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CS/9036

LE PROCUREUR DE LA CPI DEMANDE L’AIDE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ ET DES ÉTATS MEMBRES POUR ARRÊTER AHMAD HARUN ET ALI KUSHAYB, ACCUSÉS DE CRIMES AU DARFOUR

7/06/2007
Conseil de sécuritéCS/9036
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Conseil de sécurité

5687e séance – matin


LE PROCUREUR DE LA CPI DEMANDE L’AIDE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ ET DES ÉTATS MEMBRES POUR ARRÊTER AHMAD HARUN ET ALI KUSHAYB, ACCUSÉS DE CRIMES AU DARFOUR


Le Conseil de sécurité, les États Membres, les États parties au Statut de Rome, et nos principaux partenaires que sont l’ONU, l’Union africaine et la Ligue des États arabes, doivent prendre les mesures nécessaires afin de demander au Soudan d’arrêter Ahmad Muhammad Harun et Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, alias Ali Kushayb, et de garantir qu’ils répondront de leurs actes devant la Cour pénale internationale (CPI), a déclaré ce matin Luis Moreno Ocampo, Procureur de la CPI, aux membres du Conseil de sécurité.


Leur rappelant qu’il avait, le 27 février dernier, présenté les éléments de preuves qu’il a recueillis aux juges de la CPI, Luis Moreno-Campo présentait ce matin aux membres du Conseil de sécurité le cinquième des rapports semestriels par lesquels le Procureur de la CPI doit informer le Conseil de l’évolution de la situation au Darfour, conformément aux termes de la résolution 1593 (2005).  Par ce texte, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité avait décidé de déférer au Procureur de la CPI la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002.


Ahmad Harun, ancien ministre délégué chargé de l’intérieur du Gouvernement du Soudan,  et Ali Kushayb, chef de milice janjaouite, sont sous le coup de mandats d’arrêt délivrés par les juges de la CPI le 27 avril 2007, au regard de leur responsabilité pénale dans des crimes décrits par l’Accusation au travers de 51 chefs d’accusation pour crime contre l’humanité parmi lesquels la persécution, le meurtre, le viol et d’autres formes de  violences sexuelles, la torture, les traitements cruels, l’emprisonnement illicite, le pillage et le transfert illégal de civils, ainsi que pour des crimes de guerre commis dans la province soudanaise du Darfour, a indiqué M. Moreno Ocampo. 


Au cours de sa présentation, le Procureur a également fait le point sur les activités entreprises depuis le dernier rapport présenté au Conseil le 14 décembre 2006, à savoir la mission que l’Accusation a menée à Khartoum du 27 janvier au 7 février 2007; la requête que l’Accusation a présentée à la Chambre préliminaire et la décision des juges qui a suivi; les activités d’enquête et d’observation en cours, et les efforts déployés en vue d’obtenir une coopération du Soudan. 


Le Bureau du Procureur, a expliqué M. Luis Moreno Ocampo, a présenté sa requête à la Chambre préliminaire le 27 février.  Il estimait que les éléments de preuve présentés offraient des motifs raisonnables de croire qu’Ahmad Harun, et Ali Kushayb avaient uni leurs efforts en vue de persécuter et d’attaquer les civils du Darfour.  Au travers de cette affaire, a ajouté le Procureur, l’Accusation démonte le système qu’Ahmad Harun avait mis en place pour recruter, financer et armer les milices janjaouites appelées à se battre aux côtés des forces armées soudanaises, avant de les exhorter à s’en prendre à la population civile et à commettre des crimes à grande échelle.  Au travers de cette affaire, l’Accusation prouve qu’Ali Kushayb était l’une des chevilles ouvrières de ce système, qu’il assurait en personne la livraison d’armes et dirigeait les attaques contre des villages.  Agissant de concert, ils ont commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, a souligné le Procureur.


Les juges de la Cour ayant délivré le 27 avril 2007 des mandats d’arrêt à l’encontre des deux accusés, il importe désormais de veiller à ce que ces personnes comparaissent devant la Cour, et c’est un enjeu majeur qui nécessite la coopération sans faille de tous.  Le Conseil de sécurité et les organisations régionales concernées doivent donc assumer un rôle de chef de file en invitant le Soudan, en tant qu’État territorial, à arrêter  ces deux personnes et à garantir leur comparution, a insisté M. Moreno Ocampo.


La situation demeure préoccupante au Darfour, a signalé le Procureur de la CPI.  Ce ne sont pas moins de quatre millions de personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire dans la région, soit les deux tiers de la population de la province du Darfour.  Le pays compte, à l’intérieur de ses frontières, deux millions de personnes déplacées qui restent des plus vulnérables.  Les attaques se poursuivent à l’encontre de ses personnes et du personnel international et il n’est pas rare que les autorités soudanaises entravent la fourniture d’aide.  Le chef d’orchestre de cette situation désastreuse n’est autre que la personne recherchées par la Cour, et qui est aujourd’hui ministre délégué aux affaires humanitaires, M. Ahmad Harun, a déclaré le Procureur de la CPI. 


Notre Bureau, a encore indiqué le Procureur, note avec inquiétudes des récentes allégations concernant des crimes commis au Darfour et relevant de la compétence de la Cour.  Il est clairement établi que des attaques ont été menées contre le personnel des Nations Unies, de l’Union africaine ou d’organisations humanitaires.  Selon certains rapports, le Gouvernement du Soudan aurait procédé à des frappes aériennes aveugles et disproportionnées qui ont eu pour conséquence la destruction de biens, la perte de vies humaines, et de nouveaux déplacements de civils.  De même, certaines allégations font état de crimes commis par les forces rebelles. 


Revenant dans le détail sur le déroulement de l’enquête ouverte le 1er juin 2005, le Procureur de la CPI a précisé que la collecte des éléments de preuve a concerné avant tout une série d’incidents qui ont eu lieu en 2003 et en 2004, soit une période au cours de laquelle on dénombre le plus de crimes.  Le Procureur a toutefois précisé que des crimes ont été commis à partir du mois d’août 2002 dans le contexte d’un conflit armé opposant les forces soudanaises de sécurité, associées aux milices janjaouites, et les groupes rebelles organisés, parmi lesquels figurent l’Armée de libération du Soudan et le Mouvement pour la justice et l’égalité.  La campagne de lutte contre la rébellion a pris un nouvel élan à partir de 2003 et s’est soldée par des attaques à l’encontre de la population civile.  Ces attaques ont été menées au motif que des dizaines de milliers de civils habitant les villages ou leurs alentours soutenaient les forces rebelles.  Cette stratégie a servi à justifier les meurtres et les viols à grande échelle de civils dont il ne faisait aucun doute qu’ils ne participaient à aucun conflit armé, a dit Moreno Ocampo. 


Le Procureur est également revenu dans le détail sur les agissements d’Ahmad Harun et d’Ali Kushayb.  M. Harun, qui était entre avril 2003 et septembre 2005 Ministre délégué chargé de l’intérieur, et qui est aujourd’hui Ministre délégué aux affaires humanitaires, a engagé une stratégie de recrutement et de financement des miliciens/janjaouites, afin qu’ils se battent aux côtés des forces armées soudanaises.  Composés de représentants de l’armée, de la police, et des services de renseignements du Soudan, les comités de sécurité nationaux et locaux du Darfour faisaient rapport, à cette époque, à Ahmad Harun.  Celui-ci, a insisté le Procureur, a en toute connaissance de cause contribué à la commission de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en recrutant, en armant, et en encourageant les milices/janjaouites, alors qu’il savait quelles atrocités ces groupes armés allaient commettre.


Ali Kushayb, a signalé le Procureur, a été impliqué dans plusieurs épisodes tristement célèbres qui se sont déroulés à Arawala, où des femmes ont été violées par des hommes placés sous son commandement.  Il a participé personnellement à l’exécution d’au moins 32 hommes de Mukjar, a ajouté Moreno Ocampo. 


Passant aux activités actuelles du Bureau du Procureur, M. Moreno Ocampo a signalé que la prochaine étape devrait être celle de l’arrestation et de la remise d’Ahmad Harun et d’Ali Kushayb, avant que ne soient engagées les procédures se rapportant à la confirmation des charges.  L’enquête relative à cette affaire se poursuit en prévision d’autres procédures devant les chambres préliminaires et de première instance, a précisé le Procureur.  Par ailleurs, le Bureau continue de mener des activités relatives à la protection des victimes et des témoins, et de recueillir des informations à propos des crimes que commettent l’ensemble des parties au conflit au Darfour.  Le Bureau s’intéresse également au débordement de la violence au Tchad, y compris dans les camps de réfugiés, et en République centrafricaine, deux États parties au Statut de Rome, a indiqué le Procureur.


M. Moreno Ocampo a ajouté que son Bureau avait annoncé l’ouverture d’une enquête en République centrafricaine qui se concentre sur les crimes qui y auraient été commis en 2002 et 2003, et qu’il continuait à suivre la situation sur l’ensemble de la République centrafricaine.


S’agissant de la recevabilité, le Procureur a fait part des efforts déployés par les autorités soudanaises en matière d’obligation de rendre des comptes dans le cadre du Darfour, précisant que son Bureau avait obtenu du Gouvernement soudanais des renseignements à propos de la nature du système juridique soudanais et des questions spécifiques ayant trait à la mise en place d’enquêtes ou d’initiatives de réconciliation entre les tribus en rapport avec les crimes qui auraient été commis au Darfour.


En décembre 2006, le Bureau du Procureur de la CPI a indiqué au Conseil de sécurité qu’il avait demandé au Gouvernement du Soudan de faire le point sur la situation de ses procédures nationales, a signalé M.  Moreno Ocampo.  A cet égard, il a indiqué que le Ministère soudanais de la justice lui avait écrit qu’Ali Kushayb figuraient parmi quatorze personnes arrêtées pour des incidents concernant les régions de Shattaya, au Darfour-Sud, et de Deleig, au Darfour-Ouest.


Au cours d’une mission du Bureau à Khartoum du 27 janvier au 7 février afin de recueillir des informations sur l’évolution de la situation, l’Accusation a rencontré plusieurs hauts représentants des autorités soudanaises, a ajouté le Procureur.  A la suite de ces rencontres, il s’avère que les enquêtes menées par l’Accusation et la Commission d’enquête judiciaire à propos des crimes commis à Arawala en 2003 ne concernent pas les mêmes incidents, a indiqué le Procureur, regrettant par ailleurs que nulle mention ne soit faite de viol ou d’autres traitements inhumains, ni d’un rapport quelconque avec Ahmad Harun.


Si Ali Kushayb est sous le coup d’une enquête au Soudan à propos de certaines affaires, cette procédure ne concerne pas les mêmes incidents que ceux auxquels s’intéresse le Bureau du Procureur, a fait remarquer Moreno Ocampo.  Par ailleurs, s’agissant d’Ahmad Harun, rien n’indique qu’il soit ou ait été l’objet d’une enquête pénale en rapport avec le Darfour, a-t-il ajouté.


L’affaire que présente l’Accusation se concentre sur le fait qu’Ahmad Harun et Ali Kushayb ont uni leurs efforts de façon systématique et organisée afin d’attaquer les populations civiles du Darfour, a-t-il fait savoir.  Aucune enquête n’est menée au Soudan à propos de ce comportement criminel, a déploré le Procureur.  Les enquêtes soudanaises n’englobent pas les mêmes personnes ni les mêmes comportements que ceux qui font l’objet de l’affaire portée devant la Cour, et les procédures nationales ne traitent pas des mêmes incidents et concernent une gamme de comportements nettement plus restreinte.  L’Accusation a jugé, en conséquence, l’affaire recevable, a déclaré le Procureur de la Cour.  Dans la décision qu’elle a rendue le 27 avril 2007, la Chambre préliminaire a conclu que l’affaire concernant Ahmad Harun et Ali Kushayb relevait de la compétence de la Cour et semblait recevable, a-t-il ajouté.


Concernant les intérêts de la justice et des victimes, le Bureau poursuit les contacts dont il a déjà fait état avec des organisations internationales et avec des groupements locaux, des ONG et d’autres experts présents sur le terrain au Darfour, dans le but de mieux appréhender les points de vue des différentes communautés locales et d’informer les victimes des travaux du Bureau et de l’avancement de la justice, a poursuivi le Procureur.  Il a également indiqué que la Cour avait conçu un plan d’information public visant les communautés touchées, citant en exemple les visites du Greffier au Tchad voisin afin d’expliquer les activités judiciaires de la Cour et plus particulièrement les droits des victimes à participer à la procédure.  Il a à cet égard déclaré qu’au cours des débats, les participants avaient indiqué à quel point ils souhaitaient qu’Ahmad Harun et Ali Kushayb soient arrêtés.


Rappelant que selon les termes de la résolution 1593 du Conseil de sécurité, le Gouvernement du Soudan et toutes les autres parties au conflit du Darfour devaient coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur, le Procureur a indiqué que dans sa décision du 27 avril, la Chambre a décidé que, dès que cela serait réalisable, le Greffier transmettrait deux demandes de coopération aux fins de l’arrestation et de la remise d’Ahmad Harun et Ali Kushayb aux autorités soudanaises compétentes, à tous les États parties au Statut de Rome de la CPI, et à tous les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, de même qu’à l’Égypte, à l’Érythrée, à l’Éthiopie et à la Libye.  Le Procureur a informé le Conseil que la décision de la Chambre préliminaire et les mandats d’arrêts sont publics depuis le 1er mai 2007.


Si la coopération avec le Gouvernement du Soudan a permis d’obtenir des renseignements relatifs à certains documents, en particulier ceux émanant de la Commission nationale d’enquête, et d’organiser cinq missions à Khartoum, certaines demandes restent néanmoins en suspens, a regretté M. Moreno Ocampo en précisant qu’il s’agissait notamment de celles relatives à l’interrogatoire d’Ahmad Harun, qui a été présentée en novembre 2006, et de celle ayant trait à Ali Kushayb, soumise en janvier 2007.


Par ailleurs, le Soudan ayant annoncé publiquement à plusieurs reprises qu’il ne collaborerait pas avec la Cour, la Chambre a décidé de délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre des deux individus accusés dans sa décision du 27 avril, a indiqué le Procureur, avant de préciser que la priorité consistait désormais à exécuter la décision de la Cour en procédant à l’arrestation et à la remise des deux accusés, et que l’État du Soudan avait l’obligation juridique et l’autorité de le faire.


Il a par la suite fait part au Conseil des activités de coopération avec l’Union africaine qui se font sous forme de rencontres régulières avec des représentants d’États africains et ont trait à l’évolution de l’enquête menée au Darfour.  M. Moreno Ocampo a annoncé que peu après la présentation du rapport, les chefs des trois organes de la Cour rencontreront le Président de l’Union africaine, qui en ce moment est le Président du Ghana, John Kufuor, et que le Procureur lui fournira les dernières informations concernant les activités de son Bureau.


En ce qui concerne la coopération avec les autres États et organisations, M. Moreno Ocampo a rappelé qu’il incombait au Gouvernement du Soudan et au Conseil de sécurité, en collaboration avec les autres organisations de rétablir la sécurité au Darfour par une démarche concertée, collective et coordonnée.  Reconnaissant le caractère essentiel de l’information entre les différents partenaires, M. Moreno Ocampo a indiqué qu’ils fournissaient régulièrement des informations à la Ligue des États arabes à propos de l’enquête mais qu’il était primordial que les membres de la Ligue comprennent que le Bureau doit faire preuve d’indépendance et d’impartialité au moment d’exécuter le mandat juridique et judiciaire.


En conclusion, il a indiqué que le Bureau se préparait désormais à mettre un terme à la collecte d’éléments de preuve, de manière à être prêt, en vue de la comparution devant la Cour d’Ahmad Harun et Ali Kushayb, et en prévision de la tenue, par la Chambre préliminaire, de l’audience de conformation des charges qui pèsent sur eux.  A cet égard, il est indispensable que ces deux personnes soient arrêtées puis comparaissent devant la Cour, a-t-il insisté.  Parallèlement à cela, le Bureau continue de recueillir des informations et d’analyser les allégations concernant des crimes qui seraient commis en ce moment par l’ensemble des parties en conflit au Darfour.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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