LE CONSEIL PROROGE LE MANDAT DE LA MISSION EN SIERRA LEONE POUR UNE NOUVELLE PERIODE DE SIX MOIS ET AUGMENTE SES EFFECTIFS MILITAIRES
Communiqué de presse CS/2127 |
Conseil de sécurité CS/2129
4306e séance – après-midi 30 mars 2001
LE CONSEIL PROROGE LE MANDAT DE LA MISSION EN SIERRA LEONE POUR UNE NOUVELLE PERIODE DE SIX MOIS ET AUGMENTE SES EFFECTIFS MILITAIRES
Le Conseil de sécurité a décidé, ce matin, de porter l’effectif de la composante militaire de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) de 13 000 à 17 500 hommes aux termes d’une résolution 1346 (2001) adoptée à l’unanimité et dans laquelle le Conseil a décidé en outre de proroger le mandat de la Mission pour une nouvelle période de six mois. Le Conseil se félicite du nouveau concept d’opérations qui consiste à aider le Gouvernement sierra-léonais à rétablir son autorité dans tout le pays et à créer des conditions nécessaires à l’organisation d’élections libres, régulières et transparentes.
Le Conseil s’est déclaré profondément préoccupé par le fait que l’Accord de cessez-le-feu signé à Abuja, le 10 novembre 2000, entre le Gouvernement sierra-léonais et le Front uni révolutionnaire (RUF) n’a pas été appliqué dans son intégralité. Il a appelé le RUF à prendre des mesures pour permettre à l’ONU de déployer ses contingents dans tout le pays, assurer la libre circulation des personnes, des biens, des organismes humanitaires, des réfugiés et des personnes déplacées et la restitution de toutes les armes saisies. Se déclarant profondément préoccupé par les informations faisant état de violations des droits de l’homme commises par le RUF, le Conseil a encouragé le Gouvernement sierra-léonais, le Secrétaire général et le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à accélérer la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
En raison de la persistance des combats dans les zones frontalières de la Sierre Leone, de la Guinée et du Libéria, le Conseil a encouragé les efforts déployés par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en vue de parvenir à un règlement durable de la crise qui frappe la région et a souligné l’importance de l’appui politique que l’ONU peut apporter.
Aux fins de l’examen de cette question, le Conseil était saisi du rapport pertinent du Secrétaire général.
LA SITUATION EN SIERRA LEONE
Rappel des faits
La Mission de Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) a été créée par la résolution 1270 du 22 octobre 1999 pour contribuer à l’application de l’Accord de Lomé du 7 juillet 1999 sensé mettre fin à un conflit qui ensanglante la Sierra Leone depuis 1991, année où le RUF s'est lancé dans une guerre contre le gouvernement de Freetown. Les combats se poursuivant, l’Accord de Lomé sera suivi par l’Accord d’Abuja du 10 novembre 2000. Parallèlement et en raison du rôle joué par le commerce illégal des diamants pour alimenter le conflit en Sierra Leone, le Conseil de sécurité a décidé, le 5 juillet 2000, d'imposer un embargo sur l'importation des diamants bruts en provenance de ce pays (Résolution 1306). En outre, par sa résolution 1315 du 14 août 2000, il a prié le Secrétaire général de négocier un accord avec le Gouvernement sierra-léonais en vue de créer un tribunal spécial indépendant, chargé notamment de connaître des crimes contre l’humanité, crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire de la Sierra Leone.
Rapport sur la Mission de l’ONU en Sierra Leone (MINUSIL) (S/2001/228)
Dans ce rapport, le Secrétaire général recommande que le mandat actuel de la MINUSIL soit prorogé pour une période de six mois jusqu’au 30 septembre 2001. Il indique qu’au cours de la période considérée, la MINUSIL s’est tenue en contact avec le Revolutionary United Front (RUF) et le Gouvernement afin de suivre la mise en oeuvre de l’Accord d’Abuja du 10 novembre 2000. La MINUSIL et le RUF ont ainsi mis sur pied plusieurs groupes de contact ayant pour principal objectif d’améliorer les courants d’information, de faciliter les déplacements de la MINUSIL et de suivre tous les aspects de la mise en oeuvre de l’Accord d’Abuja. Dans ce cadre, la direction du RUF a indiqué qu’elle ne désarmerait pas tant que l’actuel gouvernement ne sera pas remplacé à l’expiration de son mandat, le 28 mars, par un gouvernement intérimaire où toutes les parties seraient représentées. Or, le 13 février, invoquant l’état d’urgence et la situation en matière de sécurité, le Parlement a prorogé son mandat et celui du gouvernement pour une période de six mois. Le Secrétaire général indique qu’il semble que les dirigeants du RUF ont commencé à mettre en place une aile politique qui serait chargée d’entamer des pourparlers avec le Gouvernement en vue de relancer le processus de paix sur la base de l’Accord de Lomé.
Au plan de la sécurité, M. Annan indique que la MINUSIL continue de recevoir des informations faisant état de combats dans les zones frontalières avec la Guinée et d’opérations militaires guinéennes contre les positions du RUF suite aux attaques lancées par les rebelles de l’autre côté de la frontière. Les tentatives de l’Armée sierra-léonaise de se rapprocher des positions du RUF ont aussi créé des tensions, explique le Secrétaire général. Partant, dans le chapitre consacré aux aspects régionaux, il annonce qu’il a chargé son Représentant spécial de rencontrer les dirigeants guinéens et libériens ainsi que le Président de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour leur faire part de l’inquiétude du Conseil de sécurité, face à l’extension de la crise. Actuellement, la CEDEAO examine, avec la Guinée et le Libéria, les accords sur le statut des 1 796 hommes qu’elle compte déployer le long des frontières entre la Sierra Leone, la Guinée et le Libéria. Concernant ce dernier, le Secrétaire général souligne que conformément à la résolution 1343 (2001) du 7 mars, il a
révoqué l’immatriculation de tous les aéronefs immatriculés sur son territoire et ordonné à sa Banque centrale de retenir pendant 120 jours les licences d’exploitation de diamants pour permettre aux autorités libériennes de mettre en place un régime de certificats. Auparavant, le 12 janvier, le Libéria avait annoncé qu’il retirait son soutien au RUF et qu’il lui demandait de déposer les armes.
En ce qui concerne les activités et le déploiement de la MINUSIL, le Secrétaire général indique qu’au 14 mars, l’effectif militaire de la Mission était de 10 356 hommes et qu’à la fin du mois de mars, après l’arrivé des renforts prévus, cet effectif atteindra environ 12 700 militaires. Les principaux objectifs de la MINUSIl sont d’aider le Gouvernement sierra-léonais à étendre son contrôle, à rétablir l’ordre public et à stabiliser progressivement la situation dans tout le pays et à appuyer le processus politique qui doit aboutir à un nouveau programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion concernant toujours 28 000 hommes et à la tenue, en temps utile, d’élections libres et justes. Le Secrétaire général ajoute que pour mener à bien ses tâches, les effectifs de la MINUSIL devraient s’élever à 20 500 hommes.
Le Secrétaire général estime, dans ses observations et recommandations, que la démarche duale approuvée par le Conseil, qui repose à la fois sur une dissuasion militaire convaincante et sur le dialogue politique entre les parties de l’Accord d’Abuja, demeure la plus susceptible d’aboutir à une paix durable. Il ajoute que pour important qu’il soit, le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion ne saurait être dissocié du contexte politique plus vaste dans lequel il s’inscrit, ni de la démarche duale du Conseil. Il importe donc que le Gouvernement sierra-léonais et toutes les autres parties définissent plus clairement leur conception du processus de paix, en étroite coordination avec la CEDEAO et l’ONU. Il faudrait notamment, dit-il, indiquer avec davantage de précision quel pourrait être à l’avenir le statut des membres de groupes armés et quelle incidence pourraient avoir la Commission de vérité et de réconciliation et le Tribunal spécial dont la création est prévue.
Texte du projet de résolution
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses résolutions antérieures, ainsi que les déclarations de son Président concernant la situation en Sierra Leone,
Affirmant la détermination de tous les États à respecter la souveraineté, l’indépendance politique et l’intégrité territoriale de la Sierra Leone,
Se déclarant toujours préoccupé par la précarité de la situation sur le plan de la sécurité en Sierra Leone et dans les pays voisins, et notamment par la poursuite des combats dans les régions frontalières de la Sierra Leone, de la Guinée et du Libéria, et par les graves conséquences humanitaires qui en résultent pour les populations civiles, réfugiées et déplacées dans ces régions,
Reconnaissant la nécessité de l’extension progressive de l’autorité de l’État à l’ensemble du pays, d’un dialogue politique et de la réconciliation nationale, de la pleine application d’un programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, de l’exploitation légitime des ressources naturelles de la Sierra Leone au bénéfice de sa population, du plein respect des droits de l’homme et de la primauté du droit, de l’adoption de mesures efficaces concernant les questions relatives à l’impunité et à la responsabilité, du retour spontané et sans entraves des réfugiés et des personnes déplacées, de la tenue par le Gouvernement sierra-léonais d’élections libres, régulières et transparentes, et de la formulation d’un plan à moyen terme pour le processus de paix afin d’instaurer une paix et une sécurité durables en Sierra Leone, et soulignant que l’Organisation des Nations Unies devrait continuer d’appuyer la réalisation de ces objectifs,
Ayant examiné le rapport du Secrétaire général, en date du 14 mars 2001 (S/2001/228),
1. Décide de proroger le mandat de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL), établi par ses résolutions 1270 (1999) du 22 octobre 1999 et 1289 (2000) du 7 février 2000, pour une période de six mois à compter de la date de l’adoption de la présente résolution;
2. Décide également de porter l’effectif de la composante militaire de la MINUSIL à 17 500 hommes, y compris les 260 observateurs militaires déjà déployés, comme l’a recommandé le Secrétaire général aux paragraphes 99 et 100 de son rapport;
3. Se félicite du concept d’opérations révisé pour la MINUSIL, tel qu’il est exposé aux paragraphes 57 à 67 du rapport du Secrétaire général, et des progrès déjà accomplis dans l’application de ce concept, et encourage le Secrétaire général à la mener à bien;
4. Exprime sa gratitude aux États Membres qui fournissent des contingents supplémentaires et des éléments de soutien à la MINUSIL, et à ceux qui se sont engagés à le faire, encourage le Secrétaire général à poursuivre ses démarches afin d’obtenir, si nécessaire, de nouveaux contingents bien entraînés et bien équipés pour renforcer la composante militaire de la Mission, de sorte que cette dernière puisse exécuter intégralement son concept d’opérations révisé, et prie le Secrétaire général de l’informer lorsqu’il aura reçu des engagements fermes à cette fin;
5. Prie le Secrétaire général de l’informer régulièrement des progrès accomplis par la MINUSIL dans la réalisation des aspects essentiels de l’application de son concept d’opérations et prie également le Secrétaire général de fournir dans son prochain rapport une évaluation des mesures prises pour améliorer l’efficacité de la Mission;
6. Se déclare profondément préoccupé par les informations faisant état de violations des droits de l’homme commises par le RUF et d’autres, en particulier d’autres groupes militaires, contre la population civile, concernant en particulier le harcèlement de civils et le recrutement forcé d’adultes et d’enfants pour le combat et le travail forcé, exige la cessation immédiate de ces agissements et prie le Secrétaire général de pourvoir tous les postes se rapportant à la surveillance du respect des droits de l’homme au sein de la MINUSIL, afin de tenir compte des préoccupations exprimées aux paragraphes 44 à 51 de son rapport;
7. Se déclare profondément préoccupé par le fait que l’Accord de cessez-le-feu signé à Abuja le 10 novembre 2000 (S/2000/1091) entre le Gouvernement sierra-léonais et le RUF n’a pas été appliqué dans son intégralité, et exige que le RUF, conformément aux engagements qu’il a pris en vertu de cet Accord, prenne immédiatement des mesures afin de permettre à l’Organisation des Nations Unies de déployer en toute liberté ses contingents dans tout le pays, assure la libre circulation des personnes et des biens, la circulation sans entrave des organismes humanitaires, des réfugiés et des personnes déplacées et la restitution immédiate de toutes les armes, munitions et autres matériels saisis, et participe de nouveau activement au programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion;
8. Prie, à cet égard, la MINUSIL de continuer d’appuyer, dans la limite de ses capacités et à l’intérieur de ses zones de déploiement, le retour des réfugiés et personnes déplacées, et d’encourager le RUF à coopérer à cette fin, conformément aux engagements qu’il a pris au titre de l’Accord de cessez-le-feu d’Abuja;
9. Prie le Secrétaire général de lui présenter ses vues sur la manière de faire progresser la question des réfugiés et des personnes déplacées, y compris leur retour;
10. Demande à toutes les parties au conflit en Sierra Leone d’intensifier leurs efforts sur la voie de l’application pacifique, dans son intégralité, de l’Accord de cessez-le-feu d’Abuja et de reprendre le processus de paix, en tenant compte de la base de l’Accord de cessez-le-feu d’Abuja et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, et engage les gouvernements et les dirigeants régionaux concernés à continuer de coopérer pleinement avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Organisation des Nations Unies afin de favoriser ces efforts et, en particulier, à user de leur influence auprès des dirigeants du RUF pour qu’ils coopèrent à la réalisation des objectifs susmentionnés;
11. Encourage les efforts déployés par la CEDEAO en vue de parvenir à un règlement durable et définitif de la crise qui frappe la région de l’Union du fleuve Mano, en raison de la persistance des combats dans les zones frontalières de la Sierra Leone, de la Guinée et du Libéria, et souligne l’importance de l’appui politique que l’Organisation des Nations Unies peut apporter à ces efforts afin de stabiliser la région;
12. Prend note des responsabilités que la MINUSIL assumera à l’appui du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion du Gouvernement sierra-léonais, en particulier de la décision, visée aux paragraphes 76 à 79 du rapport du Secrétaire général, de renforcer son rôle dans l’administration des sites de démobilisation, sait gré au Gouvernement sierra-léonais des améliorations qu’il a déjà apportées au programme, l’encourage à prendre d’urgence les décisions qui s’imposent de façon à pouvoir achever rapidement la mise au point du programme et diffuser sans délai des informations sur ses avantages et conditions, et encourage les organisations internationales et les pays donateurs à appuyer généreusement les efforts du Gouvernement sierra-léonais à cet égard;
13. Souligne qu’il est également essentiel de renforcer et de développer les capacités administratives de la Sierra Leone pour instaurer une paix et un développement durables dans le pays et, partant, prie instamment le Gouvernement sierra-léonais de prendre les mesures concrètes nécessaires pour préparer et faciliter le rétablissement de l’autorité civile et des services publics essentiels sur l’ensemble de son territoire, y compris dans les secteurs où la MINUSIL doit se déployer, conformément à son concept d’opérations, et encourage les États, les autres organisations internationales et les organisations non gouvernementales à fournir une assistance appropriée à cette fin;
14. Encourage le Gouvernement sierra-léonais ainsi que le Secrétaire général, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et les autres intervenants internationaux compétents à accélérer la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone prévus par la résolution 1315 (2000) du 14 août 2000, en ayant à l’esprit la nécessité de garantir la protection des enfants;
15. Se félicite de l’intention du Secrétaire général de continuer à suivre de près la situation politique, humanitaire, en matière de sécurité et dans le domaine des droits de l’homme en Sierra Leone et de lui faire rapport à ce sujet, après avoir dûment consulté les pays qui fournissent des contingents, en lui soumettant éventuellement des recommandations supplémentaires, y compris, si nécessaire, en vue d’un nouveau renforcement de la composante militaire de la MINUSIL, afin de mener à bien le concept d’opérations prévu consistant à réaliser les objectifs généraux, à savoir l’aide à apporter au Gouvernement sierra-léonais pour qu’il rétablisse son autorité dans tout le pays, y compris dans les zones diamantifères, et la création des conditions nécessaires à l’organisation, en temps utile, d’élections libres, régulières et transparentes, sous les auspices du Gouvernement sierra-léonais;
16. Décide de demeurer activement saisi de la question.
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