LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ENTEND UN PLAIDOYER, PRÔNANT UNE ACTION ROBUSTE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE EN SOMALIE, PAYS DÉCHIRÉ PAR LA VIOLENCE
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Conseil de sécurité
5858e séance – matin
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ENTEND UN PLAIDOYER, PRÔNANT UNE ACTION ROBUSTE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE EN SOMALIE, PAYS DÉCHIRÉ PAR LA VIOLENCE
Le Conseil de sécurité a ce matin entendu un plaidoyer très soutenu prônant le lancement d’une action robuste en Somalie par la communauté internationale, alors que la situation dans ce pays reste caractérisée par une nette augmentation des attaques menées à la bombe et des assassinats, et par l’influence croissante de groupes se livrant au trafic d’armes et de drogues et à la traite d’êtres humains. On estime que le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire en Somalie approche les 2 millions d’individus.
Dressant le bilan de la situation en Somalie devant les membres du Conseil de sécurité, M. Ahmedou Ould-Abdallah, le Représentant spécial du Secrétaire général, a demandé à la communauté internationale de s’engager beaucoup dans la recherche de solutions aux problèmes qui affectent le pays. « Je ne demande pas aux États de devenir actifs sur la question de la Somalie pour des raisons morales ou altruistes. Ils ont une responsabilité claire et mandatée de s’impliquer dans tout pays qui connaît de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire », a rappelé M. Ould-Abdallah en notant que le Sommet mondial de 2005 avait clairement énoncé « la responsabilité de protéger qui incombe aux États ». C’est un concept qui a été également adopté par le Conseil de sécurité, a-t-il souligné. Le Représentant spécial a lancé à nouveau un appel pour une action simultanée sur les plans politique et sécuritaire, ces deux aspects étant étroitement liés. Il a aussi dit qu’il fallait privilégier le déploiement d’une solide présence multinationale intérimaire qui impliquerait le groupe des Amis de la Somalie. Les pays faisant partie de ce groupe pourraient apporter une contribution en troupes, et apporter un soutien politique et des fonds permettant de stabiliser la Somalie. Cette présence multinationale serait placée sous la direction d’un seul pays.
Les représentants de la Somalie et de l’Ouganda, ce dernier pays étant le seul avec le Burundi à avoir apporté une contribution en troupes à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), ont également demandé à la communauté internationale d’assumer sa responsabilité de protéger, et de fournir une aide au Gouvernement somalien légitime, comme elle le fait dans d’autres situations. Le silence et l’absence d’action ne peuvent pas être une option, a insisté le représentant de la Somalie en interpellant le Conseil de sécurité. Le représentant de l’Ouganda ad’autre partdemandé au Conseil de sécurité de finaliser les plans qu’il aurait pour la Somalie et d’agir rapidement et sans pré-conditions, pour permettre le plein déploiement de l’AMISOM en attendant l’arrivée de Casques bleus de l’ONU.
Présentant les résultats de la mission d’établissement des faits du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) qui s’est rendue en Somalie du 7 au 25 janvier 2008, M. Edmond Mulet, Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, a rappelé qu’il s’agissait de la première mission des Nations Unies dans la région depuis la reprise des combats à la mi-2006. Il a évoqué quatre scenarios* possibles en ce qui concerne le déploiement d’une opération de la paix éventuelle des Nations Unies en Somalie: le premier de ces scénarios correspond à la situation actuelle, le deuxième quant à lui prévoit l’instauration d’un dialogue politique entre les parties et la mise en place d’un dispositif de sécurité qui permette de renforcer la présence des Nations Unies à Mogadishu. Le troisième scénario envisage l’adoption d’un code de conduite sur les modalités d’emploi des armes par les principales factions, et celle d’un accord sur un retrait progressif des forces éthiopiennes; alors que le quatrième scénario est quant à lui fondé sur l’hypothèse d’une consolidation des accords politiques et de sécurité. Cette consolidation viendrait s’ajouter à une déclaration explicite d’adhésion au déploiement d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies en parallèle avec le retrait des forces éthiopiennes.
* Rapport du Secrétaire général A/2008/178
LA SITUATION EN SOMALIE
Exposés
M. AHMEDOU OULD-ABDALLAH, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Somalie, a indiqué que depuis son dernier exposé en décembre dernier, une nouvelle approche avait été adoptée et que des progrès avaient été réalisés à l’intérieur et à l’extérieur de la Somalie. Après avoir évoqué les changements politiques intervenus, le Représentant spécial a évoqué la visite de trois jours qu’il a récemment effectuée dans le pays et au cours de laquelle il a eu des entretiens avec le Président et le Premier Ministre somaliens qui lui ont fait part de leur engagement en faveur de la réconciliation nationale. Un autre signe de progrès a été le transfert du Gouvernement à Mogadishu en janvier dernier, a indiqué M. Ould-Abdallah. Le Représentant spécial a précisé que jusqu’à présent, l’attention s’était portée sur les échecs du Gouvernement. Pour rendre hommage au courage et à la force des Somaliens, j’ai décidé d’élargir l’agenda sur la Somalie en organisant une conférence internationale à laquelle a été invité le monde des affaires pour voir comment le secteur privé pourrait aider le pays à passer d’une économie de guerre à une économie de paix. Compte tenu de son succès, j’organise en fin de semaine prochaine une conférence plus importante qui sera ouverte par le Premier Ministre somalien et qui verra la participation de personnalités internationales, a dit le Représentant spécial.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour mettre un terme à la violence, a-t-il poursuivi. La Somalie reste prisonnière du passé et n’a jamais été pardonnée pour les actes de violence qui y ont été menés dans les années 90 contre la communauté internationale. Il semble y avoir une sorte de réticence à revenir sur ces événements ou une volonté de punir tous les Somaliens, alors que nombre d’entre eux n’étaient pas encore nés lors de ces événements. Nous avons maintenant besoin de l’engagement de la communauté internationale, a souligné M. Ould-Abdallah. Je ne demande pas aux États d’y devenir actifs pour des raisons morales ou altruistes. Ils ont cependant une responsabilité claire et mandatée de s’impliquer dans un pays qui connaît de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire. Le Sommet de 2005 a clairement énoncé la responsabilité des États de protéger, un concept qui a été adopté également par le Conseil de sécurité, a-t-il rappelé. En fait, a encore ajouté le Représentant spécial, trop de temps est consacré à la collecte de données et de statistiques sur la souffrance du peuple somalien, alors que la vraie bataille que nous devons livrer et protéger les victimes des abus des droits de l’homme, de la violence armée, de la sécheresse et de la famine.
Le Représentant spécial a lancé à nouveau un appel pour une action simultanée qui se situe au plan politique et sécuritaire, ces deux aspects étant liées entre eux. Aujourd’hui nous assistons à des progrès visibles sur le plan politique, avec le Plan de réconciliation du Gouvernement. Mais il est nécessaire d’agir également sur le plan sécuritaire. M. Ould-Abdallah a rendu hommage au travail réalisé par les forces burundaises et ougandaises, un travail qui, à ses yeux, est de la responsabilité de la communauté internationale. Comme le dit en fait le Secrétaire général dans son rapport, les options sécuritaires ne devraient pas être limitées à l’action de la Mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) ou à celle de troupes des Nations Unies. Une présence intérimaire forte et multinationale pourrait aussi être envisagée qui impliquerait les Amis de la Somalie. Ceux-ci contribueraient en troupes, en soutien politique et en fonds et ressources afin de stabiliser le pays. Cette présence multinationale serait placée sous l’égide d’un seul pays. C’est dans cette direction que j’ai l’intention de travailler, a précisé le Représentant spécial.
Selon M. Ould-Abdallah, davantage peut être fait pour protéger les navires transportant l’aide humanitaire. Pour que notre travail soit crédible, nous devons aussi déployer davantage de personnel international dans le pays; mais pour cela, il faudra accélérer les progrès en matière sécuritaire. La communauté internationale doit également trouver des solutions à la question de l’impunité. Ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre doivent être traduits en justice devant la Cour pénale internationale, un autre organe international ou un tribunal local. Il pourrait être créé une Commission d’enquête pour les crimes les plus graves, tandis que l’expert indépendant pourrait également travailler sur les questions de droits de l’homme.
Rappelant au Président du Conseil et Représentant permanent de la Fédération de Russie que, dans le passé, son pays, la Russie, avait aidé la Somalie, notamment en construisant son principal aéroport, le Représentant spécial a signalé que la prise d’actions concrètes par le Conseil sous la présidence russe aurait une valeur symbolique forte.
Présentant les résultats de la mission d’établissement des faits du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) qui s’est rendue en Somalie du 7 au 25 janvier 2008, M. EDMOND MULET, Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, a rappelé qu’il s’agissait de la première mission des Nations Unies dans la région depuis la reprise des combats mi-2006. S’agissant de l’évaluation des conditions d’une potentielle mission des Nations Unies en Somalie qui succéderait à l’AMISOM, l’Équipe a noté des conditions de sécurité inégales sur l’ensemble du territoire caractérisé par un réseau d’alliances inextricables entre clans et sous-clans et des éléments extrémistes combattants pour le contrôle de l’espace politique et économique sans oublier les alliances temporaires de certains groupes visant au retrait des forces armées éthiopiennes du pays.
Il s’est notamment inquiété de l’influence de groupes impliqués dans le trafic d’armes, de drogues et de traite d’êtres humains, et de la menace persistante d’enlèvements, de kidnappings et d’extorsions qui limitent les capacités d’opération de l’ONU et des organismes humanitaires dans la région, alors que l’on estime que le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire approche les 2 millions d’individus. S’agissant du niveau de la sécurité à Mogadishu, qualifiée de « proportionnelle à la présence armée », M. Mulet a précisé que bien qu’il y ait eu une diminution des affrontements armés entre juin et septembre 2007, on a vu au cours de cette même période une nette augmentation des attaques menées à la bombe et aux mines, ainsi que des assassinats. Il a cité des incidents pratiquement quotidiens, notamment de la part d’éléments visant le personnel des Forces armées du Gouvernement de transition et les Forces éthiopiennes, alors que des menaces contre l’ONU ont commencé à apparaître sur les sites Internet islamistes. D’une manière générale, il s’est inquiété d’une complexité du conflit qui fait que la situation dans le centre et le sud de la Somalie peut changer d’un jour a l’autre.
S’agissant des plans conditionnels concernant une nouvelle mission, M. Mulet a indiqué que la Mission d’information du DOMP avait élaboré quatre scénarios en vue de préparer le terrain pour le déploiement d’une éventuelle opération de maintien de la paix des Nations Unies. Ces scénarios pourraient en fait s’enchaîner, a-t-il dit, en ajoutant que le Secrétariat avait élaboré un plan pour chacun d’eux.
Si le premier scénario correspond à la situation actuelle avec des conditions de sécurité précaires et avec un effectif de l’AMISOM qui n’augmente pas sensiblement, le deuxième quant à lui prévoit l’instauration d’un dialogue politique avec l’appui des majeurs acteurs somaliens et la mise en place d’un dispositif de sécurité qui permet de renforcer la présence des Nations Unies à Mogadishu. Enfin, si le troisième scénario envisage l’adoption d’un code de conduite sur les modalités d’emploi des armes par les principales factions, et celle d’un accord sur un retrait progressif des forces éthiopiennes, le quatrième est quant à lui fondé sur l’hypothèse d’une consolidation des accords politiques et de sécurité. Cette consolidation serait alliée à une déclaration explicite d’adhésion au déploiement d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies en parallèle avec le retrait des forces éthiopiennes.
Le premier scénario consisterait à faciliter le soutien que l’ONU apporte à la Somalie sur le plan politique comme dans le cadre de programmes en transférant une importante partie du personnel des Nations Unies de Nairobi au Kenya, vers le sud et le centre de la Somalie. L’objectif du deuxième scénario serait pour sa part de transférer le siège de l’UNOPS à Mogadishu pour renforcer le soutien politique que l’ONU apporte au processus de paix avec la mise en place d’un dispositif de sécurité approprié pour la protection du personnel et de l’infrastructure matérielle, ceci afin d’appuyer les efforts de médiation centrés sur les acteurs somaliens, a indiqué M. Mulet.
Si on estime qu’un contingent de 8 000 hommes serait nécessaire dans le cadre du troisième scénario, qui serait marqué par la signature d’un accord politique recueillant une large adhésion, afin de permettre le retrait des forces éthiopiennes, d’empêcher qu’un vide ne s’installe en matière de sécurité et de donner une impulsion au dialogue politique, le quatrième scénario en ce qui le concerne, prévoit lui le déploiement d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies forte de 27 000 soldats de la paix et de 1 500 policiers. Cette mission pourrait voir le jour sous la condition d’accords politiques préalables en matière de sécurité; d’un partage du pouvoir; d’un dépôt des armes; du respect des droits de l’homme; de la facilitation de l’aide humanitaire, et du développement de l’emprise des pouvoirs publics.
M. Mulet a enfin fait référence à une lettre du Président de l’Union africaine, reçue à la date du 20 février 2008, qui sollicite des Nations Unies une aide financière, logistique et technique d’un montant total de 817 500 000 dollars (huit cent dix sept millions cinq cent mille dollars). Il a précisé que le Secrétariat est en train d’examiner les moyens de répondre à cette requête, et a appelé les États Membres à apporter des soutiens complémentaires à l’Union africaine et aux pays contributeurs de troupes à l’AMISOM.
Déclarations
M. ELMI AHMED DUALE (Somalie) a déclaré que le rapport du Secrétaire général et la mission d’établissement des faits en Somalie ont clairement dégagé la responsabilité claire et sans ambiguïté qui revient à la communauté internationale envers le peuple somalien. En fait, le Conseil de sécurité a la responsabilité de protéger et de fournir une aide au Gouvernement somalien légitime, comme il le fait dans d’autres situations. Le silence et l’absence d’action ne peuvent pas être une option. La communauté internationale en général et le Conseil de sécurité en particulier doivent participer de manière sérieuse au processus d’édification de la paix en Somalie, ce qui permettrait d’envoyer le bon message au peuple somalien, a dit M. Duale. Le représentant a indiqué avoir pris dûment note des diverses idées contenues dans le rapport du Secrétaire général, en particulier pour ce qui est des plans d’urgence et de transfert des institutions des Nations Unies en Somalie. Il s’est dit d’avis que le meilleur plan était celui qui contiendrait les quatre éléments que mentionne le rapport. Nous pensons aussi qu’il est temps pour les institutions des Nations Unies de se relocaliser en Somalie, où des villes répondent aux critères de sécurité.
M. FRANCIS BUTAGIRA (Ouganda) a insisté sur la responsabilité première qui revient au Conseil de sécurité de maintenir la paix et la sécurité internationales même si le Conseil a autorisé la Mission de l’Union africaine en Somalie. Cette passation de responsabilités ne revient pas à une abdication des prérogatives du Conseil, et beaucoup d’autres pays ont appelé à maintes reprises le Conseil à assumer ses responsabilités en Somalie, a relevé M. Butagira. Les capacités de l’AMISOM sont en effet trop limitées pour qu’elle puisse accomplir la tâche qui lui a été assignée. D’autre part, jusqu’à présent, seuls deux pays, le Burundi et l’Ouganda, ont déployé des troupes en Somalie. La résolution 1801 (2008) du Conseil a demandé instamment aux États Membres de fournir des ressources financières, du personnel et des équipements pour le plein déploiement de l’AMISOM. Le Conseil de sécurité devrait prendre une part active dans la mobilisation des ressources financières nécessaires, y compris les ressources logistiques.
Revenant sur le rapport du Secrétaire général et notamment sur le scenario nº4, qui prévoit le déploiement de Casques bleus, le représentant a estimé qu’il était impensable de penser à un tel déploiement en le conditionnant à la paix sur le terrain. Nous ne sommes en fait pas d’accord avec le raisonnement contenu dans le rapport du Secrétaire général. S’il n’y a pas de paix à maintenir, pourquoi le Conseil de sécurité a-t-il donc autorisé l’AMISOM qui agissait en fait en son nom? Je ne souhaite pas faire de parallèle mais j’aimerais citer l’exemple du Darfour, a dit M. Butagira. Personne ne peut dire avec certitude qu’il y a une paix à maintenir au Darfour, et pourtant les Nations Unies y ont autorisé le déploiement de soldats de la paix des Nations Unies. Nous ne devons pas donner l’impression qu’il y a deux poids deux mesures.
Le représentant a demandé instamment au Conseil de sécurité de mobiliser rapidement la communauté internationale, les Nations Unies devant prendre la tête des efforts de fourniture d’une aide logistique et financière à l’AMISOM pour qu’elle se déploie pleinement en Somalie. Nous appelons le Secrétaire général à répondre favorablement à la proposition du Président de l’Union africaine contenue dans la lettre en date du 20 février 2008, qui demande une enveloppe budgétaire. Cette enveloppe serait versée en soutien à l’AMISOM pour permettre son plein déploiement. Nous demandons aussi au Conseil de sécurité de finaliser les plans et d’agir rapidement afin de soutenir le plein déploiement de l’AMISOM, et ce, sans pré-conditions.
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