REUNION DES MAIRES SUR LA COOPERATION ENTRE VILLES : LES PARTENARIATS DOIVENT FAVORISER L’ECHANGE DE CONNAISSANCES
Communiqué de presse PMA/120 |
Troisième Conférence des Nations Unies
sur les pays les moins avancés
REUNION DES MAIRES SUR LA COOPERATION ENTRE VILLES : LES PARTENARIATS DOIVENT FAVORISER L’ECHANGE DE CONNAISSANCES
Les représentants d’autorités locales appellent à une décentralisation et à une autonomie accrue
Près de 300 maires se sont réunis, ce mardi 14 mai 2001, pour réfléchir aux manières de promouvoir et de développer la coopération entre les villes des pays les moins avancés (PMA) avec d’autres villes des pays en développement ou industrialisés. Présidée par M. Freddy Thielemans, Bourgmestre de Bruxelles, la réunion sur la coopération de ville a ville a mis en avant le rôle central des autorités locales dans la résolution des problèmes de développement social, humain et économique qui se manifestent au niveau local. Sans nier le rôle incontournable de l’État, les participants ont souhaité que soit reconnue l’importance des autorités locales en tant qu’organes de gouvernement autonomes dotés d’une législation ainsi que de compétences financières et techniques propres. Les villes paient un lourd tribut à la mondialisation, ont-il fait valoir. Leurs moyens doivent être soient renforcés afin qu'elles puissent appliquer des politiques répondant aux besoins de la communauté, fixer les priorités locales et participer à la définition des normes locales applicables aux services fournis dans les domaines de l’éducation élémentaire, la santé publique, la sécurité publique ou encore la gestion de l'environnement. Pour que la décentralisation ne devienne pas un cadeau empoisonné, elle doit s’accompagner d’un réel transfert des pouvoirs, a souligné M. Eddy Boutmans, Secrétaire d’Etat belge à la coopération au développement.
Par ailleurs, les membres d’associations regroupant des villes et des autorités locales ont regretté que leur dialogue avec l’Organisation des Nations Unies ait eu des résultats limités politiquement par le fait qu’ils ne puissent s’y exprimer que par l’intermédiaire d’organisations non gouvernementales. En outre, Mme Anna Kajumulo Tibaijuka, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (HABITAT), a noté que les gouvernements nationaux posent souvent des obstacles juridiques à la coopération entre autorités locales nationales et étrangères, dans les pays développés et en développement, en les empêchant notamment de faire partie d’accords internationaux ou même d’accords nationaux. Pour remédier à cette situation, les maires ont proposé la création d’un mécanisme qui leur permettrait d’approfondir, en leur propre nom, leur dialogue institutionnel et de travail avec les Nations Unies. Ils ont néanmoins admis que, pour créer des conditions propices a un développement véritablement durable, tous les partenaires, gouvernements, société civile, institutions internationales et autorités locales doivent enrichir ce processus.
Ils ont précisé que ce que les autorités locales attendent des autorités nationales, des Nations Unies et des acteurs internationaux, c’est qu’ils soutiennent leurs initiatives, sans pour autant se substituer à elles. La session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée à l'examen et à l'évaluation d'ensemble de la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat (Istanbul + 5), qui se tiendra au siège des Nations Unies a New York du 6 au 8 juin 2001, a été perçue comme une occasion d’approfondir ces liens.
Les partenariats entre villes ne consistent pas à transposer un modèle ou une solution toute faite, a souligné M. Compaore, maire d’Ouagadougou. Ils reposent sur l’idée que toutes les villes sont confrontées à des problèmes communs auxquels elles doivent répondre individuellement, par des solutions qui leur sont propres tout en s’inspirant de celles qui ont fait leurs preuves dans d’autres villes. Les représentants des autorités locales sont au centre de l’ « appropriation » du processus de développement par les acteurs des pays les moins avancés, a ajouté un représentant de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), qui a jugé essentiel que les partenariats entre villes soient axés sur les échanges d’informations entre les autorités locales des différents pays. En ce qui concerne le financement des autorités locales, plusieurs intervenants ont souligné les possibilités qu’offrent les partenariats entre acteurs publics et privés.
Suggérant lui aussi que les coopérations de ville a ville soient fondées sur l’échange de connaissances et l’apprentissage mutuel plutôt que sur des ressources financières, M. Joan Clos, maire de Barcelone, s’exprimant au nom de l’Association mondiale des villes et des autorités locales (World Association of Cities and Local Authorities, WACLAC), a admis que gérer une proposition de ce genre est beaucoup plus difficile que de faire virement et d’envoyer de l’argent, car cela requiert la construction d’un tissu social fait de relations, et d’interactions entre les acteurs locaux. Des échanges sur des questions liées à la gestion de l’eau ou des déchets mais aussi des partenariats plus inattendus et moins bureaucratiques, comme des associations de coiffeurs, peuvent avoir un impact important. Cela étant, M. Clos a proposé des coopérations de ville à ville triangulaire, mobilisant les autorités locales, les citoyens et des institutions de financement internationales sur des périodes de 3 ou 4 ans autour de projets devant absolument avoir un caractère local.
Le maire de Barcelone a également estimé que les villes resteront la principale façon de vivre ensemble au XXIe siècle, car elles sont perçues comme un lieu d’espoir. Faisant le bilan de la coopération Nord-Sud au cours des années 70 et 80, le maire de Barcelone a estimé qu’il faut avoir la franchise de reconnaître que les pays développés et les pays en développement ont été incapables d’avancer dans la résolution des problèmes de pauvreté. Sans cette franchise, a-t-il mis en garde, il ne sera pas possible d’aller de l’avant et de déclencher les changements radicaux qui s’imposent et ce, notamment, par l’attribution d’une autonomie aux autorités locales par les autorités nationales.
Appelant les autorités locales à établir des partenariats entre elles, la Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour les établissements humains, a mis l’accent sur les problèmes suscités par les villes-champignons dans les pays en développement, et plus particulièrement dans les PMA. Les PMA se trouvent dans une situation difficile, car leurs villes « explosent » et cette expansion, particulièrement forte en Amérique latine et en Asie, amène de nombreux problèmes. Ce phénomène constitue un défi supplémentaire pour des villes qui se trouvent dans un contexte de mondialisation qui est synonyme de concurrence accrue. Mme Tibaijuka a évoqué Habitat II (Istanbul, 1996), conférence qui s’est concentrée sur les partenariats, les solutions et les engagements pour le développement d’établissements humains durables dans un monde en voie d’urbanisation. Elle a rappelé pour la première fois, à la Conférence d’Istanbul, des représentants des autorités locales, plus de 500 maires, étaient intégrés aux travaux des Nations Unies. Elle a ajouté que les gouvernements, les partenaires de la société civile, les partenaires internationaux et les autorités locales doivent tous être intégrés aux efforts pour la création de conditions propices au développement durable. La Directrice exécutive d’Habitat a suggéré que les villes bénéficient d’un accès direct a l’aide internationale en particulier le financement et le renforcement des capacités grâce à la coopération inter villes.
Il faut également renforcer la solidarité locale dans le cadre de la coopération inter ville, a ensuite déclaré Mme Tibaijuka. Elle a indiqué que, ces dix dernières années, les Nations Unies ont développé une approche de la coopération technique fondée sur des solutions déjà testées sur le terrain afin de faciliter le travail des praticiens. Mme Tibaijuka a souligné qu’HABITAT et ses partenaires s’attachent à identifier les bonnes politiques, c’est–a-dire des politiques et des mesures juridiques facilitatrices, holistiques, durables et socialement inclusives. L’accent est également placé sur des plans d'action nationaux et locaux qui soient participatifs dans la conception et l'exécution, qui aient amélioré la qualité de vie, décentralisé l'autorité et les ressources, qui soient fondés sur des partenariats et qui soient durables.
Les villes peuvent aider les organisations internationales en leur apportant la dose de réalisme et l’expérience du terrain qui leur manquent parfois et en leur rappelant quels sont les véritables défis du développement, a déclaré pour sa part M. Malloch Brown, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). M. Brown a également noté que le rôle des institutions financières internationales est déjà contourné par des villes qui vont elles-mêmes a la recherche de fonds sur les marchés internationaux. Il a reconnu que les gouvernements des villes dans le monde portent le poids des changements, notamment l’augmentation du nombre de pauvres en milieu urbain qui découle de l’exode rural. Il a souligné les difficultés liées à la création d’une ville dotée de services efficaces et viables, ou encore à la création d’emplois pour ces cohortes de nouveaux demandeurs d’emplois. Il faudra que les villes trouvent des moyens plus rapides, plus efficaces et moins chers de répondre aux besoins des citoyens. Il a fait remarquer aux maires qu’en introduisant des innovations, ils devront tout de même maintenir des modes de vie traditionnels et permettant aux citoyens de faire face aux défis des villes tout en conservant une vie communautaire, spirituelle et familiale.
Présentant l’expérience de son organisation en matière de partenariats entre villes, le représentant de la Fédération des maires canadiens a ensuite pris la parole pour expliquer que ses membres suivent un programme international d’échange avec les maires des pays en développement fondé sur un engagement a long terme en vue d'améliorer le rendement des gouvernements municipaux en matière de gestion. Son action porte également sur les cadres juridiques et réglementaires en vue de soutenir le développement humain et d’accroître la croissance économique. Pour parvenir à des résultats concrets, le représentant a souligné que les municipalités doivent évoluer dans un climat politique clair et stable, les gouvernements doivent manifester une réelle volonté à faire participer les autorités locales qui, elles, doivent comprendre les différents modes d’action a leur disposition, parmi lesquels les conseils municipaux.
Les représentants de plusieurs autorités locales belges et rwandaises mais aussi des villes de Lomé (Togo), Buenos Aires (Argentine), Freetown (Sierra Leone) et Bangkok (Thaïlande) ont présenté leurs expériences pratiques et leurs vues sur les raisons des réussites des programmes de coopération. Ils ont notamment souligné la nécessité de commencer par mettre au clair les avantages comparatifs de chaque partenaire, d’un engagement effectif dans la durée et de la contribution de la société civile. Ils ont mis en garde contre le mauvais ciblage des projets de partenariats et la poursuite de résultats rapides.
Le vent de décentralisation qui souffle en Afrique a permis une décentralisation de la gestion des communes gérées vers leurs élus locaux, a expliqué le maire de Ouagadougou (Burkina Faso), en exposant les résultats du partenariat entre sa ville et celle de Québec (Canada). Il a commencé par saluer le fait que cette relation reflète un échange entre deux citoyennetés en pleine construction plutôt qu’un rapport dissymétrique entre des fournisseurs d’aide et leurs récipiendaires. Il a expliqué que ce partenariat avec la Ville de Québec se fait sur une base contractuelle de trois ans fondée sur un cahier des charges auxquelles les deux villes peuvent souscrire et qui décrit dans les moindres détails les devoirs et responsabilités de chacun. Chaque communauté a réfléchi à ce qu’elle avait de plus que l’autre, examiné ses propres capacités, effectué des visites chez ses partenaires, puis a établi sur quels points le partenariat notamment pourrait être intéressant, a expliqué M. Compaoré. Pour Ouagadougou, ce partenariat a notamment permis de développer un système d’information et de gestion, créer un service du greffe et de municipal, et de restructurer la direction des ressources humaines. En somme, ce partenariat a permis une avancée notable sur le plan de l’organisation.
Présentant brièvement l’étude intitulée « The challenges of linking » réalisée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur les facteurs de réussite et d’échec de la coopération ville a ville, M. Nigel Ringrose, Expert du PNUD, a souligné les bienfaits matériels mais aussi spirituels que les communautés locales peuvent retirer de partenariats dont la mise en place, et la poursuite, n’est toutefois pas facile. A son tour, M. Mohand Cherifi, Coordinateur de l’Alliance mondiale des villes contre la pauvreté, a insisté sur les conditions préalables a un partenariat fructueux.
Il a déclaré que les villes doivent disposer d’une réelle autonomie locale, qu’il faut associer les populations résidentes a la mise en place des programmes de coopération. Il faut aussi que les villes s’engagent fermement en termes de ressources et de temps et que la coopération soit fondée sur le principe de réciprocité. M. Cherifi a aussi souligné l’utilité des réseaux internationaux et régionaux qui sont parfaitement adaptés à ce type de relation. Il a indiqué que l’Alliance mondiale des villes contre la pauvreté a élaboré un guide pratique des partenariats ville a ville qui sera prochainement distribué en français.
Abordant le thème « coopération ville à ville, les gouvernements et les institutions internationales », les participants ont souligné que toute politique de coopération décentralisée s’inscrit naturellement dans le cadre des politiques nationales de chaque pays, d’où l’importance du soutien des gouvernements et des institutions internationales. Un représentant de la Commission européenne a regretté la prédominance du modèle de la coopération interétatique qui néglige d’associer la société civile. C’est le modèle que les bailleurs de fonds internationaux ont suivi, et ce avec beaucoup d’échecs, comme en témoigne l’augmentation du nombre des PMA, a-t-il regretté. Le représentant a noté que la nouvelle donne introduite par la mondialisation et la persistance de la pauvreté ont appelé à réfléchir à de nouvelles solutions. Il a expliqué qu’aujourd’hui, l’Union européenne met l’accent sur les approches participatives et sur la nécessité d’impliquer les acteurs non étatiques ainsi que les autorités locales a chaque étape. Il faut une cohérence politique entre les actes signés et la mise en œuvre.
Cette participation active suit cinq principes selon lesquels les acteurs ne doivent pas être uniquement des bénéficiaires, ils doivent aussi être consultés et mis en valeur davantage. Le planificateur reste l’État mais toutes les échelles de gouvernance sont mises à contribution. Dialogue, concertation et complémentarité doivent aller de pair avec une gestion budgétaire décentralisée. Une coopération de confiance passe par un renforcement des capacités. Cette nouvelle approche exigera en outre un investissement temporel accru. Il est naturel que ce soit la collectivité locale qui soit maître d’œuvre de ce développement, mais il ne faut pas oublier les organisations non gouvernementales et la société civile car leur contribution est une garantie de crédibilité. Le représentant a fait part des problèmes que connaît également l’Europe en matière de représentativité et qui se traduisent notamment par le manque de participation électorale des citoyens. Il a conclu qu’il est de plus en plus nécessaire de créer une coopération de proximité afin d’enrichir les initiatives étatiques par l’expérience des citoyens. Un autre représentant a ajouté qu’il est important d’ancrer les projets au sein des communautés locales et de les poursuivre même si le gouvernement change. Par ailleurs, plusieurs intervenants ont également insisté sur la pandémie du VIH/sida, problème qui touche tous les domaines d’activité des autorités locales.
Revenant sur la question du financement des autorités locales, M. Dominique Laurent, représentant de l’Union des villes et communes de Belgique, a souligné l’expertise des communes en matière de bonne gestion locale. Pour sa part,
M. Tim Honey, représentant de l’organisation « Sister Cities » qui regroupe environ 1000 autorités locales aux Etats-Unis, a indiqué que son organisation reçoit une grande partie de ses fonds de citoyens et de donateurs privés.
Les Nations Unies et les institutions financières internationales ne peuvent débourser les finances dont ont besoin des milliers de communautés urbaines, a-t-il souligné, en appelant les maires présents à s’adresser à tous ceux qui vivent dans l’Amérique profonde, par exemple. Il a indiqué la création d’un centre de ressources communautaires international qui sera accessible par le site Internet de son organisation. Le Conseiller administratif de la ville de Genève et un représentant de la Lyonnaise des eaux se sont également exprimés sur la question du financement.
La réunion des maires sur la coopération de ville à ville se poursuivra demain mercredi 15 mai 2001, à 9 heures, avec la présentation des conclusions des participants.
* *** *