En cours au Siège de l'ONU

DH/311

LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME CLOT LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE ET ONZIEME SESSION

06/04/2001
Communiqué de presse
DH/311


Comité des droits de l'homme

Soixante et onzième session

1926e séance - matin


LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME CLOT LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE ET ONZIEME SESSION


Les rapports périodiques du Guatemala, de Monaco, des Pays-Bas, de la République démocratique populaire de Corée et de la République tchèque à l’ordre du jour de sa session de juillet


Le Comité des droits de l’homme a clos, ce matin, sa soixante-et-onzième session entamée le 19 mars dernier, après avoir poursuivi ses travaux sur le projet d’observations générales concernant l’article 4 du Pacte international des droits civils et politiques dont il a adopté les paragraphes 10 à 13.  Selon l’article 4, lorsqu’un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l'exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans cet instrument, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations imposées aux Etats par le droit international et qu'elles n'entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale. 


Au cours de la discussion sur le paragraphe 10 concernant la compétence du Comité en matière de dérogation, il a été souligné que les mesures d’urgence sont une limitation des droits et, partant, doivent être justifiées.  A cet égard, un expert a souligné qu’il est aussi important pour un Etat partie de respecter l’ensemble des engagements internationaux pris qu’il est nécessaire pour le Comité de tenir compte de ces engagements.  Par conséquent, a-t-il souligné, il faut que le Comité soit tenu informé des différents engagements internationaux auxquels a souscrit l’Etat partie, notamment en ce qui concerne le droit humanitaire, en prenant en compte le fait que la plupart des traités ne prévoient pas de clauses dérogatoires. Pour ce qui est des normes qui peuvent être considérées comme jus cogens (normes impératives) énumérées à titre d’exemple au paragraphe 11, un expert a fait observer que certains Etats parties ne reconnaissent pas l’existence du jus cogens en droit international et ont donc émis des réserves quant à la portée des normes impératives.  Un expert a précisé que l’intention du Comité ne doit pas être de donner une liste exhaustive des normes péremptoires du droit international.  Il faudrait toutefois préciser que le Comité considère le Pacte comme ayant le rang d’une norme du droit international général non susceptible de dérogation, a-t-il été suggéré.


S’agissant du paragraphe 12, il a été rappelé que la référence aux crimes contre l’humanité couvre le génocide.  Concernant le crime de guerre, un expert a proposé qu’il soit fait référence aux articles pertinents du Statut de Rome.  Certains droits, dont la liste n’est donnée qu’à titre d’exemple et n’est pas exhaustive, comprennent des aspects qui ne peuvent pas faire l’objet de dérogations.  A cet égard, des experts ont souligné que la protection des droits des personnes des minorités comprend des aspects qui doivent être respectés quelles que soient les circonstances, notamment le génocide et la non-discrimination.  Un expert a, par ailleurs, souligné que la Convention relative aux droits de l’enfant est applicable même dans les situations d’urgence et, par conséquent, ne peut faire l’objet de dérogation dans le cadre du Pacte.  Il a été souligné que la déportation et le transfert forcé de populations constituent un crime contre l’humanité et ne peuvent faire l’objet de dérogation.  De l’avis d’un expert, les Etats ne peuvent justifier la propagande et les appels à la haine raciale en invoquant l’état d’urgence.  De même, les atteintes à la présomption d’innocence et les jugements sommaires ne peuvent pas être justifiés par l’état d’urgence.  Les experts ont décidé de reprendre leur réflexion sur l’application de l’article 4 du Pacte à la prochaine session du Comité.


Par ailleurs, le Comité a décidé d’inviter la République arabe syrienne à soumettre son prochain rapport avant le 1er avril 2003, l’Ouzbékistan avant 2004 et le Venezuela, la République dominicaine et la Croatie en 2005.


La soixante-douzième session du Comité, qui se tiendra à Genève, du 9 au 27 juillet 2001, sera consacrée à l’examen des rapports périodiques du Guatemala, de Monaco, des Pays-Bas, de la République démocratique populaire de Corée et de la République tchèque. 


Travaux du Comité au cours de la présente session


Au cours de sa soixante-et-onzième session, tenue au siège des Nations Unies à New York du 19 mars au 6 avril 2001, le Comité des droits de l’homme a examiné les rapports du Venezuela, de la République dominicaine, de l’Ouzbékistan, de la Croatie et de la République arabe syrienne.


Dans ses observations finales sur le troisième rapport périodique du Venezuela, le Comité des droits de l'homme a regretté le manque d'informations sur la situation des droits de l'homme dans la pratique.  Il s'est félicité de la primauté accordée par la Constitution aux instruments internationaux en matière de droits humains et de la création de l'institution de Défenseur du peuple.  Le Comité a, en revanche, exprimé sa préoccupation sur divers sujets, notamment l’absence de mécanismes indépendants pour enquêter sur les allégations de disparitions, d'exécutions extrajudiciaires, de torture et d'usage excessif de la force par les forces de sécurité.  Il a également regretté le manque d’informations détaillées sur la détention préventive et sur les conditions d’emprisonnement.  Le Comité a demandé au Venezuela de lui fournir des informations supplémentaires, notamment sur la réorganisation du pouvoir judiciaire et son indépendance, le traitement des demandeurs d’asile, la traite des femmes, l’interdiction de tout avortement non thérapeutique, et la violence contre les femmes qui revêt aussi bien la forme de séquestrations et d’assassinats que de tortures de la part des forces de sécurité. 


Suite à l’examen du quatrième rapport périodique sur l’application des dispositions du Pacte en République dominicaine, les experts du Comité ont salué l’adoption d’une nouvelle Constitution, le 14 août 1994, ainsi que la révocation du décret 233-91 qui permettait la déportation en masse de travailleurs haïtiens, parmi lesquels des mineurs et des personnes âgées.  Les experts ont cependant regretté, entre autres points, le manque d’informations claires sur l’application du Pacte en République dominicaine et se sont vivement inquiété du fait que, selon la délégation dominicaine, les forces de police auraient été responsables de la mort violente de 229 personnes en 2000, un chiffre qui pourrait être encore plus élevé selon d’autres sources.  Le Comité a exprimé sa préoccupation au sujet d’allégations démontrant que la torture est une pratique généralisée.  Il a également déploré le maintien de tribunaux spéciaux pour les membres de la police qui, outre leur caractère civil, sont dirigés par un général en activité des forces armées. 


Lors de la présentation du second rapport périodique de la République arabe syrienne, attendu en 1984, les experts du Comité se sont félicités de cette reprise du dialogue entre le Comité et l’Etat partie après une interruption de

24 ans.  Ils ont jugé positive la libération d’un grand nombre de prisonniers politiques depuis le début des années 1990 et, plus récemment, en juillet et novembre 2000.  Le Comité a jugé préoccupant, notamment, le nombre de personnes se trouvant en détention avant le procès; il s’est dit s'interroger sur l’indépendance du pouvoir judiciaire.  Il s’est inquiété des conditions de sortie et de retour des citoyens syriens et de leurs enfants.  Les experts ont noté la persistance d’un certain nombre de problèmes en matière d’égalité entre les sexes et, notamment, le fait que l’âge minimum du mariage puisse être abaissé par un


juge, et avec le consentement du père, à 15 ans pour les garçons et 13 ans pour les filles.  Les experts ont regretté l’absence d’informations et de statistiques sur la condition de la femme.  Le Comité s’est également préoccupé des restrictions auxquelles est soumise l’activité des défenseurs des droits de l’homme et celle des journalistes, ainsi que de la situation des Kurdes.


Lors de l'examen du rapport initial présenté par l'Ouzbékistan, le Comité s'est félicité de la franchise dont a fait preuve l'Ouzbékistan concernant les lacunes et les problèmes posés par la mise en œuvre du Pacte.  Il a regretté que  le rapport ne présente pas une image globale de la situation des droits de l'homme en cours dans l'Etat partie.  Il s'est toutefois félicité de la ratification d'un certain nombre de traités relatifs aux droits de l'homme et de l'adoption de lois permettant de rendre conforme la législation nationale avec le Pacte, et ce, dans un contexte de transition démocratique et d'instabilité régionale.  Il s'est félicité également qu'un accord ait été réalisé entre le Comité international de la Croix-Rouge et l'Ouzbékistan concernant les visites des prisons et l'examen des conditions de détention, de même que des efforts menés en faveur de l'apprentissage des langues, en particulier des langues des groupes minoritaires.  Le Comité a toutefois recommandé que l'Ouzbékistan fournisse des informations supplémentaires en ce qui concerne la peine de mort, la torture, les traitements inhumains et l'abus de pouvoirs du personnel chargé de l'application des lois, le traitement des détenus, les conditions de détentions, notamment avant le procès, l'indépendance des juges, et la réinstallation des communautés.  Le Comité a recommandé que l'Ouzbékistan prenne des mesures afin de s'assurer que les institutions pénales et de détention ne pratiquent ni la torture ni d'autres abus de pouvoirs, en particulier à des fins d'extorsion de confessions; que toutes les personnes privées de leur liberté soient traitées humainement et dans le respect de leur dignité, en particulier dans les couloirs de la mort; de rendre conforme son Code de procédure pénale avec le Pacte; et enfin, de garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire.  Le Comité a également recommandé à l'Ouzbékistan de prendre les mesures appropriées en ce qui concerne  le droit des minorités, la violence à l'égard des femmes, la situation des enfants, le travail des organisations non gouvernementales, la liberté de conscience et de religion, et la formation en matière de droits de l'homme du personnel chargé de l'application des lois.


A l'occasion de l'examen du rapport initial de la Croatie concernant la situation des droits de l'homme depuis son accession à l'indépendance en 1991, le Comité s'est félicité des importantes mesures législatives prises par la Croatie pour intégrer dans sa législation nationale les dispositions du Pacte.  Le Comité, tout en se félicitant des mesures visant le renforcement de l'indépendance du pouvoir judiciaire, a recommandé que la Croatie intensifie ses efforts en matière de formation au droit international en matière des droits de l’homme des juges et des avocats, en particulier en ce qui concerne les dispositions du Pacte et ses implications dans l’interprétation de la Constitution et de la législation nationale afin d’assurer la conformité des actions des pouvoirs exécutifs, législatif et judiciaire avec le Pacte.  La Croatie devrait également s’assurer que les dispositions constitutionnelles prévues pour l’état d’urgence soient conformes à l’Article 4 du Pacte.  La Croatie devrait également créer, à titre prioritaire, des juridictions spécialisées compétentes en matière de crimes de guerre.  Elle devrait en outre faire en sorte que la loi d’amnistie ne soit pas appliquée pour accorder l’impunité à des personnes accusées de violations graves des droits de l’homme.  Le Comité a aussi recommandé que la Croatie prenne les mesures appropriées pour lutter contre la traite des femmes, en particulier à des fins d’exploitation sexuelle.  Préoccupé par le nombre d’affaires concernant des personnes souhaitant retourner en Croatie, en particulier des personnes déplacées d’origine serbe, le Comité a recommandé que la Croatie simplifie les procédures en vigueur et élimine les obstacles qui s’opposent à ceux qui souhaitent retourner en Croatie à la suite d’un conflit armé.  Le Comité estime par ailleurs que la Croatie doit œuvrer pour l’élaboration d’un code pénal complet et équilibré conforme aux articles pertinents du Pacte, en particulier en ce qui concerne la liberté d’expression.  Il a également été recommandé à la Croatie d’adopter les mesures appropriées pour assurer la liberté d’association, de même qu’une loi interdisant toutes les formes de discriminations, notamment à l’égard des minorités ethniques, religieuses et linguistiques.  


En tant que rapporteur spécial sur le suivi, par les Etats parties, des avis du Comité sur les communications qu’il reçoit des particuliers, Mme Christine Chanet (France)a présenté au Comité ses observations générales.  Par ailleurs, outre leur réflexion sur les états d'urgence et les dérogations évoqués à l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les experts ont aussi amendé les règles de procédure du Comité. 


Le 26 mars, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l'adoption du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les experts du Comité ont mené une discussion générale sur l’impact des travaux du Comité et ses perspectives d’avenir au cours de laquelle ils ont notamment souhaité que les pays qui, au XXIe siècle, sont encore méfiants à l’égard du concept des droits de l’homme, s’imprègnent progressivement des travaux du Comité grâce à la communication et au dialogue.  Le premier expert à avoir présidé le Comité,

M. Andreas Mavrommatis, ainsi que M. Fausto Pocar, également ancien président du Comité et M. Markus Schmidt, représentant du Haut Commissariat aux droits de l’homme ont participé à cette commémoration. 


Informations de base


Le Comité des droits de l'homme a été institué par le Pacte international des droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale en 1966 et entré en vigueur en 1976, pour surveiller l'application de cet instrument ainsi que celle de ses deux protocoles facultatifs.  Egalement adopté en 1966, le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte international des droits civils et politiques habilite le Comité à recevoir et à examiner des communications émanant de particuliers qui estiment être victimes d'une violation, par un Etat partie, d'un des droits énoncés dans le Pacte, et qui ont épuisé tous les recours internes disponibles.  Le Pacte et le premier Protocole facultatif ont été complétés, en 1991, par un deuxième Protocole facultatif, visant à abolir la peine de mort. 


Les dix-huit experts qui composent le Comité sont élus par les Etats parties pour leur haute moralité et leur compétence reconnue dans le domaine des droits de l'homme pour mandat de quatre ans.  Les experts suivants siégeaient à la présente session: M. Abdelfattah Amor (Tunisie), M. Nisuke Ando (Japon), M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati (Inde), Mme Christine Chanet (France), M. Maurice Glele Ahanhanzo (Bénin), M. Louis Henkin (Etats-Unis), M. Eckart Klein (Allemagne),

M. David Kretzmer (Israël), M. Rajsoomer Lallah (Maurice), Mme Cecilia Medina Quiroga (Chili), M. Rafael Rivas Posada (Colombie), M. Nigel Rodley (Royaume-Uni de Grande-Bretagne), M. Martin Scheinin (Finlande), M. Shearer Ivan (Australie), M. Hipolito Solari Yrigoyen (Argentine), M. Ahmed Twafik Khalil (Egypte),

M. Patrick Vella (Malte), M. Maxwell Yalden (Canada).

En début de session, le Comité a élu au scrutin secret,

M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati (Inde), à sa présidence.  Les experts appelés à occuper, pour deux ans, les sièges de vice-présidents sont

MM. Abdelfattah Amor (Tunisie), David Kretzmer (Israël) et Hipolito Solari Yrigoyen (Argentine). 


Au 6 avril 2001, on compte 147 Etats Parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte comptait 98 Etats parties et le deuxième Protocole facultatif visant à abolir la peine de mort comptait 45 Etats parties.  Pour connaître la liste des Etats parties à ces instruments internationaux, voir le communiqué de presse DH/293 du 16 mars 2001 ou consulter le site web des Nations Unies (http://untreaty.un.org/French/treaty.asp).


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