FAISANT LE POINT DES TRAVAUX DU MOIS D’AOUT, PLUSIEURS MEMBRES DENONCENT L’INACTION DU CONSEIL SUR LA QUESTION DU MOYEN-ORIENT
Communiqué de presse CS/2182 |
Conseil de sécurité
4363e séance – matin
FAISANT LE POINT DES TRAVAUX DU MOIS D’AOUT, PLUSIEURS MEMBRES DENONCENT L’INACTION DU CONSEIL SUR LA QUESTION DU MOYEN-ORIENT
Afin d’évaluer de manière critique la façon dont il s’est acquitté de ses responsabilités envers le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a tenu, ce matin, une séance de récapitulation de ses travaux pour le mois d’août. C’est par ces paroles que M. Guillermo Fernandez de Soto, Ministre des affaires étrangères de la Colombie - pays occupant la présidence des travaux pour ce huitième mois de l’année – a invité les quinze membres à mettre en avant les expériences particulières acquises pouvant renforcer la qualité et l’utilité politique des travaux du Conseil. Il leur a aussi demandé d’insister sur le caractère interconnecté et interdépendant des présidences qui se succèdent de mois en mois.
M. Fernandez de Soto a estimé que grâce à la coopération des autres membres, son pays a réalisé les quatre objectifs qu’il s’était fixés concernant cette présidence : faire des progrès importants concernant la lutte contre les armes légères, promouvoir une réflexion approfondie et ouverte sur les approches régionales de la gestion des conflits en Afrique, par le biais d’une rencontre avec le Club de Princeton, avancer dans la direction de l’adoption d’une approche globale à la question de l’Afghanistan, et enfin faire le point des travaux et des discussions relatives à la réforme du Conseil.
Autant de points sur lesquels les quatorze autres membres sont revenus, la plupart mettant cependant plus particulièrement l’accent sur la question du Moyen-Orient et de la Palestine. Cette dernière a en effet, au cours de ce seul mois d’août, occupé à quatre reprises l’attention du Conseil, que ce soit en séance publique ou en consultations privées. Sur ce point, une majorité d’intervenants a regretté que le Conseil, malgré les efforts, n’ait pu parvenir à un résultat concret contribuant à mettre fin à l’effusion de sang sur le terrain. Mais à l’image du représentant de la France, nombreux sont ceux qui considèrent que la question demeure ouverte. Une léthargie dénoncée par le représentant de la Tunisie et qui a conduit son collègue de la Jamaïque à aborder longuement la question du droit de veto, le qualifiant de pratique non démocratique dont la seule menace peut freiner non seulement toute action, mais toute discussion sérieuse.
SESSION DE RECAPITULATION DES TRAVAUX DU CONSEIL DE SECURITE POUR LE MOIS EN COURS
Ouvrant l’échange de vues, M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour) a mis en avant le séminaire sur les approches régionales de la gestion des conflits en Afrique estimant que ce genre de rencontre est très utile. En effet, il est clairement apparu que si l’on veut trouver des solutions viables, il ne faut pas se limiter à examiner les questions à l’ordre du jour sur le plan national, mais adopter une approche régionale, comme l’exemple de la Sierra Leone et des problèmes concernant les Membres de l’Union du fleuve Mano l’a clairement montré. Mais cette approche régionale ne doit pas valoir uniquement pour l’Afrique, les événements récents au Kosovo et dans les Balkans le démontrent clairement. Or, le dernier débat sur le Kosovo a peut-être manqué cette dimension, a fait remarquer le représentant.
Abordant ensuite la résolution adoptée hier sur la prévention des conflits, il a attiré l’attention sur le 18ème alinéa du préambule du texte qui insiste sur le devoir du Conseil de prévenir toute répétition de tragédies comme celle du Rwanda par exemple. En adoptant le texte, le Conseil a pris un engagement clair que tous les membres doivent garder à l’esprit.
Le représentant est aussi revenu sur la question de la réforme de la composition du Conseil de sécurité et de ses méthodes de travail. Une séance de consultations officieuses a eu lieu au mois d’août qui a, selon lui, été riche d’enseignements. Il est important que ce type d’échanges ne demeure pas théorique, mais ait à long terme un impact réel sur les méthodes de travail. Il a espéré que les présidences futures poursuivront ces efforts. Le temps est venu par exemple de parachever le travail considérable réalisé par l’Ambassadeur Chowdhury du Bangladesh concernant les sanctions. Il est fondamental que le Conseil soit perçu à l’extérieur comme une instance en mouvement et en évolution constante, à l’écoute des besoins de nations.
Pour sa part, M. WANG YINFAN (Chine) a rappelé qu’une fois encore l’Afrique a été au cœur des travaux du Conseil. Revenant par ailleurs sur le débat public sur la question du Moyen-Orient et de la Palestine, il a demandé au Conseil de prendre rapidement des mesures. Or pour l’instant, le Conseil n’a pas réussi à assumer le rôle qui lui revient. Il a aussi espéré que l’élan imprimé concernant la question afghane par la présidence colombienne allait se poursuivre.
M. SERGEY V. LAVROV (Fédération de Russie) a lui aussi regretté que le Conseil n’ait pas réussi à prendre de décision sur la question de la Palestine. Il s’est félicité que la Colombie ait su établir une limite nette entre les compétences du Conseil et celles des autres organes intergouvernementaux, comme l’illustre bien la déclaration sur les armes légères qui vient d’être adoptée. Dans ce texte, le Conseil est parvenu à être spécifique et à ne pas répéter les engagements et décisions de l’Assemblée générale.
Pour sa part, M. WEGGER C. STROMMEN (Norvège) a pris la parole pour souligner l'importance qu'il y a à ce que les sujets thématiques du Conseil aient des "coparrains" afin d'assurer un suivi. Dans ce contexte, il a voulu que les présidences successives du Conseil soient vues comme des présidences interconnectées et interdépendantes. Le représentant a aussi commenté la déclaration présidentielle adoptée aujourd'hui sur les armes légères pour
regretter le volume et la longueur du texte qui, de manière inutile, rendent difficile sa compréhension. Il a estimé que pour optimiser l'impact politique des textes du Conseil, il convient qu’ils soient plus ciblés vers l'avenir. Parlant toujours d'impact mais cette fois de celui du Conseil de sécurité en tant que tel, le représentant a jugé essentiel que ses membres parlent d'une même voix arguant que lorsque les divisions sont mises à jour, l'influence du Conseil risque la marginalisation.
Toujours sur la coopération entre les présidences successives,
M. CURTIS A. WARD (Jamaïque)s'est félicité de l'abandon d'une culture qui voulait que chaque président du Conseil marque son empreinte par un ordre du jour "original". A l'instar d'autres intervenants, il s'est dit satisfait de la session de travail informelle sur les approches régionales de la gestion des conflits en Afrique qui, selon lui, a permis au Conseil de discuter de questions importantes tout en bénéficiant d'une expertise extérieure. Il a proposé des recommandations pour optimiser le profit de ces réunions. Il a ainsi suggéré que les membres du Conseil soient accompagnés de leurs propres experts et que des rapports de fond soient distribués après les réunions. Abordant aussi la question "des groupes des amis" et de leur modus operandi, le représentant a regretté qu'aucun débat de fond n'ait pu avoir lieu sur la question. Il a aussi évoqué les notes d'information du Secrétariat nécessaires aux consultations plénières pour regretter qu'elles se limitent trop souvent à des rappels historiques sans contenir l'analyse requise de la situation du moment.
Terminant sur la question du droit de veto, le représentant a jugé qu'il s'agit là d'une pratique non démocratique dont la seule menace peut freiner toute discussion sérieuse comme cela a été le cas pour l'examen de la situation dans le territoire palestinien occupé. Est-il normal de verrouiller le Conseil dans l'inaction par une menace du droit de veto? s'est interrogé le représentant avant de rappeler l'obligation faite aux membres du Conseil de mener une discussion de fond sur toute question qui menace la paix et la sécurité internationales.
M. SEKOU KASSE (Mali) a lui appelé à des rencontres périodiques du Conseil avec les autres organes de l'ONU et les organisations régionales.
M. VALERY KUCHINSKY (Ukraine) est plus particulièrement revenu sur la réunion officieuse consacrée aux approches régionales des conflits en Afrique. La pratique de tels débats informels et de sessions de « remue-méninges » sont très utiles. Il a aussi insisté sur l’importance du texte adopté sur la prévention des conflits qu’il convient désormais de mettre en pratique. A l’image de plusieurs orateurs précédents, il a regretté que le Conseil n’ait pas été en mesure d’agir concrètement sur la question du Moyen-Orient. S’il a pu tenir une réunion d’urgence sur cette question, il n’a en revanche pas pu concrétiser cet effort et contribuer à mettre un terme à l’effusion de sang sur le terrain. S’agissant du rapport annuel du Conseil à l’Assemblée générale, il a suggéré que le Conseil ait une discussion séparée sur ce point afin d’examiner les diverses suggestions et remarques faites par les autres Etats Membres à l’occasion de la présentation de ce document.
« C’est à juste titre que le caractère interconnecté et interdépendant des présidences mensuelles du Conseil a été souligné, car de mois en mois l’on retrouve sensiblement les mêmes questions à traiter », a, quant à lui, estimé
M. GERARD CORR (Irlande). Il a lui aussi jugé regrettable que le Conseil n’ait pas réussi à s’exprimer d’une seule voix sur la question du Moyen-Orient. Il a souhaité obtenir des notes d’information plus détaillées à l’avance afin que les membres puissent encore mieux et peut-être plus rapidement traiter des questions inscrites à son ordre du jour.
C’est sur la nécessité pour le Conseil de tenir des travaux transparents et ouverts non seulement aux autres membres de l’Organisation et aussi au public en général qu’a insisté en premier lieu M. YVES DOUTRIAUX (France). Le conflit au Moyen-Orient est l’un des derniers exemples en date illustrant bien cette nécessité. Si l’on peut se féliciter du débat public qui a été organisé sur la question, la France regrette néanmoins que le Conseil n’ait pas été en mesure de se mettre d’accord et de prendre une décision. A l’instar que plusieurs autres membres, elle considère néanmoins que la question demeure ouverte. Mais les réunions publiques pourraient aussi prendre un caractère plus interactif et moins formel comme cela a été le cas hier sur la RDC. Compte tenu des responsabilités du Conseil en matière de maintien de la paix et de la sécurité, le représentant a aussi insisté sur l’importance d’avoir des réunions régulières avec les pays contributeurs de troupes. Dans la même perspective, le Conseil doit renforcer et multiplier ses contacts avec les organisations régionales. Il a insisté sur la validité de l’approche régionale et à cet égard a indiqué que le Conseil voudra peut-être étendre cette approche à la question de l’Afghanistan et suivre la proposition de plusieurs membres d’organiser des contacts avec les pays du Groupe 6 plus 2.
A son tour, M. RUHUL AMIN (Bangladesh) a insisté sur la nécessité d'imprimer plus de dynamisme aux travaux du Conseil. Se félicitant des progrès faits en la matière, il a néanmoins souligné l'importance de définir l'ordre du jour du Conseil en fonction de l'actualité et non en fonction des rapports périodiques du Secrétariat. Le représentant a aussi commenté l'innovation qu'a constitué la session de travail informelle sur la gestion des conflits en Afrique. Dans ce contexte, il a souligné que la rencontre entre le monde universitaire et le monde diplomatique permettra au public de mieux appréhender les travaux du Conseil. Concluant, le représentant a réitéré les propos tenus par sa délégation lors de la dernière réunion de récapitulation. Ainsi il a souhaité que le Conseil donne systématiquement suite à ses décisions en s'assurant du soutien nécessaire à leur exécution. Il est donc important que le Secrétaire général dispose des ressources matérielles et financières requises, a-t-il dit.
Pour sa part, OTHMAN JERANDI (Tunisie) a jugé utile d'ouvrir ce genre de débats à la participation de tous les membres de l'ONU. Il a ensuite évoqué "une problématique intrigante" qui est la léthargie du Conseil vis-à-vis des évènements dans la région du Moyen-Orient. Si le Conseil s'empresse parfois de brûler les étapes dans la résolution de certains conflits, il continue pourtant d'ignorer des "situations explosives". La question du Moyen-Orient a été examinée à quatre reprises et il faut bien le dire, sans résultat probant; de faux signaux envoyés aux belligérants et leur lot de désolation, a estimé le représentant. Il a insisté sur le fait que le Conseil a été incapable d'assumer ses responsabilités
en jugeant cela particulièrement regrettable au vu de la situation dramatique du peuple palestinien et de la menace qui pèse aujourd'hui sur toute la région. Il a exhorté le Conseil et ses Etats membres à y penser sérieusement. Intervenant aussi, M. JADISH KOONJUL (Maurice) a regretté, lui aussi, l'absence de décisions du Conseil sur la question des territoires occupés avant de souligner l'importance de l'interdépendance des présidences successives du Conseil.
M. CAMERON R. HUME (Etats-Unis) a insisté sur les bénéfices que le Conseil pourrait tirer de réunions informelles du type de celle sur l’approche régionale de la gestion des conflits en Afrique. Il a néanmoins fait remarquer que ce genre de rencontre informelle, si elle permet des discussions plus franches, ne résout pas pour autant le problème de la transparence des travaux du Conseil évoqué par plusieurs intervenants. C’est là le dilemme constant auquel le Conseil et le pays qui en assure chaque mois la présidence doit faire face. Une autre question qui se pose est aussi celle de la participation à ces discussions et rencontres d’individus qui ne représentent pas leur pays, mais participent à titre purement individuel, en qualité d’expert par exemple. Revenant en conclusion sur la question de la longueur des déclarations adoptées parfois par le Conseil, il a cité un humoriste américain qui, il y a plus de 100 ans, écrivait « je vous écris une longue lettre car je n’ai pas le temps d’en écrire une brève ».
M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) est lui aussi revenu sur la nécessité pour le Conseil d’utiliser et de gérer son temps compté de la manière la plus efficace et la plus rationnelle possible. C’est pourquoi, il est fondamental qu’avant de prendre des décisions, les membres du Conseil sachent précisément ce qu’ils doivent résoudre. Les notes d’information et les historiques distribués par le Secrétariat sont à cet égard très importants.
Réagissant aux propos de son collègue russe s’agissant des limites précises des compétences du Conseil, il a expliqué que nombre des questions dont le Conseil est saisi revêtent des aspects qui ne relèvent pas traditionnellement de son autorité mais qu’il est fondamental de prendre en compte si l’on veut être efficace. Le représentant a aussi insisté sur la nécessité pour le Conseil d’avoir de bonnes relations avec les pays contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix. Evoquant en conclusion la question des « groupes d’amis », il a estimé qu’ils sont très utiles et qu’ils constituent un moyen d’améliorer la transparence tant recherchée. Mais dans le même temps, les membres des groupes d’amis ont la responsabilité de se comporter de manière correcte et responsable vis-à-vis des membres du Conseil.
Concluant cet échange, M. GUILLERMO FERNANDEZ DE SOTO, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a estimé que grâce à la coopération des autres membres, son pays a réalisé les quatre objectifs qu’il s’était fixés concernant cette présidence: faire des progrès importants concernant la lutte contre les armes légères, promouvoir une réflexion approfondie et ouverte sur les approches régionales de la gestion des conflits en Afrique, par le biais de la rencontre du Club de Princeton évoquée largement par les intervenants, avancer dans la direction de l’adoption d’une approche globale à la question de l’Afghanistan, et enfin faire le point des travaux et des discussions relatives à la réforme du Conseil. La Colombie s’est aussi efforcée d’améliorer sensiblement la transparence des travaux du Conseil. Les délégués membres de la Mission ont par exemple tous contribué à cet effort en répondant aux diverses questions qui pouvaient être adressées à la Mission colombienne par l’intermédiaire de l’Internet. En ce qui concerne la gestion du temps, le Ministre a fait remarquer que les événements et l’actualité amènent la présidence à faire preuve à la fois de rigueur et de souplesse. Le fait que le Conseil n’ait pas pu obtenir de résultat concret, hormis la tenue d’un long débat public sur la question palestinienne, témoigne de l’ampleur de la complexité du problème, a estimé
M. Fernandez de Soto. En conclusion, il a estimé que les remarques et observations formulées aujourd’hui par les membres indiquent bien que les séances récapitulatives de ce type sont à la fois utiles et bienvenues.
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