LE CONSEIL DE SECURITE EXAMINE LES MOYENS DE REPONDRE A LA CRISE HUMANITAIRE CAUSEE PAR LA PERSISTANCE DE LA GUERRE EN ANGOLA
Communiqué de presse CS/2260 |
Conseil de sécurité
4472e séance – matin
LE CONSEIL DE SECURITE EXAMINE LES MOYENS DE REPONDRE A LA CRISE HUMANITAIRE CAUSEE PAR LA PERSISTANCE DE LA GUERRE EN ANGOLA
Le Vice-Ministre des relations extérieures angolais
demande au Conseil de renforcer les sanctions contre l'UNITA
Depuis la reprise des hostilités en 1998 entre l’armée gouvernementale et les forces rebelles de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA), plus de 4 millions d’Angolais sont déplacés ou réfugiés, un sur dix dépend de l’aide alimentaire tandis que les organisations humanitaires n'ont accès moins de 60 % des zones de regroupement des déplacés, selon les statistiques du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires (OCHA). C’est sur ce constat tragique, sous la présidence du Mexique, le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin, en présence du Vice-Ministre angolais des relations extérieures, M. Georges Chikoti, et du Secrétaire général adjoint chargé des affaires humanitaires, M. Kenzo Oshima.
Ce dernier a dressé un sombre tableau de la situation humanitaire en Angola. A l’aide de graphiques et de cartes, il a expliqué l’ampleur des besoins et quelles étaient les entraves à l'acheminement de l’aide humanitaire : insécurité, mines terrestres et faiblesse des infrastructures, entre autres. Remarquant qu’à peine 47 % des 233 millions de dollars requis en 2001 avaient été couverts, M. Oshima a appelé les Etats membres à ne pas oublier l’Angola et le Conseil à trouver des solutions nouvelles et courageuses pour mettre un terme au conflit, cause de la crise humanitaire.
Prenant la parole après lui, le Ministre angolais a fait valoir les efforts entrepris par son pays pour améliorer la situation, notant que pour la première fois, l’Etat avait alloué 21% du budget aux programmes sociaux contre 11% à la défense et la sécurité. Il a réitéré l’appel de son Gouvernement en faveur de la conclusion rapide d’un plan de paix. Illustrant ses propos par des images de massacres attribués à l’UNITA, M. Chikoti a observé que son pays était le seul au monde où le parti d’opposition le plus largement représenté au Parlement poursuivait dans le même temps une rébellion active contre l’ordre constitutionnel établi.
Pour cette raison, de nombreuses voix se sont élevées pour condamner les violences perpétrées par l’UNITA. Outre le Ministre angolais, plusieurs délégations dont celles de Maurice, de la Chine, de la Guinée et du Cameroun ont réclamé non seulement le maintien mais aussi le renforcement des sanctions à l’encontre du mouvement de Jonas Savimbi. Tandis que ses membres s’interrogeaient sur les mesures que pouvait prendre le Conseil de sécurité, le représentant du Royaume-Uni a plaidé pour une approche concrète et des mesures pratiques,
(à suivre – 1a)
s’interrogeant toutefois sur la contribution réelle des autorités angolaises. La Colombie et la France ont, pour leur part, suggéré la création de couloirs humanitaires pour assurer l’acheminement de l’aide. Mais pour M. Eric de Mul, coordonnateur de l'aide humanitaire pour l’Angola, la situation ne paraît pas assez stable et leur éventuelle ouverture ne peut être assurée que par les deux parties en conflit. M. de Mul a évoqué l’ampleur de la corruption comme entrave à l’acheminement de l’aide, appelant sur ce point l’attention du Ministre angolais.
Enfin, le représentant du Portugal - dont le pays constitue avec les Etats-Unis et la Fédération de Russie la troïka chargée du suivi du Protocole de paix de Lusaka, signé en 1994 – a estimé que l’engagement de la communauté internationale en faveur du processus de paix en Angola devait essentiellement reposer sur le souci d’alléger les souffrances des populations civiles.
Les représentants des pays suivants ont également pris la parole : Irlande, Bulgarie, Norvège, Singapour, République arabe syrienne et Mexique.
LA SITUATION EN ANGOLA
M. KENZO OSHIMA, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, a rappelé tout d’abord quelques chiffres sur la situation en Angola: ce pays se situe au 146e rang de l’index de développement humain du PNUD (qui compte 162 pays); l’espérance de vie y est de 44 ans et 63 % des foyers vivent sous le seuil de pauvreté; 30% des enfants meurent avant l’âge de 5 ans et 100 000 enfants, selon les estimations, ont été séparés de leur famille; enfin, de nouveaux cas de polio ont été confirmés dans l’est du pays. L’Angola s’illustre également par son nombre élevé de déplacés, l’un des plus élevés du monde puisque depuis 1999 il est passé de deux à quatre millions, soit un tiers de la population. Quant au mouvement rebelle de l’UNITA, bien qu’affaibli, il est toujours à même de déstabiliser des régions entières et de perturber l’économie nationale.
Les premières victimes de ce conflit sont les civils, a rappelé M. Oshima, qui sont pris entre les attaques de l’UNITA et les contre-offensives du Gouvernement. A cet égard, illustrant ses propos au moyen de cartes et de graphiques, il a noté avec préoccupation une recrudescence d’incidents sécuritaires au cours des six derniers mois. Selon lui, toutes les organisations humanitaires présentes dans le pays travaillent au maximum de leurs capacités mais sont totalement débordées n’ayant ni les moyens ni le personnel nécessaires pour faire face aux besoins des déplacés. M. Oshima a ainsi cité les camps de déplacés de Kuito et Camacupa, vers lesquels plus de 62 000 personnes ont afflué au cours des cinq derniers mois, rejointes par 12 000 autres pendant les seules deux premières semaines de janvier.
L’entreprise humanitaire en Angola est l’une des plus importantes au monde, a souligné le Secrétaire général adjoint, impliquant 400 organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales en plus des Nations Unies. Environ un million d’Angolais reçoivent une aide alimentaire, mais les besoins sont loin d’être couverts. Les activités humanitaires sont entravées par l’insécurité, les mines terrestres, les mauvaises infrastructures et le manque de moyens et de fonds. Toutefois, M. Oshima a noté que le Gouvernement angolais avait pris un certain nombre de mesures ces dernières années pour améliorer la fourniture de l’aide: il a ainsi alloué 50 millions de dollars à un programme d’urgence et créé un Fonds pour la paix et la réconciliation. Les autorités ont également aidé à fermer 35 camps de transit dans lesquels les déplacés enduraient des conditions déplorables. M. Oshima s’est également félicité de la coopération croissante de l’Angola avec les acteurs humanitaires et les Nations Unies : une stratégie de protection des déplacés a été ainsi mise en place avec la collaboration du Gouvernement de Luanda, en même temps qu’était lancé, l’Appel consolidé des Nations Unies pour 2002, élaboré pour la première fois en concertation avec les autorités.
Mais M. Oshima a fait valoir que beaucoup restait à faire, notamment pour améliorer l’infrastructure du pays : quatre des pistes d’aviation utilisées pour l’acheminement de l’aide humanitaire sont ainsi en cours de réparation actuellement limitant donc le nombre des vols, a-t-il dit à titre d’exemple. Or, les ponts endommagés, l’insécurité, ont ainsi obligé le Programme alimentaire mondial (PAM) à délivrer 60% de son aide par voie aérienne, ce qui fait de l’opération humanitaire en Angola l’une des plus chères du monde après l’Afghanistan. M. Oshima a donc appelé à une reconstruction urgente des infrastructures, à sécuriser les routes, à décréter des « jours de calme » pour lancer des campagnes de vaccination contre la polio notamment, à répondre à l’Appel 2002, à cesser toute forme de harcèlement contre les personnels humanitaires et à accroître le financement gouvernemental des programmes d’aide. Surtout, les deux parties en conflit doivent renoncer aux stratégies militaires qui ont un impact direct sur les civils et permettre aux organisations humanitaires d’accéder aux populations dans le besoin.
La guerre est à l’origine de la crise humanitaire en Angola, a conclu
M. Oshima, qui a annoncé sa prochaine visite sur place, au printemps, lors de laquelle il entend bien discuter avec le Gouvernement de la mise en œuvre des objectifs et stratégies décidés en 2001. Le Secrétaire général adjoint a également mentionné la création récente, au sein d’OCHA, d’une « Unité spéciale sur les déplacés » qui place l’Angola en tête de ses priorités cette année. Indiquant qu’à peine 47 % des 233 millions de dollars requis en 2001 avaient été couverts, il a demandé aux Etats membres de se souvenir de l’Angola et de répondre au plus vite à l’Appel 2002. Mais la seule solution durable sera la fin de la guerre, a-t-il estimé, en demandant au Conseil de trouver des solutions innovantes et courageuses pour y mettre un terme.
M. GEORGES CHIKOTI, Vice-Ministre des relations extérieures de l’Angola, a salué les efforts du Conseil de sécurité et du Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, pour résoudre le conflit angolais. Il a déclaré ensuite que la situation humanitaire s’est aggravée au cours de l’année 2001 contrairement aux prévisions et a réitéré l’appel du Gouvernement angolais pour la conclusion d’un plan de paix, tel que rappelé en mai 2001 par le Président Dos Santos. Le Gouvernement estime que pour parvenir à la paix, les points suivants sont essentiels: cessation inconditionnelle et unilatérale des hostilités par les troupes de Jonas Savimbi et remise de toutes leurs armes aux Nations Unies; règlement des problèmes internes de l’UNITA par l’UNITA elle-même; achèvement de la mise en œuvre du Protocole de Lusaka en tenant compte de l’évolution de la situation; et enfin l’organisation et la participation à des élections générales.
Le Vice-Ministre a précisé que le plan de paix auquel il faisait référence lançait un appel aux rebelles de l’UNITA leur demandant de répondre positivement à l’offre qui leur était faite afin de mettre un terme à cette guerre dévastatrice et de terminer la mise en oeuvre des tâches en suspens du Protocole de Lusaka pour restaurer la paix tant attendue. Cependant, a-t-il regretté, les forces de Jonas Savimbi ont répondu en intensifiant leurs actions terroristes et leurs atrocités.
Illustrant ses propos en diffusant des images sur les exactions commises par les rebelles de l’UNITA, M. Chikoti a toutefois souligné que le Gouvernement poursuivait la mise en œuvre de son agenda pour la paix qui couvre à la fois les domaines politiques, économiques, sociaux et militaires.
Le Vice-Ministre a fait remarquer aux membres du Conseil que son pays était le seul au monde où le plus grand parti d’opposition est représenté au Parlement tout en poursuivant dans le même temps une rébellion active contre l’ordre constitutionnel établi. Cela n’empêche pas le Gouvernement angolais de poursuivre ses efforts de consolidation de la démocratie par la promotion d’un dialogue entre toutes les composantes politiques. Ce dialogue devrait aboutir à l’adoption d’une nouvelle constitution avant les prochaines élections générales a précisé
M. Chikoti. Au plan économique, le Gouvernement conduit un programme de réformes macroéconomiques encadré par le Fonds monétaire international, a-t-il indiqué, soulignant par ailleurs que pour la première fois dans l’histoire du pays, le budget de l’Etat avait alloué 21% des ressources aux programmes sociaux contre 11% à la défense et la sécurité.
Il a reconnu que les sanctions prises contre l’UNITA avaient réduit sérieusement la capacité de cette dernière à s’approvisionner en armes et en équipement militaire et a demandé leur maintien et leur renforcement. Il a ajouté que le Gouvernement angolais avait pris des mesures de nature à étendre son autorité à l’ensemble du territoire, ce qui a eu un impact sur la restauration de la confiance et encouragé le retour des réfugiés et des déplacés. Ce retour a des conséquences humanitaires sérieuses puisque plus d’un demi-million de personnes se sont ajoutées aux populations dans le besoin et que les infrastructures sont saturées.
M. Chikoti a mentionné ensuite le programme national de réinstallation des personnes déplacées et souligné que l’appel consolidé interinstitutions des Nations Unies pour 2002 contient des mesures de nature à renforcer les infrastructures au plan régional et au plan national ainsi que pour l’éducation aux droits de l’homme, en collaboration étroite avec le Bureau des Nations Unies en Angola. Le Vice-Ministre a souligné que les besoins urgents du Gouvernement angolais, dans le domaine humanitaire, portent sur la sécurité alimentaire, la reconstruction des routes, des ponts et des aérodromes, et enfin le déminage. Il a lancé un appel aux donateurs internationaux, soulignant que l’appel interinstitutions de 2001 n’a été couvert qu’à 46,8%. Le Gouvernement a pour sa part développé un mécanisme de coordination de l’aide humanitaire décentralisé et a accordé 12,5 millions de dollars américains aux collectivités tandis que plusieurs millions de dollars ont été alloués à d’autres départements oeuvrant notamment à la réinstallation des personnes déplacées. Il a assuré que son Gouvernement est déterminé à poursuivre ses efforts dans les domaines sociaux et humanitaires.
M. RICHARD RYAN (Irlande) s'est inquiété de l'aggravation de la situation humanitaire en Angola, en particulier l'augmentation du nombre de personnes déplacées. Il a remarqué que ces faits intervenaient contre toute attente, alors que le Gouvernement angolais accroît son autorité sur le territoire et que les sanctions imposées par le Conseil de sécurité contre l'Angola gagnent en efficacité. L'accès aux populations à risque devenant de plus en plus difficile, il a jugé que lorsque la communauté internationale ne pouvait pas leur fournir une assistance, le Gouvernement angolais devait faire tout ce qu'il était possible pour fournir lui-même cette assistance.
Faisant allusion à l'appel à la communauté internationale lancé par le Ministre Georges Chikoti et M. Oshima, le représentant a déclaré que la communauté des donateurs serait encouragée à accroître son aide si le Gouvernement utilisait les revenus croissants provenant des ressources naturelles du pays pour reconstruire le pays. Le représentant a apporté son soutien aux efforts de médiation du Secrétaire général et de son Conseiller pour l'Afrique, Ibrahim Gambari, pour régler le conflit.
M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) s’est dit préoccupé par la crise humanitaire découlant du conflit qui dure déjà depuis 27 ans en Angola, soulignant que la situation reste extrêmement grave pour une grande partie de la population. Il a fait observer qu’un des défis majeurs pour le pays est la progression importante du nombre de personnes déplacées et réfugiées qui dépasse les 4 millions, soit un tiers de la population du pays. M. Tafrov a constaté que cette progression va bien au-delà des capacités du Gouvernement et des organisations humanitaires. Il a encouragé le Gouvernement angolais à continuer les initiatives prises en vue de la réinstallation de quelques 500 000 personnes et souligné que davantage d’efforts restent à faire afin d’atténuer les souffrances des populations touchées. Il a encouragé également le Gouvernement angolais à assurer un meilleur accès aux populations en détresse dans de nombreuses régions du pays, particulièrement dans l’est, et l’a invité à élargir le champs de ses activités pour soulager leur sort tragique. M. Tafrov a jugé qu’un engagement d’envergure de la part de la communauté internationale doit accompagner les efforts du Gouvernement angolais pour mobiliser les ressources adéquates.
Le représentant a lancé un appel à M. Savimbi et à l’UNITA pour qu’ils s’abstiennent de recourir à la violence et respectent entièrement la sécurité et l’intégrité des convois et du personnel humanitaire. L’UNITA, a-t-il ajouté, porte la responsabilité principale de la catastrophe humanitaire et la communauté internationale doit maintenir sa pression sur elle par le biais de la politique de sanctions et d’autres moyens appropriés. Il a estimé que le Conseil devait encourager le Gouvernement angolais dans ses initiatives visant à sensibiliser les principaux acteurs dans le domaine des droits de l’homme et à établir des mécanismes concrets de protection. Il a salué la contribution de la société civile dans la recherche d’une solution aux problèmes humanitaires et pour l’influence qu’elle exerce sur les deux principaux acteurs du conflit.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a souligné que la communauté des donateurs avait un rôle important à jouer pour améliorer la situation et jugé bon que le Conseil ajoute une note d’urgence à ce débat. Il a réclamé une approche véritablement coordonnée et concertée de tous les acteurs présents en Angola, qui devraient apporter des améliorations dans plusieurs domaines notamment l’accès aux populations dans le besoin et la fourniture d’une assistance dont elles ont grand besoin. La communauté des donateurs doit mieux répondre à l’Appel de fonds de 2001 qui n’a toujours pas été couvert avant même de se tourner vers l’Appel de l’année suivante.
Le représentant a demandé au Coordonnateur humanitaire en Angola, de fournir une évaluation des contributions de l’Angola à la situation, aussi bien économiques qu’humanitaires, souhaitant notamment savoir si ces contributions avaient changé de quelque manière que ce soit au cours des dix-huit derniers mois. Ce conflit touche beaucoup trop d’Angolais, l’UNITA se soucie peu des effets de son action, a-t-il ajouté. Le Conseil a aujourd’hui l’occasion de prendre des mesures pratiques pour améliorer cette situation.
M. WEGGER CHRISTIAN STROMMEN (Norvège) s’est félicité des progrès réalisés par le Gouvernement de l’Angola, notamment en relation avec la Stratégie commune d’aide humanitaire. Il a particulièrement souligné la démarche des Nations Unies et de son Appel consolidé pour 2002, pour s’assurer que l’aide est bien fournie en accord avec les principes de la constitution angolaise et des normes internationales. Il a encouragé le Gouvernement angolais à poursuivre ses efforts dans ce sens, notamment par la mise en place d’un mécanisme de mise en oeuvre des actions prioritaires qu’il a arrêtées. Selon lui, ces priorités doivent inclure l’ouverture des voies routières et aériennes aux déplacés à l’intérieur du pays, la livraison d’une aide dans les zones aujourd’hui non encore accessibles aux partenaires humanitaires, l’extension de l’administration gouvernementale aux
zones contrôlées par l’opposition ainsi que l’assistance au retour et à la réinstallation des populations déplacées, l’établissement dans les zones ayant de nombreux réfugiés de centres d’enregistrement en accord avec les arrêtés gouvernementaux du 15 janvier 2002, et enfin, la mise en place d’une assistance en matière de santé notamment pour répondre à la situation dramatique des réfugiés en matière alimentaire.
Par ailleurs, le représentant de la Norvège a appelé la communauté internationale à tout mettre en oeuvre pour répondre aux besoins de l’Angola en matière humanitaire. A cet égard, il a précisé que l’urgence humanitaire, conséquence des combats en cours, a atteint dans ce pays un niveau inacceptable. Dans ce contexte, il a également précisé qu’il n’y avait pas de solution militaire au conflit angolais et a exhorté l’UNITA de Jonas Savimbi à cesser ses activités violentes et saisir toute chance de dialogue, dans l’espoir de mettre fin à la souffrance des civils innocents.
M. FABIO OCAZIONES (Colombie) a relevé les chiffres dramatiques exposés par M. Oshima, pour estimer que cette situation occupait bien peu d’attention. Dix institutions des Nations Unies sont présentes sur place, a-t-il rappelé, espérant que l’appel lancé aux donateurs pour financer les programmes d’aide serait entendu. A propos des moyens dont dispose le Conseil pour atténuer les difficultés des Angolais, il a appelé à soutenir les démarches de M. Gambari en faveur d’un règlement de la paix. Mais il faut aussi, parce que de nombreuses autres personnes vont mourir, tout faire pour faciliter les travaux des institutions humanitaires et leur accès aux populations dans le besoin. Il a demandé à M. Oshima d’indiquer si le moment était venu d’envisager la création de couloirs humanitaires pour faciliter l’acheminement de l’aide par voie terrestre et toucher ainsi les personnes actuellement inaccessibles. A propos des principes régissant le retour des déplacés, il a souhaité savoir si ceux-ci étaient appliqués dans les provinces et comment le processus fonctionnait.
M. YVES DOUTRIAUX (France) a jugé que la situation humanitaire en Angola est alarmante et a souligné que, lorsque le tiers de la population d’un pays est déplacé et que le dixième de cette même population vit de l’assistance humanitaire, il est important d’engager un débat sur ce qu’il y a moyen de faire pour inverser cette tendance. M. Doutriaux a déclaré que la responsabilité première de cette situation humanitaire incombe en premier lieu à L’UNITA, se félicitant par ailleurs des efforts du Gouvernement pour venir en aide aux populations déplacées et réfugiées. Il a demandé au Vice-Ministre de préciser davantage les orientations du programme mis en œuvre par le Gouvernement angolais et a demandé à OCHA des précisions sur des allégations faisant état de déplacements forcés de populations. Il a souhaité que soit assuré un plus large accès aux populations en détresse, par l’élargissement des zones d’intervention humanitaire et par la mise à disposition d’escortes militaires pour certains convois humanitaires à destination de zones à risque. Enfin, le représentant a proposé de réfléchir, avec OCHA, à la faisabilité d’ouverture de corridors humanitaires dans les zones contrôlées par l’UNITA tout en assurant le Gouvernement angolais que ces corridors ne bénéficieront pas aux rebelles. Il a estimé que si le Gouvernement angolais consentait à de tels corridors, ce serait un geste supplémentaire de sa bonne volonté.
M. JAGDISH KOONJUL (Maurice) a exprimé la préoccupation de son pays face à la situation humanitaire, aggravée par les atrocités perpétrées dans le pays. Les activités terroristes de l’UNITA demeurent la principale cause du grand nombre de ces réfugiés et déplacés, a-t-il dit, appelant le Conseil à examiner cette situation dans le contexte du terrorisme mondial : il faut empêcher l’UNITA de continuer de lancer des attaques contre des civils innocents et, pour ce faire, resserrer les sanctions à l’encontre du mouvement rebelle, a-t-il plaidé. Le délégué a reconnu les énormes efforts déployés par le Gouvernement angolais pour remédier à la situation, notamment en faveur des déplacés et noté le rôle important des ONG locales et des Eglises. Mais il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle accorde l’appui financier nécessaire aux travaux des institutions de l’ONU.
Il a demandé que la communauté internationale s’assure que ceux qui sont responsables de l’entrave à l’assistance humanitaire aient à répondre de leurs actes et que tout soit fait pour assurer la livraison de l’aide. En conclusion, le délégué a demandé au représentant d’OCHA ce que, selon lui, le Conseil devrait faire pour remédier à la situation.
MME CHRISTINE LEE (Singapour), soulignant que la campagne militaire du Gouvernement angolais contre l’UNITA avait aggravé la situation humanitaire et accentué le nombre de personnes déplacées, a souhaité savoir comment le Gouvernement entendait répondre à la détresse de ces populations. Elle a par ailleurs demandé quelle était l’attitude de l’UNITA face aux demandes d’accès des organisations humanitaires aux populations civiles en détresse et souhaité savoir ce qui est entrepris par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à cet effet.
M. CHEN XU (Chine) a espéré que les efforts des Nations Unies seraient efficaces et que la communauté internationale répondrait généreusement à l’appel consolidé conjoint. Mais la situation humanitaire est étroitement liée à la situation militaire et au processus de paix, a-t-il insisté: le Conseil de sécurité doit donc redoubler d’efforts pour promouvoir le processus de paix en Angola, seule façon de régler la situation humanitaire. Le délégué a regretté que la faction de Jonas Savimbi continue de miner le processus de paix et jugé indispensable que la communauté internationale accroisse la pression sur son mouvement. Il a appelé M. Savimbi à déposer les armes.
M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a regretté que les combats se poursuivent en Angola et que l’UNITA continue ses actions dévastatrices alors même que l’on pensait que la capacité de nuisance de cette faction était neutralisée. Un nombre important de personnes dépend de l’aide alimentaire et la situation sanitaire des populations civiles est catastrophique a déploré M. Wehbe, d’autant que l’accès à ces populations est difficile. Il a demandé à l’UNITA de cesser de menacer la sécurité des convois humanitaires et a noté qu’en réponse aux sanctions, l’UNITA a multiplié ses exactions à l’encontre des civils. Il a exhorté le Conseil à déployer tous les moyens pour priver l’UNITA et Jonas Savimbi de voies d’approvisionnement en armes et à les contraindre ainsi à opter pour une résolution pacifique du conflit. Il a exprimé sa reconnaissance à l’Organisation de l’unité africaine et à la Communauté de développement de l’Afrique australe pour leurs efforts de restauration de la paix en Angola. Il a lancé un appel à la communauté internationale afin qu’elle réponde à l’appel consolidé interinstitutions et a demandé au Vice-Ministre de donner quelques précisions sur la mise en œuvre du plan de paix préparé par les autorités.
M. FRANCOIS LONSENY FALL (Guinée) a rappelé que le conflit angolais était l’un des plus anciens d’Afrique et que les conditions humanitaires y étaient parmi les pires au monde. La restauration de la paix est donc aujourd’hui essentielle et la Guinée encourage toutes les parties à tout mettre en oeuvre pour obliger l’UNITA à respecter ses engagements. Le délégué a en revanche apporté le soutien de son pays au Gouvernement angolais, notant qu’il permet au mouvement rebelle de siéger au Parlement alors qu’il poursuit la guerre.
Il a également lancé un appel à la communauté internationale pour faire face aux urgences, parmi lesquelles il a cité la réparation des infrastructures, la réinstallation des déplacés, l’accroissement de l’aide alimentaire grâce au renforcement des capacités du PAM, le renforcement de l’accès aux populations éloignées et la protection des populations civiles. Le conflit angolais a trop duré et tout doit être mis en œuvre pour maintenir la pression sur l’UNITA, a jugé le représentant guinéen: les sanctions doivent être maintenues et de nouvelles mesures prises à l’encontre des rebelles.
M. NGOH NGOH FERDINAND (Cameroun) a souligné que la détérioration de la situation humanitaire en Angola préoccupe le Cameroun et a déploré que cette situation résulte du refus persistant de l’UNITA de souscrire au Protocole de Lusaka. Il a demandé que des mesures énergiques soient prises afin de contraindre l’UNITA à rejoindre le processus de paix et a suggéré un renforcement du régime des sanctions. Il a jugé que les attaques du mouvement rebelle contre les civils angolais sont inqualifiables et inacceptables et a salué les efforts du Gouvernement angolais pour réhabiliter les infrastructures et apporter une assistance aux personnes déplacées et aux populations dans le besoin. Il a encouragé la communauté internationale à apporter tout son soutien au Gouvernement angolais afin de l’épauler dans ses programmes d’assistance humanitaire. Il a souligné que la situation humanitaire est étroitement liée à l’évolution de la situation politique, demandant à ce titre au Vice-Ministre angolais quelles mesures le Conseil pourrait prendre selon lui pour réduire la capacité de nuisance de l’UNITA. Il a par ailleurs demandé à OCHA si des programmes spécifiques consacrés aux enfants sont mis en œuvre en Angola.
M. ADOLFO AGUILAR ZINSER (Mexique) a estimé comme le gouvernement angolais que, si le processus de paix s’accélérait, les Nations Unies devraient pouvoir contribuer à la réinstallation des personnes déplacées et à l’organisation d’élections. La situation humanitaire s’est considérablement détériorée en raison de l’augmentation du nombre de personnes déplacées. Aussi le Mexique appelle l’UNITA à mettre un terme à ses attaques contre les civils et à s’engager à renouer le dialogue avec les autorités. Mais, a insisté le représentant, le Mexique exhorte aussi le gouvernement à mettre en œuvre les conditions de réinstallation des déplacés.
Pour régler les problèmes humanitaires il faut restaurer la paix, a-t-il dit, respecter le Protocole de Lusaka et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Le représentant mexicain a lancé un appel pour que les efforts se poursuivent, notamment afin de permettre la reconstruction des infrastructures. Il a également appelé le Gouvernement à rallier le soutien de tous les acteurs de la société civile. La communauté internationale ne peut ignorer la situation de ce pays ni se soustraire à ses responsabilités, a-t-il conclu, souhaitant également savoir quel était le rôle du HCR auprès des déplacés en Angola.
M. FRANCISCO SEIXAS DA COSTA (Portugal), s’exprimant au nom de la Troika chargée de suivre l’application du Protocole de Lusaka (Etats-Unis, Fédération de Russie et Portugal), a salué les efforts du Gouvernement angolais pour l’aide qu’il apporte aux personnes déplacées et réfugiées et pour le soutien aux efforts internationaux pour améliorer la situation humanitaire dans le pays. Il a toutefois regretté que les résultats de ces efforts aient été compromis par l’aggravation de la situation humanitaire en Angola au cours des derniers mois. Le nombre de personnes déplacées dépasse aujourd’hui les 4 millions et le nombre de réfugiés en Zambie, en Namibie et en République démocratique du Congo a augmenté de plus de 30 000 au cours des derniers mois. Il s’est félicité de la volonté des autorités angolaises de déployer davantage de moyens pour aider les populations déplacées, en allouant des ressources aux domaines de la santé, des transports et de la fourniture de l’aide alimentaire.
La Troika souhaite que les Nations Unies et le Gouvernement angolais rendent compte régulièrement de l’évolution de la situation humanitaire, a poursuivi le représentant. L’engagement de la communauté internationale en faveur du processus de paix en Angola doit reposer essentiellement sur le souci d’alléger les souffrances des populations civiles. A ce titre, le représentant a estimé que l’accès de toutes les régions du pays aux agents humanitaires devait être assuré tandis que la communauté internationale ne saurait se détourner de l’obligation de prêter assistance aux populations déplacées et réfugiées dans le besoin. Il a rappelé que la Troika considère qu’aucune solution militaire ne saurait contribuer à la restauration de la paix en Angola et a salué les efforts du Conseiller spécial du Secrétaire général afin de relancer le dialogue entre les parties sur la base du Protocole de Lusaka. Tout en admettant que des facilitateurs agréés par les parties peuvent contribuer à rétablir le dialogue, M. Seixas Da Costa a estimé que les Nations Unies demeurent la seule instance habilitée à garantir la mise en œuvre du Protocole de Lusaka.
Reprenant la parole pour répondre aux questions des membres du Conseil,
M. OSHIMA, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, s’est dit encouragé par le message clair et fort en direction de la communauté des donateurs afin qu’elle vienne en aide aux populations civiles déplacées et réfugiées d’Angola. Il s’est félicité de l’appel lancé au Gouvernement angolais par les membres du Conseil pour qu’il mette en œuvre les stratégies auxquelles il a souscrit et renforce ses efforts d’assistance humanitaire, reconnaissant par ailleurs la contribution importante déjà apportée dans ces domaines. S’agissant de la position du Gouvernement angolais au regard des principes directeurs régissant la sécurité des personnes déplacées, M. Oshima a souligné qu’en octobre 2000, de telles normes avaient fait l’objet d’un décret présidentiel. Répondant à la question de savoir comment le Conseil de sécurité pouvait être utile aux efforts déployés dans le contexte de l’assistance humanitaire il s’est dit d’ores et déjà satisfait du fait que le Conseil admette qu’il faut faire davantage en Angola et a souhaité que la réunion d’aujourd’hui ne soit pas un engagement ponctuel.
Intervenant à la demande du Président du Conseil, M. ERIC DE MUL, Coordonnateur de l’assistance humanitaire des Nations Unies en Angola, a rendu compte de l’évaluation faite par son bureau de l’effort consenti par le Gouvernement angolais et a estimé que trop peu a été fait et trop tard. Il a salué la décision prise il y a huit jours par le Gouvernement de prendre des mesures urgentes mais a regretté la recrudescence de l’activité militaire qui augmente le nombre de déplacés. Négocier les corridors est possible a reconnu
M. de Mul mais il a estimé que le Gouvernement devait admettre au préalable que la situation de ses citoyens lui incombe en premier lieu. Pour les questions d’accès aux zones à risque, il a précisé que son bureau n’a aucun contact avec l’UNITA et que son seul interlocuteur est le Gouvernement angolais. Il a confirmé les allégations de déplacements forcés de populations mais a souligné qu’il n’est pas facile de les identifier avec précision. Il a souligné que ce qui importe dans le contexte angolais est d’assurer l’accès de l’assistance humanitaire aux populations déplacées. A ce titre, il a regretté que depuis deux ans les travaux de réhabilitation de la piste de l’aérodrome de Quito n’aient pas été entrepris, M. de Mul faisant état d’accusations de corruption pour justifier ces retards. Pour ce qui est des programmes destinés aux enfants, le coordonnateur a précisé qu’ils ne sont pas suffisants au regard de la situation. Il a souligné enfin que le HCR se retirait petit à petit du domaine de l’assistance aux personnes déplacées qui sont désormais prises en charge par OCHA.
Le Vice-Ministre angolais des relations extérieures, M. CHIKOTI, a remercié les membres du Conseil pour avoir proposé des solutions constructives afin de faire face à la situation humanitaire critique de l’Angola. Il a assuré que le Gouvernement angolais était déterminé à réaliser la paix par tous les moyens et à protéger les vies humaines et les droits de l’homme dans un environnement démocratique. Il a toutefois souligné qu’il est difficile de maintenir cet équilibre démocratique et a rappelé que les dispositions de l’Accord de 1991 exigeaient des parties qu’elles procèdent au désarmement, ce qui n’a pas été fait par l’UNITA. Le Gouvernement a par conséquent dû reconstruire son armée, sans l’aide de quiconque, pour s’opposer aux offensives de l’UNITA, a ajouté
M. Chikoti. Il a souligné qu’il n’y a pas de personnes déplacées de force en Angola et que les personnes se soumettent de leur propre volonté à l’autorité du Gouvernement en quittant les zones où sévissent les forces de l’UNITA. Les activités militaires qui se poursuivent ne visent pas à accroître le nombre de personnes déplacées mais plutôt à accroître l’autorité du Gouvernement sur le territoire a-t-il indiqué. Il a fait observer que l’armée angolaise contrôle actuellement la frontière avec la Zambie où sont présents de nombreux responsables de l’UNITA. S’agissant de la réparation de la piste de l’aérodrome de Quito, il a soulevé des problèmes logistiques pour justifier les retards et a rejeté les allégations de corruption avancées par M. de Mul. S’adressant au Conseil de sécurité, il a estimé que pour réduire la capacité militaire de l’UNITA, les sanctions doivent être maintenues car elles ont permis de réduire sensiblement la capacité de nuisance des forces de Jonas Savimbi.
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