tchad et le Soudan. La MINURCAT continuera de soutenir le groupe de contact car la normalisation des relations entre les deux pays est un élément critique pour l’amélioration de la sécurité dans la région. Sur le plan humanitaire, une situation de crise sérieuse demeure. M. Da Silva Angelo a jugé très troublantes les activités militantes dans les camps, notamment le recrutement d’enfants soldats. Il s’est dit tout aussi inquiet du fait que les travailleurs humanitaires soient régulièrement pris pour cibles.
Sur le plan des ressources, le fonds de la MINURCAT a reçu plus de 19 millions de dollars de contribution sur les 23 millions nécessaires pour soutenir le Détachement intégré de sécurité (DIS). Toutefois, le rythme des dépenses est plus rapide que prévu, a-t-il averti, rappelant qu’une conférence internationale de donateurs était prévue à Bruxelles au début 2009. Il a rappelé en conclusion que si la MINURCAT avait un grand rôle à jouer pour créer un environnement sécuritaire susceptible de permettre le retour des personnes déplacées, il était tout aussi important de rappeler que la stabilité du Tchad dépendait en dernière analyse du sérieux de l’engagement des autorités et de l’opposition dans un dialogue démocratique.
M. FERNAND POUKRÉ-KONO (République centrafricaine) a déclaré que le rapport du Secrétaire général a suscité quelques interrogations, notamment celle concernant l’aptitude des forces de sécurité centrafricaines à assurer la sécurité dans le nord-est du pays. La problématique sécuritaire en République centrafricaine reste d’actualité, a-t-il affirmé, du fait de la situation générale de la région. La République centrafricaine est en train de renaître après 20 ans de chaos, a-t-il expliqué, et l’État centrafricain est encore trop fragile pour répondre à toutes ses obligations régaliennes et c’est pourquoi, il a besoin de l’assistance de la communauté internationale. Le représentant a regretté que le rapport du Secrétaire général n’ait rien dit des relations avec son pays, en dehors des trois options présentées pour la présence militaire de la MINURCAT et a estimé que les conclusions du rapport « ne sont pas convaincantes ». Il a également estimé que la stabilité actuelle dans le nord-est de son pays est due à la présence de l’EUFOR. Il a donc demandé que soit maintenu, après le départ de celle-ci, un détachement « d’environ 500 hommes » dans la région pour des raisons humanitaires, sécuritaires et économiques.
M. AHMAD ALLAM-MI (Tchad) a souligné que le mandat initial semblait « bon et clair » alors que la présence internationale dans l’est de son pays n’est « pas une opération de maintien de la paix classique ». « Nous ne sommes pas loin d’arrêter des conclusions finales communes devant permettre une planification immédiate » de la force en vue d’un transfert d’autorité efficace dès la mi-mars 2009 entre cette nouvelle force et l’EUFOR. Le Gouvernement tchadien estime qu’il n’y a pas lieu de lui donner un mandat politique Notre position vise simplement à gagner en efficacité pour que les médiations en cours ne soient pas doublées pour être compliquées inutilement », a-t-il précisé.
« Nous convenons avec ceux qui pensent qu’aucune force militaire ne pourra assurer durablement la sécurité si le contexte politique à l’origine de l’insécurité ne change pas », a ajouté M. Allam-Mi. « Mais nous n’oublions pas que la force doit être au service du droit et que cette force doit être supérieure à celle des groupes illégaux entretenus par l’extérieur. » Le Tchad estime que l’origine de son insécurité vient de l’Est, déstabilisé par la crise du Darfour. Le représentant a ajouté que « sans vouloir envenimer l’état de ses relations avec le Soudan, pays voisin frère », le Gouvernement tchadien ne comprend pas les observations de certains tendant à « mettre sur le même pied d’égalité l’agresseur et la victime ». Au Tchad, a-t-il assuré, il n’y a pas de volonté politique de favoriser l’insécurité ou l’impunité. « Il n’y a une faiblesse de nos capacités face à l’ampleur des défis sur le terrain », a-t-il reconnu. Le Tchad estime donc que « le règlement de la crise du Darfour sera, sans nul doute, la solution politique fondamentale à la situation dans l’est du Tchad ». Le Tchad n’a l’intention de ménager aucun effort pour aider à la réussite des pourparlers de paix. « Aucun mouvement rebelle soudanais du Darfour n’a reçu et ne recevra le soutien du Tchad, sauf pour servir la paix », a-t-il assuré.
Enfin, le représentant tchadien a remercié la France « qui est l’initiatrice et l’élément principal de cette opération salvatrice ». Il a souligné que, « contrairement aux allégations de certains contre ce pays ami de longue date » du Tchad, « l’opération ne vise pas à soutenir un régime mais à aider un pays et ses populations ».
M. JORGE URBINA (Costa Rica) a estimé qu’il était rare que les représentants des pays de la région présentent des exposés aussi intéressants et positifs et les en a remerciés. Il a déclaré partager l’analyse du Secrétaire général sur la nécessaire capacité de riposte, y compris aérienne, de la composante militaire à déployer de la MINURCAT. Compte tenu des demandes répétées du Gouvernement de la République centrafricaine, il a souhaité une discussion productive sur la viabilité et l’efficacité des trois options présentées pour le déploiement de la composante militaire de la MINURCAT en République centrafricaine.
M. Urbina a rappelé que le Conseil de sécurité devrait s’attaquer aux causes profondes du conflit. Il s’est donc félicité de l’aide apportée à la MINURCAT en matière de bonne gouvernance, de prévention des violences sexuelles ou de formation du Détachement intégré de sécurité (DIS) tchadien. Il a estimé que ce type d’appui peut être encore renforcé. Il a aussi souhaité un appui au Gouvernement tchadien dans la lutte contre l’impunité des auteurs d’attaques, y compris contre les travailleurs humanitaires. Le représentant a, une nouvelle fois, condamné les attaques contre ces derniers et a souhaité que le déploiement de la deuxième phase de la MINURCAT permette de porter secours aux réfugiés. Il s’est par ailleurs félicité de l’amélioration des relations entre le Tchad et le Soudan.
M. JEAN-MAURICE RIPERT (France) s’est félicité des observations positives faites par les représentants du Tchad et de la République centrafricaine. Il a noté que la situation des populations demeurait précaire. La France est « très préoccupée par les informations faisant état de recrutements par des groupes armés dans les camps de réfugiés et de déplacés », a-t-il ajouté. Le représentant a partagé par ailleurs l’évaluation du Secrétaire général sur les « résultats positifs » de l’EUFOR au Tchad et en République centrafricaine, qui a permis l’amélioration des conditions de sécurité de l’aide humanitaire qui est distribuée. « Certes, tous les problèmes ne sont pas résolus –loin s’en faut- et le moment n’est pas venu pour la communauté internationale de relâcher ses efforts », a-t-il constaté. L’EUFOR, qui est la plus importante opération militaire européenne déployée à ce jour, a rappelé M. Ripert, est « une nouvelle illustration importante de l’appui concret que l’Union européenne peut apporter à l’action des Nations Unies.
Concernant le déploiement de la composante militaire devant succéder à l’EUFOR, il convient de ne pas laisser s’établir un vide dans le nord-est de la République centrafricaine, comme celui qui avait contribué à déstabiliser la région il y a deux ans, a-t-il rappelé. L’échéance du 15 mars 2009, fin du mandat de l’EUFOR, est proche, a-t-il rappelé, réitérant « l’importance que les Nations Unies soient au rendez-vous ». La délégation française diffusera prochainement un projet de résolution « pour permettre au transfert d’autorité entre l’Union européenne et les Nations Unies d’intervenir dans les meilleures conditions ».
M. GIULIO TERZI DI SAN’AGATA (Italie) s’est réjoui de l’amélioration des relations entre le Soudan et le Tchad, qu’il considère comme un espoir d’une amélioration de la sécurité dans l’est du Tchad. Il semble toutefois nécessaire de maintenir un cadre de sécurité, a-t-il ajouté, estimant que le passage de l’EUFOR à une opération de l’ONU servira cet objectif. En même temps, il est indispensable d’aborder les causes profondes du conflit au Tchad, a-t-il rappelé. Le représentant s’est dit par ailleurs satisfait des effectifs proposés par le Secrétaire général pour la composante militaire de la MINURCAT, qui est en forte baisse. Le représentant a estimé qu’il était logique que, si l’on remplace l’EUFOR au Tchad, il faudrait également le faire en République centrafricaine.
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