« LA MINUAD NE RÉSOUDRA PAS LES PROBLÈMES DU DARFOUR, ELLE NE PEUT QUE CONTRIBUER À UNE SOLUTION POLITIQUE NÉGOCIÉE, DÉCLARE M. ALAIN LE ROY AU CONSEIL DE SÉCURITÉ
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Conseil de sécurité
6003e séance – après-midi
« LA MINUAD NE RÉSOUDRA PAS LES PROBLÈMES DU DARFOUR, ELLE NE PEUT QUE CONTRIBUER À UNE SOLUTION POLITIQUE NÉGOCIÉE, DÉCLARE M. ALAIN LE ROY AU CONSEIL DE SÉCURITÉ
L’objectif d’un déploiement de 80% des effectifs de la Mission d’ici à mars 2009 est « ambitieux mais réalisable », estime la Secrétaire générale adjointe à l'appui aux missions
« La MINUAD ne résoudra pas les problèmes du Darfour », a averti mardi après-midi le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Alain Le Roy. L’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour « ne peut que contribuer à une solution, qui devra être obtenue par un accord politique négocié, et alléger les souffrances des civils en attendant », a-t-il ajouté, lors d’un exposé devant le Conseil de sécurité. Exprimant son inquiétude face aux récentes violences dans le nord du Darfour, M. Le Roy a en outre averti qu’« à moins d’un changement radical dans les intentions des différentes parties et d’une concrétisation sur le terrain des ambitieuses déclarations faites au Darfour, nous risquons de devoir discuter encore de nombreux mois du Darfour dans cette enceinte ». La situation reste telle qu’il « n’y a pas encore de paix à maintenir au Darfour », a-t-il estimé.
Plutôt que de présenter au Conseil de sécurité, qui en était saisi, le dernier rapport du Secrétaire général sur le déploiement de la MINUAD, M. Le Roy a préféré partager ses impressions après la visite qu’il a effectuée au Darfour du 8 au 11 octobre, tandis que Mme Susana Malcorra, Secrétaire générale adjointe à l'appui aux missions, livrait au Conseil de sécurité des détails complémentaires sur le déploiement de la Mission. Les représentants du Soudan et des États-Unis ont ensuite pris la parole.
Le Secrétaire général adjoint a déclaré que sa visite lui a surtout permis d’obtenir des informations de première main sur la situation au Darfour, sur les conditions dans lesquelles sont obligés de vivre des millions de déplacés et sur les « défis impressionnants » auxquels est confrontée la MINUAD. Il a précisé qu’il s’était rendu notamment à El Fasher, Nyala et El Geneiena, dans un site de la MINUAD à Labado et dans les camps de déplacés de Kalma et Ardamata. Il a expliqué s’être entretenu avec des déplacés, des représentants de la communauté humanitaire et des responsables du Gouvernement soudanais, avant de se rendre à Khartoum le 12 octobre, où il s’est entretenu avec différents responsables, dont le Ministre des affaires étrangères Deng Alor.
M. Le Roy a affirmé que tout est fait pour faire progresser rapidement le déploiement de la MINUAD. Il a rappelé les objectifs fixés par le Secrétaire général en ce sens: 60% des effectifs prévus déployés à la fin de l’année, et 80% d’ici à mars 2009. Mme Malcorra a ajouté que les mesures nécessaires à cet objectif sont définies dans les détails. Ces nouvelles cibles révisées reflètent une réduction des projections initiales extrêmement ambitieuses, a-t-elle poursuivi, en précisant que les nouvelles cibles demeurent « ambitieuses mais réalisables ». L’objectif, a-t-elle fait remarquer, a toujours été et continuera d’être le déploiement d’un nombre maximum d’unités capables dans les endroits jugés nécessaires, et dans les délais les plus brefs.
Ce report dans le calendrier du déploiement n’est pas le fait du Gouvernement du Soudan, a affirmé le Représentant permanent du Soudan auprès des Nations Unies, M. Abdalmahmood Abdalhaleem Mohamad. Le Gouvernement soudanais, a-t-il assuré, est prêt à mettre en œuvre la stratégie visant à déployer 80% de la MINUAD dès la fin de cette année et non pas d’ici à la fin de mars 2009. Le représentant a par ailleurs qualifié de « raisonnables » les progrès actuels dans le déploiement de la MINUAD et affirmé que son Gouvernement collabore pleinement avec la Mission, y compris grâce à la mise en place de bureaux de liaison avec celle-ci dans les trois provinces du Darfour.
Des effectifs plus importants et, surtout, des capacités plus importantes, permettront à la MINUAD de mettre en œuvre le large mandat que lui a confié le Conseil, a ajouté M. Le Roy, qui a estimé qu’« avant tout, ils fourniront à la Mission les moyens de protéger les populations civiles ». Le Secrétaire général adjoint a par ailleurs estimé que la MINUAD avait fait « de bons progrès », citant notamment le partenariat entre la MINUAD et la communauté humanitaire dans l’ouest du Darfour, qui « mûrit et se renforce ». Il a également mentionné la présence permanente de la police de la MINUAD dans le camp de Kalma, perçue comme très importante par le sentiment de sécurité qu’elle donne aux réfugiés.
Tout cela démontre que la Mission prend forme, a ajouté le Secrétaire général adjoint, qui a immédiatement prévenu qu’il reste énormément à faire. Trop souvent, le personnel de la MINUAD vit dans des conditions extrêmement difficiles et souffre d’un manque de ressources, a-t-il observé.
M. Le Roy est aussi revenu sur un dilemme déjà mentionné par le Secrétaire général dans son rapport. La direction de la MINUAD consacre une partie importante de son temps et de son énergie à la mise en place de la Mission, ce qui est en soi positif car cela montre que les choses progressent. Mais en même temps, on ne peut ignorer le tumulte de la tragédie au Darfour. « Il y a toujours des combats et des déplacements de populations. Nous continuons de recevoir des rapports faisant état de viols et de menaces imminentes contre des civils », a noté le Secrétaire général adjoint. En bref, a-t-il résumé, la Mission peut se concentrer sur son propre déploiement, mais le déploiement ne peut pas être sa seule priorité. Il faut aussi mettre en œuvre son mandat.
Cela représente un énorme défi, a constaté M. Le Roy, qui a rappelé que la situation reste volatile, citant de très récents incidents. Le banditisme reste très élevé, a-t-il indiqué, faisant remarquer qu’entre le 1er janvier et la mi-octobre 2008, on avait enregistré 273 saisies de force de véhicules des organisations non gouvernementales ou des Nations Unies, contre 116 pour toute l’année 2007.
Relevant lui aussi les « nombreux cas de banditisme » mentionnés dans le rapport du Secrétaire général, le représentant du Soudan a dénoncé des « tentatives de politisation et de militarisation » des camps de déplacés et a qualifié le camp de Kalma de « menace pour le déploiement de la MINUAD ». Il a par ailleurs assuré que le Gouvernement soudanais est « pleinement disposé à faciliter l’acheminement des convois humanitaires ».
« Il n’y a pas encore de paix à maintenir au Darfour », a affirmé M. Le Roy, qui a rappelé que les Nations Unies y sont en situation de sécurité IV et qu’elles doivent réduire leur personnel jusqu’à ce que sa sécurité puisse être garantie. Néanmoins, il faut aller de l’avant, a-t-il affirmé. « Pour cela, il nous faut un effort conjoint », a poursuivi M. Le Roy. Le Siège (de l’ONU) doit tout mettre en œuvre pour envoyer les troupes et équipements sur place mais la communauté internationale doit poursuivre son effort, a-t-il dit.
Mme Malcorra a ensuite précisé que les pays contributeurs de contingents policiers et militaires auront à mobiliser personnel et équipement, que les donateurs auront à combler les manques de ressources et que le Gouvernement soudanais devra respecter ses engagements à appuyer les efforts de déploiement. Naturellement, a-t-elle ajouté, les Nations Unies devront être au centre de ces efforts en coordonnant les nombreux éléments mobiles de ce processus complexe, en faisant pression aussi fortement que possible pour déployer le personnel et l’équipement sur le terrain et en faisant en sorte que les préparatifs nécessaires soient en place pour recevoir le personnel et l’équipement.
La tâche à venir est considérable, a observé Mme Malcorra. Par exemple, a-t-elle précisé, environ 6 000 conteneurs maritimes remplis d’équipements dont la MINUAD a besoin et destinés au Darfour se trouvent en ce moment même au centre logistique des Nations Unies à El Obeid, dans le centre du Soudan, à 800 kilomètres d’El Fasher. Pour la Mission, obtenir cet équipement est essentiel au succès du plan déploiement, a-t-elle ajouté, précisant que des progrès avaient pu être réalisés. En effet, a-t-elle souligné, quatre nouvelles sociétés de transport ont commencé à travailler en vue d’accroître l’acheminement des conteneurs.
La Secrétaire générale adjointe a en outre mis l’accent sur le travail d’ingénierie, autre pilier du plan de déploiement. De nouveaux camps doivent être construits, d’anciens camps doivent être étendus et des infrastructures essentielles doivent être mises en place, a-t-elle dit. Mme Malcorra a souligné la nécessité de faire montre de souplesse et de créativité dans la mise en œuvre du plan.
M. Le Roy a déclaré que, lors de sa visite, le Gouvernement soudanais lui a adressé « un soutien unanime » au déploiement de la MINUAD. Il a noté qu’il reste vrai aujourd’hui que le soutien du Gouvernement soudanais est indispensable au bon déploiement de la MINUAD. M. Le Roy a estimé qu’un pas très utile a été franchi avec la définition claire des attentes et obligations du Gouvernement soudanais d’une part, de l’Union africaine et des Nations Unies de l’autre.
Mme Malcorra a pour sa part annoncé qu’elle se rendrait à nouveau à Khartoum le mois prochain pour une deuxième réunion tripartite avec le Gouvernement et l’Union africaine. La Secrétaire générale adjointe a rappelé que la première réunion tripartite, qui s’était tenue le 7 octobre dernier, fut extrêmement utile, car elle avait permis d’identifier les secteurs critiques d’une coopération et les besoins spécifiques nécessaires à un appui du Gouvernement. La deuxième réunion sera, à de nombreux égards, plus importante encore, offrant la possibilité, a-t-elle dit, d’évaluer les progrès concrets des engagements pris.
Le représentant du Soudan a, de son côté, affirmé que son gouvernement participe à toutes les négociations sur le Darfour dans toutes les enceintes, sans condition, et a renouvelé unilatéralement le cessez-le-feu, convaincu qu’il n’y a pas d’autre solution que la paix. M. Mohamad a en outre insisté sur « l’Initiative du peuple soudanais », qu’il a présenté comme un projet de consensus national et a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une initiative séparée mais d’un projet en concertation avec le Médiateur en chef conjoint de l’Union africaine et de l’ONU, M. Bassolé. Pour sa part, M. Le Roy a assuré que M. Bassolé bénéficie du plein soutien du Secrétariat dans ses consultations intensives avec le Gouvernement soudanais comme avec les chefs rebelles, et a déclaré attendre avec intérêt les résultats de « l’initiative du peuple soudanais ».
Par ailleurs, le représentant du Soudan a qualifié de « procédure honteuse » l’inculpation du Président soudanais Omar Al-Bachir par la Cour pénale internationale, dans laquelle il a vu une « véritable menace pour la paix et la sécurité dans toute la région » qui « ne saurait être sous-estimée », parlant encore de « conséquences tragiques » et de tentative de « sabotage » du processus de paix.
Enfin, suite à l’enlèvement et le meurtre de cinq employés chinois du secteur pétrolier au Soudan, M. Mohamad a présenté les condoléances de son pays au Gouvernement de la Chine et aux familles des victimes. Il a condamné fermement ces actes criminels qu’il impute à un groupe rebelle.
M. Zalmay Khalilzad, représentant des États-Unis, a lui aussi présenté les condoléances de sa délégation au Gouvernement de la Chine et aux familles des victimes et a condamné les enlèvements et l’assassinat des employés chinois. Il a encouragé le Gouvernement du Soudan à mener une enquête pour que les auteurs soient identifiés, puis traduits devant des tribunaux. Toutes les parties doivent s’abstenir d’avoir recours à la violence afin de favoriser la paix et le dialogue, a-t-il déclaré. M. Khalilzad a aussi demandé aux autorités soudanaises de s’engager à améliorer la situation et suivre les recommandations du Groupe d’experts, notamment en arrêtant de violer l’embargo sur les armes au Darfour. Elles ne doivent pas accepter l’impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, a-t-il conclu.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN
Rapport du Secrétaire général sur le déploiement de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (S/2008/659)
« Plus d’un an après que le Conseil de sécurité eut autorisé le déploiement de la MINUAD au titre de la résolution 1769 (2007), les conditions requises pour assurer l’efficacité de l’opération de maintien de la paix au Darfour ne sont toujours pas réunies », constate le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, dans son rapport bimestriel. Daté du 17 octobre 2008, ce rapport couvre les événements survenus depuis le mois d’août. Le Gouvernement et les parties continuent de rechercher une solution militaire au conflit tandis que la mise en œuvre de l’Accord de paix pour le Darfour a « peu progressé », ajoute le Secrétaire général, qui estime que, du fait de la prévalence de la violence, la protection des civils « demeure un sujet de grave préoccupation ».
« La recherche d’une solution à la crise au Darfour, en tant que question d’extrême urgence, demeure l’une des principales priorités de l’ONU », affirme le Secrétaire général, qui « lance un nouvel appel à la communauté internationale, afin qu’elle parvienne à un accord sur l’importance de la paix et de la justice pour un règlement durable de la crise au Darfour » et unisse ses efforts à l’appui des parties en vue d’un règlement politique.
M. Ban rappelle que le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Alain Le Roy, s’est rendu au Darfour du 8 au 11 octobre, où il a réaffirmé la détermination de l’ONU à déployer les composantes militaire et de police de la MINUAD le plus rapidement possible, afin de permettre à la Mission de continuer à renforcer son action.
De l’avis du Secrétaire général, la visite de M. Le Roy a également permis de réaffirmer que seul un règlement politique pourrait apporter une solution durable à la crise et que l’arrivée au Soudan, le 25 août, du nouveau Médiateur en chef conjoint pour les Nations Unies et l’Union africaine pour le Darfour, M. Djibril Bassolé, offrait une occasion de relancer le processus politique. Le Secrétaire général estime que M. Bassolé a déjà tenu des « consultations fructueuses » avec ses interlocuteurs locaux, nationaux et régionaux, du gouvernement comme des rebelles. M. Ban se félicite en outre des initiatives prises afin de soutenir son action, notamment de l’offre du Qatar d’accueillir des pourparlers de paix. Il est de la plus haute importance que la communauté internationale soit unie dans le soutien apporté à aux efforts de M. Bassolé, ajoute-t-il.
L’ouverture d’un dialogue exigeant aussi des conditions de sécurité sur le terrain, le Secrétaire général demande au Gouvernement soudanais de mettre fin aux bombardements aériens et aux offensives militaires qui peuvent affecter les civils, et de prendre des mesures concrètes en vue du désarmement des milices et autres forces para-gouvernementales. Il lui demande en outre de respecter le droit international relatif aux droits de l’homme et le droit international humanitaire et juge « profondément regrettable l’incident survenu le 25 août dans le camp de Kalma », où des accrochages entre les forces de sécurité soudanaises et un petit nombre de personnes déplacées ont fait 33 morts et 118 blessés parmi ces dernières. Le Secrétaire général demande également à tous les groupes rebelles de s’engager à cesser immédiatement les hostilités, d’entamer des « négociations sérieuses » avec le Gouvernement du Soudan et de coopérer pleinement avec la MINUAD, en levant les obstacles qui entravent ses opérations.
Le Secrétaire général rappelle que « la MINUAD, malgré le vaste mandat qui lui a été assigné en ce qui concerne la protection des civils et l’assistance à la mise en œuvre de la paix, n’a pas pour fonction de mettre au point une solution durable à la crise du Darfour. Cette tâche incombe aux parties au conflit. »
M. Ban note que la MINUAD est « la cible de plus en plus fréquente d’actes de banditisme et d’attaques armées ». De ce fait, elle est confrontée à des « exigences contradictoires »: se déployer rapidement afin d’être en mesure de mieux protéger les civils et de faciliter la fourniture d’une assistance humanitaire tout en prenant toutes les mesures requises pour réduire les dangers courus par son propre personnel.
Ce dernier ne se déploie que lentement. Au 10 octobre 2008, la MINUAD comptait 10 527 militaires et 1 948 policiers pour des effectifs autorisés respectivement de 19 555 et 3 772 personnes. Rappelant que la « capacité de la MINUAD d’exécuter son mandat dépend également des ressources allouées par les États Membres », le Secrétaire général demande à nouveau à ceux qui sont en mesure de fournir les unités manquantes, qu’il énumère. Quant au personnel civil, 46% des 5 557 personnes autorisées ont été recrutées mais après le passage du Darfour en phase IV de sécurité le 23 juillet 2008 à la suite d’une « détérioration grave de la situation », une limite a été imposée aux effectifs déployés dans la zone.
Le Secrétaire général déclare enfin ignorer l’impact que pourrait avoir la demande de mandat d’arrêt formulée le 14 juillet par le Procureur de la Cour pénale internationale à l’encontre du Président Omar Al-Bachir sur les perspectives de paix et de sécurité au Darfour et au Soudan. Il rappelle que la Cour est une institution judiciaire indépendante et les activités du Procureur et de la Cour elle-même sont distinctes des efforts humanitaires, de maintien de la paix et de médiation poursuivis au Darfour et au Sud-Soudan.
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