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CS/8833

FACE À UN ACCORD GLOBAL DE PAIX INAPPLIQUÉ, LES MEMBRES DU CONSEIL ESTIMENT QUE LE MANDAT DE LA MISSION DES NATIONS UNIES AU SOUDAN DOIT ÊTRE PROROGÉ

18/09/2006
Conseil de sécuritéCS/8833
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

5528e séance – après-midi


FACE À UN ACCORD GLOBAL DE PAIX INAPPLIQUÉ, LES MEMBRES DU CONSEIL ESTIMENT QUE LE MANDAT DE LA MISSION DES NATIONS UNIES AU SOUDAN DOIT ÊTRE PROROGÉ


La délégation américaine annonce qu’elle fera circuler un projet de résolution tenant compte de la nécessité de l’élargissement de la Mission


Réunis aujourd’hui pour examiner le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS), les membres du Conseil de sécurité ont estimé qu’en dépit de quelques progrès accomplis au Sud-Soudan, la situation dans l’ensemble du pays, et en particulier au Darfour, reste très préoccupante.


À l’instar du Secrétaire général, la plupart des délégations ont regretté le retard dans l’application de l’Accord de paix global.  Le représentant du Pérou est allé plus loin en déclarant que l’application de l’Accord était au point mort.  À l’exception du Gouvernement soudanais et de la faction Mini Minawi, de l’Armée de libération du Soudan qui l’ont signé, plus de cinq groupes rebelles ont rejeté l’Accord de paix global.


Ce sont en particulier les dispositions portant sur le partage des pouvoirs et la répartition des richesses qui divisent les parties, ce qui est gravement préjudiciable, ont estimé les membres du Conseil, dans la mesure où ces domaines constituent la pierre angulaire de l’Accord, notamment en ce qui concerne les recettes pétrolières, la délimitation de la frontière Nord-Sud, dont le statut du secteur disputé d’Abyei, et les autres groupes armés.


Or, comme l’a souligné le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, Jan Pronk, cet instrument est d’autant plus important qu’il demeure le fondement sur lequel s’appuierait l’Accord de paix au Darfour, une région dévastée par les violences et une crise humanitaire sans précédent.  Comme l’a rappelé le représentant de la Grèce, la paix est indivisible au Soudan.  Il est donc urgent de relancer l’Accord de paix global, un instrument généralement acceptable dans sa forme actuelle, en enjoignant toutes les parties à le signer, et en reprenant des consultations intensives avec celles-ci en vue de l’améliorer, a recommandé M. Pronk.


En outre, devant la dégradation des conditions de sécurité au Darfour, il est indispensable de proroger le mandat de la Mission de l’Union africaine (MUAS) au-delà du 30 septembre, a déclaré le représentant de la Fédération de la Russie.  Même si ses troupes n’ont pu jusqu’à présent qu’éviter l’escalade, leur présence est indispensable jusqu’à l’arrivée d’une force de transition des Nations Unies dotée d’un mandat et d’effectifs renforcés pour faire appliquer l’Accord de paix au Darfour.  La réforme de la Commission de cessez-le-feu est également indispensable, dans la mesure où cet organe a été « confisqué » par les signataires de l’Accord et se révèle parfaitement inefficace, a déclaré le Représentant spécial.


Alors que la plupart des délégations ont exprimé leur soutien à la proposition du Secrétaire général de proroger de douze mois le mandat de la MINUS et leur volonté de voir la résolution 1706 mise en œuvre, le représentant des États-Unis a annoncé pour sa part qu’il allait soumettre un projet de résolution qui prévoit de renouveler le mandat de la MINUS, qui doit expirer le 24 septembre, afin que soit assurée la continuité des opérations dans le Sud.  Ce projet de résolution prendra aussi en considération l’élargissement du rôle de la MINUS, a précisé John Bolton.


Si la délégation britannique a jugé inacceptable que les autorités soudanaises refusent le déploiement d’une force des Nations Unies au Darfour, Jan Pronk a rappelé que leur approbation demeurait indispensable.  Dans le cas où le Gouvernement du Soudan persisterait dans son refus, il serait alors temps d’examiner l’idée de déployer une force de l’Union africaine intégrée dans le giron de l’ONU, une option qui pourrait être acceptable pour le Gouvernement soudanais dans la mesure où il s’agirait d’une mission conjointe, a souligné le Représentant spécial.


Outre ceux déjà cités, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Argentine, France, Danemark, République-Unie de Tanzanie, Japon, Chine, Slovaquie, Fédération de Russie, République du Congo, Ghana et Qatar.



RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN


Rapport du Secrétaire général sur le Soudan (S/2006/728)


Le rapport du Secrétaire général sur le Soudan constate qu’un an après l’avènement du Gouvernement d’unité nationale, les parties ont accompli des progrès mais que ceux-ci sont limités.  Si les engagements pris en matière de sécurité sont plutôt tenus, l’application de plusieurs autres dispositions importantes de l’Accord de paix global a pris du retard.  Il semble malheureusement que cette application se fasse sur une base sélective, note Kofi Annan.  Les parties n’ont pas pu résoudre certains contentieux importants et ont très peu progressé dans les domaines essentiels du partage du pouvoir et des richesses.  Or, rappelle le rapport, ces domaines constituent la pierre angulaire de l’Accord, notamment en ce qui concerne les recettes pétrolières, la délimitation de la frontière Nord-Sud, dont le statut du secteur disputé d’Abyei, et les autres groupes armés.


Le Secrétaire général constate en outre que les parties ont très peu avancé en ce qui concerne la préparation des élections nationales.  « Il importe de leur rappeler qu’aucun engagement figurant dans l’Accord n’est facultatif.  Elles doivent remplir toutes leurs obligations rapidement et pleinement », souligne M. Annan.  Alors que les divers organes chargés du cessez-le-feu prévus dans l’Accord fonctionnent convenablement, les restrictions qui sont actuellement imposées aux activités de surveillance de la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS) dans la région d’Abyei constituent une violation claire de l’Accord de paix global.  M. Kofi Annan considère qu’il est inacceptable que la Commission politique de cessez-le-feu ne soit pas parvenue à un compromis politique sur cette question qu’il juge fondamentale.  Il engage cet organe à trouver une solution à cette question dans les plus brefs délais.


Le Secrétaire général croit que le peuple soudanais fonde de grands espoirs sur les dividendes de la paix mais constate que ces attentes n’ont pas été satisfaites à ce jour.  M. Annan rappelle que les Nations Unies ont considérablement élargi les activités humanitaires et de relèvement avec des ressources limitées.  Il souligne que les donateurs devront tenir les engagements pris à la Conférence d’annonce de contributions d’Oslo de 2005 et invite de nouveau la communauté internationale à tenir ses engagements dans les délais voulus.  Pour Kofi Annan, l’application de l’Accord de paix global entre dans une phase nouvelle et périlleuse.


Au cours des prochains mois, les parties devront progresser en ce qui concerne la réforme du secteur de la sécurité, le recensement national et les élections tout en poursuivant de façon active et déterminée l’exécution des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion afin de lutter contre le fléau des armes légères, souligne le Secrétaire général.  C’est pourquoi, il appelle la communauté internationale à aider le peuple soudanais à faire face à ces nouveaux défis et à appuyer la mise en œuvre de l’Accord de paix global financièrement, techniquement et politiquement.  Il est clair, ajoute-t-il, que l’application de l’Accord constitue un défi redoutable.  L’histoire du Soudan, rappelle-t-il, montre bien que la paix est indivisible.  Il estime que les progrès accomplis dans les pourparlers sur l’est du Soudan sont encourageants.  Ceux-ci lui donnent l’espoir qu’ils aboutiront à un accord global et durable.


Évoquant enfin la question du Darfour, le Secrétaire général ajoute que les efforts entrepris pour appliquer l’Accord de paix global ne suffiront pas si cette région ne connaît pas une paix durable.  À l’inverse, cet accord demeure le fondement sur lequel s’appuierait l’Accord de paix au Darfour, quand bien même il semble aujourd’hui instable.  Le peuple et les dirigeants du Soudan doivent, avec l’appui actif de la communauté internationale, aller dans ces deux directions pour que le pays puisse enfin sortir du conflit et de l’instabilité, ajoute M. Annan.  Le Secrétaire général des Nations Unies espère sincèrement que les dirigeants du Soudan sont pleinement conscients des conséquences qui peuvent découler de leur réaction négative aux propositions généreuses de la communauté internationale concernant le Darfour.  Il ne peut y avoir de solution durable au Darfour par la contrainte et la violence, note-t-il.  L’ONU est prête à suivre le chemin du dialogue politique et, croit-il, les Soudanais eux-mêmes y sont disposés comme ils l’ont affirmé à Abuja.  Kofi Annan affirme que le Conseil de sécurité jouera un rôle déterminant dans ce processus, mais que son efficacité dépendra de sa capacité à parler et agir en toute unité.  En définitive, note-t-il, les dirigeants de Khartoum seront entièrement responsables de la voie qu’ils auront choisie.  En conclusion, le Secrétaire général recommande que le Conseil de sécurité proroge le mandat de la MINUS pour une période de 12 mois s’achevant le 24 septembre 2007.


Exposé


M. JAN PRONK, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, a rappelé que l’an dernier il avait annoncé au Conseil de sécurité que l’Accord global de paix entre le nord et le sud du Soudan était sur les rails.  C’est toujours le cas mais le parcours est chaotique et le train peut facilement dérailler.  Pour M. Pronk, la paix est fragile et le fossé de défiance qui existe entre le nord et le sud du Soudan s’élargit.  Le Représentant spécial a annoncé que le déploiement de la MINUS était pratiquement achevé dans le Sud-Soudan.  Par ailleurs, a indiqué M. Pronk, la Mission s’est acquittée de son mandat dans l’est et les troupes se sont retirées de la zone.  Les autorités ont assuré à l’ONU que les efforts en matière humanitaire et de développement se poursuivraient.  Le peuple soudanais a pu réaliser que l’ONU était venue à l’invitation des autorités et qu’il n’était pas question de recoloniser le pays, contrairement à ce qu’on a pu dire dans d’autres régions du pays au sujet des Nations Unies.  Nous continuons de suivre les pourparlers entre le Gouvernement soudanais et le Front de l’Est.  Les deux parties ont dit espérer signer un accord avant le début du Ramadan.


Pour le sud, la mise en œuvre de l’Accord, même si elle est lente, se poursuit.  L’Assemblée législative du Sud-Soudan se réunit régulièrement et est le lieu d’un débat sain.  L’environnement politique a encouragé des médias relativement libres.  La Commission militaire mixte de cessez-le-feu reste la pierre angulaire de l’Accord de paix global.  La violence ne s’est pas ralentie dans l’ensemble du Sud: conflits tribaux, pillage du bétail, criminalité.  Cependant, notre présence a été utile en empêchant l’escalade.  L’assistance internationale est indispensable dans la formation des combattants du SPLA pour faire de ce mouvement une armée professionnelle et démocratique.


L’absence de services de base concernant l’eau, la santé et l’éducation ont amené les gens à se demander s’il existait une différence entre leur vie quotidienne et la survenue de la paix.  Le Sud-Soudan a besoin d’une assistance pour son développement.  Près de 300 km de routes ont été déminées, l’UNICEF a fourni du matériel scolaire pour 1,6 millions d’écoliers.  Quelque 160 000 personnes déplacées sont rentrées entre janvier et juillet 2006.  Avec la fin de la saison des pluies, un grand nombre de personnes rentrées dans leurs foyers vont avoir besoin des services de base.  Nous avions placé de grands espoirs sur la Commission politique de cessez-le-feu qui, à notre grand regret, a montré qu’elle n’était pas en mesure de s’acquitter de son rôle Au lieu d’être un organisme politique qui résout des questions politiques, la Commission est devenue un club légaliste qui veille au statu quo.


Aucun progrès n’a été réalisé sur la question d’Abyei.  Résultat, cette zone contestée demeure dépourvue de toute structure gouvernementale, laissant la population sans police organisée, sans services de santé.  Abyei constitue un test pour la mise en œuvre de l’Accord de paix global.  Dans le secteur clef du pétrole, les parties continuent d’être en désaccord sur le statut de la Commission pétrolière nationale.  Le calcul des revenus pétroliers et leur répartition pâtissent du manque de transparence nécessaire pour assurer équité et précisions. La démarcation de la frontière Nord-Sud demeure non résolue.  La Commission frontalière n’a, à ce jour, entrepris aucun travail significatif.  Cette tâche est urgente car l’absence de frontière clairement définie a des conséquences pour le redéploiement des forces, la répartition des revenus du pétrole, les élections et au bout du compte le référendum d’autodétermination.


Les progrès accomplis dans les pourparlers de paix entre le Gouvernement ougandais et l’Armée de libération du Soudan sont un motif d’espoir.  Si la cessation des hostilités venait à se poursuivre, la paix pourrait être ramenée dans le nord de l’Ouganda, ce qui aurait une influence significative dans la région, y compris au Soudan.  Par ailleurs, les autorités continuent d’étouffer toute opposition dans le nord du Soudan, où les violations des droits de l’homme se multiplient.  Aucun progrès n’a été réalisé pour rendre conforme à la nouvelle constitution les lois nationales sur la sécurité.  Se félicitant ensuite que le Gouvernement soudanais ait respecté sa promesse de mettre fin aux expulsions forcées dans les camps de personnes déplacées à Khartoum, le Représentant spécial a toutefois regretté qu’il ait commencé à démolir les logements d’une importante communauté établie dans le site de Dar es-Salaam.  Des milliers de personnes ont été contraintes de quitter les lieux en l’absence de services de base, un traitement inhumain qui constitue une violation flagrante du droit international humanitaire.  M. Pronk a également déploré l’assassinat du journaliste soudanais Muhammad Taha, revendiqué par Al-Qaïda, et perpétré au moment où la presse locale a gagné en diversité et en liberté d’expression.


Saluant le Gouvernement soudanais pour avoir conclu l’Accord sur le statut des forces, le Représentant spécial a rappelé qu’il avait dit que la mise en œuvre d’un tel accord indiquerait son succès ou son échec.  Il a déclaré ne plus en être sûr à présent, alors que les autorités soudanaises continuent d’arrêter et de détenir des personnels locaux, voire internationaux, de la Mission des Nations Unies au Soudan.  La radio des Nations Unies n’a pas été autorisée à émettre, tandis que l’accès aux membres de l’ONU a été restreint dans certaines zones. 


Évoquant la situation au Darfour, M. Pronk a rappelé qu’après quatre mois d’existence, l’Accord de paix global était pratiquement resté lettre morte.  Seuls le Gouvernement et la faction Mini Minawi de l’Armée de libération du Soudan l’ont signé.  Les parties qui ont choisi de ne pas y adhérer ont été exclues des institutions, en particulier de la Commission de cessez-le-feu.  Cela n’a fait que diviser davantage les mouvements rebelles, qui sont maintenant entre cinq et sept, notamment le Front national de rédemption qui est responsable d’une attaque dans l’ouest de Kordofan.  Cet incident a fourni au Gouvernement un prétexte pour poursuivre les hostilités, supposément pour protéger les populations civiles.


Depuis sa signature, a continué le Représentant spécial, l’Accord de paix au Darfour a été bafoué jour après jour, semaine après semaine.  La pratique du viol comme instrument de la terreur est désormais fréquente, les assaillants ne montrant aucune pitié à l’encontre des femmes et des enfants.  Les violences et les exactions sont monnaie courante à l’intérieur des camps de personnes déplacées et à proximité.  Il est tragique qu’aucune de ces violations n’ait été examinée par la Commission de cessez-le-feu.  L’impunité qui en résulte a conduit la majorité de la population du Darfour à cesser de croire en l’Accord de paix au Darfour.  Cet Accord, même s’il est bon d’un point de vue théorique, mérite de nouvelles consultations pour obtenir l’approbation des parties qui ne l’ont pas encore signé.  Évoquant ensuite les insinuations des dirigeants politiques soudanais au pouvoir, le Représentant a rappelé que l’ONU n’avait pas d’autre objectif que celui de protéger le peuple soudanais tout en respectant la souveraineté du Soudan.  Jan Pronk a conclu en soulignant la nécessité de maintenir la présence de l’Union africaine sur le terrain jusqu’à l’arrivée d’une force de transition des Nations Unies avec l’accord du Gouvernement soudanais.


Déclarations


Lord TRIESMAN (Royaume-Uni) a estimé que le succès de l’Accord de paix global au Sud-Soudan aurait des retombées sur l’issue de la crise au Darfour.  Il est inacceptable que le Soudan ait refusé l’idée d’une force des Nations Unies au Darfour malgré la présence d’une autre force onusienne dans une autre région du pays.   Nous sommes à un moment critique face à la situation au Darfour.  Tout combat doit cesser.  Les parties en présence doivent mettre en œuvre l’accord conclu, a ajouté le représentant britannique.  Nous essayons de convaincre le Gouvernement de Khartoum d’accepter une relève de la Mission de l’Union africaine.  Il faut que l’aide humanitaire parvienne à la région, ainsi qu’à l’est du Tchad, a-t-il ajouté.  Tout gouvernement a le devoir de protéger ses propres citoyens mais il est clair que Khartoum ne protège pas ceux du Darfour, ce qui justifie une présence internationale et c’est ce qui a été fait dans le sud du Soudan.  Nous devons redoubler d’effort à l’ONU, au sein de l’Union Africaine, de la Ligue des États arabes pour convaincre le Gouvernement et le peuple soudanais des avantages de la paix.  Il ne s’agit pas de sauver la face mais de sauver des vies.


M. MARTÍN GARCIA MORITÁN (Argentine) a déclaré que les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix étaient peu encourageants.  Il faut maintenant avancer sur les questions du partage des pouvoirs et des richesses prévues par l’Accord, particulièrement en ce qui concerne l’exploitation du pétrole et les contrats pétroliers, a estimé le représentant, qui a également cité la nécessité pour le Soudan de se pourvoir d’une législation en matière de droits de l’homme, de service civil, de commissions électorales et de délimitation territoriale.  En outre, le représentant a demandé aux autorités soudanaises de lever les restrictions imposées aux mouvements du personnel humanitaire dans certaines zones, restrictions qui gênent considérablement l’application de l’Accord.  La paix, a poursuivi la délégation, ne sera possible que lorsque les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion auront été intégralement mis en œuvre afin de prévenir la prolifération des petites armes au Soudan.  En outre, l’Accord de paix global doit constituer la base même de l’application de l’Accord de paix au Darfour.  À cette fin, il serait souhaitable que les deux instruments bénéficient du soutien de toutes les parties.


M. JEAN-PIERRE LACROIX (France) a relevé un certain nombre de points encourageants.  Ainsi, la stabilité des situations sécuritaire et humanitaire est positive, car sans elle, aucun autre progrès ne serait possible.  La mise en œuvre du volet sécuritaire de l’Accord de paix global est assurément encourageante, a-t-il poursuivi.  Le retrait des forces armées des parties de certaines zones où elles étaient précédemment déployées, qui semble s’effectuer dans l’ensemble conformément à l’Accord, va également dans le bon sens, selon la délégation.  Par ailleurs, la tenue de pourparlers sur l’est du Soudan permet d’espérer une résolution pacifique des problèmes de cette zone, tandis que la signature le 26 août dernier de l'accord de cessation des hostilités entre le Gouvernement ougandais et l’Armée de résistance du Seigneur pourrait contribuer à l'amélioration de la sécurité des populations du Sud-Soudan.  Toutefois, en dépit de ces points, il est clair que le processus de paix au Sud-Soudan demeure très fragile.  Au-delà des questions de sécurité, plusieurs volets essentiels de l’Accord ont pris un retard considérable, quand ils ne sont pas purement et simplement au point mort.  Ce constat préoccupe d’autant plus la France que ces différents volets -partage des richesses, partage du pouvoir- touchent aux causes profondes du conflit.  M. Lacroix a donc demandé à M. Pronk de lui indiquer si, au-delà du report de 2008 à 2009 de la tenue des élections nationales, le calendrier prévu pour l’Accord de paix global était susceptible d’être remis en cause par les retards actuels.  Il a estimé que la levée de certaines difficultés administratives serait la première des mesures que devrait prendre le Gouvernement d’unité nationale pour accélérer l’application de cet Accord.


La délégation française, a-t-il dit, souhaite réitérer sa très grande préoccupation quant à la situation au Darfour, dont M. Pronk a rappelé l’évolution inquiétante et les conséquences sur les populations civiles.  Le représentant de la France a souligné en conclusion la nécessité de poursuivre les efforts vis-à-vis du Gouvernement soudanais afin que les Nations Unies puissent prendre aussi vite que possible le relais de l’opération de l’Union africaine, conformément à la résolution 1706.


M. JOHN BOLTON (États-Unis) a reconnu que la MINUS et le système des Nations Unies au sens large avaient joué un rôle clef dans le soutien de la mise en œuvre de l’Accord de paix global.  Selon M. Bolton, les efforts des parties prenantes pour mettre en place les provisions prévues en matière de sécurité ont réduit la probabilité d’un nouveau conflit au Sud-Soudan.  Certes, a-t-il reconnu, il reste beaucoup à faire, les parties ont montré qu’elles pouvaient continuer à résoudre, par la coopération, les problèmes qui se posent depuis longtemps.  Cela a été rendu possible dans une atmosphère de sécurité assurée par les Casques bleus.  Dans les jours à venir, a estimé le représentant américain, il sera crucial que se produise une désescalade du conflit similaire.


Face à la poursuite de la violence, le Conseil de sécurité se doit impérativement de réitérer le besoin qu’une opération onusienne prenne le relais de la Mission de l’Union africaine au Soudan.  M. Bolton estime que le Gouvernement d’unité nationale au Soudan doit se montrer capable de faire au Darfour ce qu’il a fait au Sud-Soudan après des décennies de conflit.  Le représentant des États-Unis a annoncé, par ailleurs, qu’il allait soumettre un projet de résolution sur le Soudan pour lequel sa délégation prévoit de convoquer une réunion au niveau des experts demain, mardi 19 septembre.  Ce texte visera à renouveler le mandat de la MINUS, qui doit expirer le 24 septembre, afin que soit assurée la continuité des opérations dans le sud du pays.  Ce projet de résolution prendra aussi en considération l’élargissement du rôle de la MINUS.


Mme ELLEN MARGRETHE LØJ (Danemark) a souligné l’importance du rôle joué par la MINUS.  Elle a ensuite rappelé qu’aucun des engagements pris par les parties dans le cadre de l’Accord de paix global n’était facultatif, cet Accord nécessitant un appui important.  Le Soudan est aujourd’hui au centre de toutes les attentions en raison de la situation préoccupante au Darfour, a poursuivi la délégation danoise, qui s’est félicitée du dialogue engagé par l’Union africaine.  Sa représentante a espéré que cela contribuerait à la mise en œuvre de la résolution 1706.  Évoquant la poursuite des attaques militaires et aériennes qui se multiplient dans la région, elle redoute qu’elles puissent constituer un obstacle à l’application de l’Accord de paix.  Le Gouvernement du Soudan aura cette semaine l’occasion de renoncer à sa rhétorique publique, a ajouté Mme Løj, qui espère qu’il sera possible de traiter la crise humanitaire au Darfour dans le cadre de la réunion qui se tiendra vendredi.  La représentante du Danemark a indiqué que son pays appuie la proposition du Secrétaire général de proroger le mandat de la MINUS de 12 mois.


M. TUVAKO N. MANONGI (République-Unie de Tanzanie) s’est félicité des progrès accomplis au Sud-Soudan et du fait que la MINUS ait contribué à ces progrès.  Il s’est dit inquiet du fait que les engagements en matière de sécurité n’aient pas été suivis d’effets.  Il s’est aussi préoccupé des restrictions imposées à la MINUS.  Sans progrès significatif, a-t-il estimé, l’Accord de paix au Darfour sera lui aussi entravé.  Nous pensons que l’Accord de paix au Darfour est le meilleur cadre pour la paix, convaincu qu’en dehors  de ce cadre, la recherche d’un accord n’est pas souhaitable.  Nous demandons aux parties de le respecter, a-t-il souligné.  Les missions de l’ONU sont dans l’intérêt du Soudan et elles ne vont pas dans le sens d’une recolonisation de ce pays qui a souffert des exactions du colonialisme. Le représentant de la Tanzanie a conclu en exprimant l’espoir que le Gouvernement de Khartoum accepterait le déploiement de la force des Nations Unies.


Mme ROMY TINCOPA (Pérou) a regretté que l’application de l’Accord de paix soit au point mort.  Il convient selon elle de travailler d’urgence à la répartition des pouvoirs et des richesses et à la composition de la Commission de cessez-le-feu, qui sont les dossiers les plus sensibles de cet Accord.  La représentante a en outre souscrit à l’invitation lancée par le Secrétaire général aux bailleurs de fonds pour qu’ils appuient l’assistance technique et financière aux efforts de reconstruction.  Elle a trouvé regrettable que les autorités soudanaises refusent de comprendre que le déploiement des forces des Nations Unies n’avait d’autre but que de protéger les populations locales dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Soudan.  Nous appuyons enfin la décision du Secrétaire général de proroger de douze mois le mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS), a conclu la représentante.


M. KENZO OSHIMA (Japon) s’est déclaré encouragé par les progrès faits dans l’application de l’Accord de paix global, tout en exprimant son inquiétude pour les retards.  À cet égard, il a cité en particulier la répartition des pouvoirs et des richesses.  Les restrictions aux activités de la MINUS sont inquiétantes, a-t-il ajouté.  Concernant le Darfour, le Japon appuie la demande de l’Union africaine pour l’assistance, notamment en matière de télécommunications.  La réalité au Darfour et le sort de l’Accord de paix nous préoccupent beaucoup.  Selon Jan Pronk, cet Accord était dans le coma, a rappelé le représentant du Japon qui a demandé au Représentant spécial du Secrétaire général d’expliquer comment il envisageait la situation à long terme.


M. LI JUNHUA (Chine) a rappelé que le Gouvernement d’unité nationale s’était engagé à mettre en œuvre les dispositions de l’Accord de paix global et que certains progrès avaient été accomplis.  La Chine, a-t-il indiqué, se félicite que la Mission des Nations Unies au Soudan poursuit son déploiement, et appuie la proposition du Secrétaire général de proroger son mandat.  La délégation chinoise a ensuite insisté sur l’importance de l’assistance internationale, qu’il juge indispensable pour permettre aux populations de tirer des dividendes de la paix.  De l’avis de ma délégation, a ajouté le représentant, la question du conflit au Darfour a des incidences importantes sur le succès de la mise en œuvre de l’Accord de paix global.  Saluant le rôle très utile de la MINUS, le représentant a espéré qu’elle serait en mesure d’appuyer la MUAS, confrontée à de réelles difficultés sur le terrain.


M. PETER BURIAN (Slovaquie) s’est dit inquiet de l’abîme de confiance séparant les parties en présence.  Une autre priorité importante est l’amélioration de la sécurité et le représentant slovaque s’est félicité du rôle de la MINUS à cet égard.  Il a estimé que la MINUS pourrait jouer un rôle dans l’application de l’Accord de paix au Darfour.  Selon lui, les autorités de Khartoum auront la pleine responsabilité de la façon dont évoluera la situation au Darfour.  Le fait que certains mouvements n’aient pas signé l’Accord de paix ne justifie pas que des attaques soient lancées contre eux, a estimé le représentant de la Slovaquie.


M. KONSTANTIN K. DOLGOV (Fédération de Russie) a souligné la nécessité de se pencher de toute urgence sur les volets de l’Accord global de paix restés en suspens, notamment ceux qui portent sur la répartition des richesses, le partage des pouvoirs et la délimitation des frontières.  Selon lui, il va de soi que la responsabilité première de l’application de cet Accord incombe en premier lieu aux parties soudanaises.  La délégation a, en outre, estimé que cela contribuerait à régler les conflits dans l’ensemble de la région, y compris au Darfour.  Estimant que la Mission de l’Union africaine (MUAS) jouait un rôle essentiel dans la stabilisation de la situation dans cette région, le représentant a affirmé que son mandat devait être prorogé au-delà du 30 septembre.  Il a cependant souligné que le Conseil de sécurité devait poursuivre le dialogue avec Khartoum pour parvenir à une solution mutuellement acceptable par toutes les parties et convenir du rôle exact de la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS).


M. JUSTIN BIABAROH-IBORO (Congo) a noté que trop de lenteurs étaient constatées.  Tout en se félicitant des progrès accomplis, il a regretté que l’action de la MINUS se heurte à des obstacles.  Il a conclu que le rejet d’une force de paix onusienne par Khartoum et le terme qui serait mis à celle de l’Union africaine constituaient un risque énorme, compte tenu de la situation sur le terrain.  C’est pourquoi, sa délégation approuve dans un premier temps la prorogation du mandat de la MINUS.  Il s’est félicité par ailleurs de l’accord de paix conclu en Ouganda. 


M. ALBERT F. YANKEY (Ghana) a estimé qu’il serait logique que la MINUS, après avoir appuyé la MUAS, prenne sa relève, car cela serait un prolongement naturel de son mandat.  Il a ensuite souligné la nécessité pour le Gouvernement soudanais de prendre la décision d’accepter que tous les habitants du Soudan, quelle que soit leur appartenance ethnique, bénéficient des mêmes droits.  En ce qui concerne l’Accord de paix global, il a regretté que les dispositions concernant le partage de pouvoirs et des richesses n’aient pas été appliquées, ainsi que celles portant sur la délimitation des frontières dans le nord et le sud du pays.  S’agissant des sévices sexuels infligés comme armes de guerre, la délégation a demandé à Jan Pronk pourquoi la MINUS n’avait pas accès aux personnes déplacées.  Par ailleurs, selon l’évaluation du Représentant spécial, a-t-il noté, il semblerait que l’Accord de paix soit en cours d’anéantissement, en raison de divergences entre les parties concernées sur la question du partage des pouvoirs.  Regrettant que la MINUS n’ait pas accès à l’ensemble du territoire soudanais, le Ghana s’est demandé si elle était vraiment en mesure de jouer un rôle futur.  Il faudrait donc examiner la question du mandat, des effectifs et de la liberté de déplacement du personnel des Nations Unies.  Le représentant ghanéen a enfin souligné la nécessité de juger les coupables de crimes graves au Soudan.


M. MUTLAQ AL-QAHTANI (Qatar) a estimé que la présence de la Mission de l’Union africaine au Darfour était un élément essentiel.  Celle-ci doit rester, a-t-il estimé, en exprimant l’espoir que l’Union africaine proroge son mandat.  De tels efforts ne peuvent atteindre leur objectif sans l’appui des Nations Unies et en particulier du Conseil de sécurité de l’ONU, a-t-il ajouté.  Il a mis en garde contre les attitudes d’arrogance et contre la politique de « deux poids, deux mesures ».  Ceux qui se rendent coupables de violations doivent être sanctionnés et cela concerne aussi les groupes rebelles, a-t-il noté.  Il ne faut pas jeter le blâme sur le Gouvernement soudanais qui protège son territoire, a déclaré le représentant du Qatar qui a demandé à M. Pronk son avis sur cette question.


M. ADAMANTIOS VASSILAKIS (Grèce) a regretté que la mise en œuvre de l’Accord de paix global soit au point mort, notamment parce que les dispositions relatives au partage des richesses et du pouvoir n’ont pas été appliquées.  En outre, le fait que la Commission nationale des droits de l’homme n’ait pas encore été créée est un autre élément qui montre bien les difficultés rencontrées dans l’application de cet Accord.  En ce qui concerne le Darfour, nous sommes convaincus, à l’instar du Secrétaire général, que la paix au Darfour est indivisible, a déclaré le représentant de la Grèce, qui a réitéré la nécessité de mettre en œuvre au plus vite la résolution 1706 (2006).  Le représentant a demandé en conclusion à Jan Pronk ce que le Conseil de sécurité pourrait faire de mieux pour encourager toutes les parties à signer l’Accord de paix au Darfour.


Répondant aux observations formulées par les délégations, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan a estimé que s’il n’y a aucune raison de penser que les élections n’auront pas lieu dans deux ans, il n’y a toutefois aucun préparatif électoral en cours.  Un recensement préalable est nécessaire et comme celui-ci n’a pas commencé il va être difficile de tenir les délais pour l’organisation d’un scrutin qui ne semble guère intéresser les responsables locaux.  Concernant le Darfour, Jan Pronk a estimé qu’à très court terme, c’est-à-dire d’ici à la fin de l’année, il faut élargir l’appui à l’Accord conclu au Darfour, et mettre au point un meilleur accord.  Toutes les solutions que j’ai proposées pour que la trêve entre en vigueur ont été rejetées, a-t-il remarqué.  L’Accord du 9 mai 2006 prévoit que le Darfour sera un territoire démilitarisé. Dès sa signature, chacune des parties a cherché à élargir son territoire et les Nations Unies n’ont qu’un rôle d’observateur. 


Aujourd’hui, la Commission de cessez-le-feu est morte, a affirmé Jan Pronk.  À chaque réunion, il y a un affrontement entre les parties mais c’est cela l’intérêt des réunions si l’on veut au bout du compte parvenir à un compromis.  La Commission est donc moribonde, a renchéri le Représentant spécial.  Pour lui redonner vie, il faut y intégrer tous les autres groupes armés.  Les attaques se multiplient, a rapporté M. Pronk et, selon lui, on a de nouveau affaire à un conflit ouvert entre le Gouvernement et les différentes factions.  Plus on essaie de maintenir à l’écart ces dernières et moins on parviendra à un résultat.  L’Accord de paix est bon mais il faut reprendre les discussions avec tous, a-t-il répété.  La raison principale pour laquelle les gens sur le terrain ne croient pas à l’Accord de paix réside dans le fait que celui-ci ne prévoit rien concernant les Janjaouites.  Certains de ceux-ci ont été intégrés aux forces de sécurité, certes, mais les gens sur le terrain croient qu’ils restent actifs.  Or, pour arriver à un accord de paix, il faut que les Janjaouites soient neutralisés, a noté Jan Pronk.  Cette année, les pourparlers ont exclusivement porté sur le déploiement d’une force internationale.  Mais que convient-il de faire sur le terrain? Il convient selon lui de dissocier les différentes questions.  Il est important certes d’avoir rapidement en premier lieu une force puissante et nombreuse sur le terrain.  Peu importe que ce soit l’Union africaine ou les Nations Unies.  Il lui faut un mandat large comme cela est prévu par la résolution 1706, une force nombreuse et qui se déploie partout.


Le Représentant spécial a expliqué que les autorités soudanaises avaient été responsables d’actes odieux en 2003, un peu moins aujourd’hui.  Quels que soient ces crimes, leur approbation est indispensable.  Une négociation pourrait conduire à faire accepter la transition si un ensemble était négocié qui prenne en compte allègement de la dette, levée des sanctions et maintien au pouvoir, a précisé M. Pronk.  Le Gouvernement est anti-occidental, anti-ONU, parce qu’il y a des craintes que des groupes radicaux ne se retournent contre lui.  La décapitation du journaliste soudanais est certainement un signe adressé en ce sens.  Si vous examinez les choses qui ont été faites depuis février dernier, a déclaré à M. Pronk aux membres du Conseil, vous observerez qu’il y a une réelle cohérence dans sa fermeté contre la transition.  Il serait dès lors judicieux de réfléchir à la perspective d’un refus définitif du Gouvernement soudanais d’accepter l’invitation qui lui est faite.  De l’avis du Représentant spécial, les prorogations techniques de mandats ne sont pas une solution.  Il serait possible d’invoquer le Chapitre VIII de la Charte de l’ONU ou bien encore de financer un large appui à la MUAS par le budget de l’ONU plutôt que de se rendre de capitale en capitale.  Une force de l’Union africaine intégrée dans le giron de l’ONU pourrait paraître acceptable au Gouvernement soudanais dans la mesure où il s’agirait d’une mission conjointe.  Cette solution est envisageable, encore une fois, si la main tendue au Soudan n’est pas acceptée.


En outre, il faut aussi traiter des causes profondes du conflit au Darfour et donc entamer un dialogue avec les tribus nomades de la région.  Le volet tribal n’est pas pris suffisamment en compte, alors qu’il est à l’origine de graves incidents liés à des enjeux économiques et territoriaux et à la question de l’eau, a conclu M. Pronk.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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