CONSEIL DE SÉCURITÉ : CONSENSUS SUR LA MISE EN PLACE D’UN GOUVERNEMENT ELARGI QUI REPRESENTERAIT TOUS LES AFGHANS
Communiqué de presse CS/2214 |
Conseil de sécurité
4414ème séance - matin et après-midi
CONSEIL DE SÉCURITÉ : CONSENSUS SUR LA MISE EN PLACE D’UN GOUVERNEMENT ELARGI QUI REPRESENTERAIT TOUS LES AFGHANS
Le Conseil entend la présentation du Représentant spécial pour l’Afghanistan
Le Conseil de sécurité a consacré deux réunions, ce matin et cet après-midi, à la situation en Afghanistan à la lumière des nouveaux développements sur le terrain. Il a entendu, sous la présidence de la Jamaïque, la présentation faite par M. Lakhdar Brahimi, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan qui a souligné la nécessité de mettre en place un gouvernement élargi qui serait représentatif de tous les groupes ethniques du pays. M. Brahimi a souligné que l’une des difficultés pour arriver à cette fin est de faire de sorte que toutes les parties intéressées et autres arrivent à un accord. Il a indiqué que l’ancien roi et le représentant du Front Uni avaient entamé des discussions en ce sens à Rome et qu’ils avaient proposé de mettre en place un gouvernement transitoire.
L’ONU s’emploierait à la convocation d’une loya jirga (assemblée traditionnelle de groupes ethniques), qui établirait le programme de travail et autoriserait l’administration provisoire à rédiger un projet de constitution, a dit encore M. Brahimi qui a ajouté que ce processus permettrait de créer une administration transitoire plus crédible et plus légitime qu’un régime mis en place de l’extérieur. Toutefois, M. Brahimi a insisté sur les arrangements de sécurité sans lesquels aucune solution politique ne serait viable. Excluant l’envoi d’une force de paix des Nations Unies, il a préconisé le déploiement d’une présence multinationale pendant la phase de transition.
Le Conseil de sécurité a entendu en outre le Secrétaire général, M. Kofi Annan, qui a appelé à prendre des mesures rapides pour éviter un vide politique à Kaboul. M. Annan a jugé que les Nations Unies devaient saisir l’opportunité que présente la situation pour mettre en place un gouvernement représentatif de toute la population afghane. Le Conseil, qui se réunissait au niveau ministériel, a entendu la majorité des intervenants en particulier les Etats-Unis, la France, la Belgique (au nom de l’Union européenne), le Royaume-Uni, la Chine et la Fédération de Russie, qui se sont prononcés en faveur d’un gouvernement élargi au sein duquel toutes les couches de la population afghane seraient représentées.
L’aspect humanitaire de la situation a été évoquée. A ce sujet, l’Allemagne et la Malaisie ont appelé à la mise en place d’un «plan Marshall pour l’Afghanistan» tandis que le Japon et l’Inde ont annoncé leur intention de verser respectivement 120 et 100 millions de dollars pour l’assistance aux populations civiles. De nombreux autres pays se sont engagés à contribuer à l’aide humanitaire. Pour sa part, le Pakistan a confirmé que seul un engagement de la communauté internationale en faveur de la reconstruction pourrait convaincre les trois millions de réfugiés afghans de rentrer chez eux.
Outre ceux déjà cités les représentants des pays suivants ont pris la parole: Ukraine, Singapour, Norvège, Maurice, Mali, Irlande, Colombie, Bangladesh, Tunisie, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Italie, République islamique d’Iran, Ouzbékistan, Turquie, Canada, Australie, Mexique, Indonésie, Egypte, République de Corée, Kazakhstan, Argentine, Chili et Afghanistan.
LA SITUATION EN AFGHANISTAN
Déclarations
M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré que la réunion du Conseil de sécurité ne saurait être plus opportune, non seulement en raison des événements sur le terrain au cours des dernières vingt-quatre heures, mais également parce que l’Afghanistan représente un des défis les plus importants pour les Nations Unies. L’ONU est impliquée depuis longtemps en Afghanistan où elle essaie de soulager la condition de son peuple, a rappelé le Secrétaire général, mais les attaques terroristes du 11 septembre, ainsi que les actions militaires en Afghanistan, ont créé un nouveau contexte plein de défis mais aussi plein d’opportunités nouvelles pour la communauté internationale. D’abord, nous devons répondre aux besoins humanitaires du peuple afghan, qui a souffert depuis des décennies de désastres naturels ou dus à l’homme. Ensuite, la marche rapide des événements nous force à nous concentrer sur la période après les Taliban, c’est-à-dire prendre des mesures urgentes pour éviter un vide politique.
Si toutes les parties afghanes apportent leur soutien, nous avons là une vraie opportunité pour mettre en place le gouvernement représentatif que les Nations Unies cherchent à favoriser depuis longtemps. Pour cela il faut que cesse l’ingérence dans les affaires de l’Afghanistan par les pays voisins, sans quoi il n’y a guère d’espoirs que s’installe une paix durable en Afghanistan. M. Annan a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur les besoins humanitaires de 6 millions de personnes. Malgré les progrès dans l’apport de l’aide humanitaire, a-t-il remarqué, de nombreux endroits du pays restent encore inaccessibles. Si nous voulons éviter une catastrophe dans les prochains mois, nous devons faire tous les efforts possibles pour surmonter les difficultés logistiques.
Le Secrétaire général a indiqué que les Nations Unies devaient gagner le consentement et la coopération de toutes les parties pour répondre aux besoins humanitaires des populations et cela sans tenir compte des développements politiques et militaires. Il a déclaré qu’il fallait innover en mettant au point des mesures de sécurité provisoires, jusqu’à ce qu’un processus politique soit mis en place.
M. LAKHDAR BRAHIMI, Représentant spécial du Secrétaire général en Afghanistan, a noté que les deux pays voisins, l’Iran et le Pakistan jouent un rôle spécial en Afghanistan en raison de l’histoire et de la religion. Les représentants de ces deux pays sont désireux de voir en Afghanistan la mise en place d’un gouvernement avec une assise large et qui bénéficierait de la reconnaissance de la communauté internationale. Le Président Musharraf aimerait que l’ONU joue un rôle clef dans la recherche d’une solution politique. Le Secrétaire général a présidé une réunion du Groupe des 6+2, au cours de laquelle le Groupe a insisté sur la coopération nécessaire des voisins de l’Afghanistan et sur l’engagement financier de la communauté internationale. M. Brahimi a indiqué qu’il était d’avis qu’il fallait raviver le G-21, un Groupe formé de pays intéressés directement ou indirectement par l’Afghanistan, pour participer au règlement du problème et apporter une aide. Il a souligné que les Etats membres du Conseil de sécurité devaient apporter leur soutien au processus.
Se référant au développement de la situation militaire sur le terrain, le Représentant spécial a indiqué que, sur la demande du Secrétaire général, il avait décidé d’envoyer rapidement à Kaboul le Représentant spécial adjoint pour l’Afghanistan, et qu’il allait procéder à des analyses pour voir si les conditions de sécurité étaient remplies pour permettre le retour des personnels de l’ONU. A long terme, a-t-il observé, les données du problème ne changeront pas: il faut aider la population afghane à mettre en place un gouvernement représentatif, stable et déterminé à défendre les intérêts de toute la population et en mesure d’entretenir des relations pacifiques de bon voisinage avec les Etats limitrophes et qui s’efforcera à faire de sorte que l’Afghanistan ne soit plus jamais une base pour le terrorisme ou pour le trafic de stupéfiants.
La difficulté principale, a remarqué le Représentant spécial, est de dégager un accord entre les parties intéressées, en indiquant que l’ancien roi et le représentant du Front Uni avaient entamé des discussions en ce sens à Rome et qu’ils avaient proposé de mettre en place un gouvernement transitoire qui préparerait le terrain pour un autre gouvernement stable. Le rôle de l’ONU a été souligné à cet égard, M. Brahimi qui a suggéré que les membres de l’Alliance du Nord rencontrent rapidement les Nations Unies afin qu’une position consensuelle puisse se dégager quant à la formation d’une entité qui aurait pour base une représentation équitable de tous les groupes afghans.
M. Brahimi a suggéré que les Nations Unies pourraient convoquer une réunion avec des représentants de l’Alliance du Nord qui proposeraient des mesures concrètes visant la convocation d’un conseil provisoire composé d’un grand nombre de représentants de la société afghane; ce conseil provisoire pourrait être présidé par une personnalité connue autour de laquelle les groupes régionaux pourraient s’allier, avec plusieurs vice-présidents et il faudrait y associer les femmes, qui n’ont pas participé au conflit armé, a-t-il insisté. Une loya jirga serait alors convoquée d’urgence pour établir le programme de travail, les conditions de sécurité et qui autoriserait l’administration provisoire à préparer la constitution. Une deuxième loya jirga approuverait ensuite la constitution et la mise en place du gouvernement. Le défi pour l'Afghanistan est de créer la bonne gouvernance, ce qui supposerait le respect des règles de jeu équitables et justes auxquelles tous pourraient adhérer. Les Afghans eux-mêmes doivent travailler avec les agences de l’ONU et les agences internationales. Il y a une grande capacité dans la diaspora, en Iran et au Pakistan, qui pourrait aider à créer une administration transitoire, crédible et légitime, bien plus que celle que mettraient en place de l’extérieur les Nations Unies. A cet égard, a-t-il souligné, parachuter un trop grand nombre d’experts étrangers pourrait étouffer la créativité locale.
Cependant, sans arrangements de sécurité, rien de tout cela ne sera possible: la présence d’armes et de terroristes exigera l’introduction d’une force de sécurité massive qui pourra répondre à tout défi à son autorité. Le Représentant a présenté trois options: 1) 100 pour cent afghane; 2) une présence multinationale et 3) une force de paix des Nations Unies. L’option de prédilection, à son avis, serait celle de la force afghane qui pourrait être déployée rapidement. Ses travaux devraient commencer au plus vite mais il est peu plausible qu’elle puisse être constituée à court terme. Aussi faut-il songer sérieusement à déployer une force multinationale bien entraînée et armée pour sécuriser les grandes villes et préserver le nouvel espace politique.
Une force de maintien de l’ONU, a jugé le représentant, n’est pas recommandée car elle prendrait trop de temps à se constituer et pourrait rapidement se retrouver dans le rôle de combattants. Mais, a-t-il souligné, faute d’arrangement crédible de sécurité, aucun arrangement politique ne saurait être mis en œuvre.
Quel que soit le scénario envisagé, le Représentant a rappelé l’ampleur de la crise humanitaire qui menace: six millions d’individus sont dans une situation précaire, manquent d’eau, de nourriture, d’abri. Il faut envoyer et distribuer 52 000 tonnes d’aide par mois au cours des prochains mois; offrir un abri à plus d’un million de déplacés dans le pays mais aussi exiger l’adhésion au droit humanitaire international de toutes les parties. Pour M. Brahimi, 3,5 millions d’individus sont considérés comme des cas prioritaires avant que l’hiver ne commence. Et si 25% des fournitures requises ont déjà été envoyées, l’ONU voudrait assurer la couverture à 100% de toutes les régions accessibles et prépare déjà des plans de ponts aériens pour les autres. Il a remarqué que les récents événements à Mazar-e-Charif et ailleurs ont ouvert des opportunités mais aussi de nouvelles appréhensions. La situation qui change rapidement sur le terrain est un facteur qui continue d’entraver notre progression et notre intervention, a-t-il fait remarquer.
Evoquant les chapitres de la reconstruction et du relèvement du pays, il a jugé qu’ils étaient au cœur même de la situation politique car la reconstruction donnera la possibilité de passer de la guerre à la paix, d’absorber un grand nombre d’individus, qui ont participé à la guerre, et permettra aux femmes d’avoir un rôle actif. La communauté internationale, dotée de la volonté et de la persévérance d’aider les Afghans à reconstruire leur pays, doit savoir que ceci exigera des efforts financiers et techniques de taille, mais aussi de la coordination et, de la part des Afghans, de la souplesse. M. Brahimi a appelé à envisager sur ce point la création d’un fonds d’affectation spéciale, en sachant que les Afghans en seront responsables.
M. JACK STRAW, Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du Royaume-Uni, a souligné que les Taliban se sont placés eux-mêmes au coeur du réseau Al-Qaeda. Ces Taliban, a-t-il insisté, ont causé des souffrances indicibles au peuple afghan, violant les droits des femmes et parrainant le trafic de près de 90% des drogues présentes sur les trottoirs des pays européens. Cette situation a fait que les réfugiés qui se comptent aujourd'hui par millions, étaient déjà réfugiés avant le 11 septembre. Passant à l'actualité, le Secrétaire a dit avoir accueilli avec un grand soulagement les nouvelles de cette nuit qui font état de la chute de Kaboul, ville la plus importante du pays et d'une portée symbolique considérable. Le fait, a-t-il dit, que la ville soit tombée sans grande effusion de sang et avant l'hiver est important. Toutefois, a prévenu le Secrétaire, si les Taliban sont en fuite, la guerre n'en est pas finie pour autant. Le Secrétaire a, par la suite, averti que le monde observera les activités des troupes à Kaboul en espérant un meilleur comportement que ce à quoi il a été accoutumé jusqu'ici. La communauté internationale jugera l'attitude de l'Alliance du Nord, a-t-il dit, en ajoutant que la réintégration de l'Afghanistan au sein de la communauté des nations dépendra de la manière dont les membres de l'Alliance se comportent.
M. Straw a noté qu’en un laps de temps très court, et depuis l'adoption des premières résolutions du Conseil sur la lutte contre le terrorisme, une série de principes ont été établis. Des arrangements doivent être faits quant à la formation de la nouvelle administration en Afghanistan et ce, sous les auspices des Nations Unies. Il faut mettre fin à l'ingérence étrangère et assurer l'appui de la communauté internationale au nouveau gouvernement afghan. Il a encore souhaité, dans ce cadre, que l'Iran et le Pakistan, qui ont supporté le fardeau des réfugiés, puissent bénéficier de l'appui de la communauté internationale. Avec un appui international modeste mais actif, a ajouté le Secrétaire, les Afghans doivent décider, eux-mêmes, du nouveau gouvernement multiethnique et représentatif. A cet égard, il a insisté sur la nécessité de rassembler rapidement les parties afghanes de l'intérieur avant de plaider pour l'augmentation de l'aide humanitaire facilitée aujourd'hui par la prise de Mazar-e-Sharif et de Kaboul. Le Secrétaire a souhaité que les Afghans de la diaspora soient encouragés à rentrer dans leur pays d'origine et souligné que son pays est disposé à apporter une aide dans ce domaine. La communauté internationale doit continuer à se concentrer sur le terrorisme international. Le réseau Al-Qaeda est affaibli mais il n'est pas démantelé, a dit le Secrétaire.
M. ANATOLIY ZLENKO, Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a souligné que pour empêcher que les menaces de la guerre et du terrorisme ne proviennent de nouveau d’Afghanistan, il fallait que ce pays vive dans la paix et la stabilité, fondements de sa renaissance économique et spirituelle. Même si l’option militaire aujourd’hui pour résoudre les conflits interafghans paraît la plus réaliste, il n’y a aucune alternative à un dialogue politique large, impliquant tous les groupes ethniques et religieux du pays. L’Ukraine est convaincue que les Nations Unies devraient jouer un rôle central en organisant ce dialogue et en soutenant les représentants de la société afghane réellement disposés à ramener la paix et la stabilité dans leur pays. Il est nécessaire que tous les efforts internationaux convergent vers ce même but sous les auspices des Nation Unies, a insisté le Ministre, ajoutant que le rôle du Secrétaire général dans ce processus politique allait rester extrêmement important.
La stabilité en Afghanistan est impossible sans l’appui des pays voisins, a-t-il observé. Aussi le Ministre a-t-il rappelé que, par leur déclaration la veille, les ministres des pays du Groupe 6+2 avaient clairement affirmé leur volonté de contribuer à la paix en Afghanistan.
M. S. JAYAKUMAR, Ministre des affaires étrangères de Singapour, a observé que l'Afghanistan est un problème mondial pour la résolution duquel les vues du Groupe 6+2 sont d'un intérêt particulier. Nous espérons, a dit M. Jayakumar, que ce débat ministériel du Conseil de sécurité contribuera au développement d'un consensus global sur une stratégie cohérente et générale de construction de la paix en Afghanistan. Il est dommage que le rôle que joue l'ONU, en particulier dans le domaine humanitaire, dans ce pays n'ait pas été plus reconnu, et nous espérons que la réunion de ce matin contribuera à faire prendre conscience au public de la place centrale de l'Organisation. Les opérations militaires en cours ne sont pas dirigées contre le peuple afghan, mais contre les responsables des actes de terrorisme internationaux les plus horribles et ceux qui les soutiennent, a défendu le Ministre. Singapour est d'accord qu’une solution politique de la question afghane ne peut pas être imposée, et nous nous félicitons des efforts déployés par d'éminents dirigeants afghans et soutenons le rôle que jouent des tierces parties neutres comme les Nations Unies pour accélérer le processus. Nous souhaitons plein de succès au Représentant spécial du Secrétaire général, M. Brahimi.
L'Afghanistan a besoin d'une aide humanitaire massive et urgente avant l'hiver. Singapour y participe à hauteur de 1 167 000 dollars, et nous estimons que les pays qui accueillent les flots de réfugiés afghans, notamment le Pakistan et l'Iran, ont eux aussi besoin d'une assistance urgente. Sans un programme de redressement et de reconstruction à long terme, tout processus de paix et tout gouvernement de transition demeureront fragiles en Afghanistan. Des plans de développement et de reconstruction générale du pays devraient donc être rapidement lancés par la communauté internationale avec le soutien des agences de développement, notamment le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et les autres donateurs. Il est nécessaire de convaincre les Afghans que le monde est disposé à les aider.
Le Conseil de sécurité devrait tirer avantage des apports de la réunion d'aujourd'hui pour commencer à formuler, sous forme de résolution, les principes clefs qui guideront l'action de l'ONU. L'élaboration de ces principes est urgente à la lumière de l'évolution de la situation sur le terrain, et si nous voulons éviter une répétition des guerres civiles qui ont accompagné chaque changement qui s'est produit à Kaboul, nous devons trouver la meilleure formule politique. La leçon à tirer de la situation en Afghanistan est que ce qui se passe dans ce pays peut avoir un impact sur le reste du monde. Ceci devrait amener le Conseil à redoubler d'efforts pour s’acquitter de sa principale responsabilité qui est le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
M. JAN PETERSEN, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a déclaré que le soutien apporté par le régime taliban aux groupes terroristes et ce, en contradiction avec les résolutions du Conseil de sécurité, justifierait l’utilisation de la force conformément au droit de légitime défense à la suite des attaques du 11 septembre. Il a espéré que le retrait des Taliban pourra faciliter une solution politique et que la communauté internationale procédera à l’envoi d’une assistance humanitaire renforcée et entamera la reconstruction de l’Afghanistan. Dans ce contexte, il a appelé à la formation d’un gouvernement pacifique représentatif de l’Afghanistan et a fait part de tout le soutien de son pays aux efforts de M. Brahimi pour aboutir à une solution politique durable. Il a dénoncé le non-respect par les Taliban des principes humanitaires, des droits de l’homme et de la législation internationale et les a enjoint d’assurer la sécurité du personnel humanitaire dans les territoires qu’ils contrôlent et de faciliter l’accès aux personnes dans le besoin.
Il s’est félicité de l’attitude du Pakistan qui a ouvert ses frontières aux réfugiés et a affirmé la volonté de la Norvège, qui a déjà dépensé 35 millions de dollars cette année en matière d’aide humanitaire, de poursuivre ses efforts d’assistance humanitaire. Il a applaudi les efforts des agences des Nations Unies qui travaillent dans des conditions difficiles et a souligné la vulnérabilité particulière des territoires du nord de l’Afghanistan. Il a souligné la nécessité d’une approche coordonnée et d’une stratégie économique et politique générale dans le souci de permettre une assistance humanitaire et une reconstruction en vue de faciliter le retour de l’Afghanistan dans la famille des nations. Il nous faut prendre des engagements et faire des efforts à long terme. L’ONU pourrait mettre à la disposition de ses Etats Membres, les moyens nécessaires et ceux-ci se chargeront de faire le reste, a-t-il souligné.
M. ANIL KUMARSINGH GAYAN, Ministre des affaires étrangères de Maurice, a déclaré que les événements du 11 septembre avaient ouvert les yeux de la communauté internationale sur la façon dont le régime taliban traitait son peuple tout en abritant des terroristes. L’Alliance du Nord cherchera peut-être à se venger, a souligné le Ministre. Il faut donc veiller à imposer un minimum d’ordre à Kaboul, en indiquant qu’il était du devoir de l’ONU de s’en occuper car les Afghans se tourneront naturellement vers elle. Les Nations Unies seront liées non seulement à la mise en place d’un gouvernement, a-t-il observé, mais aussi à la reconstruction du pays.
Faisant allusion au prochain gouvernement, le Ministre a indiqué que sa mise en place devait suivre le système traditionnel loya jirga. Il a apporté son appui aux travaux du groupe 6 plus 2, en déclarant qu’il fallait les ouvrir à d’autres pays. Le Ministre a déclaré que l’immense crise humanitaire, posait un défi à la communauté internationale mais s’est dit convaincu qu’elle ferait le maximum pour apporter l’aide nécessaire avant le début de l’hiver. Le Ministre a souligné que le temps était venu de mettre à l’épreuve la détermination de la communauté internationale: tout échec, a-t-il averti, ne pourra que saper la confiance des populations dans le système de l’ONU. Il a espéré que sous peu les Nations Unies pourraient accueillir en leur sein un nouveau gouvernement représentatif de l'Afghanistan.
M. MODIBO SIDIBE, Ministre des affaires étrangères du Mali, a exprimé sa préoccupation pour la situation humanitaire en Afghanistan et jugé qu’elle nécessite des efforts soutenus de la part de la communauté internationale en faveur des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards et en faveur des réfugiés installés dans les pays limitrophes. Tout en félicitant les organismes humanitaires pour le travail accompli, il a souhaité que le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) continue de jouer un rôle important. Il a appelé la communauté internationale à conforter ses promesses faites au début du conflit suivant lesquelles le peuple afghan ne serait pas la cible de la guerre et qu’il ne serait pas oublié.
Au plan politique, le Ministre considère que les Nations Unies ont un rôle décisif à jouer notamment en facilitant le passage de la guerre à la paix et en aidant la population afghane à participer activement à une large concertation. La communauté internationale doit s’employer à la mise en place d’un gouvernement auquel participeront tous les représentants de la société afghane et qui sera pleinement représentatif de la population afghane. Le Ministre a déclaré qu’au plan militaire, tout devait être mis en œuvre pour épargner la vie des civils innocents. Se félicitant de la réunion du Groupe 6+2, il a exhorté toutes les parties à respecter les principes du droit international et du droit humanitaire international, après la prise par l’Alliance du Nord des villes de Mazar-e-Charif et de Kaboul. Le Mali, a-t-il conclu, appuie et soutient tous les efforts en cours pour trouver une issue heureuse au conflit afghan.
M. BRIAN COWEN, Ministre des affaires étrangères de l’Irlande, a déclaré que l’Afghanistan ne devait pas rester un État en faillite dans lequel persistent des conflits internes, des activités illégales et des actions de groupes terroristes. Il a fait part de la détermination de son pays de voir aboutir un processus international qui puisse mettre fin à la misère des Afghans et leur permettre un nouveau départ. Il a formulé l’espoir de voir se terminer la campagne militaire contre le réseau terroriste Al-Qaeda et le régime taliban. Dans ce contexte,
il a appelé les Nations Unies à coordonner un effort international concerté pour assister le peuple afghan dans la mise en place d’un gouvernement multiethnique représentatif. A ce titre, a-t-il ajouté, le Gouvernement de l’Irlande s’est déjà engagé à verser 5 millions de dollars pour répondre à l’urgence humanitaire en Afghanistan. Il a précisé que l’Irlande, en tant que Membre du Conseil de sécurité, travaillera à fournir un mandat suffisamment complet pour répondre à la situation afghane qui nécessite de la part des Nations Unies une souplesse et une adaptation qui garantiront sa légitimité. Il a évoqué la nécessité vitale pour l’Afghanistan de développer une coopération avec les États voisins et s’est félicité des efforts de consultation très larges entrepris M. Brahimi dans ce sens. A cet égard, il s’est dit convaincu de l’importance des entités telles que le Groupe 6+2 ou l’Organisation de la conférence islamique pour favoriser et intensifier le dialogue entre les pays de la région. Il a appelé les organes des Nations Unies à travailler de concert pour passer de l’urgence humanitaire à la reconstruction et à la réhabilitation afin de montrer au peuple afghan la détermination de la communauté internationale de lui venir en aide pour lui assurer une société pacifique et un développement stable.
M. GUILLERMO FERNANDEZ DE SOTO, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a rappelé que son pays soutenait vigoureusement et sans équivoque l’appui unanime apporté par le Conseil de sécurité à l’action actuellement en cours sur le territoire de l’Afghanistan. La Colombie a conscience de la complexité politique, humanitaire et sécuritaire de la situation en Afghanistan ainsi que de ses ramifications régionales et internationales. L’ONU est donc confrontée à des défis sans précédent. La décision que nous prendrons concernant le futur de l’Afghanistan marquera le début d’un long parcours dont il est trop tôt pour prédire la destination finale, a-t-il prévenu. L’objectif principal doit être la protection de la paix et de la sécurité internationales, qui ont été menacées par le régime Taliban. Ce faisant, il faut aussi continuer à prendre des décisions qui contribuent à une solution durable de la situation dans le pays. Les nombreuses consultations tenues par M. Brahimi ainsi qu'avec les autres protagonistes devraient permettre de déterminer quel doit être le premier pas à prendre vers une solution tout d’abord de transition conduisant en dernier ressort à un règlement définitif.
La Colombie souhaite que cette solution transitoire résulte d’un dialogue constant et franc entre tous les membres de la société afghane. Elle souhaite également que la consultation soit étendue à tous les acteurs régionaux et au reste de la communauté internationale, y compris tous les membres du Conseil de sécurité. Ce dialogue est en effet la principale garantie de la légitimité, de la cohérence et de l’autorité de toutes les décisions qui seront prises, a estimé le Ministre. En outre, dans ce pays totalement ravagé par la guerre, le dialogue facilitera la mise en place d’une large coalition gouvernementale, à laquelle toutes les couches de la société et tous les groupes ethniques participeront. Un gouvernement qui ne serait pas imposé par le haut, a ajouté M. Fernandez de Soto. Quel doit être le rôle des Nations Unies dans cette quête? La Colombie considère approprié que l’ONU joue le rôle de facilitateur d’un processus dans lequel diverses partenaires nationaux et régionaux seraient les principaux protagonistes.
Les Afghans doivent en effet assumer leurs responsabilités eux-mêmes et les Nations Unies, avec la participation directe du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, doivent les soutenir dans cette tâche. Il est donc particulièrement important de définir avec la plus grande précision politique possible le rôle de l’Organisation. Le Conseil de sécurité serait par exemple chargé de contrôler le processus politique et sécuritaire. Le rôle de l’Assemblée générale reste encore à définir, mais étant la principale source de légitimité, il est important que tous les Etats Membres accordent leur soutien aux solutions temporaires puis permanentes qui seront proposées, a également expliqué le Ministre. Il a ajouté que le Gouvernement qui émergera de ce processus devra garantir le respect des droits de l’homme, répondre aux besoins de la population afghane, contribuer à la stabilité régionale et internationale et détruire tout lien avec le terrorisme international et le trafic illicite des drogues.
M. TANG JIAXUAN, Ministre des affaires étrangères de la République populaire de Chine, a insisté sur la complexité de la situation en Afghanistan et sur le risque de vide politique et de chaos social dans le pays étant donné l’évolution de la situation sur le terrain. Il a indiqué que la communauté internationale, les Nations Unies en particulier, devaient accélérer le processus de règlement politique de la question afghane, en favorisant l’établissement d’une administration transitoire, et en lançant la reconstruction du pays dès que possible. Citant les différents plans proposés pour l’après-guerre en Afghanistan, le Ministre s’est réjoui qu’un consensus ait été atteint lors de la réunion des 6 + 2 la veille, et il a déclaré que les Nations Unies devaient encourager toutes les parties et les factions d’Afghanistan à intensifier le dialogue en vue d’un accord sur une administration de transition. M. Jiaxuan a indiqué que son pays soutenait l’idée d’un gouvernement à l’assiette large, pleinement représentatif de tous les groupes ethniques et en paix avec ses voisins. En dernier lieu, a-t-il observé, toute solution pour la question de l’Afghanistan doit être réglée par le peuple afghan lui-même.
Le Ministre a rappelé que son pays avait toujours considéré le dialogue politique comme le seul moyen d’instaurer une paix durable en Afghanistan, et que la Chine avait fourni une aide humanitaire d’urgence aux réfugiés afghans. Il a émis l’espoir que la communauté internationale accentuera ses efforts pour régler la crise humanitaire actuelle en Afghanistan.
M. HUBERT VEDRINE, Ministre des affaires étrangères de la France, a indiqué que l’objectif visé en Afghanistan, faire tomber l’abominable régime taliban et couper les réseaux Al-Qaeda de leur soutien, était proche d’être atteint. En même temps, ce moment est source de préoccupation, a-t-il précisé, en citant les risques de représailles par l’Alliance du Nord. Il a toutefois remarqué que les membres de l’Alliance savaient que la communauté internationale attendait d’eux un comportement responsable. Le Ministre a apporté son soutien aux propositions faites par M. Brahimi au sujet des différentes étapes du processus politique et il a appelé à leur mise en œuvre rapide. L’ONU devrait aller aussi vite à Kaboul que la sécurité le permet, a déclaré le Ministre, en affirmant que les chefs afghans devaient mesurer que la seule chose qui compte est l’avenir du pays. En ce qui concerne l’humanitaire et la reconstruction, le Ministre a apporté son soutien à une réunion du G-21 dès vendredi pour lancer le processus politique et réitérer l’annonce de l’engagement à long terme des Nations Unies auprès du peuple afghan. C’est un moment tragique et une immense opportunité, a déclaré le Ministre, rappelant qu’il fallait rapidement définir le type de présence internationale de sécurité nécessaire.
M. REAZ RAHMAN, Ministre d’Etat aux affaires étrangères du Bangladesh, a essayé de définir le rôle des Nations Unies dans la période post-conflit en Afghanistan. Il a estimé que tout en apportant son aide, l'ONU doit céder aux Afghans la direction de tous les efforts. Il faut offrir à ces derniers, a insisté le représentant, l'occasion de choisir librement leurs représentants et, quelle que soit la nature du règlement politique, il faut un gouvernement inclusif et représentatif de tous les Afghans. A cet égard, le représentant a attiré l'attention du Conseil sur la réunion que les chefs de tribus viennent d’avoir à Peshawar et au cours de laquelle ils se sont mis d'accord sur la convocation d'une loya jirga sous les auspices du Roi Zahir Shah. En Afghanistan, il faut à tout prix éviter un vide sécuritaire maintenant que le territoire change de mains a observé le Ministre, qui a appelé toutes les parties afghanes à s'engager fermement dans la protection des civils et à éviter la reprise des exécutions et autres formes d'abus. Il a plaidé pour le lancement d'une campagne d'information publique efficace et souligné l'importance de l'aide humanitaire. Dans ce cadre, il a indiqué que son pays vient de fournir une assistance humanitaire, par le biais des Nations Unies, de l'ordre d'un million de dollars.
M. JOHN NEGROPONTE (Etats-Unis) a indiqué que son message, comme celui du Secrétaire d’Etat américain la veille, était court alors que la situation change en Afghanistan: il faut aller vite, vite, vite. Les événements en Afghanistan, a-t-il souligné, n’attendront pas la communauté internationale et beaucoup de choses doivent être faites maintenant par les Nations Unies, la communauté internationale et par les agences humanitaires. Il a appelé à soutenir les efforts entrepris par l’ONU et par M. Brahimi pour mettre en place une autorité intérimaire dans les zones libérées. Cette autorité, a-t-il souligné, doit être représentative de tous les Afghans et acceptée par tous. Elle doit être soutenue par nous tous et surtout par les pays de la région, faute de quoi elle échouera, a-t-il averti. Il a souligné la nécessité de rétablir au plus vite une présence internationale.
M. Negroponte a demandé qu’un appel soit lancé aux forces de libération pour qu’elles fassent preuve de modération au moment où elles occupent de nouvelles positions. Et il a demandé à ceux qui sont en mesure de le faire de soutenir les efforts visant à assurer la sécurité dans les zones libérées, particulièrement celle des civils et des travailleurs humanitaires. En ce moment historique les Afghans doivent savoir que nous les aiderons à reconstruire leur pays et que nous soutiendrons leurs efforts en faveur de la paix qui leur a été si longtemps déniée.
M. NOUREDDINE MEJDOUB (Tunisie) a craint que la situation humanitaire dans laquelle se trouve le peuple afghan ne se détériore davantage avec la poursuite des opérations militaires et l’intensification des combats entre le Front Uni et les Taliban. Tout en affirmant comprendre la nécessité de combattre le fléau du terrorisme, il a appelé à faire en sorte que la campagne militaire menée au nom de la coalition contre le terrorisme ne propage pas à son tour désespoir et désarroi. M. Mejdoub a lancé un appel pour que la population de l’Afghanistan soit épargnée, soulignant qu’il faisait sienne la position du Secrétaire général qui a souhaité que la guerre prenne fin au plus vite. L’aide humanitaire internationale constitue une priorité absolue. Mais il a, dans le même temps, exprimé sa préoccupation face aux difficultés d’accès et d’acheminement de l’aide, surtout avec l’arrivée de l’hiver qui rendra difficilement accessibles les voies de passages. Il a fait valoir que le personnel humanitaire, une fois redéployé à l’intérieur de l’Afghanistan, devait pouvoir bénéficier de bonnes conditions de sécurité.
Il a appelé les combattants des forces de l’Alliance du Nord à garantir cette sécurité, notamment à Mazar-e-Charif. Le représentant a estimé qu’une solution politique durable requiert l’avènement d’un régime représentatif de l’ensemble du peuple afghan et de ses différentes ethnies. L’engagement des Nations Unies dans ce processus politique sera nécessaire dans la phase de transition et de reconstruction, mais il est aussi fondamental de souligner que la participation des Afghans eux-mêmes à ce processus est déterminante, a-t-il souligné.
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a déclaré que sans la communauté internationale les Afghans n’auraient pas été en mesure de constituer un gouvernement représentatif et d’assurer une paix durable. L’ONU a un rôle particulier à jouer à cet égard, non seulement parce que les menaces terroristes relèvent du Conseil de sécurité mais aussi parce que l’ONU seule a les moyens de coordonner la solidarité internationale. Le futur de l’Afghanistan, a souligné le représentant, doit être celui d’un Etat en paix avec ses voisins, avec un gouvernement pluriethnique, véritablement représentatif et qui évite la domination d’un parti ou groupe ethnique. Tout en reconnaissant la nécessité de déraciner le régime des Taliban, le représentant a remarqué qu’il fallait faire une différence entre Taliban et Pachtounes. Le représentant a proposé qu’on organise rapidement une conférence internationale sur l’Afghanistan, en ajoutant que le Groupe 6+2 était une formule intéressante mais qu’il fallait autoriser d’autres partis à s’associer aux travaux, par exemple au sein du Groupe des 21.
Remarquant qu’environ 10 000 Taliban, dont des terroristes, seraient isolés dans le sud-est du pays, il a déclaré que le Front Uni devrait les traiter avec indulgence et les traduire en justice. Il a appelé les membres du Conseil de sécurité à faire pression sur les Taliban pour qu’ils se rendent et qu’on évite ainsi une effusion de sang. Il a indiqué qu’il fallait prévoir une stratégie à long terme d’aide à la reconstruction.
M. K. D KNIGHT, Ministre des affaires étrangères de la Jamaïque, a noté que la situation militaire, ce matin, avait changé avec le retrait des Taliban de Kaboul. Ceci doit être l’aube de nouveaux efforts devant refléter la volonté des Afghans. Il convient, a-t-il ajouté, de rechercher une solution juste et durable, avec un gouvernement largement représentatif et une direction stable. Il a souligné à cet égard le rôle déterminant que les Nations Unies avaient commencé et devaient continuer de jouer. L’hiver approche, ce qui met l’accent davantage sur l’aide humanitaire, a-t-il souligné, en félicitant les agences de l’ONU et les organisations non gouvernementales qui ont soulagé la souffrance de la population. Une solution politique d’ensemble ne peut qu’aider l’assistance humanitaire, a-t-il remarqué, car ainsi l’accès aux populations qui en ont besoin sera facilité, de même que les garanties de sécurité.
Le Ministre a jugé que le processus de transition doit inclure tous les groupes et individus, notamment les femmes, qui ont été précédemment exclues, et nécessité l’aide et la coopération des pays voisins et de la communauté internationale.
M. LOUIS MICHEL, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Belgique, a déclaré, au nom de l'Union européenne et des pays associés, que les Nations Unies restent le forum le plus approprié pour revigorer et renforcer les efforts visant à éliminer le terrorisme international. La lutte contre le terrorisme n'est pas dirigée contre le peuple musulman, a ajouté le Ministre. Nous respectons les traditions islamiques et les valeurs qu'elles ont apportées au monde. L'Union européenne soutient fermement les opérations militaires ciblées qui ont commencé le 7 octobre dernier et qui sont légitimes et conformes aux termes de la Charte des Nations Unies et de la résolution 1368 du Conseil de sécurité. L'objectif est l'élimination de l'organisation terroriste Al-Qaeda qui est indéniablement à l'origine des attentats terroristes du 11 septembre. Ses dirigeants n'ont pas été livrés par le régime des Taliban qui au contraire continue de les héberger. La cible de cette campagne militaire en Afghanistan n'est pas bien évidemment la population civile.
Le Ministre a attiré l'attention des membres du Conseil sur la situation humanitaire alarmante en Afghanistan qui s'aggravera avec l'arrivée de l'hiver. L'évolution de la situation sur le terrain doit être mise à profit pour améliorer rapidement l'acheminement de l'assistance humanitaire et secourir les réfugiés et les personnes déplacées. La fourniture d'une aide humanitaire reste une priorité absolue pour l'Union qui s'est engagée à mobiliser sans délai une aide de plus de 320 millions d'Euros. Elle appelle tous les pays de la région à faciliter, par tous les moyens possibles, les opérations humanitaires d'accueil des nouveaux flux de réfugiés afghans. Elle appelle également la communauté internationale à venir en aide aux pays voisins qui subissent aux aussi les conséquences de la crise en Afghanistan. Le Ministre a plaidé en faveur de la mise en place d'un gouvernement démocratique très largement représentatif de tous les groupes ethniques en présence, seul gage de paix et de stabilité en Afghanistan. Il conviendra encore que ce gouvernement adhère aux principes des droits de l'homme et du droit. Il appartient aux Nations Unies et au Représentant spécial du Secrétaire général de jouer un rôle central dans la formation d'un tel gouvernement. Nous entendons soutenir les plans de l'ONU dans cette direction. Nous demandons instamment à l'Alliance du Nord de contribuer sans réserve à ces efforts notamment en assurant la garde provisoire de Kaboul. Tout règlement politique en Afghanistan doit être fondé sur la volonté des Afghans. Néanmoins, les incertitudes qui planent sur la durée et les conséquences de la campagne militaire font que les Nations Unies devront un peu naviguer à vue.
Le Ministre a insisté sur l'inclusion d'une dimension des droits de l'homme dans tous les arrangements concernant l'Afghanistan et a condamné les graves violations des droits de l'homme et des principes du droit humanitaire commises sous le régime des Taliban. Nous avons notamment condamné les traitements discriminatoires et inadmissibles à l'égard des femmes dont les droits les plus élémentaires sont systématiquement et méthodiquement bafoués. Evoquant l'avenir de l'Afghanistan, le Ministre a souligné l'importance de lancer dès maintenant un plan de reconstruction économique et institutionnelle. Le développement de l'agriculture aidera à lutter contre la culture du pavot et le trafic de drogues. La mise en oeuvre d'un plan de déminage facilitera l'acheminement de l'aide ainsi que le retour et la réintégration des réfugiés et des personnes déplacées. Le défi à relever est immense et multiple et sa réussite dépendra de la prise en compte de la dimension régionale. Une solution durable présuppose que les intérêts légitimes des pays voisins soient pris en compte. Ces pays doivent être étroitement associés aux efforts des Nations Unies qui s'en trouveraient facilités par une coordination entre les pays de la région eux-mêmes. L'Union entend intensifier ses relations avec ces pays.
M. JOZIAS VAN AARTSEN, Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, a insisté sur l’urgence de la situation concernant l’Afghanistan. Sur le plan politique tout d’abord, au fur et à mesure que la campagne militaire progresse, les choses sur le terrain changent rapidement. Cela a des conséquences directes sur le poids politique que chacune des fractions de la population afghane peut faire peser sur les négociations relatives à un futur gouvernement. M. Brahimi doit d’urgence faire se rencontrer les parties en présence, un effort qui doit s’intégrer aux propositions complètes qu’il a faites ce matin. La future structure politique ne doit pas être imposée de l’extérieur mais appartenir bel et bien aux Afghans. L’ONU, de son côté, doit jouer un rôle de catalyseur et de conseiller, et non de gouverneur, a ajouté le Ministre, avant d’inviter le Conseil, dans la résolution qu’il adoptera, à demander à M. Brahimi d’agir avec diligence. En matière de sécurité, M. van Aartsen a expliqué que le succès de la campagne militaire contre le terrorisme ne devait pas se traduire par la domination d’un parti ou d’une faction en particulier. Le contrôle des villes ne devrait pas être le seul élément pour déterminer l’issue du processus politique. La résolution du Conseil devra donc permettre une action internationale, de préférence sous les auspices de l’ONU, assurant une présence dans les villes qui ont changé de mains ces derniers jours. Cette action devrait être très rapidement suivie d’arrangements militaires transitoires, essentiels pour créer un environnement sûr. Le Conseil devrait donc également décider des options éventuelles et réalistes à cet égard, a précisé le Ministre.
S’agissant de la reconstruction, les Pays-Bas estiment que l’ONU devrait coordonner et organiser les activités de reconstruction et de réhabilitation. Des projets à effet rapide, dans les domaines alimentaires, du logement et de l’approvisionnement en eau, devraient être mis en place sans délai, afin d’appuyer le redressement économique. Le Groupe de soutien à l’Afghanistan peut parfaitement continuer son rôle de coordination de l’aide, il n’est pas nécessaire de créer de nouvelles structures en la matière, a fait observer M. van Aartsen, avant d’ajouter qu’il partage l’opinion de l’Ambassadeur Lavrov pour qui l’aide humanitaire n’est pas une prérogative du Groupe 6+2. Pour que les efforts de l’ONU réussissent, a-t-il précisé, il faut non seulement que le plus grand nombre d’Etats continue d’être impliqué, mais que les pays qui fournissent des ressources participent au processus de prise d’élaboration des stratégies. Le niveau d’engagement pourrait, par exemple, être reflété par la création d’un Groupe des amis appuyant le travail du Secrétaire général en Afghanistan. S’il rassemble tous ces éléments dans sa résolution, le Conseil aura élaboré une stratégie cohérente qui permettra aux Nations Unies d’aller de l’avant.
M. PHIL GOFF, Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Nouvelle-Zélande, a jugé que le retrait des Taliban de Kaboul a grandement accru l’urgence d’une aide internationale pour mettre en place un gouvernement largement représentatif. M. Brahimi, a rappelé le Ministre, nous a donné les grandes lignes de son programme, mais le défi essentiel lancé aujourd’hui au Conseil de sécurité est de déterminer les moyens d’assurer la sécurité sur place. Le Ministre a appelé le Conseil à tout faire pour mettre un terme à l’absence de gouvernement légitime en Afghanistan, et pour faire cesser les violences et représailles que subit ce pays depuis plus de vingt ans, comme ce fut encore le cas ces dernières heures, a-t-il souligné.
Evoquant la formation d’une coalition internationale contre les Taliban, le Ministre néo-zélandais des affaires étrangères a souligné l’échec des Taliban à répondre aux exigences du Conseil de sécurité et à mettre fin à l’accueil et à la formation de terroristes internationaux. Cette coalition internationale, à laquelle participe son pays, a rappelé M. Goff, est donc engagée dans une campagne visant à éliminer le réseau Al-Qaeda. Même, après le départ des Taliban, il restera encore beaucoup à faire dans ce domaine, a-t-il estimé. Pour faire face à la crise humanitaire épouvantable qui sévit en Afghanistan, le Ministre a appelé les Etats Membres à offrir assistance aux millions d’individus en danger. Les dimensions politique et humanitaire sont liées et doivent être traitées de façon coordonnée si l’on souhaite trouver une solution durable en Afghanistan.
M. ABDUL SATTAR, Ministre des affaires étrangères du Pakistan, a apporté son soutien aux initiatives envisagées par le Représentant spécial M. Brahimi et assuré le Conseil de sécurité de la pleine coopération de son pays. Il a souligné que les efforts du Conseil de sécurité se font encore plus urgents maintenant que la situation évolue plus vite qu’on ne l’avait prévu. Bien que le Pakistan ait souscrit au principe d’une action militaire, celle-ci a fait souffrir le peuple et il a espéré qu’elle prendra fin le plus tôt possible. Il a rappelé que le Président Musharraf, dans son discours devant l’Assemblée générale, avait demandé que la stratégie militaire soit conjuguée à l’effort humanitaire et à l’aide à la reconstruction. Le Ministre a apporté son soutien à la mise en place d’un Gouvernement élargi et représentatif de toutes les ethnies afghanes, et si possible issu d’une stratégie nationale avec le soutien des Nations Unies. Il a espéré que le nouveau Gouvernement mette en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité sur l’Afghanistan et maintienne des liens pacifiques avec ses voisins.
Depuis le début du mois d’octobre, a observé le Ministre, les groupes afghans ont eu une activité intense: l’Alliance du Nord a rencontré le roi Zahir et fin octobre l’Assemblée pour la paix et l’unité de l’Afghanistan a tenu une conférence importante à laquelle des notables, des combattants et des représentants de groupes ethniques étaient conviés. Cette Assemblée s’est prononcée en faveur du processus traditionnel loya jirga qui servirait de vecteur à la formation d’un Gouvernement au sein duquel le Roi jouerait un rôle important. Le Ministre a insisté sur la nécessité d’accélérer la prise de décisions sur le plan politique, en particulier la convocation d’une réunion aussi vite que possible d’Afghans influents pour former un gouvernement intérimaire multiethnique. Il faut se hâter, a-t-il insisté, en soulignant le vide politique créé par le retrait des Taliban de Kaboul.
Si les Nations Unies n’arrivent pas à mettre en place des institutions pleinement représentatives à Kaboul, le conflit pourrait se poursuivre, a souligné le Ministre. Il a apporté son soutien à l’envoi d’une force multinationale et a fait part de ses inquiétudes au sujet d’éventuelles représailles, voire d’épurations ethniques en Afghanistan. Il a rappelé que son pays était celui qui avait le plus souffert du conflit afghan, à l’exception de l’Afghanistan, à cause des trois millions de réfugiés qui se trouvent au Pakistan. Malgré les restrictions, plus de 80 000 réfugiés sont encore arrivés au Pakistan à la faveur des derniers événements, a-t-il précisé, en insistant sur la nécessité d’apporter une assistance à la reconstruction une fois la paix revenue pour que les réfugiés puissent rentrer chez eux. Le Ministre a indiqué que la communauté internationale devait travailler dès maintenant à un plan de reconstruction et fournir les finances nécessaires à la remise en état du réseau de distribution d’eau,
de l’agriculture et des infrastructures. A cette fin, il a rappelé que le Président du Pakistan a proposé la création d’un fonds d’assistance à l’Afghanistan sous les auspices de l’ONU pour apporter une aide humanitaire et soutenir la reconstruction nationale. Cette fois, la communauté internationale ne doit pas abandonner les Afghans, a-t-il insisté.
«Cette réunion du Conseil est à la fois opportune et cruciale, quelques heures après la chute de Kaboul» a fait remarquer d’emblée M. RENATO RUGGIERO, Ministre des affaires étrangères de l’Italie. Il a rappelé que son pays appuie entièrement la coalition internationale contre le terrorisme, lutte pour laquelle elle a proposé des troupes ainsi que des navires et des aéronefs. La campagne militaire actuelle, pleinement légitimée par la Charte des Nations Unies et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, a un objectif ciblé qui est d’amener devant la justice les coupables des attaques terroristes et d’éliminer le réseau Al-Qaeda ainsi que ceux qui le soutiennent. Toutefois, le Ministre a estimé qu’aucun effort ne devrait être épargné pour réduire les pertes de vie et les souffrances de la population civile, déjà victime depuis des années d’une crise humanitaire aggravée par les politiques d’un régime non démocratique et isolationniste.
L’Italie estime que le Gouvernement futur de l’Afghanistan devra être représentatif et refléter la composition multiethnique de la société afghane. Elle encourage M. Brahimi à poursuivre ses efforts de facilitation en vue de former une alternative politique au régime des Taliban. L’avenir démocratique de ce pays doit demeurer aux mains des Afghans, a insisté M. Ruggiero, avant d’ajouter qu’ils doivent être aidés dans leurs efforts en vue d’une solution politique complète. En particulier, le dialogue inter-afghan devrait associer des personnalités de la diaspora, qui pourront ainsi donner voix à toutes les composantes de la société et contribuer à la paix et à la stabilité de la région.
Toutes les conditions doivent être réunies pour empêcher un vide «sécuritaire», a poursuivi le Ministre. Il a jugé qu’un cadre de sécurité était l’élément indispensable non seulement à la sécurité mais aussi au bon déroulement de l’aide humanitaire. Les efforts humanitaires devraient également, à son avis, s’intensifier, en particulier à destination des personnes déplacées à l’intérieur des frontières. M. Ruggiero a indiqué, à cet égard, que son Gouvernement avait d’ores et déjà consacré plus de 30 millions de dollars aux appels des différentes organisations humanitaires. De concert avec les Nations Unies, l’Italie examine également la manière de mieux contribuer à la reconstruction du pays une fois la paix retrouvée. Elle entend, ce faisant, donner la priorité aux projets à effet immédiat en faveur de la population locale, notamment dans le secteur de l’agriculture en vue d’éliminer la culture du pavot par des cultures alternatives. De manière générale, mon pays est disposé à examiner les demandes de ressources supplémentaires destinées à améliorer l’avenir de la population afghane, a déclaré en conclusion le Ministre.
M. KAMAL KHARRAZI, Ministre des affaires étrangères de la République islamique d’Iran, a rappelé que les maintes mises en garde de son pays sur la situation en vigueur en Afghanistan et sur la politique suivie par les Taliban étaient restées n’ont pas été entendues ou ont été prises à la légère. Aujourd’hui, restaurer la stabilité dans ce pays requiert volonté politique, détermination et des actions concertées et collectives. Il est impératif de poursuivre des objectifs au-delà des opérations militaires et de préparer une sortie pacifique à la suite de décennies de guerre et de protection des
terroristes, a insisté le Ministre. Les Nations Unies ont un rôle central à jouer, et, compte tenu des récents développements, notamment la libération de Kaboul, Mazar-e-Charif, Taloqan, Herat et d’autres provinces du Nord de l’Afghanistan, le moment est venu de se lancer dans la formation d’un gouvernement élargi pour empêcher que ne se reproduisent les erreurs du passé. Il a appelé à la constitution d’un gouvernement respectueux de la démocratie, du droit international, des droits de l’homme, ayant des relations pacifiques avec ses voisins, interdisant son territoire aux terroristes et au trafic et commerce des stupéfiants.
Le Ministre a souhaité que le Conseil de sécurité adopte une résolution dans laquelle seront énoncés les principes que devra suivre le gouvernement post-taliban et qui viserait la mobilisation de fonds pour la reconstruction du pays et le rapatriement des réfugiés, l’élimination des cultures illicites et de leur trafic. Il est urgent, de mettre en place un arrangement transitoire permettant de passer du conflit à la paix et les récents événements appellent les Nations Unies à l’action. La nouvelle autorité, devra être représentative de la population afghane et, sous l’égide de l’ONU, devra avoir une caractéristique plus administrative que politique. M. Kharrazi a appelé le Front Uni et tous les groupes légitimes à l’extérieur de l’Afghanistan à coopérer avec M. Brahimi pour mettre en place une administration multiethnique. Il a réclamé une présence militaire des Nations Unies pour assurer l’ordre et la sécurité jusqu’à ce que la police et des forces de l’ordre soient opérationnelles. Mais le Conseil de sécurité, outre la résolution évoquée, devra également exercer un contrôle de la situation et déterminer si les parties respectent leurs engagements.
Au plan politique, mieux vaut se montrer prudents et ne pas décider qui doit diriger le pays, cette décision étant du ressort de la nation afghane, à condition que tous les Afghans, en particulier ceux qui sont à l’extérieur du pays puissent participer aux décisions. Le Ministre a indiqué que l’Iran avait demandé à l’Alliance du Nord de faire preuve de modération, de respecter les droits de l’homme et d’accorder une large amnistie. Mais, la pauvreté fragilise la paix et la communauté internationale doit contribuer de façon substantielle à la reconstruction du pays. Il faut investir pour l’avenir, a-t-il insisté en proposant la tenue d’une conférence internationale de l’ONU sur la reconstruction de l’Afghanistan, jugeant qu’une coalition internationale dans ce but serait plus large que l’actuelle coalition militaire. Le temps est venu pour le peuple afghan d’exercer son droit à l’autodétermination mais le coût d’un échec serait immense, a conclu le Ministre.
M. ABDULAZIZ KAMILOV, Ministre des affaires étrangères de l’Ouzbékistan, rappelant la frontière qui sépare son pays de l’Afghanistan, a assuré qu’il était dans l’intérêt de son pays de voir la paix et la stabilité revenir en Afghanistan. Il a évoqué la coopération qu’apportait son pays dans l’acheminement de l’aide humanitaire, tout en reconnaissant que l’assistance humanitaire devait aller de pair avec d’autres programmes en direction de la génération dévastée qui n’avait jamais rien connu d’autre que la guerre. Tout en apportant son soutien aux propositions de M. Brahimi, le Ministre a assuré que l’Ouzbékistan poursuivrait tous ses efforts au sein du Groupe des 6+2 pour que la paix soit rétablie en Afghanistan. Nous avons devant nous une réelle opportunité, a-t-il fait valoir.
M. ISMAIL CEM, Ministre des affaires étrangères de la Turquie, a souligné que la communauté internationale devait réfléchir à la façon d’aider l’Afghanistan mais que seul son peuple devait décider de l’avenir du pays. Il a estimé que des allégeances, des identités tribales devraient être encouragées à participer aux efforts visant la création d’une identité nationale afghane. Il est très difficile à l’Afghanistan, a-t-il expliqué, de respecter son ancien tissu social et ses traditions et, en même temps, de s’affirmer en tant que nation. Il a également estimé que les voisins de l’Afghanistan et membres de l’ONU devraient s’interdire d’avoir des alliés préférentiels et de poursuivre des intérêts précis par le truchement de ces alliés. Alors que la lutte justifiée contre le terrorisme se poursuit, a-t-il repris, nous devons veiller à ce que des civils innocents ne soient pas mis en danger. A cet égard, il a appelé à continuer d’apporter des secours humanitaires de grande envergure. Dans les villes et régions de l’Afghanistan libérées d’une oppression terroriste, il faut que nous soyons en mesure de répondre aux besoins fondamentaux dans les plus brefs délais, a-t-il dit, faisant valoir qu’il fallait que ces populations constatent des changements concrets, que le nouvel environnement leur offre des occasions nouvelles et une aide matérielle rapide.
M. DIETER KASTRUP (Allemagne) a fait observer que le 11 septembre restera dans l’histoire comme le début d’une nouvelle ère de coopération et de multilatéralisme. Le représentant a ensuite considéré qu’une réponse reposant uniquement sur la répression face au terrorisme serait vouée à l’échec et plus particulièrement en Afghanistan où, depuis plus de vingt ans, une guerre meurtrière s’est déroulée sous le regard de la planète. La guerre civile, les violations des droits de l’homme et les souffrances infligées à des millions de réfugiés ont été le terreau d’une alliance symbiotique entre le groupe terroriste Al-Qaeda et le régime des Taliban, a déclaré M. Kastrup. Aussi sévère que puisse paraître cette mesure, sans des moyens militaires, nous ne parviendrons pas à détruire ce refuge de la terreur et nous ne devons pas oublier que la catastrophe humanitaire en Afghanistan est l’oeuvre des Taliban et que cela a commencé bien avant le 11 septembre, a précisé le représentant. Les Taliban portent la responsabilité première de l’échec des efforts de paix des Nations Unies dans le passé, a-t-il ajouté, avant de rendre hommage à l’action du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Brahimi.
Abordant les mesures de solidarité à mettre en oeuvre pour l’Afghanistan, M. Kastrup a notamment insisté sur les propositions de M. Brahimi relatives à la mise en place d’un gouvernement largement représentatif, sur le rôle d’appui des Nations Unies durant la phase de transition et sur l’engagement à coopérer de la part des Etats voisins et des acteurs internationaux. Il a appelé la communauté internationale à assumer ses responsabilités concernant l’avenir de l’Afghanistan, soulignant toutefois que la solution devait être trouvée par la population afghane elle-même et qu’il faut respecter sa diversité et son droit à l’autodétermination. Il a ensuite insisté sur les intérêts légitimes des Etats voisins de l’Afghanistan qui doivent être pris en compte car ces Etats partagent la responsabilité quant au succès des efforts de paix. M. Kastrup a ensuite estimé que toute solution politique devait être soutenue et légitimée par les Nations Unies et que des objectifs politiques, humanitaires et économiques doivent être clairement définis.
Le représentant a souhaité ensuite que le Conseil de sécurité adopte une résolution à cette fin qui précise les tâches principales, à savoir la formation d’un gouvernement de transition représentatif et le développement d’une administration à l’échelle locale et provinciale, le déploiement d’une assistance humanitaire internationale rapide et significative pour les populations afghanes dans le besoin, la mise en oeuvre d’un programme de reconstruction –une sorte de “Plan Marshall pour l’Afghanistan”- qui couvre les volets économiques et sociaux en particulier, et enfin le renforcement de la sécurité et de la stabilité afin de permettre la réalisation des différentes tâches assignées par la résolution qu’adoptera le Conseil de sécurité. Il a souligné que l’Alliance du Nord porte en grande partie la responsabilité du maintien de la sécurité et de la stabilité et a exprimé l’inquiétude de l’Allemagne suite aux récentes informations relatives aux atrocités commises en Afghanistan qui pourraient compromettre les efforts en cours pour trouver une solution politique. Il a enfin lancé un appel en faveur de la coopération internationale pour soutenir les efforts des Nations Unies et a assuré du plein soutien de l’Allemagne et de l’Union européenne aux actions entreprises par l’équipe de M. Brahimi.
M. PAUL HEINBECKER (Canada) a déclaré qu’il était difficile de faire des observations pertinentes dans une situation qui évolue aussi rapidement. Il a apporté son soutien à la mise en place d’une administration neutre et multiethnique en reconnaissant que c’était plus facile à dire qu’à faire. La communauté internationale doit agir avec diligence, a-t-il souligné, rappelant que nos efforts pour ne pas laisser s’installer le vide politique en Afghanistan font partie de notre combat contre le terrorisme. Il a ajouté que des mesures étaient requises d’urgence pour assurer une présence de l’ONU en Afghanistan, mais qu’il ne fallait pas pour autant perdre de vue l’objectif de traduire Osama Ben Laden en justice.
La communauté internationale ne peut qu’encourager, et non pas imposer un règlement politique, a insisté le représentant, en réaffirmant que la seule solution devait venir du peuple afghan. Il a également rappelé que le succès ne viendrait pas sans un appui financier et technique de la part de la communauté internationale. Il a invité les voisins de l’Afghanistan à oeuvrer en étroite coopération pour parvenir à instaurer la paix en Afghanistan. Le représentant s’est dit heureux de la proposition faite ce matin par le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, M. Brahimi, de créer une force afghane intégrée et il a déclaré que le Canada appuierait le peuple afghan, en particulier les femmes, dans leur dialogue sur l’avenir de leur pays. M. Heinbecker a ajouté que le Canada, qui a déjà aidé l’Afghanistan dans les années 90 continuera à le faire.
M. YUKIO SATOH (Japon) a déclaré que le Japon condamne les attaques terroristes qui ont été perpétrées contre les Etats-Unis le 11 septembre dernier, et soutient les actions lancées contre le terrorisme international sur la base des résolutions du Conseil de sécurité. Il est indispensable, a dit M. Satoh, de déployer des efforts en vue d'assurer la sécurité des zones non touchées par les combats, au vu de l'évolution actuelle de la situation sur le terrain. Après la fin des actions militaires, ces efforts doivent être renforcés pour assurer la mise en place d'une administration et de mesures de redressement économique, a-t-il poursuivi. Il est important d'explorer dans le même temps les voies qui pourraient permettre de parvenir à la stabilité politique de l'Afghanistan.
A cet égard, la volonté du peuple afghan doit être respectée, et le Japon soutient les efforts déployés par le Secrétaire général de l'ONU et son Représentant spécial, M. Brahimi. Concernant le futur gouvernement de l'Afghanistan, nous sommes d'avis qu'il doit répondre aux conditions énoncées hier dans la Déclaration ministérielle conjointe du Groupe 6+2. Ce gouvernement doit, par conséquent, représenter tous les groupes ethniques du pays; adhérer au droit international et avoir des relations amicales avec ses voisins; ne pas soutenir le terrorisme, et s'engager à mettre fin à la production des drogues. Le Japon considère aussi que la convocation d'une loya jirgha (assemblée traditionnelle des groupes ethniques) sous la direction de l'ex-roi Zaher Shah, est l'une des options qui permettrait la création d'un tel gouvernement.
Le Gouvernement du Japon a déjà contribué à l'aide humanitaire au peuple afghan et il vient de s'engager à verser 120 millions de dollars pour l'assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées en vue de soutenir les efforts de l'ONU et des organisations humanitaires. Le Japon se prépare aussi à jouer un rôle actif dans la reconstruction de l'Afghanistan et le renforcement de la paix, et Mme Sadako Ogata, ancien Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a été nommée comme Représentante spéciale du Premier Ministre japonais pour l'Afghanistan. Nous réitérons d'autre part, a dit M. Satoh, la proposition faite en 1996 par notre Gouvernement d'accueillir, aussitôt que possible, une conférence internationale pour la paix et la reconstruction en Afghanistan.
M. KAMALESH SHARMA (Inde) a noté que le monde avait payé cher ses échecs en Afghanistan. Puisque la campagne dans ce pays touche à sa fin, il faudrait exiger des Taliban qu’ils partent car il n’y a pas de taliban modérés, pas plus que de bons terroristes. Il a appelé le Conseil à adresser un message clair et sans équivoque afin que les taliban comprennent qu’ils n’ont pus leur place dans l’avenir de l’Afghanistan. Le nouveau gouvernement afghan devra avoir une base élargie et représenter tous les groupes ethniques et religieux, afin de refléter la volonté des Afghans, ce qui pourrait être le résultat d’un processus interne. Sinon il ne sera ni accepté, ni stable, ni durable. Le nouveau cadre constitutionnel et légal devra assurer la protection des droits de l’homme, y compris ceux des femmes, des enfants et des minorités pour panser les blessures infligées par les Taliban. Mais un gouvernement sûr, capable de protéger la population nécessite une protection, a-t-il relevé, soulignant que le futur gouvernement ne sera pas en mesure de faire face tout seul aux taliban et aux étrangers les épaulant dans la lutte. Car ces mercenaires ne disparaîtront pas de sitôt et ils doivent être neutralisés efficacement pour permettre à une force intra-afghane d’assurer ultérieurement la sécurité, a jugé le représentant. Il n’y a pas encore un accord sur le nouveau gouvernement afghan parce que certains réclament toujours un droit de veto sur sa composition. Or, il a souhaité que ce futur gouvernement soit celui des Afghans pour les Afghans.
La communauté internationale a un rôle décisif à jouer en assistant et en encourageant le processus intra-afghan. Les Nations Unies doivent être au centre de ce soutien En tant que pays dans le voisinage immédiat de l’Afghanistan, l’Inde a intérêt au bien-être social et économique de ce pays et à son développement. Elle a déjà annoncé son intention de dégager une ligne de crédit de 100 millions de dollars destinés à la reconstruction et au redressement. Après avoir assuré la paix et la sécurité, la priorité immédiate sera le redressement et la reconstruction du pays et l’aide au retour des réfugiés.
M. RASHID ALIMOV (Tadjikistan) a déclaré que le problème de l’Afghanistan avait une résonance non seulement régionale mais internationale, comme les événements du 11 novembre l’ont montré. Il faut aider ce pays à intégrer la communauté internationale, en transformant son image largement ternie ces dernières années. Tout doit être fait pour redonner au peuple afghan l’espoir d’un épanouissement futur, a-t-il poursuivi, mais il faut lui laisser le choix. A cet égard, il a déclaré que l’ingérence étrangère devait cesser. Il a également insisté sur la nécessité d’éliminer les poches de terrorisme, la criminalité organisée et la production de drogue en Afghanistan. Il a indiqué que le futur gouvernement ne devait pas comprendre de Taliban vu les risques qu’ils représentent du oint de vue terroriste.
Le représentant s’est dit préoccupé par la situation humanitaire en Afghanistan et a indiqué que depuis le début des actions militaires, le Tadjikistan avait mis son espace aérien à la disposition de l’assistance humanitaire. Il a appelé les Etats à appuyer le peuple afghan pour éviter la catastrophe humanitaire qui menace à l’approche de l’hiver. Le représentant a espéré que l’assistance de l’ONU et des pays contributeurs se poursuivra après la fin des actions militaires.
M. JOHN DAUTH (Australie) a rappelé que son pays a mis à la disposition de la coalition internationale contre le terrorisme 1 500 hommes de troupes et une quantité substantielle de matériel militaire, le but étant de faire rendre compte de leurs actes les responsables des attaques du 11 septembre dernier et ceux qui les protègent. Dans ce contexte, a souligné le représentant, il faut insister sur les besoins urgents de l'Afghanistan et sur l'obligation de la communauté internationale d'aider cette nation à surmonter sa crise humanitaire et à assurer une reconstruction durable.
En la matière, l'approche de la communauté internationale doit se fonder sur les enseignements tirés du passé. Ainsi, les pays ou les régions qui ignorent les normes internationales pour devenir les refuges du terrorisme et de la criminalité internationale ne peuvent perdurer. L'Afghanistan doit avoir un gouvernement respectueux des normes et du droit international et il a, en particulier, besoin d'un gouvernement qui respecte les droits de l'homme, y compris les droits des femmes, et honore son obligation internationale de lutter contre le terrorisme. Un tel gouvernement doit être élargi et représentatif de tous les Afghans. De plus, l'Afghanistan doit se démarquer des Taliban en établissant des relations de coopération avec la communauté internationale. En effet, un gouvernement engagé dans la reconstruction et le redressement économique, dans le rétablissement de l’état de droit et de l'ordre public et dans la création de conditions propices au retour des réfugiés devrait obtenir l'appui de la communauté internationale. Le retour des réfugiés, a encore dit le représentant, doit être la priorité de l'Afghanistan, de ses voisins et de la région tout entière. Pour sa part, l'Australie, après avoir octroyé une somme de 12 millions de dollars australiens l'année dernière a, au cours de cette année, déjà affecté un montant total de 23,3 millions de dollars pour l'assistance aux personnes déplacées et aux populations vulnérables.
M. JORGE EDUARDO NAVARRETE (Mexique) a rappelé que la situation en Afghanistan est une question qui occupe l’attention de l’ONU depuis de nombreuses années. L’occupation, l’ingérence étrangère et les affrontements internes sont les facteurs qui ont conduit aujourd’hui à la guerre, l’instabilité et la détérioration des conditions de vie d’une population, qui depuis 20 ans n’a pas connu la paix. L’heure est venue pour les Nations Unies d’assumer plus pleinement ses responsabilités dans la reconstruction de cette paix, une fois que les actions militaires suscitées par les actes barbares du 11 septembre dernier auront pris fin. Le Mexique partage l’opinion du Secrétaire général selon laquelle il faut recentrer les efforts et redéfinir l’action internationale en vue d’instaurer une paix complète et durable. Il revient en revanche au peuple afghan de définir le régime politique que devra suivre l’Afghanistan. Le représentant a ajouté que personne ne doit rechercher son intérêt propre dans le processus d’établissement du nouveau gouvernement, qui devra être représentatif. La souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Afghanistan doivent être respectées sans équivoque, a-t-il insisté.
Le Mexique estime que le Secrétaire général et son Représentant spécial sont habilités à assumer le mandat de travailler avec toutes les parties en présence pour parvenir, par le dialogue et la négociation, à des accords et des compromis qui permettront la création d’un gouvernement représentatif. La stratégie présentée ce matin par M. Brahimi semble de manière générale appropriée. De leur côté, les représentants afghans doivent s’engager et commencer à porter attention à tous les aspects que comprennent le fait de gouverner. Cependant, la priorité première et constante doit être le bien-être de la population. La pauvreté, l’analphabétisme, les inégalités fondées sur le sexe, et l’absence de services de base doivent être éliminées, car la persistance de l’un de ces éléments négatifs aurait des répercussions sur le processus de reconstruction du pays, a prévenu M. Navarrete. Il s’est dit convaincu que la présence du personnel humanitaire de l’ONU contribuera à alléger les souffrances de la population et à éviter tout incident majeur durant la période de consultations et de négociations. La question des réfugiés et personnes déplacées devra aussi être traitée et il faudra oeuvrer activement en vue d’établir les conditions de sécurité permettant à ces groupes de population de retourner dans leur foyer sans peur et sans crainte.
M. MAKMUR WIDODO (Indonésie) s'est réjoui que le Conseil de sécurité débatte de la situation en Afghanistan, en particulier de la crise humanitaire de proportions énormes qui menace le peuple d'Afghanistan en cette période de conflit. Avant même les attentats du 11 septembre dernier, il était apparent que les 4 millions de réfugiés d'Afghanistan qui vivent dans les pays voisins, et le million de personnes déplacées à l'intérieur du pays, constituaient le groupe le plus nombreux de réfugiés au monde. "Peu de gens ont autant souffert que les Afghans, qui cependant, à partir de l'année 2001, sont devenus un peuple oublié et abandonné, alors que d'autres situations humanitaires, dans d'autres parties du monde, accaparaient l'assistance humanitaire et l'attention internationale", a dit M. Widodo, en citant le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur l'Afghanistan. L'Indonésie, a-t-il poursuivi, a décidé d'aider l'Afghanistan sur le plan humanitaire à hauteur de 500 000 dollars, en coordination avec le Croissant-Rouge pakistanais et la Croix-Rouge internationale. Mais nous sommes inquiets au vu de la situation actuelle, qui pourrait aggraver la crise humanitaire, et nous demandons à toutes les parties au conflit de faire preuve de retenue et de mettre fin au climat de violence et d'affrontements. Il est impératif en ce moment de soutenir les efforts des différentes agences de l'ONU pour leur permettre d’apporter assistance et fournitures aux populations qui sont dans le besoin, a dit le représentant.
L'ONU a un rôle central à jouer en promouvant la création d'un gouvernement multiethnique et représentant tous les groupes du peuple afghan. Le moment est venu pour la communauté internationale de rassembler ses efforts en vue de la reconstruction et du redressement économique de l'Afghanistan. En gardant à l'esprit que la paix et la stabilité du pays sont étroitement liées à sa situation économique, la communauté internationale doit largement s'engager en faveur de cette dernière. L'Indonésie espère que les efforts de la communauté internationale permettront de parvenir à une paix réellement enracinée en Afghanistan. Cette paix devrait pleinement respecter la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale du pays, et permettre à son peuple de parvenir à l'harmonie en s'engageant dans un dialogue constructif basé sur le compromis et la coopération.
M. AHMED ABOUL GHEIT (Egypte) a estimé que l'avenir de l'Afghanistan requiert plusieurs éléments, d’abord s’assurer de la nécessité de préserver l'intégrité territoriale du pays qui doit établir de bonnes relations avec ses voisins et avec la communauté internationale, et ce, sur la base du respect mutuel et de l'engagement en faveur de la légitimité internationale. Ensuite, la nécessité pour tous les Afghans de former un nouveau type de gouvernement et de mettre sur pied une administration qui serve véritablement les intérêts de ce peuple majoritairement musulman. En troisième lieu, il faudra que les puissances étrangères s’abstiennent de toute tentative visant à imposer leur influence ou leur hégémonie. En quatrième lieu, ces mêmes puissances et les pays économiquement solides devront prendre toutes les mesures pour favoriser la reconstruction de l'Afghanistan, de manière à assurer la sécurité, la stabilité et la paix. Il faudra faire de sorte que les forces du terrorisme et du mal n’aient plus la possibilité d’utiliser le territoire afghan pour satisfaire leurs desseins et pour déstabiliser des pays, compromettre les intérêts de leurs peuples et détruire les ponts de compréhension entre eux. Sur le rôle des Nations Unies dans le règlement de la situation en Afghanistan, le représentant a estimé que ce règlement exige de tous un examen approfondi de ce qui peut être fait et du fardeau que l'ONU sera capable de supporter.
M. HASMY AGAM (Malaisie) a dit qu'en tant qu'Etat islamique, la Malaisie était concernée par le fait qu'un groupe de gens mal intentionnés se soient réclamés de l'Islam pour lancer des attaques insensées contre les Etats-Unis. Tout en comprenant la colère et le désir de revanche, nous ne croyons cependant pas que l'usage de la force militaire soit le moyen le plus avisé pour mettre fin au terrorisme, a dit le représentant. Si la force est justifiée par le principe de légitime défense, elle n'est pas le seul moyen, ni le plus efficace, ni le plus politiquement habile pour atteindre ce but, a estimé M. Agam, en déplorant les continuelles souffrances du peuple afghan. Bien que le largage aérien de rations alimentaires pour les réfugiés soit un geste humanitaire, il est largement insuffisant et ne compensera pas les traumatismes que subit la population afghane sous les bombardements qui se poursuivent. Nous sommes profondément préoccupés par les soit-disant "dommages collatéraux" qui se produisent, malgré l'usage de bombes "intelligentes" dont on nous vante tant la précision, a dit le représentant. Nous demandons donc un arrêt des bombardements en vue d'épargner aux Afghans des souffrances supplémentaires et leur permettre de regagner leurs villages et leurs foyers avant l'hiver qui s'approche et le début du Ramadan.
Si des pays musulmans se sont parfois fait la guerre au cours de cette période, nous ne devons pas perdre de vue que la guerre actuelle n'a pas lieu entre pays islamiques. Il ne faudrait pas, à force de vouloir gagner une bataille, perdre une guerre. L'engagement militaire en Afghanistan va conduire à une catastrophe humanitaire, et nous demandons avec insistance que les objectifs de secours humanitaires de l'ONU prennent le pas sur les objectifs militaires, qui sont très ambigus.
La guerre contre le terrorisme est une lutte au niveau mondial impliquant tous les Etats Membres de l'ONU, y compris le nôtre. Mais s'ils sont prêts à se joindre à cette lutte, ces Etats ne le feront pas forcément sous un aspect militaire. Nous devons voir au-delà de cet aspect, et considérer les contextes politiques, sociaux et économiques, qui donnent naissance au terrorisme, et adopter une stratégie de prévention. Plusieurs Etats, dont la Malaisie, ont à cet égard appelé à la tenue d'une conférence internationale sur le terrorisme et à la mobilisation internationale, en vue de soutenir une convention globale contre le terrorisme, qui est en ce moment débattue par la Sixième Commission de l'Assemblée générale. Le plus grand défi auquel nous faisons face maintenant en Afghanistan est celui de la formation d'un gouvernement multiethnique, mais peu de progrès ont été accomplis en ce sens. Nous devrons veiller à ce que le pays ne retourne pas au chaos qui a précédé le régime des Taliban, et il est impératif que les efforts de l'ONU parviennent à établir un gouvernement représentatif de tous les groupes. M. Brahimi devrait recevoir le soutien de toutes les puissances, en vue de mettre en place un Etat afghan stable et viable. Mais le pire, ce serait que la communauté internationale abandonne une nouvelle fois ce pays après la phase militaire, alors que ce dont il a le plus besoin, c'est d'un "Plan Marshall", qui devrait être lancé le plus vite possible avec le soutien politique et économique international. La Malaisie estime, d'autre part, que l'ONU devrait être prête à aider la création d'institutions démocratiques et préparer le peuple afghan à des élections avec le soutien d'une administration transitoire.
M. SUN JOUN-YUNG (République de Corée) a souligné que les interventions du Conseil de sécurité ces dernières années concernant l’Afghanistan n’avaient pas été couronnées de succès, notant toutefois que la situation avait enfin changé. Il a souhaité que les Afghans réussissent à construire une nation libre et démocratique. A ce stade, a-t-il estimé, il importe d’établir un gouvernement largement représentatif auquel tous les groupes ethniques et politiques pourraient participer.
Le représentant a par ailleurs souligné que les Afghans auront besoin de la coopération de la communauté internationale, surtout celle des pays voisins. Tout en faisant siennes les recommandations présentées ce matin par le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Lakhdar Brahimi, il a émis l’espoir que le Conseil de sécurité continuera de se pencher sur les problèmes de sécurité, l’assistance humanitaire, la reconstruction nationale et autres questions connexes. Exprimant la préoccupation de son pays face à la grave crise humanitaire qui sévit en Afghanistan, le représentant a annoncé que son Gouvernement débloque 12 millions de dollars pour venir en aide aux réfugiés et aux personnes déplacées en Afghanistan.
Mme MADINA JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) a noté que le refus des Taliban de se plier aux conditions fixées par la coalition antiterroriste a entraîné encore de nouvelles souffrances pour le peuple afghan. La plupart d'entre eux sont des personnes déplacées, a-t-elle ajouté, mais ceux qui sont réfugiés en République islamique d'Iran ou au Pakistan alourdissent le fardeau de ces pays qui accueillent déjà beaucoup de réfugiés. Dans la gestion de la crise humanitaire, elle a considéré que la communauté internationale doit intensifier ses efforts pour une plus grande coopération, ce qui est une des préoccupations majeures du Représentant spécial du Secrétaire général pour l'Afghanistan. A ce propos, elle s'est félicitée de la décision de renouveler le mandat de M. Brahimi, tout en émettant l’espoir que celui-ci fera son possible pour aboutir, dans les délais les plus brefs, à une solution politique du conflit en Afghanistan. Il faut en outre, a-t-elle souhaité, que les opérations de la coalition antiterroriste restent dans le cadre fixé et soient limitées dans la durée, pour épargner autant que possible les civils.
Tant les Nations Unies que les Etats Membres doivent tout mettre en œuvre pour mener l'Afghanistan vers une paix durable, a souligné la représentante, dont la population est extrêmement affaiblie après vingt ans de conflits intensifs. Nous devons aider la population afghane à résoudre ses problèmes internes et à instaurer un gouvernement capable de maintenir la stabilité et une coexistence pacifique avec les Etats voisins, a-t-elle poursuivi. Son Gouvernement estime que le rôle crucial dans le règlement de ce conflit appartient à l'ONU et au Conseil de sécurité. Le Kazakhstan est d'ailleurs favorable à la tenue d'une réunion spéciale du Conseil de sécurité pour examiner la situation en Afghanistan et en Asie centrale, afin d'envisager des mesures concrètes vers une stabilisation de la situation. La représentante a ajouté que son pays veut jouer un rôle actif dans la reconstruction de l'Afghanistan, rappelant sa proposition de convoquer une table ronde sur la paix entre les factions afghanes. Après la mise en place d’un gouvernement multiethnique, il faudra entamer un processus de reconstruction et de redressement économique, a-t-elle considéré. Enfin, la représentante a exprimé le souhait que le Conseil de sécurité adopte une approche générale dans la stabilisation de l'Afghanistan, dans les domaines politique, humanitaire et des droits de l'homme.
M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) a estimé que l’évolution sur le terrain ces dernières heures rend encore plus urgent et nécessaire le rôle de l’ONU dans la recherche d’une solution politique acceptable et durable au conflit afghan. Pour qu’il jouisse d’une véritable légitimité, nous estimons que le nouvel ordre politique qui est en train de s’instaurer en Afghanistan doit représenter la nature pluriethnique de la population et rassembler toutes les parties disposées à initier une nouvelle étape de coexistence, de tolérance et de respect des droits de l’homme. Seuls les fanatiques et les extrémistes doivent en être exclus, s’est exclamé le représentant. En outre, il devra garder présent à l’esprit les intérêts de sécurité légitimes des pays voisins. Il faudra aussi aider le nouveau gouvernement à obtenir la stabilité et la sécurité. Pour ce faire, un mécanisme d’appui à composantes internationales sera certainement nécessaire, a prévenu M. Listre.
Les Nations Unies ont un rôle politique et humanitaire central à jouer, notamment pour ce qui est de l’aide à apporter au peuple afghan et de l’encouragement d’un accord politique viable. En raison de son universalité et de son mandat, l’ONU bénéficie de toute la légitimité nécessaire pour appuyer la création d’un gouvernement de transition. L’ONU doit aussi poursuivre son rôle vital dans la distribution de l’aide humanitaire. Durant la période post-conflit, elle devra cristalliser l’aide en faveur du développement économique et humain du pays. Forte de sa longue expérience dans les opérations de maintien de la paix, l’Argentine est disposée à contribuer à la reconstruction de l’Afghanistan en mettant à sa disposition les ressources, tant militaires que civiles, nécessaires à la stabilité d’un gouvernement d’unité et de réconciliation nationale et à la fourniture d’une aide humanitaire à la population.
Mme ALVEAR VALENZUELA, Ministre des affaires étrangères du Chili, a insisté sur le rôle central des Nations Unies dans ce processus qui devrait être encore renforcé pour créer les conditions de stabilité en Afghanistan. Cette voie doit mener au maintien de la paix et de la sécurité internationales, responsabilité qui incombe au premier chef au Conseil de sécurité. Rappelant que l’Afghanistan est l’un des pays les plus pauvres du monde, Mme Valenzuela a estimé que lorsqu’un gouvernement démocratique sera mis en place, la communauté internationale devrait s’engager à fournir une aide pour alléger la crise humanitaire, à garantir le retour des réfugiés en toute sécurité et à instaurer un développement économique durable.
Toutefois, ces avancées en Afghanistan ne constituent qu’un pas dans la lutte contre le terrorisme international. La coalition antiterroriste devra mettre en œuvre des politiques de développement des zones qui sembleraient exclues de la mondialisation. Le Chili espère que l’ONU et le Conseil de sécurité continuent d’apporter leur soutien au peuple afghan.
M. RAVAN FARHADI (Afghanistan) a rappelé aux membres du Conseil de sécurité que les Taliban avaient procédé au pillage des banques avant de quitter la capitale et que les forces de sécurité de l’Etat islamique d’Afghanistan étaient entrées dans la ville pour répondre aux attentes de la population et remplir le vide politique et administratif créé par la fuite précipitée des Taliban afghans et étrangers. Cette nouvelle phase, selon lui, est une avancée vers la paix et vers l’unité nationale du pays et une victoire des Nations Unies et de la communauté internationale contre le terrorisme dans le monde. Cette phase, a-t-il assuré, ne constitue pas un monopole du pouvoir en faveur de certaines catégories de population contre d’autres mais un nouvel espoir pour tous les Afghans de différents groupes ethniques qui définiront librement et démocratiquement leur avenir politique.
Pour le représentant, l’Afghanistan et son peuple sont victimes d’un double phénomène auxquels ils sont pourtant étrangers: d’une part, des groupes terroristes implantés sur leur sol, et d’autre part, la politique de terreur menée par le régime des Taliban. La première question a été traitée par le Conseil de sécurité en septembre et en octobre dernier, a-t-il rappelé; l’autre concerne l’avenir du pays et constitue aujourd’hui non seulement la préoccupation majeure des Nations Unies, mais également celle de l’Etat islamique d’Afghanistan et du Front Uni.
Le représentant a indiqué que ces forces s’associent pleinement aux actions adoptées et mises en œuvre conformément aux décisions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. Il a assuré que sa délégation tiendra compte des interventions faites aujourd’hui par les différents pays ainsi que des propositions du Secrétaire général et de son Représentant spécial. Toutefois, il a fait remarquer que le rétablissement et la consolidation de la paix dépendront des Afghans eux-mêmes. Il a demandé aux pays voisins et à la communauté internationale de mettre fin aux interventions étrangères dans son pays, en particulier celles du Pakistan qui, a-t-il dit, ont conduit l’Afghanistan au bord de l’abîme. Tout en indiquant comprendre le souhait du Pakistan de ne pas voir arriver chez son voisin un pouvoir hostile, le représentant a estimé qu’aucun pays n’était habilité à s’opposer au droit à l’autodétermination de la nation afghane. Le représentant a conclu en soulignant la nécessité pour les Nations Unies d’assister l’Afghanistan, non seulement pour rétablir et consolider la paix mais également pour rapatrier ses millions de réfugiés et personnes déplacées et pour mettre en place toutes les institutions politiques et administratives indispensables à la reconstruction du pays.
* *** *