En cours au Siège de l'ONU

DR/D/943

CONFERENCE DE DURBAN CONTRE LE RACISME : LE PROJET DE DECLARATION ELUDE LA RECONNAISSANCE DU DROIT A L’AUTODETERMINATION DES PEUPLES AUTOCHTONES A NOTE RIGOBERTA MENCHU

05/09/2001
Communiqué de presse
DR/D/943


CONFERENCE DE DURBAN CONTRE LE RACISME : LE PROJET DE DECLARATION ELUDE LA RECONNAISSANCE

DU DROIT A L’AUTODETERMINATION DES PEUPLES AUTOCHTONES A NOTE RIGOBERTA MENCHU


Durban, le 4 septembre -- «Des dispositions du projet de déclaration de la Conférence mondiale contre le racisme passent sous silence les aspirations des peuples autochtones et constituent une violation des principes d´universalité et d´indivisibilité des droits de l’homme», a dénoncé ce soir Mme Rigoberta Menchu, Prix Nobel de la Paix qui s’est adressée à la Conférence de Durban contre le racisme dont le débat général s’est poursuivi cet après-midi et ce soir par l’audition d’une quarantaine de délégations représentant des États, des organisations non gouvernementales, des institutions spécialisées du système des Nations Unies ainsi que des commissions nationales des droits de l’homme.  


Rigoberta Menchu a jugé que les dispositions du projet de déclaration de la Conférence, au lieu de reconnaître les droits des peuples autochtones, en particulier leur droit à l’autodétermination, les soumettent aux juridictions et institutions nationales existantes.


La Conférence mondiale contre le racisme a entendu en outre des représentants d’Etats Membres des Nations Unies qui ont fait état des mesures législatives et judiciaires, entre autres, prises par leurs gouvernements dans leurs efforts de reconnaître les droits et de promouvoir les conditions sociales et économiques de leurs populations autochtones.  C’est ainsi que le représentant de Trinité-et-Tobago a observé que son pays, en dépit de son passé historique tragique, caractérisé par l’esclavage, la colonisation et les travaux forcés, est arrivé depuis son indépendance à forger une société basée sur la tolérance et l’harmonie raciale.


Elle a entendu d’autre part des plaidoyers en faveur de la promotion d´un monde plus juste et plus harmonieux dans lequel la reconnaissance des valeurs de l´autre devra constituer une source d´enrichissement.  Ainsi le racisme, la discrimination raciale et les autres formes d’intolérance s’estomperaient au fur et à mesure que les discriminés seraient mieux compris.  Ce faisant l´éducation et l’enseignement représenteraient un moyen important de lutte contre le racisme.


Les délégués de Trinité-et-Tobago, du Botswana et de Madagascar sont intervenus ainsi que les représentants des îles Vierges américaines et de Tuvalu.  Les représentants des institutions spécialisées des Nations Unies (ONUSIDA, OMS, UNIFEM ) de la Banque interaméricaine de développement et ceux de la Communauté des pays de langue portugaise, de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, du Groupe de travail sur les populations autochtones, du Comité des droits de l’homme, du Groupe de travail sur les minorités, du Comité international olympique ont pris la parole.


Les rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme chargés des questions relatives au racisme, à l’intolérance religieuse, aux migrants et à la violence contre les femmes ont fait des déclarations.


Les institutions nationales des droits de l’homme du Malawi, du Canada, du Danemark, du Maroc, du Togo, du Rwanda, de Madagascar, des Philippines, de la Colombie, du Sri Lanka, du Nigéria, du Cameroun, de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie et de la  France sont également intervenues.  Une déclaration commune a également été faite au nom des institutions nationales des droits de l’homme.


L’Ouganda, la République démocratique du Congo et le Soudan ont exercé leurs droits de réponse.


La Conférence de Durban poursuivra ses travaux demain matin, 5 septembre, à 10 heures.


CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE


Déclarations


M. PATRICK EDWARDS (Trinité-et-Tobago) : C’est au XVème siècle que les explorateurs européens ont foulé le sol des pays de la région caraïbe et décidé que notre pays était le leur.  Depuis cette rencontre décisive, notre État n’a cessé de changer de mains, ballotté entre plusieurs pays européens.  Ce flux précoce et incessant de colonisateurs et de colons s’est traduit par l’annihilation de la population et de la culture autochtone.  Il s’est appuyé sur le transport massif d’individus en provenance d’Afrique vers notre pays et vers l’ensemble de la région, à travers ce qui est passé à la postérité comme constituant l’infâme commerce transatlantique d’esclaves et l’esclavage qui y est associé.  La fin de l’esclavage a été suivie par l’importation et l’exploitation d’individus asiatiques en vertu du système de travail forcé.  Le colonialisme fut davantage qu’une simple manifestation politique de la conquête extérieure.  Lui sont en effet associées, entre autres, la conversion religieuse forcée, la perte de la langue et la destruction de l’unité familiale.


En dépit de ce tragique passé, nous sommes arrivés, depuis l’indépendance, à transformer notre pays en une société tolérante, harmonieuse, multiethnique et multiculturelle dans laquelle chaque croyance et chaque race trouve une place égale.  La Constitution de notre pays interdit expressément la pratique, par l’État, de la discrimination fondée sur la race, l’origine, la couleur, la religion ou le sexe.


Nous sommes intimement convaincus que le racisme et la discrimination raciale ne sauraient être totalement éradiqués sans tenir compte des profondes blessures du passé infligées par le commerce des esclaves, l’esclavage et le travail forcé.  Ce n’est qu’en faisant face avec objectivité aux atrocités du passé que l’on parviendra à prévenir leur résurgence et à engager le processus de guérison et de réconciliation.  Le commerce transatlantique des esclaves, l’esclavage et le colonialisme doivent être déclarés crimes contre l’humanité. 


Nous demandons également aux pays qui ont pratiqué le colonialisme et l’esclavage de présenter des excuses.  Nous approuvons la demande de réparations et estimons qu’il conviendrait pour la communauté internationale de discuter de cette question de manière approfondie.


M. THEBE MOGAMI, Ministre des affaires présidentielles du Botswana : La Conférence de Durban nous offre l’occasion de léguer aux générations futures un meilleur monde que celui dont nous avons hérité.  Elle nous appelle aussi à faire preuve d’unité et de détermination afin d’adopter des programmes qui feront la différence.  Les injustices du passé et leurs conséquences drastiques devraient être reconnues et les responsables de ces injustices devraient s’en repentir.  En conséquence, il faudrait déployer des efforts concertés pour redresser la situation.  Personne ne peut nier que l’esclavage, la traite négrière et le colonialisme ne constituent un crime contre l’humanité, causant des souffrances considérables, en particulier à l’égard des Africains et des descendants d’Africains.  C’est pourquoi, il nous incombe de trouver dans le cadre de cette Conférence des solutions durables et des mesures appropriées pour s’attaquer aux déséquilibres qui subsistent.  La Conférence de Durban devrait servir d’aimant pour unir l’humanité et éviter de créer des divisions.  La Constitution du Botswana garanti la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales à tous les individus.  En outre, le Gouvernement et le secteur privé déploient des efforts pour intégrer la question de la parité entre les sexes dans tous les domaines de développement, en vue d’éliminer les obstacles juridiques et les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes et des enfants.  Des programmes sont également mis en place en faveur des personnes âgées, les handicapés et les démunis.  Le Botswana est un pays qui connaît une importante diversité culturelle et ethnique du fait de la présence de résidents étrangers, d’immigrants et d’anciens colons qui ont intégré la société du Botswana et contribuent de manière significative à tous les secteurs de l’économie du pays.  Les Basarwa, groupe ethnique comptant environ 26 000 personnes, font partie intégrante de la nation et de la population du Botswana.  Aujourd’hui, leurs enfants accèdent à tous les niveaux scolaires, y compris l’université, et participent à tous les secteurs de l’économie nationale.


Le Botswana réaffirme son engagement à adhérer pleinement aux recommandations qui seront adoptées par la Conférence mondiale.  A cet égard, ceux qui sont dotés de ressources et de technologies devraient apporter leur appui moral et financier à la mise en œuvre des programmes et projets visant à combattre les conséquences du racisme et de la discrimination découlant de l’esclavage, du colonialisme et de la discrimination raciale.  Ce n’est que par la générosité et la reconnaissance des conséquences tragiques de l’histoire qu’une véritable réconciliation pourra avoir lieu.


M. IFTIKAHAR AHMAD AYAZ O.B.E (Tuvalu) : Il est vital pour la communauté internationale de parvenir à se débarrasser du racisme qui cause d’innombrables dégâts à nos sociétés et qui menace sérieusement la réalisation de la paix.  Il ne fait aucun doute que personne ne naît raciste et que la diversité des sociétés multiculturelles et multiethniques actuelles est un facteur d’enrichissement.  Le combat contre le racisme et la xénophobie va de pair avec la promotion d’une société pour tous qui encourage l’intégration et la pleine participation de chacun.  Si la responsabilité première de la lutte contre le racisme incombe aux États Membres, la dimension transnationale du problème justifie le recours à une action collective.  Le droit à l’égalité de traitement et à la non-discrimination est l’un des principes fondamentaux et l’une des valeurs communes sous-tendant le processus d’intégration mondiale.  Pourtant, dans notre monde actuel, les problèmes de race et de couleur sont courants.  Des hommes et des femmes continuent d’être privés de leurs droits de l'homme les plus fondamentaux et de leur dignité en raison de leur race.


Si nous voulons faire preuve de sérieux dans notre combat contre le racisme, nous ne devons pas permettre que des organisations ou groupes racistes puissent être légalement enregistrés dans nos pays.  Au nom de la démocratie et de la liberté d’expression, nous ne devons pas laisser les racistes dégrader et désintégrer nos sociétés.  Il convient aussi de promouvoir le développement économique afin de réduire la pauvreté qui se situe au cœur du problème du racisme.


Ne pas reconnaître les populations autochtones et ne pas leur accorder les droits appropriés les empêche de conserver leurs modes de vie.  Il existe indéniablement un devoir moral d’apporter une réparation pour les violations massives et systématiques des droits de l'homme fondamentaux et de restaurer le respect et l’harmonie entre les peuples.  Il nous incombe aussi de faire en sorte que nos enfants soient éduqués et élevés dans un environnement exempt de tout racisme.  Il est également indispensable que lorsque les médias s’efforcent de promouvoir les préjugés raciaux, les autorités corrigent les informations erronées diffusées dans ces médias.  Les Nations Unies devront en outre allouer des ressources budgétaires complémentaires à la Commission des droits de l'homme afin de lui permettre de renforcer ses infrastructures destinées à assurer la mise en œuvre, à tous les niveaux, du programme d’action qui sortira de cette Conférence mondiale.


M. MAXIME ZAFERA (Madagascar) : Ma délégation est convaincue que nos travaux déboucheront sur des résultats à la hauteur des attentes de la communauté internationale.  Le bilan décevant des précédentes décennies de lutte contre le racisme et la discrimination raciale a rendu nécessaire la convocation de cette Conférence mondiale.  La recrudescence de différentes formes de racisme dans le monde est une source de préoccupation pour la communauté internationale.  Des formes pernicieuses et violentes de racisme et de discrimination raciale

–dont les auteurs sont parfois des agents chargés du maintien de l’ordre– ont pu être constatées dans des pays qui se targuent pourtant d’une longue tradition de libéralisme.  Dans ces mêmes pays, d’autres formes subtiles de racisme et de discrimination se manifestent dans la manière dont il est donné suite aux demandes d’emploi et de logement ou dans l’accès à des lieux publics ou de loisir.  D’autres manifestations de ces mêmes fléaux, sous des formes diffuses, se traduisent par des agressions verbales, souvent gratuites, qui relèvent d’habitudes ou d’attitudes ataviques.  Est-il enfin besoin de souligner le grave danger que présente l’utilisation d’Internet à des fins de propagande raciste?  Devant ces formes pernicieuses et violentes du racisme, les autorités nationales sont impuissantes quand elles ne sont pas complaisantes.  La communauté internationale ne saurait laisser perpétuer ou prospérer ces différentes manifestations de racisme.  Elle doit réagir avec vigueur et montrer sa détermination à le faire au cours de la présente Conférence mondiale par la prise de mesures concrètes destinées à préserver nos générations futures et à nous débarrasser de ces fléaux considérés comme les plus ignobles que l’humanité ait connus.


Chacun sait que l’Afrique est la région qui a le plus souffert de l’esclavage, de la traite négrière transatlantique, du colonialisme, de l’apartheid et de toutes formes de racisme.  Des mesures justes et appropriées doivent en conséquence être adoptées pour réparer les injustices du passé.  À cet égard, il est permis d’espérer que les délégations qui n’ont pas pu partager les préoccupations du Groupe africain au cours des travaux préparatoires sauront faire preuve d’une réelle volonté politique afin de faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’humanité, le droit et la justice.  Madagascar, pour sa part, se ralliera à tout consensus conforme à la justice et à l’équité.


M. CARLYLE CORBIN, Ministre d’Etat délégué aux affaires extérieures des îles Vierges américaines : Les thèmes de cette Conférence sont d’un intérêt particulier pour les îles Vierges, qui se sont libérées de l’esclavage.  Le 3 juillet dernier, les îles Vierges célébraient le 153ème anniversaire de leur émancipation de ce régime brutal.  Nous sommes convaincus que la Conférence mondiale sera en mesure de parvenir à un consensus sur la création d’un mécanisme mutuellement acceptable pour rétablir les préjudices causés au cours des siècles.  Le Gouvernement des îles Vierges américaines a conclu deux accords avec le Danemark –ancienne autorité administrante des îles– pour la préservation et le rapatriement des documents historiques qui ont été déplacés pendant l’exercice de cette autorité.  Ces accords bilatéraux et un autre en cours de préparation marqueront une étape importante pour assurer la pleine mise en œuvre des solutions proposées par le projet de programme d’action de la Conférence.  Le colonialisme qui est reconnu dans les projets de texte qui seront adoptés par la Conférence et par de nombreuses déclarations exprimées ici ne constitue pas uniquement une situation du passé.  Le colonialisme existe tout autant de nos jours.  Il subsiste 17 territoires non autonomes, essentiellement dans les Caraïbes et la région du Pacifique dont connaît le Comité spécial sur la décolonisation.  L’inégalité politique de ces territoires marquera encore ce nouveau millénaire.  Il incombe à l’Assemblée générale de garantir que les populations de ces territoires une égalité politique absolue.  Le succès des élections constituantes au Timor oriental le 30 août dernier illustre la mise en œuvre réussie de ce mandat et le rôle essentiel des Nations dans un tel processus.


Mme K. BURKE DILLON, Vice-Présidente de la Banque interaméricaine de développement : Pour la Banque interaméricaine de développement (BID), la Conférence mondiale sert de catalyseur pour nos efforts dans la lutte contre le racisme et en particulier dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités qui sont au cœur des préoccupations de notre institution.  La BID dispose d’un portefeuille de prêts de 47,6 milliards de dollars et est la banque de développement la plus importante de l’Amérique latine et des Caraïbes.  Dans les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes vivent une diversité de peuple, dont la culture et l’héritage ethnique font une richesse et les fondements de leur identité.  Il est établi que plus du tiers de la population d’Amérique latine et des Caraïbes, soit plus de 150 millions d’êtres humains, est d’origine africaine ou autochtone.  Les populations autochtones se divisent en 400 groupes ethniques, chacun avec sa langue, ses traditions, son organisation sociale.  Cette diversité est le résultat de siècles de colonialisme, d’esclavage et de travail forcé.  Et les conséquences de ces phénomènes racistes et discriminatoires se ressentent encore aujourd’hui.  Il est donc important de confronter le passé, en analysant ses effets dévastateurs, afin de valoriser ce potentiel pour construire l’avenir.


Les années récentes ont été marquées par un renforcement de la démocratie dans la région qui s’est accompagnée de la reconnaissance des droits des peuples autochtones et des populations d’origine africaine.  Leurs droits ont fait l’objet de dispositions législatives et constitutionnelles qui doivent désormais se traduire en politiques publiques.  Notre plus grand problème à cet égard est le manque de données statistiques fiables concernant les populations autochtones et les populations d’origine africaine.  Dans les pays disposant de statistiques, la BID met en œuvre des programmes d’éducation, de santé publique afin de corriger les inégalités.  Pour assurer le succès de ces programmes de lutte contre l’exclusion, la BID procède par la mobilisation des communautés dans la mise en œuvre des politiques d’aide.


Mme DULCE MARIA PEREIRA, Secrétaire exécutif de la Communauté des pays de langue portugaise : Pendant des siècles, le racisme était dirigé principalement contre les Africains, les Indiens, les Arabes, les Asiatiques et les Juifs et revêt aujourd’hui des formes généralisées.  La culture humaine et les différences religieuses servent d’instruments qui détermineront les avantages et les désavantages alimentés par l’imagination sociale qui tend de plus à disqualifier ou à mystifier l’autre.  Les inégalités sociales et sexuelles, les différentes formes de racisme ont un dénominateur commun : les pratiques immorales hégémoniques exercées sans référence ou critères de respect des droits fondamentaux.  Les résultats des négociations de cette Conférence seront extrêmement utiles pour tous si, et seulement s’ils produisent des niveaux élevés de la réduction de ces formes d’imposition hégémoniques.  La Communauté, par sa constitution et son action, a montré de nouvelles formes de relations entre les pays.  Elle a aussi établi des relations politiques et diplomatiques et des formes de coopération qui lui ont permis de faire référence au passé pour agir dans les processus actuels de développement.  La consolidation de nos jeunes démocraties et de la paix dans l’ensemble de la communauté a été le défi auquel nous sommes confrontés chaque jour en Angola, au Brésil, au Cap-Vert, en Guinée-Bissau, à Sao-Tomé-et-Principe, au Mozambique, au Portugal et dans le processus en cours au Timor oriental.


Fondée sur l’éthique et la coopération, cette jeune institution a transformé en avantages notre diversité et la présence géographique sur différents continents.  La langue portugaise, lien commun, constitue l’instrument de diffusion d’une histoire des peuples qui reflètent un nouveau consensus et des principes qui devraient être traduits dans des politiques nationales et qui créent un changement important dans la vie quotidienne des nos populations, contribuant par ce biais aux processus qui réalisent des partenariats, plus de solidarité et un engagement plus ferme de la communauté internationale en faveur de l’éradication du racisme. 


M. KAMEL REZAG-BARA, Vice-Président de la Commission africaine des droits des peuples et des droits humains : Nous nous joignons au reste du monde dans la lutte contre le racisme et la discrimination.  Cette Conférence est la première qui se tient en Afrique et il est important que les gouvernements et la société civile puissent influencer ses travaux.  Un grand nombre d’Africains se voient encore nier leurs droits et sont frappées par la pauvreté et la misère.  Nous soutenons la Déclaration de Dakar entérinée par les Etats africains qui reflète bien les sources du racisme et ses manifestations contemporaines.  Nous rappelons que l’esclavage, la traite et le colonialisme constituaient des politiques racistes qui ont certainement aggravé les conditions de vie des populations africaines.  Nous soutenons la Nouvelle Initiative Africaine qui permettra de promouvoir le développement et de lutter contre la pauvreté en respectant la diversité des peuples.  Nous nous félicitons de la naissance de l’Union africaine qui est une manifestation de nos efforts d’intégration.  Nous devons admettre que le racisme va bien au-delà des questions de couleur et se traduit aussi dans la discrimination basée sur les ethnies, les castes ou le sexe.  Le racisme et la discrimination sont des questions de droits de l’homme et il importe de les lier aux notions théoriques de reconnaissance des erreurs du passé.  Il faut consentir une repentance et une réparation aux victimes de l’esclavage, de la traite et du colonialisme. 


M. PETER PIOT, Directeur exécutif de l’ONUSIDA : La solidarité, les connaissances et l’espoir établissent une base solide pour la lutte contre la pandémie du VIH/sida.  Dans le monde, les actions réussies contre le sida ont été mises en œuvre sur la base du respect des droits de l’homme, assurant la promotion de la dignité des personnes affectées et renforçant la solidarité sociale.  L’intolérance ajoute de nouvelles craintes à celles qui existent.  Dans de nombreux cas, le stigma du VIH/sida s’est greffé à d’autres, notamment les stéréotypes raciaux et la discrimination à l’encontre des femmes et les minorités sexuelles.  En même temps, la vulnérabilité au VIH résulte de l’inégalité sociale qui s’est instaurée par d’anciens schémas raciaux et par l’inégalité fondée sur le sexe.  La réalité est que le VIH affecte les riches et les pauvres, les Blancs et les Noirs, les hommes et les femmes.  Toutefois, à mesure que la pandémie se propage, ses effets tendent à affecter une grande partie de la population qui sont les plus défavorisés, en raison de la race, du sexe ou de la situation économique.  Il faut donc s’attaquer à ce fléau multidimensionnel en prenant des mesures vigoureuses et concrètes, par la sensibilisation et la communication à tous les niveaux, le soutien des groupes de personnes affectées par le VIH/sida, un cadre juridique approprié, ainsi qu’une prévention et des services de soins.  Une action contre cette pandémie fondée sur le respect, la dignité et les droits de l’homme est une obligation morale.


Mme WINNIE MPANJU-SHUMBUSHO (Organisation mondiale de la santé - OMS) : Traditionnellement, ce sont les femmes, les personnes âgées, les minorités ethniques et raciales, les personnes handicapées, les populations autochtones, les migrants, les réfugiés, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, les personnes infectées par le VIH/sida et les enfants qui souffrent le plus de discrimination au sein des sociétés dans lesquelles ils vivent.  La discrimination est à l’origine de la pauvreté et de la mauvaise santé, qu’elle contribue à amplifier.  Le droit au meilleur niveau de santé qu’il soit possible d’atteindre ne peut être effectivement exercé que lorsque les institutions, les produits et les services de santé sont proposés de manière non-discriminatoire et accessibles à tous, en particulier aux segments les plus vulnérables et marginalisés de la population.  D’après ce que l’on sait en dépit de la rareté des études sur la question, les groupes raciaux et ethniques sont victimes d’inégalités inacceptables en matière de soins de santé.  À cet égard, l’OMS recommande d’entreprendre davantage de recherches afin d’explorer les liens entre la situation sanitaire d’une population et le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance relative auxquels cette population est confrontée.  Ce n’est qu’en établissant clairement les faits que nous pourrons avancer et prendre les mesures appropriées pour répondre concrètement aux problèmes dont nous débattons aujourd’hui ici.


Mme ROXANA CARRILLO, Fonds des Nations pour les femmes (UNIFEM) : En 1993, à la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l’homme, les femmes sont parvenues à faire reconnaître l’universalité des droits humains en faisant reconnaître les formes d’oppression et de discrimination dont sont seules victimes les femmes.  La Conférence mondiale contre le racisme devrait ajouter les discriminations annexes dont les femmes sont victimes basées sur des critères de race, d’ethnie et de toute autre forme d’appartenance identitaire.  Les violences contre les femmes qui étaient encore un sujet tabou dans les années 1990 sont aujourd’hui considérées comme des violations caractérisées des droits de l’homme.  Les femmes sont cependant encore victimes de double discrimination que ce soit au niveau racial ou professionnel et elles n’ont pas d’accès prioritaire aux mécanismes de protection de leurs droits. 


Les femmes sont victimes du trafic humain de conflits armés comme c’est le cas dans la région des Grands Lacs en Afrique centrale et dans les Balkans, où elles sont victimes de viols collectifs instrumentalisés à des fins de génocide et d’épuration ethnique.  Dans certains pays, les femmes sont victimes de stérilisation forcée.  Les femmes de la communauté rom par exemple ont subi des examens gynécologiques involontaires dans certaines régions tandis qu’ailleurs, les femmes des minorités autochtones sont l’objet de campagnes de stérilisation.  L’UNIFEM est particulièrement interpellé par les discriminations et persécutions à l’égard des femmes qui sont les premières victimes des inégalités socioéconomiques et des conflits.  Nous défendons leur droit à l’éducation, à la justice sociale et, l’objet de notre présence en Afrique est aussi de protéger les femmes de la pandémie du VIH/sida qui les frappe davantage du fait de leur situation vulnérable. 


Mme ERICA-IRENE A. DAES, Présidente du Groupe de travail sur les populations autochtones : La discrimination à l’égard des populations autochtones ne peut pas être éliminée en critiquant le tribalisme, en faisant participer tout le monde dans les mêmes écoles ou en déclarant l’égalité à tous les citoyens d’un Etat.  Cette approche adoptée en Amérique a échoué bien avant d’avoir été appliquée en Afrique.  L’assimilation involontaire constitue l’expression ultime du racisme.  Les conséquences en sont mêmes plus profondément préjudiciables.  La liberté vise à nous donner le choix et non pas à nous imposer le même modèle.  Les populations autochtones et tribales posent un défi aux nouvelles réalités politiques et économiques internationales.  Le défi clef que pose ces populations est la restitution et le contrôle sur  les territoires et ressources naturelles de leurs terres ancestrales.  Elles revendiquent en particulier le droit de préserver leurs terres du marché mondial et de promouvoir un développement durable.  Présidente et rapporteur de ce Groupe de travail depuis 18 ans, j’ai assisté à une évolution considérable de l’opinion publique à l’égard des populations autochtones, ainsi qu’à des changements de leur condition et de leur reconnaissance dans le système des Nations Unies.  L’ONU a répondu très rapidement à l’appel croissant des populations autochtones et à leur participation dans les instances internationales.  Toutefois, les mots doivent être traduits en actions.  A ce jour, à peine 10% du budget des Nations Unies sont versées aux activités les concernant.  La Convention sur la biodiversité réaffirme le droit des populations autochtones de poursuivre l’utilisation durable de leurs terres et de leurs ressources vitales.  Ces droits sont également reconnus par la Conférence des Nations Unies sur la population et le développement.  La Conférence de Durban doit reconnaître et répondre à la dimension de la capacité des gouvernements de prendre des mesures pour combattre le racisme.  Les gouvernements ne doivent pas cependant choisir entre la stabilité économique et les droits de l’homme.

M. SOLARI YRIGOYEN, Vice-Président du Comité des droits de l’homme des Nations Unies : Notre travail nous conduit constamment à nous plonger dans les racines du racisme et de la discrimination et nous sommes conscients de l’importance de la lutte dans ce domaine.  La Convention internationale sur les droits économiques et civils contient des mesures prévenant la discrimination dans de nombreux articles.  Ces droits doivent être garantis à tous les individus sans distinction.  Notre Comité étudie les rapports que les Etats soumettent et s’intéresse à tous les aspects touchant à la discrimination raciale et aux droits des autochtones.  Il commente par écrit ces rapports et tente de démontrer la persistance des pratiques racistes et discriminatoires dans de nombreuses régions du monde. 


Le Comité part du principe que les manifestations de racisme ne peuvent être considérées comme découlant de la liberté d’expression et estime que cette dernière ne peut autoriser tout propos raciste.  Toute manifestation de haine religieuse ou raciale doit être punie par la loi si elles incitent à la violence.  L’humanité a remporté des victoires significatives au cours du dernier siècle dans la lutte contre le racisme.  Le Comité n’ignore pas pour autant que le racisme persiste et, alors que nous nous rêvons d’un monde égalitaire, de nouveaux phénomènes ont émergé qui alimentent le racisme, au premier rang desquels le fossé entre pauvres et riches.  Le Comité estime qu’il est nécessaire de faire le bilan objectif du passé et de rester vigilant face aux défis du présent. 


Mme RIGOBERTA MENCHU, Prix Nobel de la paix : Nous autres, peuples autochtones, aspirions à ce que cette Conférence fournisse l’occasion d’une autocritique historique et d’une avancée significative en matière de reconnaissance de nos droits, bafoués durant tant de siècles.  Or, en dépit de la clarté avec laquelle –durant le processus préparatoire de cette Conférence- nous n’avons cessé de demander à être reconnus en tant que peuples, les représentants gouvernementaux ont négocié et prétendent nous imposer les paragraphes 26, 27 et 51 du projet de déclaration de la présente Conférence qui non seulement ignorent nos contributions et nos aspirations mais en plus constituent une violation flagrante des principes d’universalité et d’indivisibilité des droits de l'homme.  Ces paragraphes sont racistes et illégaux et perpétuent les discriminations dont nous faisons l’objet.  Ainsi, ces paragraphes, au lieu de reconnaître nos droits, les nient et les restreignent en les renvoyant à un processus de négociation incertain et indéterminé.  Ces paragraphes cherchent à assurer notre soumission aux cadres juridiques et institutionnels existants.  Les peuples autochtones sont les seuls peuples du monde à voir leurs droits inhérents et pré-existants être mis en suspens et soumis, de manière inacceptable, à négociation.  Nous attirons l’attention de la Conférence, des médias et de l’opinion publique internationale afin que ne se poursuivent pas une telle aberration juridique et une telle injustice immorale.  Nous demandons donc le retrait des progrès susmentionnés et leur remplacement par d’autres de manière à garantir aux populations autochtones la pleine reconnaissance de leur droit à l’autodétermination et des autres droits que le droit international reconnaît à tous les peuples.  Si cette demande ne devait pas être acceptée, nous exigerions le retrait de toute référence aux populations autochtones dans les documents de cette Conférence.


La troisième Conférence contre le racisme a été marquée, tout au long de son processus préparatoire, par l’absence totale de volonté politique, de la part des États héritiers de l’ordre colonial, d’affronter avec dignité un débat sur les causes historiques de ces phénomènes et d’assumer leurs responsabilités.


En outre, entre la première et la deuxième Conférence contre le racisme, fut commis dans mon pays, le Guatemala, ce que la Commission de vérité des Nations Unies a qualifié de génocide –génocide dont je suis une survivante.  Quatre-vingt trois pour cent des 200 000 victimes de ce génocide furent des mayas autochtones, comme ma mère, mon père et mes frères.  À ce jour, aucun tribunal dans le monde n’assure vaillamment la poursuite pénale, le jugement et le châtiment de ces crimes contre l’humanité.


M. ASBJORN EIDE, Président du Groupe de travail des Nations Unies sur les minorités : Les efforts visant à créer des mécanismes internationaux de protection des minorités ont pendant longtemps fait l’objet de résistance de la part des Etats.  On estimait qu’un régime international pourrait servir de prétexte pour s’immiscer dans les affaires intérieures des Etats, et que préservation de l’identité des minorités pourrait constituer une menace à l’unité et à la stabilité des Etats.  Toutefois, on a admis que la stabilité des Etats était mieux protégée en reconnaissant les besoins des différents groupes ethniques.  La répression de l’identité vise à exacerber les tensions et les conflits et risque donc de porter une grave atteinte à l’unité de l’Etat.  On a également craint qu’une protection spéciale des minorités pourrait viser à justifier une discrimination négative.  Lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies avait adopté, en 1992, la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, deux objectifs ont été combinés : l’un vise à garantir aux personnes appartenant à ces minorités l’égalité dans la jouissance des droits de l’homme par le biais d’un traitement égal et d’opportunités égales, et le second vise à protéger et à promouvoir les conditions appropriées pour l’identité des minorités.


La promotion de leur identité exige des mesures destinées à faciliter le maintien, la reproduction et un meilleur développement de la culture des minorités.  Les cultures ne sont pas statiques, mais les minorités devraient être habilitées à développer leur propre culture dans le contexte du processus en cours. 


M. GLÉLÉ AHANHANZO, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, xénophobie et de l’intolérance qui y est associées : Depuis toujours et aujourd’hui plus que jamais, le racisme apparaît comme l’un des plus graves fléaux de l’humanité car il constitue la négation même de l’égale dignité de la personne humaine.  La présente Conférence mondiale offre à l’humanité l’occasion unique de se confronter à elle-même, aux démons qui hantent son passé, qui altèrent son passé et son présent et qui obscurcissent son avenir.  La Conférence de Durban devrait amener chacun de nous à se plonger humblement au tréfonds de son être pour se demander pourquoi l’acceptation de l’autre dans sa différence nous semble aussi insupportable, au point de ne lui proposer au mieux que l’assimilation à notre propre nature ou culture, celle du dominant, sous peine de l’exclure ou de l’éliminer.  De cette introspection, devraient jaillir les solutions qu’ensemble nous pouvons et devons trouver et qui se traduiront par des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau dégradant et déshumanisant qu’est le racisme.  Il nous faut nous souvenir car l’humanité ne peut avancer qu’en ayant reconnu les méfaits et les errements de son passé.  Il faut un minimum de reconnaissance des faits qui ont existé et marqué notre historie commune ainsi qu’une repentance pour que


s’allège le poids du passé et que puisse être bâti l’avenir.  Il faut donc connaître, reconnaître et enseigner, en les fustigeant, tous les crimes qui ont été commis contre l’humanité, afin qu’ils ne se reproduisent plus sous quelque forme que ce soit.


Le racisme est un phénomène rémanent avec des manifestations récurrentes, produit de l’ignorance de l’autre.  En dehors de ses formes classiques que sont l’esclavage, la traite négrière, le massacre et la marginalisation des minorités, des populations autochtones, des Roms, des Tziganes ou des gens du voyage, les victimes du système des castes –en Afrique et en Asie, l’apartheid de triste mémoire, le racisme, qui n’épargne aucun peuple ni aucune région du monde emprunte des formes subtiles et complexes et s’exprime à travers les moyens technologiques les plus sophistiqués (en particulier Internet).  On assiste à la résurgence de l’antisémitisme, de l’expression de sentiments anti-arabes, de la xénophobie.  On observe également la résurgence des tendances et partis de l’extrême droite et du révisionnisme; la surexploitation politique et la manipulation de l’ethnicité; la discrimination raciale dans l’application de la peine de mort et la lutte contre la drogue; ainsi que le racisme environnemental.  Il faut résolument réagir contre ce développement inquiétant du racisme, de la discrimination raciale et de la xénophobie.


Il me semble que le combat contre la discrimination raciale doit se mener sous l’angle de l’éducation des droits de l'homme et de la promotion des aspects positifs de la diversité raciale et culturelle; sous l’angle de la répression pénale; et par la prise de mesure d’ordre économique et social en faveur des populations et personnes qui, du fait de pratiques discriminatoires présentes ou passées, sont marginalisées, condamnées à la pauvreté et à vivre en sous-hommes.  Je voudrais donc suggérer, comme je l’ai déjà fait dans mon rapport à propos de la Colombie en 1996, que l’on réfléchisse à la création d’un fonds de dépôt de lutte contre la pauvreté qui serait destiné à financer en priorité les plans de développement des pays qui s’engagent résolument dans la lutte contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie.  Chaque pays concerné devra adopter un plan national d’intégration économique et sociale des minorités (ethniques ou nationales), des populations autochtones et aborigènes ou des migrants qu’il fera connaître au Haut-Commissariat aux droits de l'homme.  Il faudrait envisager la mise en place d’un mécanisme de suivi de la Conférence mondiale.


M. ABDELFATTAH AMOR, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la liberté de religion et de conviction : Malgré les efforts déployés à l’échelle internationale et dans de très nombreux États, l’intolérance et les discriminations religieuses persistent de par le monde.  Ce phénomène semble même se développer dans certaines régions et prendre parfois des formes extrêmes.  Très souvent, l’intolérance et la discrimination fondées sur la religion ou la conviction, surtout lorsqu’elles touchent des minorités, sont aggravées par des discriminations raciales, ethniques, linguistiques, économiques, sociales ou autres.  Il y a lieu de remarquer que ces discriminations ne constituent pas une simple addition d’infractions (il s’agirait alors de discrimination multiple) mais créent une nouvelle catégorie de discrimination que les projets de déclaration et de programme d’action ont bien fait de consacrer : il s’agit de la discrimination aggravée, distincte de la discrimination simple et des discriminations multiples, pour laquelle il faudrait prévoir un régime juridique spécifique permettant une répression plus rigoureuse.


«On remarquera par ailleurs que la gestion de l’intolérance et de la discrimination fondée sur la religion et la conviction fait également apparaître la condition précaire de la femme au regard de la religion.  Celle-ci constitue souvent un confortable alibi pour maintenir la femme dans une condition seconde et même parfois secondaire, condition inacceptable au regard des droits de l'homme et qui appelle à une vigilance accrue».  Le dialogue inter-religieux et infra-religieux éprouve, malgré les nombreuses initiatives prises dans une multitude de cadres, de la difficulté à s’instaurer et à entrer effectivement dans les traditions.  L’éducation, dont l’un des principaux vecteurs est l’éducation scolaire, ne joue pas encore pleinement son rôle partout.  A cet égard, il convient de rappeler que se tiendra à Madrid, du 23 au 25 novembre prochain, une conférence internationale consultative sur l’éducation scolaire en tant qu’instrument de lutte contre l’intolérance et la discrimination fondées sur la religion ou la conviction.


D’autre part, le séquençage du génome humain est de nature à favoriser l’émergence de prédisposition à certains comportements individuels et sociaux.  Les progrès de la science dans ce domaine et les possibilités de manipulation génétique, conjuguées avec la recherche du lucre ou la recherche du contrôle social comportent des risques sérieux de discrimination et de déshumanisation au nom du dépassement de l’humanisme.  La Déclaration universelle sur le génome humain adoptée par l’Unesco en 1997 pas plus que le paragraphe 80 du projet de programme d’action soumis à cette Conférence ne semblent être en mesure de faire face aux risques encourus, lesquels sont de plus en plus réels.


Mme GABRIELA RODRIGUEZ PIZARRO, Rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits des migrants : Les violations des droits des migrants résultent notamment de l’exclusion sociale, de la discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la situation économique et sociale et la nationalité.  Dans les pays de transit, les migrants se trouvent dans une situation vulnérable, affectant leur capacité d’intégration, leur état physique et psychologique et leur identité culturelle.  La marginalisation, la négation de ses droits et la clandestinité renforcent leur vulnérabilité.  De nombreux pays connaissent la résurgence des mouvements racistes qui préconisent la violence à l’encontre des migrants et la xénophobie.  A cette Conférence, nous devons saisir l’opportunité d’examiner la question des migrants pour promouvoir les différents moyens de protection en faveur des migrants et de réparer les préjudices subis.  La Conférence a reconnu que les migrants contribuent au développement économique, social et culturel de leurs pays d’origine et d’accueil et que leurs droits doivent être protégés, sans aucune discrimination.  Elle a également abordé la question de la protection des enfants et des femmes migrants, en particulier dans le cas du trafic et de la traite et a débattu des moyens garantissant la protection de ces victimes.  A cet égard, il est impératif que les Etats, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales parviennent à un consensus afin de mettre en œuvre les recommandations qui seront adoptées par la Conférence.  Ils doivent élaborer des programmes de formation à l’intention des douaniers, des policiers et du personnel de l’immigration, afin d’assurer aux migrants un traitement digne et de combattre la xénophobie et le racisme.


Mme RADHIKA COOMARASWAMY, Rapporteur spéciale sur la violence contre les femmes : Dans une étude récente, il a été avancé que les femmes pauvres appartenant à des groupes vulnérables figurent au nombre des personnes qui sont le plus fréquemment victimes de la discrimination sous toutes ses formes.  Par exemple, ce sont le plus souvent les femmes qui sont victimes d’abus physiques et doivent effectuer de longues heures de travail.  Il convient d’accorder une attention toute particulière à la situation des femmes pauvres des groupes vulnérables.  En effet, les crimes perpétrés à leur encontre bénéficient généralement d’une très large impunité.  Les femmes provenant de groupes ou de castes minoritaires veulent souvent émigrer pour échapper à leur sort et sont donc particulièrement visées par les trafics les plus divers.  Le trafic des femmes constitue une forme moderne d’esclavage.  En Bosnie, au Kosovo, au Rwanda et au Timor oriental des crimes sexuels inacceptables ont été commis, ce qui a abouti à la création de tribunaux ad hoc afin, entre autres, de juger de tels crimes.


Les femmes se trouvent souvent dans une position ambiguë en ce sens qu’elles veulent lutter pour la justice et l’égalité au sein de leur communauté tout en s’assurant que les caractéristiques propres à cette communauté resteront fondamentalement respectées au niveau international.  Que ce soit en Irlande du Nord, au Burundi ou en Somalie, les femmes sont souvent au premier rang de ceux

qui réclament la paix.  Il est indispensable d’inclure les femmes dans les processus de négociation et de s’inspirer de leur vision en écoutant ce qu’elles ont à dire.  Il convient en outre de relever que toutes les formes de nationalisme extrême sont racistes et sont à l’origine de la plupart des conflits à travers le monde.


M. FEKROU KIDANE, Directeur de la coopération internationale au Comité international olympique : L’histoire nous enseigne que le racisme dans le sport a toujours existé sous diverses formes.  Cependant, la pire discrimination raciale dans le sport s’est manifestée ici en Afrique du Sud où les jeunes sportifs noirs ont souffert de la ségrégation pendant des décennies.  La Confédération africaine de football, créée en 1957 à Khartoum, a été à l’origine de la lutte contre l’apartheid dans le sport qui a abouti, en 1970 à l’exclusion de l’Afrique du Sud du Mouvement olympique.  Le retour de ce pays ne date que de 1992, aux Jeux Olympiques de Barcelone mais, malgré tout, le racisme continue de se manifester dans le monde.  Le sport est un élément unificateur des sociétés car il regroupe toutes les races, soit sur le terrain, soit dans les spectateurs.  L’exemple le plus symbolique est l’équipe de France de football qui regroupe des joueurs de toutes les cultures et de toutes les races.  Nous sommes par conséquent, au Comité olympique, fermement engagés dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale afin qu’ils ne puissent ternir l’image de tolérance que véhicule le sport. 


M. BARNEY PITYANA, Porte-parole désigné pour une Déclaration commune d’institutions nationales : Les institutions nationales créées pour apporter leur contribution à la Conférence mondiale et pour la promotion de la lutte contre le racisme et la discrimination sont préoccupées par les manifestations, sous toutes ses formes de ces fléaux qui pourraient donner lieu à des génocides ou au nettoyage ethnique.  Ces institutions s’intéressent à toutes les activités des Nations Unies pour examiner les mesures adoptées et étudier les moyens qui pourraient améliorer leur mise en œuvre.  Nous ferons en sorte que les Gouvernements signeront ou ratifieront les Conventions internationales en matière de droits de l’homme.  Les institutions nationales sont encouragées à œuvrer en étroite coopération avec les Comités créés par les conventions.  Il convient de mieux intégrer dans les différents programmes des Nations Unies les mesures de lutte contre le racisme.  Les enfants doivent être davantage sensibilisés aux problèmes du racisme et de la discrimination, en les encourageant la diversité. 


Des recours efficaces doivent être mis en place par les gouvernements et des sanctions pour incitation à la haine raciale devraient également être envisagées.  Il faudrait en outre que les institutions nationales procèdent à un échange d’informations et d’expériences.  Lors de leur conférence internationale en 2002, elles présenteront des rapports analytiques sur leurs activités.


Rev. ALFRED NSOPE, Président de la Commission des droits de l’homme du Malawi : La Commission nationale des droits de l’homme vise à contribuer à la lutte contre le racisme et à la Conférence mondiale.  Dans ce cadre, elle a préparé un document sur la prévalence du racisme, de la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée au Malawi.  La discrimination et l’intolérance qui se manifestent au Malawi sont de nature politique, ethnique et religieuse.  Le programme national est toujours en vigueur.  La Commission organise des ateliers de travail pour les jeunes afin de les sensibiliser à ces fléaux.  Dans le cadre de ses contributions aux niveaux régional et international, la Commission a convoqué une réunion consultative nationale pour débattre des questions figurant dans les projets de déclaration et de programme d’action de la Conférence mondiale.  A cette réunion, les participants avaient adopté une proposition selon laquelle l’esclavage, la traite des esclaves et les autres formes de servitude, les conquêtes et le colonialisme constituaient des sources et des manifestations premières de racisme et de discrimination raciale.  Ils avaient également convenu que les responsables de ces actes assument leur obligation morale, économique, politique et juridique sur le plan national et conformément aux mécanismes internationaux appropriés qui prévoient des réparations et des indemnisations aux communautés qui ont subi ces préjudices, quels qu’en soient la date et le lieu où ils ont été commis.  Les formes contemporaines de racisme et de discrimination raciale seront également prises en compte.


Mme MICHELLE FALARDEAU-RAMSAY, Commissaire adjointe à la Commission des droits de l’homme du Canada :  Tous les peuples du monde font face au racisme, à la discrimination raciale, à l’intolérance.  Les documents finaux se devront de refléter la réalité de ces violations dans notre monde contemporain.  Au Canada, des cas de discrimination raciale sont trop souvent recensés, que ce soit les messages de haine sur l’Internet ou les discriminations envers les peuples autochtones et les minorités africaines ou asiatiques, pour que nous puissions minimiser la portée de cette Conférence.  J’invite la Conférence à ne pas se séparer sans avoir réalisé des avancées considérables et adopté un plan commun d’action.  Les mesures proposées dans les projets de Déclaration et de Programme d’action sont très positives et donnent l’assurance que le racisme et la discrimination feront l’objet d’un véritable combat.  Mais les résultats de cette Conférence risquent aussi d’être des paroles creuses si nous ne sommes pas vigilants et si les Etats ne créent pas un mécanisme de suivi comme l’ont fait les organisations non gouvernementales. 


M. MORTON KJAERUM, Centre danois pour les droits de l’homme : Le racisme en Europe n’est pas seulement un démon du passé, il est également une réalité brutale pour des millions de personnes vivant sur notre continent.  Alors que le paradigme prédominant du racisme au cours des décennies précédentes se limitait à la couleur, aujourd’hui la couleur ne peut plus à elle seule justifier les comportements racistes.  D’autres catégories comme la culture, la religion et la langue constituent maintenant une partie intégrante de la discrimination raciale.  C’est particulièrement évident en Europe, où les réfugiés et les immigrants sont la première cible de la discrimination e de la xénophobie, de même que les populations autochtones et les minorités, notamment les Roms, les Sintis et les gens de voyage.  Dans cette perspective, en tant qu’institution nationale, le Centre danois joue un rôle particulier dans la lutte contre ces fléaux.  Le Centre espère que les résultats de cette Conférence renforceront le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD).  Les institutions nations jouent un rôle crucial en étroite coopération avec le CERD et les communautés locales.  La formation du personnel chargé de l’exécution des lois qui, souvent en Europe, adopte une attitude raciste xénophobe, est essentielle.  Les médias sont également invités, en tant qu’acteurs clefs, à développer une sensibilisation plus claire à son rôle  dans la lutte contre le racisme et dans la promotion de la culture des droits de l’homme.  La 6ème Conférence internationale des institutions nationales se tiendra à Copenhague en avril 2002.


M. DRISS DAHAK, Président du Conseil consultatif pour les droits de l'homme du Maroc : Le Conseil consultatif dont j’assume la présidence existe depuis onze ans et joue un rôle essentiel en matière de promotion et de protection des droits de l'homme au sein du Royaume du Maroc.  Un décret royal a récemment été publié qui accroît l’efficacité de ce Conseil en élargissant sa composition et son mandat.  Le Conseil a participé à un certain nombre d’activités, aux niveaux national et international, dans le cadre des préparatifs à la présente Conférence.  Il entend également jouer un rôle important, après cette Conférence, en s’efforçant d’assurer le suivi et la mise en œuvre des résultats de cette réunion de Durban.  Un certain nombre de Marocains choisissent d’émigrer dans des pays voisins dans lesquels certains de leurs droits sont parfois bafoués.  Le Conseil consultatif des droits de l'homme insiste auprès des pays d’accueil de ces personnes afin qu’ils mettent en œuvre, en leur faveur, les instruments internationaux pertinents et accèdent à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.  Le Conseil collabore en outre avec d’autres institutions nationales en vue de promouvoir une protection adéquate des droits de l'homme dans tous les pays et dans tous les territoires occupés, y compris en Palestine.


M. KOMI GNONDOLI, Président de la Commission des droits de l’homme du Togo : Le phénomène du racisme et ses corollaires que sont la xénophobie et l’intolérance constituent des sujets de préoccupation pour la communauté internationale.  En dépit des efforts constants et appréciables dans la lutte contre le racisme, nous assistons ici et là à une recrudescence du racisme et de la xénophobie.  Le Togo, conscient du danger que représente la discrimination raciale sous toutes ses formes, a mis en place des mécanismes juridiques pour juguler ce fléau.  Des mesures ont été prises pour rendre les dispositions d’ordre constitutionnel plus accessibles aux citoyens à travers une législation nationale qui interdit les programmes et activités incitant à la discrimination raciale et déclare punissables les actes et comportements racistes.  Je souhaite que la rencontre de Durban soit l’occasion de sensibiliser nos Etats sur le rôle constructif et sur l’importance des institutions nationales indépendantes de promotion et de protection des droits de l’homme et d’exhorter ceux qui n’en ont pas, à en créer pour mettre ainsi à la disposition de la communauté internationale un réseau de structures ayant en charge la promotion des valeurs démocratiques et de la légalité. 


M. GASANA NDOBA, Président de la Commission nationale des droits de l’homme du Rwanda : Les participants au Séminaire national préparatoire ont adopté 29 recommandations générales, essentiellement adressées à l’Etat et à la société civile du Rwanda, ainsi que 16 recommandations spécifiques particulièrement inspirées des projets de déclaration et de programme d’action de la Conférence mondiale.  Le Séminaire a observé que le projet de la déclaration de Durban n’a pas tenu compte des recommandations de la Commission d’enquête indépendante créée par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour enquêter sur l’action de l’ONU pendant le génocide perpétré au Rwanda en 1994.  Cette Commission a soumis son rapport au Conseil de sécurité le 15 décembre 1999.  La Conférence mondiale dispose de l’autorité nécessaire pour donner un élan susceptible de combler cette lacune.  Pour combattre le génocide, il faut commencer par le nommer; mettre un terme  à la stratégie de l’esquive, illustrée de manière regrettable par les instructions qui avaient, semble-t-il, été communiquées pendant les premières semaines du génocide, tant par le Secrétaire général de l’ONU que par le Département d’Etat américain à leur personnel respectif.  Il faut plutôt faire face au monstre, courageusement et avec un sens aigu de nos responsabilités vis-à-vis des victimes et des générations futures.    Holocauste ou Shoah sont les noms qui désignent le génocide perpétré par les Nazis contre les Juifs d’Europe au cours de la deuxième guerre mondiale.  Apartheid est le nom unique qui désigne le système officiel de discrimination raciale en vigueur en Afrique du Sud de 1948 à 1994, à l’instigation du Parti national, au détriment des Non-Blancs et plus particulièrement des Noirs.  Le moment est venu de nous familiariser avec un autre nom de l’horreur : itsembabwoko, un mot kinyarwanda  qui signifie extermination d’un clan, d’une ethnie ou d’une race.  Ce mot constitue une clé pour la reconnaissance et la compréhension de la singularité du génocide perpétré au Rwanda, une arme contre le révisionnisme, le négationnisme et la minimisation, un outil pour la prévention du «crime des crimes».  La Commission nationale des droits de l’homme du Rwanda est déterminée à assumer sa part de responsabilité dans la lutte contre le génocide, ultime expression du racisme, contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.  La Conférence mondiale est certes une étape, mais une étape majeure d’un combat qui honore l’humanité, à l’aube d’un siècle prometteur.


M. JUSTIN RAKOTONIDINA, Président de la Commission nationale des droits de l'homme de Madagascar : Le racisme et les autres formes d’intolérance constituent une violation flagrante des droits de l'homme combattue, en tant que telle, par la Commission nationale des droits de l'homme malgache.  Les droits de l'homme sont indissociables de la lutte contre la pauvreté et du combat pour la promotion de la démocratie.  La Commission nationale des droits de l'homme de Madagascar s’est assignée un double objectif.  Sur le plan international, elle s’efforce d’harmoniser son action avec les dispositions des instruments conventionnels des Nations Unies et des autres instruments pertinents existants au niveau régional.  Sur le plan intérieur, elle s’efforce de renforcer la couverture nationale des organisations non gouvernementales (ONG) oeuvrant à la promotion des droits de l'homme; de mener des activités de formation aux droits de l'homme; et d’entreprendre des actions de lutte contre la violation de ces droits.


Mme AURORA P. NAVARRETE-RECINA, Présidente de la Commission nationale des droits de l’homme des Philippines : Les Philippines ont pris des mesures pour protéger les droits des migrants et des peuples autochtones.  Nous assumons la nature pluriethnique, multiculturelle et multilinguistique de notre nation.  Nous proposons, s’agissant des droits des peuples autochtones et des migrants des mesures qui passent par l’information systématique et coordonnée sur leurs conditions.  Nous estimons que l’éducation en faveur de la paix devrait être renforcée pour traiter du racisme.  Il faudrait privilégier la participation de ces minorités à la prise de décision des agences financières internationales et nationales au niveau local afin de les associer à l’esprit de solidarité.  Il faut assurer une meilleure protection juridique aux migrants et aux peuples autochtones.  Il faut également mettre en œuvre un système éducatif intégré au plan culturel et envisager la faisabilité d’un bureau chargé de l’éducation des autochtones ainsi que la mise à disposition de bourses scolaires. Concernant le système judiciaire, il faudrait établir un système intermédiaire entre les lois coutumières et le droit positif.  Les médias doivent aussi éviter les pratiques discriminatoires et promouvoir le respect des différences et de la diversité culturelle et linguistique.  Enfin, les Philippines, pays d’émigration, proposent que des bureaux chargés de la protection des travailleurs migrants soient ouverts dans les pays qui les accueillent.  


M. EDUARDO CIFUENTES, Médiateur (Bureau du Médiateur) de la Colombie : La Colombie est une société multiculturelle et pluriethnique dans laquelle vivent environ 90 peuples autochtones et près de trois millions de descendants d’Africains, ainsi qu’environ 8000 membres de la communauté rom.  Les acteurs du conflit armé qui se poursuit dans le pays commettent chaque jour des violations des droits de l'homme à l’encontre de la population civile, les populations autochtones constituant à cet égard des cibles particulièrement vulnérables.  Il serait judicieux, au niveau international, de promouvoir la mise en œuvre de la Convention No 169 de l’OIT sur les populations autochtones et tribales.  Il pourrait également s’avérer judicieux de créer un fonds international pour financer des politiques spécifiquement destinées à éliminer le racisme de la surface de la Terre.


M. FAIUZ MUSTAPHA, Président de la Commission des droits de l’homme du Sri Lanka : Mon pays est multiethnique et multiconfessionnel  qui est confronté aux défis de la diversité, en particulier un conflit armé en cours.  La Commission dont le mandat prévoit notamment la lutte contre la discrimination considère que le racisme, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée sont destructrices de la dignité humaine et, en conséquence, érodent tous les droits de l’homme.  Le consensus entre les institutions nationales des droits de l’homme porte sur la nécessité d’établir un régime juridique efficace pour lutter contre le racisme.  Mais nous sommes également conscients du fait que les mesures judiciaires et administratives pour y remédier ne suffiraient pas.  Elles doivent être complétées par l’éducation et la sensibilisation visant à faire progresser les droits de l’homme et les valeurs morales pour vaincre ce fléau.  Les institutions nationales ont un rôle vital pour s’acquitter de ces mesures.


M. UCHE OMO, Président de la  Commission nationale des droits de l’homme du Nigéria : La Conférence mondiale nous offre l’occasion de nous examiner en tant que famille unique et de nous dire la vérité.  La «vérité vous libère».  Le temps est venu pour abandonner nos déceptions et faire face aux injustices de l’homme contre autrui et de reconnaître ces injustices en tant que racisme et l’intolérance qui y est associée.  Pour les peuples d’Afrique, les Africains de la diaspora et tous les peuples de couleur, nous déclarons que : «Nous ne pouvons oublier les crimes extrêmes; le crime de l’esclavage, du colonialisme, de la traite des esclaves transatlantique et de l’expropriation de nos terres et ressources».  Notre niveau de développement actuel est principalement dû aux crimes commis pendant l’esclavage, aggravé par le colonialisme et maintenant par le néocolonialisme.  Il incombe maintenant à ceux qui ont perpétré ces crimes, leurs descendants et les multinationales ou filiales qui en ont bénéficié de reconnaître d’une manière ou d’une autre leur responsabilité et de présenter des excuses sans réserves si l’on souhaite parvenir à une réconciliation.  Les demandes en réparations des victimes et de leurs descendants sont des demandes justes.  La Conférence mondiale doit appeler à des réparations qui ne devraient pas nécessairement se traduire par une indemnisation pécuniaire, mais par l’annulation de la dette imposée par le FMI, la Banque mondiale et leurs agences, accompagnée d’une aide substantielle visant à assurer un développement décent pour les victimes et leurs descendants.  La Conférence mondiale marque un tournant historique en forçant la communauté internationale à répondre à une question qui a été ignorée pendant des siècles.


M. SOLOMON NFOR GWEI, Président de la Commission des droits de l’homme du Cameroun : Ma délégation considère que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance ont représenté un tel fardeau pour la famille humaine que nous qualifions ce fardeau sans hésitation de crime contre l’humanité.  Nous espérons que les victimes passées, les victimes présentes et les victimes potentielles d’actes racistes et discriminatoires verront leurs droits pris en compte et réaffirmés au cours de cette Conférence.  Notre Commission est déterminée à mettre en œuvre les recommandations de la présente Conférence dans la mesure où nos gouvernements mettent à notre disposition les fonds nécessaires.  Nous enjoignons la Conférence mondiale de fournir au Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme les ressources nécessaires afin qu’elle puisse faire avancer la cause de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. 


M. GREGORY FORTUIN, Médiateur au Bureau du Médiateur chargé des relations raciales de Nouvelle-Zélande : La structure institutionnelle des droits de l'homme est en train d’être examinée en Nouvelle-Zélande en vue de créer une structure plus puissante de promotion et de protection des droits de l'homme.  En ce qui le concerne, le Bureau du Médiateur chargé des relations raciales sera renforcé afin de pouvoir bénéficier d’une plus grande flexibilité dans le traitement des discriminations multiples.  En dépit du cadre institutionnel dont s’est dotée la Nouvelle-Zélande afin de traiter des questions de racisme et de discrimination raciale, il serait prématuré d’être trop complaisant s’agissant du niveau actuel de tolérance raciale dans le pays.  Dans les années 1980, on s’est rendu compte que le pays ne pourrait véritablement progresser et se développer en tant que nation qu’en remédiant aux inégalités historiques découlant du traité de Waitangi (signé en 1840 entre la Couronne et les chefs maoris).  Le profil démographique de la Nouvelle-Zélande est en train de changer rapidement sous le double effet de l’immigration et du taux de natalité élevé qui prévaut dans la communauté maorie et parmi les personnes de la communauté des insulaires du Pacifique.  Il incombe à la Nouvelle-Zélande de renverser la tendance qui fait qu’une personne est pauvre parce qu’elle appartient à l’une de ces deux dernières communautés.  Non seulement nous devons plus que jamais accepter la diversité et la différence mais nous devons aussi en percevoir les avantages.


M. WILLIAM JONAS, Commissaire par intérim de la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances de l’Australie : Les institutions nationales sont essentielles pour servir de point focal aux gouvernements, organisations non gouvernementales, institutions internationales et la société civile dans la lutte contre le racisme et pour établir des partenariats à cette fin.  De toute évidence, le plus grand problème de discrimination raciale en Australie est la situation des Aborigènes et des insulaires du détroit de Torres.  Cette discrimination est institutionnelle et systématique par nature, et historiquement dérivée du colonialisme.  En moyenne, les Australiens autochtones meurent 20 ans plus jeunes que les autres Australiens.  Ils connaissent également des problèmes de santé plus nombreux et bénéficient d’une éducation plus limitée.  Ils sont affectés par quasiment tous les problèmes sociaux.  La Commission se dit préoccupée par le fait que les projets de déclaration et de programme d’action ne reflètent pas pleinement la réalité des populations autochtones.  C’est pourquoi, elle prie instamment que la dimension collective des conditions des populations autochtones figure dans les documents finaux de cette Conférence.  Ceci doit se traduire notamment par la reconnaissance et le respect de la culture, l’histoire, la langue et les traditions de  ces populations et une participation effective à la vie publique.


Mme MARTINE VALDES-BOULOUQUE, Vice-Présidente de la Commission consultative nationale pour les droits de l’homme de la France : La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a été créée en 1947 accorde une grande importance à la lutte contre le racisme et est notamment chargée, depuis 1990, de faire rapport chaque année au Premier Ministre sur la lutte contre le racisme en France en date du 21 mars, date retenue par l’ONU pour commémorer la Journée internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination.  Ce rapport fait état des mesures de lutte qui sont prises tant par les pouvoirs publics que par la société civile et les syndicats.  Il réunit différents éléments d’évaluation du phénomène, tels que des statistiques des services de police et de condamnations judiciaires, ainsi qu’un sondage d’opinion.  Il comporte également des études spécifiques sur la propagation du racisme sur Internet ou sur les discriminations dans l’emploi.  A ce rapport annuel sur le racisme viennent s’ajouter les avis que la Commission donne au Gouvernement sur des projets de lois ou des politiques gouvernementales.  La Commission a créé en son sein une Sous-Commission spécialisée «racisme et xénophobie» qui se réunit une fois par mois et publie et diffuse largement ses travaux et rapports à la Documentation française et sur l’Internet pour sensibiliser l’opinion publique et la presse. 


La Commission française se réjouit de ce que la Conférence mondiale de Durban puisse être l’occasion de reconnaître les souffrances infligées par la traite et l’esclavage.  Elle estime que cette reconnaissance est une étape importante dans la démarche d’éradication du racisme dans l’avenir.  Ceci est vrai aussi pour la France où une certaine persistance du racisme n’est pas sans lien avec les relations complexes que ce pays a entretenu dans son histoire avec d’autres populations. 


Droits de réponse


Le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de l’Ouganda, exerçant son droit de réponse, a rappelé au Ministre soudanais qui accusait hier le Président ougandais d’être l’une des causes de la guerre civile au Soudan que la guerre a débuté en 1956 et qu’à cette époque, le Président Museveni était encore sur les bancs de l’école primaire.  Il a déclaré que cette guerre au Soudan avait duré trop longtemps et causé des souffrances considérables aux populations civiles avant d’appeler la communauté internationale à faire montre de vigilance face à ce conflit.  Il a contesté les propos du Ministre soudanais qui déclarait hier que le conflit au Soudan n’est pas de nature raciale et rappelé que depuis des décennies, cette guerre oppose les Soudanais arabes du Nord aux Soudanais noirs du Sud.  Il a déclaré que cette guerre était le résultat de la tentative des Arabes d’islamiser par la force et d’arabiser le sud chrétien.  Il a ajouté que cette politique discriminatoire qui vise à assimiler les cultures des populations du sud les avait conduites à résister à l’offensive du Nord.  Il a accusé le Gouvernement soudanais d’avoir soutenu les rebelles ougandais depuis 1986, date à laquelle le SPLA n’avait pas de contact direct avec l’Ouganda. 

Il a fait observer qu’en 1994, le Président Bashir du Soudan avait décidé de former une alliance avec l’ancien Président Mobutu du Zaïre après le génocide du Rwanda et que cette alliance avait consisté à réarmer les responsables du génocide du Rwanda qui avaient trouvé refuge au Zaïre.  Il a affirmé que le soutien accordé à ces forces avait permis non seulement les incursions meurtrières en territoire rwandais mais aussi aux dissidents ougandais de déstabiliser de nombreuses régions de l’Ouganda, dont la ville de Mpondwe, et d’attaquer un groupe de touristes dans le parc de la Bwindi.  Il a dénoncé le soutien du Soudan aux dissidents ougandais responsables de massacres et d’enlèvement d’enfants opérés depuis le territoire soudanais.  Il a souhaité que la Conférence se penche sur ces pratiques racistes et xénophobes avant de rappeler que les racines du conflit dans la région des Grands Lacs tirent leurs origines des régimes dictatoriaux qui ont sévi dans le passé et commis des violations massives des droits de l’homme.  Il a rappelé le soutien de son pays au processus de paix symbolisé par l’Accord de Lusaka. 


Le représentant de la République démocratique du Congo a exercé son droit de réponse pour contester les propos du représentant du Rwanda qui justifiait ce matin la présence des troupes rwandaises en RDC par la nécessité de poursuivre les auteurs du génocide de 1994 et neutraliser les forces négatives.  Il a fait observer que lors du déclenchement de la guerre d’agression contre la RDC, le

2 août 1998, ce sont les troupes régulières rwandaises qui contrôlaient la région de l’Est de la RDC censé alors abriter ces présumés auteurs du génocide.  Il a ajouté qu’au bout de plus d’une année de présence dans l’Est de la RDC, aucun bilan ne fut dressé par l’armée rwandaise quant aux nombres d’éléments capturés, encore moins du nombre d’éléments encore à rechercher. 


Il a par contre rappelé qu’au même moment, en août 1998, une expédition militaire aéroportée était menée par les troupes rwandaises vers Kitona, soit à plus de 2000 kilomètres des frontières entre la RDC et le Rwanda.  Il a rappelé que depuis l’échec de cette opération qui visait à déstabiliser les institutions politiques à Kinshasa, l’humanité est édifiée chaque jour par les horreurs commises sur les populations civiles congolaises par les troupes rwandaises.  Il a accusé les troupes rwandaises de vouloir venger le génocide commis sur les leurs par un autre génocide commis cette fois sur les populations civiles congolaises.  Il a ajouté que la mémoire des plus de 3 millions de morts et les violations massives des droits de l’homme ne peuvent à leurs auteurs d’utiliser cette tribune à des fins de désinformation.  Il a dénoncé l’illégalité de plus en plus gênante de la présence des troupes rwandaises en RDC et a appelé ce pays à se retirer de l’Est de son pays plutôt que de continuer à nier les évidences. 


Le représentant du Soudan a répondu à l’intervention faite ce soir par l’Ouganda au titre du droit de réponse en relevant que le chef de la délégation ougandaise a répété les mêmes erreurs historiques que celles proférées par le chef de l’État ougandais devant cette même assemblée.  L’Ouganda fournit une aide militaire aux rebelles dans le sud du Soudan.  Le Soudan dispose de tous les documents attestant de cette implication de l’Ouganda.  Cette implication n’a fait qu’exacerber le conflit au Soudan.  Actuellement, le chef des rebelles et les centres de formation de ces rebelles se trouvent en territoire ougandais.  On ne connaît pas de forces démocratiques qui aient béni l’intervention de l’Ouganda dans la région des Grands Lacs -intervention qui a abouti à des massacres.  Les crimes commis dans la région africaine des Grands Lacs dépassent de loin les crimes commis par le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale.  La diversité culturelle est tout à fait respectée au Soudan.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.