LE CONSEIL DE SECURITE EVOQUE LA RESPONSABILITE DES SOLDATS DE LA PAIX DANS LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA
Communiqué de presse CS/2094 |
Conseil de sécurité
4259e séance - matin et après-midi
LE CONSEIL DE SECURITE DISCUTE DE LA RESPONSABILITE DES SOLDATS DE LA PAIX
DANS LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA
Le Département des opérations de maintien de la paix et le Programme conjoint ONUSIDA signent un Mémorandum de coopération.
Les dernières statistiques de décembre dernier, établies par le Programme conjoint ONUSIDA sont de 50% plus élevées que les projections établies, en 1991, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en ce qui concerne le nombre de personnes infectées par le sida. Au cours de l’année écoulée, 5,3 millions de personnes ont été infectées par le VIH/sida portant ainsi le nombre total à 36,1 millions. La rapidité de la propagation du virus a conduit, ce matin, le Conseil de sécurité à analyser, sous la Présidence du Ministre des affaires étrangères de Singapour, M. Jayakumar, le lien entre cette pandémie et les quelque 40 000 soldats de la paix et autres personnels civils déployés, dans le cadre, des opérations internationales de maintien de la paix. Le Conseil s’est saisi, pour la première fois, de la question, à l’initiative des Etats-Unis, qui ont fait du mois de janvier le “Mois de l’Afrique”, pour s’attaquer aux maux du continent, dont les conflits armés et la pandémie du sida. “En déployant des efforts pour prévenir la pandémie, le Conseil ne fait que respecter l’essence même de son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales, à savoir sauver des vies humaines”, ont déclaré, ce matin, les Etats-Unis auxquels ont fait écho les autres délégations en soulignant le cercle vicieux du VIH/sida, de la pauvreté et des conflits. Aussi, l'élargissement du concept de sécurité internationale, qui englobe désormais l'absence de guerre et de tous les autres types de menaces à l'intégrité humaine, a-t-il été salué par tous.
Le Département des opérations de maintien de la paix, représenté par son Secrétaire général adjoint, M. Jean-Marie Guéhenno, a eu l’occasion d’énumérer les mesures prises pour traduire en actes la résolution 1308 adoptée par le Conseil de sécurité, le 17 juillet 2000 sur la question. M. Guéhenno a reconnu le manque de données de base permettant d'évaluer la pandémie, du point de vue des opérations de maintien de la paix. Des efforts sont en cours et comme l’a indiqué le Directeur exécutif d’ONUSIDA, l’unité de Coordination humanitaire du Programme, créée en juin 2000, a effectué des missions en Ethiopie, en Erythrée, au Timor oriental et au Burundi pour évaluer les facteurs spécifiques de risque sur le plan local, préparer des stratégies de prévention et former les instructeurs en matière de prévention et, en particulier, de changement des comportements.
Cette coopération avec ONUSIDA a conduit le Département des opérations de maintien de la paix à perfectionner ses produits de sensibilisation à l’intention des soldats de la paix, à revitaliser son Groupe de soutien médical, à nommer le chef de ce Groupe comme point focal du Département pour les questions liées au
VIH/sida ou encore à créer un point focal pour chaque opération de maintien de la paix. Le Département vient d’institutionnaliser l’appui technique que lui apporte ONUSIDA, par la signature d’un Mémorandum d’accord sur un cadre de coopération. L’objectif ultime est d’améliorer la capacité des forces de maintien de la paix à devenir des acteurs de la sensibilisation et de la prévention dans les pays où ils opèrent, a expliqué, le Directeur exécutif d’ONUSIDA. L’Accord se concentre sur la formation, le développement de codes de conduite, le conseil et le dépistage volontaire, la coopération entre civils et militaires, et la prise en charge du personnel touché. Il vise aussi la garantie d’une disponibilité ininterrompue de préservatifs masculins et féminins et prévoit la coopération, sur le terrain, avec des ONG.
Les délégations se sont félicitées de ces efforts qui sont apparus, aux yeux des Etats-Unis, comme insuffisants. Prenant note de la décision de la Norvège de fournir 10 millions de couronnes norvégiennes à ONUSIDA pour financer les activités liées aux opérations de maintien de la paix, le représentant des Etats-Unis a proposé que le financement de toutes les activités du Département des opérations de maintien de la paix en relation avec le VIH/sida soit assuré par le budget ordinaire de l’ONU et non plus par des contributions volontaires. Admettant comme les autres délégations la responsabilité première des gouvernements nationaux en matière de sensibilisation des contingents qu’ils déploient sur le terrain, les Etats-Unis ont appelé à des mesures plus énergiques pour surmonter l’incapacité ou le refus de certains contributeurs de troupes d’effectuer des tests de dépistage à leurs contingents. Pour éviter l’argument du coût, les Etats-Unis ont proposé que le Département des opérations de maintien de la paix prenne en charge le financement de ces tests avant le déploiement d’une opération et après son retrait «sur une base volontaire et en toute confidentialité», comme l’ont souligné plusieurs délégations. Soulignant la complexité de la question, le Directeur exécutif a annoncé l’établissement d’un tableau d’experts pour analyser et formuler une position complète sur la question. En même temps que la question du coût des tests de dépistage, les délégations ont aussi évoqué le coût du traitement pour le personnel infecté. De nombreux appels ont été lancés aux pays industrialisés pour qu'ils persuadent leurs compagnies pharmaceutiques de faire en sorte que les traitements soient abordables. A cette fin, l'Inde a demandé au Conseil, «compte tenu de la menace que fait peser le VIH/sida sur la sécurité internationale», d'invoquer l'Article 73 de l'Accord sur les droits de propriété intellectuelle touchant au commerce.
Ces questions ainsi que l'aspect sécuritaire de la question du VIH/sida seront abordés au cours de la session extraordinaire que l'Assemblée générale tiendra au mois de juin 2001 sur la lutte contre la pandémie. Comme l'a annoncé la France, ce matin, cette session devrait être suivie d'une conférence internationale les 31 octobre et 1er novembre 2001, à Genève.
Outre la Ministre du développement international de la Norvège, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix et le Directeur exécutif d’ONUSIDA, les représentants des pays suivants ont pris la parole : Etats-Unis, Bangladesh, Tunisie, Royaume-Uni, Jamaïque, France, Colombie, Irlande, Ukraine, Maurice et Singapour. Le Canada, la Suède, au nom de l’Union européenne et des pays associés, le Costa Rica, le Nigéria et l’Inde, non membres du Conseil, se sont également exprimés.
LA RESPONSABILITE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALES INCOMBANT AU CONSEIL DE SECURITE: LE VIH/SIDA ET LES OPERATIONS INTERNATIONALES DE MAINTIEN DE LA PAIX
Déclarations
M. JEAN-MARIE GUEHENNO, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a estimé que la tâche qu’il faut accomplir aujourd’hui consiste à mesurer l’impact que 38 000 voire 50 000 soldats de la paix, déployés dans le monde, peuvent avoir sur l’épidémie du VIH/sida qui affecte des dizaines de millions de personnes. Que peut faire le Département des opérations de maintien de la paix, s’est interrogé M. Guéhenno, en indiquant que la réalité est qu'un certain nombre de soldats de la paix sont susceptibles d’être infectés par le VIH, en particulier lorsque qu’ils viennent de pays où le taux d’infection est particulièrement élevé. Le risque que ces soldats transmettent le virus aux membres de la population locale est réel. Ayant reconnu ce fait, M. Guéhenno a mis l’accent sur le fait que certaines opérations de maintien de la paix sont déployées dans des parties du globe qui ont un taux d’infection élevé. Le risque est clair, évident et réel, a-t-il dit, que les soldats de la paix soient infectés au cours d’une mission.
Le Département des opérations de maintien de la paix n’a pas les moyens de quantifier l’étendue du problème, a fait observer M. Guéhenno, en mettant l’accent sur la difficulté qu’il y a à collecter des données médicales. Il a jugé essentiel le renforcement des capacités locales dans ce domaine et appelé la communauté des donateurs à renforcer leur assistance à cette fin. A cet égard,
M. Guéhenno a souligné que la responsabilité d’établir les bulletins médicaux des contingents n’incombe pas seulement aux Nations Unies mais aussi aux Etats Membres concernés. Le Département et ONUSIDA, a-t-il dit, accueilleraient avec satisfaction toute information d’un Etat membre pouvant aider à vérifier et à comprendre l’étendue du problème afin de rendre possible l’élaboration de stratégies de prévention appropriée.
Il y a quelques jours, a-t-il poursuivi, le Département des opérations de maintien de la paix a proposé aux Membres de rembourser aux contributeurs de troupes le coût des tests effectués par leur personnel, avant leur déploiement et à leur retour. Si la question doit rester à la discrétion des Etats membres, le Département recommande un test confidentiel, à titre volontaire. Pour l’ONU, le défi est de s’assurer que les soldats infectés ne transmettent pas le virus aux populations qu’ils sont venus aider. Le défi est aussi d’assurer que les soldats se protègent du virus, en particulier lorsqu’ils sont déployés dans des régions à taux élevé d’infection.
Pour relever ces défis, la première étape consiste, selon M. Guéhenno, à sensibiliser davantage les soldats de la paix et ceux avec qui ils ont appelé à avoir des contacts. Ces questions sont devenues une part importante des programmes de formation et d’orientation de l’ONU à l’intention des soldats de la paix. L’appui que donnent aujourd’hui le Conseil et le Comité spécial des opérations de maintien de la paix expliquent pourquoi les Etats membres font aujourd’hui de la question une priorité dans la formation des soldats de la paix. Se félicitant de cette tendance, M. Guéhenno a annoncé que le Département des opérations de maintien de la paix a développé un module de formation sur les questions médicales à l’intention des instructeurs nationaux dont 80% concernent les problèmes liés au VIH/sida. De plus, le Groupe de la formation du Département, ONUSIDA et l’Alliance militaire de lutte contre le VIH/sida ont collaboré à la production d’un certain nombre de publications qui sont distribués aux participants aux cours réservés aux instructeurs. L’ONU essaie aussi de compléter toute instruction que son personnel militaire aurait reçue chez lui en fournissant à chaque soldat de la paix un aide-mémoire. Ces produits sont complétés par d’autres mesures pratiques comme la facilitation de l’accès aux prophylaxies.
Pour faciliter la lecture de ses produits, le Département est en train de produire une “carte de poche” contenant des données de base sur les codes de conduites, la sensibilisation au VIH/sida et la prévention. Le Département recherche d’ailleurs des fonds pour financer la traduction et l’impression de ce document dans les langues officielles des soldats de la paix. Expliquant les initiatives du Groupe de soutien médical du Département et les programmes à l’intention du personnel civil des missions, le Secrétaire général adjoint a ajouté que tous les budgets des missions comprennent désormais un volet consacré aux programmes de formation et d’éducation relatifs aux au VIH/sida. La vitalisation du Groupe de soutien médical a contribué à mettre en place une approche plus systématique des questions liées au VIH/sida, a affirmé M. Guéhenno.
Il a indiqué qu’aujourd’hui, le Département est devenu un partenaire à part entière de la lutte globale contre le VIH/sida et qu’il coordonne régulièrement ses efforts avec ONUSIDA. D’ailleurs, le chef du Groupe de soutien, nommé récemment point focal du Département pour les questions liées au VIH/sida, est en train de développer une description de poste pour le point focal de chaque mission. A cet égard, le Secrétaire général adjoint a annoncé la signature, ce matin, d’un mémorandum d’accord avec ONUSIDA qui contribuera à développer davantage et surtout à institutionnaliser la relation de coopération entre ces organisations. Le mémorandum réaffirme l’intention du Département de renforcer les programmes de sensibilisation au VIH/sida dans les missions d’opération de la paix, et dans un cadre stratégique d’ensemble et dans celui de l’appui technique d’ONUSIDA.
La réputation des Nations Unies est affectée par chaque soldat de la paix. L’incapacité des soldats à comprendre les perceptions locales de leur comportement et de leur impact sur la réputation des Nations Unies, sans compter les risques qu’ils posent à leur santé, doit être ressentie comme un échec des programmes de formation et de sensibilisation. Ayant partagé cet avis, le Secrétaire général a exprimé son intention de discuter avec les Etats Membres des moyens d’assurer collectivement que les soldats de l’ONU ne se comportent pas de manière à ternir la réputation de l’ONU et ce faisant, ne fassent pas peser une menace sur eux, sur leurs collègues ou sur les populations que les Nations Unies ont été appelées à aider. Le VIH/sida est un problème de dimension globale et de nature tragique. Chaque mesure prise pour traiter d’un quelconque aspect du problème est un pas dans la bonne direction. Le Département est déterminé à faire sa part du travail, a fait savoir le Secrétaire général adjoint.
Le Directeur exécutif du Programme conjoint ONUSIDA, M. PETER PIOT, a estimé qu’une année après que le Conseil eut tenu son premier débat sur le sida, ses délibérations se sont d’ores et déjà révélées extrêmement utiles. Le simple fait que la première instance au monde pour ce qui est des problèmes touchant la paix et la sécurité consacre son attention au sida représente un signal fort, à savoir que le sida est une affaire sérieuse pour tous les peuples du monde. L’un des moteurs de l’épidémie étant l’insécurité, le sida représente une double menace pour la sécurité, a poursuivi M. Piot. Lorsque les conflits, la guerre, l’incertitude économique ou l’exclusion sociale font que les gens ne se sentent pas en sécurité, leur vulnérabilité au sida s’accroît. Depuis la réunion du Conseil sur ce sujet, le 17 juillet dernier, de nombreux pays ont modifié leurs plans de lutte contre le sida, ainsi qu’en témoignent les interventions des chefs d’Etat présents au Sommet du millénaire. Un partenariat international contre le sida en Afrique a été lancé et les nouveaux accords d’allègement de la dette ont permis de libérer des ressources et d’intégrer le sida dans la planification nationale. “Ceci a déjà permis à certains pays les plus pauvres de l’Afrique de réorienter 20 millions de dollars supplémentaires en 2001 provenant du propre budget”, a précisé le Directeur exécutif.
Toutefois, une grande partie de l’ordre du jour consacré à la lutte contre le sida est toujours inachevée, en particulier pour ce qui est des inégalités persistantes en matière d’accès à la prise en charge et à des traitements efficaces. “Si on assiste à l’acceptation croissante de la part des gouvernements et de l’industrie de la légitimité morale de la fixation de prix équitables, notamment pour les pays les plus pauvres, la création des mécanismes de mise en œuvre de cet accès équitable est douloureux et d’une lenteur inacceptable”, a déploré M. Piot. Dans l’entre-temps, l’épidémie progresse. Le rapport de l’ONUSIDA publié le mois dernier indique qu’en l’an 2000, il y a eu dans le monde 5,3 millions de nouvelles infections et que 3 millions de personnes sont décédées à cause du sida, un chiffre sans précédent. M. Piot a ajouté que c’est l’Afrique subsaharienne qui a été la région la plus gravement touchée, représentant les trois quarts de tous les décès depuis le début de l’épidémie.
C’est dans ce contexte que la résolution 1308 du Conseil de sécurité a été abordée, a indiqué le Directeur exécutif d'ONUSIDA. Il a expliqué que l’engagement d’intensifier le Partenariat international contre le sida en Afrique a été tenu et que sur ce point le “Cadre de travail pour agir” a été largement adopté, notamment par le Sommet de l’Organisation de l’unité africaine à Lomé. De même, un suivi régulier avec le Conseil a été assuré et ce par le biais de réunions et de rapports réguliers orientés sur le sida. La diffusion de l’information sur les ripostes internationales à l’épidémie a aussi été intensifiée. Des données mises à jour sur l’épidémiologie, avec un projet de cartographie de la pandémie, ont été mises à la disposition du public sur le site Web d'ONUSIDA. Mais surtout des plans spécifiques pour aborder le VIH/sida dans les situations d’urgence et parmi les services en uniformes ont été élaborés. Ainsi l’unité de Coordination humanitaire d’ONUSIDA, créée en juin 2000, a effectué des missions d’évaluation en Ethiopie, en Erythrée, au Timor oriental et au Burundi. M. Piot a précisé qu’une mission en Sierra Leone aura prochainement lieu. Ces missions ont pour but d’évaluer les facteurs spécifiques de risque en matière de VIH sur le plan local, de préparer des stratégies de prévention et de former des formateurs en matière de prévention et de changement des comportements. Une réunion de stratégie destinée à examiner le sida en tant que problème de sécurité s’est tenue en décembre à Stockholm avec la participation des gouvernements et de représentants des forces armées. ONUSIDA a aussi travaillé avec le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) pour se concentrer sur le risque élevé de transmission du VIH dans les situations de conflit et les situations humanitaires, car le VIH a impact tant sur les réfugiés, que sur le personnel des Nations Unies et des ONG et les communautés d’accueil. “Nous devons aussi nous pencher sur la dimension sexospécifique de l’épidémie, puisque la vulnérabilité des femmes au VIH monte en flèche dans les situations de conflit”, a reconnu M. Piot.
Le Directeur exécutif a expliqué que c’est pour toutes ces raisons et pour améliorer la capacité des forces de maintien de la paix à devenir des ambassadeurs et des acteurs de la prise de conscience et de la prévention de la transmission du VIH qu’ONUSIDA a signé, ce matin, un Accord pour un cadre de coopération avec le DOMP. L’Accord se concentre sur la formation, le développement de codes de conduite, le conseil et le dépistage volontaire, la coopération civile-militaire, et la prise en charge du personnel touché. Il vise aussi la garantie d’une disponibilité ininterrompue des préservatifs masculins et féminins et prévoit la coopération, sur le terrain, avec les représentants des populations locales et des ONG. S’il a reconnu qu’il incombe aux Nations Unies de fixer les normes les plus élevées possibles pour la conduite des troupes déployées sous sa bannière, M. Piot a fait observer que le dépistage du VIH pour les forces de maintien de la paix et du personnel humanitaire est une question complexe. C’est pourquoi, il a décidé d’établir un tableau d’experts pour analyser et formuler une position complète sur la question. En conclusion, le Directeur exécutif a rappelé que la session extraordinaire que l’Assemblée générale consacrera, en juin prochain, à la question du sida sera aussi l’occasion de dépasser les belles paroles et de produire des résultats tangibles.
M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis), rappelant que c'est la troisième fois que le Conseil tient une réunion sur la lutte contre le VIH/sida, s'est dit heureux que, ce faisant, le Conseil ait fini par approuver l'élargissement du concept de paix et de sécurité internationales. Cet effort valait la peine en ce sens qu'aujourd'hui, dans la lutte contre le VIH/sida, le Conseil continue de faire ce qu'il est sensé faire, à savoir préserver des vies humaines. Le Conseil doit combattre cette épidémie car elle sape les efforts qu'il déploie pour mettre un terme aux pires conflits. Expliquant son engagement dans cette lutte, le représentant a rappelé que déjà en 1992, après un voyage au Cambodge où il a vu à l'œuvre les soldats de la paix, il a adressé une lettre au Représentant spécial d'alors pour lui dire l'ironie que représente le fait de voir des gens qui sont sensés mettre fin à la guerre répandre une maladie mortelle. La transparence doit être la règle en la matière, a insisté le représentant.
Partant, le représentant a souhaité que le numéro de la résolution 1308 devienne aussi célèbre que la 242 sur le Moyen-Orient ou la 1244 sur le Kosovo. La 1308 doit être connue et bien appliquée et devenir véritablement la pierre de touche pour de nouveaux efforts. Parlant des tests de dépistage entrepris par les pays sur leurs soldats de la paix, le représentant a reconnu que certains pays, pour des raisons aussi multiples que le coût ou la culture, ne peuvent pas se permettre la même politique. Parfois même, a souligné le représentant, certains pays où le taux d'infection et de prévalence est élevé refusent les tests de dépistage pour ne pas avoir à avouer leur incapacité à déployer des troupes.
Les progrès effectués ne sont pas satisfaisants. En six mois, rien de remarquable n'a été accompli, a-t-il dit, en exhibant un manuel du Département qu'il a jugé obsolète et comportant un langage technique, complexe et dépassé. Les commandants des opérations de maintien de la paix ne savent pas à ce jour que les efforts de lutte contre le VIH/sida sont obligatoires. Poursuivant sa critique du Département des opérations de maintien de la paix, le représentant a regretté que le Groupe de soutien médical ne dispose toujours à ce jour que deux postes pourvus sur les cinq créés. Le représentant a demandé au Département de créer en son sein un bureau qui s'occupe spécifiquement des questions liées au VIH/sida. Nous avons dépensé des milliards de dollars pour les opérations de maintien de la paix et des millions de dollars pour protéger les soldats de la paix et presque rien pour la protection contre le VIH/sida, a regretté le représentant.
M. Holbrooke a, dans ce cadre, demandé au Département des opérations de maintien de la paix d'intégrer le coût des tests de dépistage avant et après les missions pour épargner ainsi aux pays contributeurs des troupes un fardeau financier supplémentaire. A cet égard, il a rappelé l'obligation qui est faite aux Etats dans la résolution 1308 de mettre en œuvre des stratégies de prévention Il a annoncé que le Département américain de la défense a consacré 10 millions de dollars à l'aide internationale en la matière. Le représentant s'est dit honorer d'avoir participé à cet effort du Conseil dans la lutte contre le VIH/sida et a espéré que la session extraordinaire de l'Assemblée générale sera un succès.
Quittant, aujourd'hui, ses fonctions de Représentant permanent des Etats-Unis auprès des Nations Unies, le représentant a rendu hommage à ses homologues et aux fonctionnaires internationaux des Nations Unies, au Siège comme sur le terrain. Faisant le bilan de 17 mois de son travail à l'ONU, le représentant a dit avoir compris que les désaccords qu'il a pu vivre sont minimes par rapport à la complexité des problèmes traités dans cette Organisation. L'ouverture, la transparence, la souplesse, et la volonté d'obtenir des résultats avant les procédures sont les gages du succès, a estimé le représentant en déplorant la prééminence des procédures au sein de l'Organisation.
Les résultats obtenus au cours de ces 17 mois ne sont ni parfaits ni complets, mais des progrès ont été accomplis. Nous ne sommes pas ici pour nous représenter et représenter uniquement nos gouvernements. Nous sommes ici pour donner corps aux espoirs des milliards de personnes qui tournent leur regard vers les Nations Unies. L'appui des Etats-Unis à l'ONU est plus fort aujourd'hui. Un avenir radieux attend l'Organisation si elle persévère dans cette voie.
MME ANNE KRISTIN SYDNES, Ministre du développement international de la Norvège, a souligné l'importance qu'il y a à mettre au point une stratégie globale pour encourager des comportements sexuels responsables et aborder la question du VIH/sida dans les opérations de maintien de la paix. Il est important, a dit, à cet égard, le Ministre, que le personnel concerné adhère au Code de conduite des soldats de la paix. Mais, a-t-elle ajouté, des mesures de prévention plus efficaces sont nécessaires. Elle a d'abord cité la nécessité pour chaque opération de maintien de la paix de créer un point focal pour le VIH/sida. Les Coordonnateurs-Résidents des Nations Unies, a-t-elle ensuite dit, doivent s'assurer de la formation de tout le personnel de santé et faire en sorte que des préservatifs pour hommes et pour femmes soient offerts gratuitement dans tous les locaux des Nations Unies. Le point départ de toute action, a souligné le Ministre, est qu'il ne faut pas seulement se concentrer sur les risques liés aux opérations de maintien de la paix mais aussi sur le potentiel positif des soldats de la paix. Pour autant qu'ils reçoivent la formation adéquate, le personnel de maintien de la paix doit devenir l'agent du changement dans les communautés locales.
Il faut garder à l'esprit, a poursuivi le Ministre, que le taux d'infection chez les militaires est souvent plus élevé que dans les autres catégories de la population et prendre les mesures nécessaires lorsque les soldats quittent leur poste. Se félicitant du travail effectué par ONUSIDA, le Ministre a annoncé la décision de son pays d'offrir 10 millions de couronnes norvégiennes à l'institution, en plus de la contribution ordinaire. Ce don, a-t-elle expliqué, fait partie du doublement général, dans le budget de 2001, des ressources attribuées aux programmes anti-sida. L'argent ne suffit pas, a reconnu le Ministre. Il faut une direction forte et un engagement ferme de tous. Nous devons trouver de nouveaux moyens de travailler ensemble et dans ce contexte, de promouvoir les femmes et les filles. Il faut aussi impliquer les hommes et promouvoir la responsabilité individuelle. Nous devons créer de nouvelles alliances et en cela, le Conseil de sécurité doit montrer la voie à suivre. La lutte contre le sida est une lutte contre la pauvreté mais pour l'éducation, l'information et le développement des systèmes de santé. C'est une lutte pour la prévention, les soins, les traitements à des prix abordables et le développement de vaccins. La victoire dépendra de l'implication de tous sur tous les fronts.
M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a rappelé les termes de la résolution 1308 du Conseil de sécurité sur les risques du sida en tant que menace à la paix et à la stabilité. Il a souligné que l’Afrique est la région du monde la plus affectée et que les conséquences de la maladie sont désastreuses, citant notamment les enfants qui se retrouvent orphelins et la situation économique des pays qui s’en ressent fortement. Les pays en développement, a-t-il indiqué, abritent 90% des victimes du VIH/sida. Les liens entre la maladie et la pauvreté sont très forts, constituant une alliance destructive. Quoique cela s’annonce difficile, nous n’avons pas abandonné la lutte, a relevé le représentant, et il y a des exemples de succès dans l’action qui est menée. Des stratégies efficaces peuvent en effet réduire le taux d’infection par le virus.
Ainsi, il a souhaité que les efforts soient poursuivis dans la lutte contre le VIH/sida pour renouveler les partenariats avec les secteurs public et privé, pour aborder cette question sous l’aspect non seulement médical mais aussi social, éducatif, économique, pour soutenir pleinement la communauté scientifique dans ses travaux, pour rendre disponible les traitements efficaces à tous et à moindre coût, et enfin pour obtenir des crédits suffisants. En ce qui concerne les opérations de maintien de la paix, le représentant a rappelé les dernières résolutions qui ont souhaité qu’un entraînement soit prévu en la matière, pour une meilleure éducation des troupes. Il a conclu en rendant hommage à M. Holbrooke.
M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) a souligné que la "triste réalité" renseigne que malgré tous les efforts déployés, à ce jour, le virus du VIH/sida continue de faire des ravages un peu partout dans le monde. Il s'est dit persuadé de la nécessité pour la communauté internationale de mobiliser davantage de ressources pour faire face à la propagation de cette pandémie. La solidarité internationale demeure la seule option viable au vu de la complexité du problème et des dangers qu'il engendre. Le représentant a poursuivi en soulignant que l'humanité tout entière doit bénéficier des progrès accomplis dans le domaine de la recherche médicale. Il a jugé inacceptable qu'une partie de cette humanité se voit nier le droit d'accès aux médicaments. Pour lui, l'une des priorités de la communauté internationale est de faire en sorte que les médicaments en quantités suffisantes et à des prix accessibles soient à la disposition des pays du Sud. Cette idée, a insisté le représentant, doit être le fondement de tout partenariat international pour la lutte contre le sida.
Le rôle du personnel en uniforme et des forces de maintien de la paix dans la prévention de la propagation du virus étant très important, le représentant a salué les efforts du Département des opérations de maintien de la paix et de l'ONUSIDA dans la mise en œuvre de la résolution 1308 du Conseil et dans l'adoption de mesures contribuant à responsabiliser le personnel en uniforme et à le préparer à jouer un rôle important dans la lutte contre le virus. Le représentant a donc plaidé pour le renforcement des moyens financiers et humains du Département.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a estimé que la propagation rapide du VIH/sida n'est pas seulement une question de santé mais aussi une question de développement, d'équité et d'égalité tout comme elle constitue une menace grave à la paix et à la sécurité internationales. Nul part ailleurs, a poursuivi le représentant, les conséquences de l'épidémie ne sont aussi larges et aussi dévastatrices qu'en Afrique où 21 millions de personnes vivent avec le VIH/sida et où 4/5 du total mondial des décès dus à ce virus interviennent. L'étendue du problème exige une réponse efficace à l'échelle internationale, a estimé le représentant avant de rappeler que le Conseil de sécurité a déjà démontré son engagement en la matière, en adoptant les résolutions 1308 et 1325 sur l'importance de la sensibilisation au VIH/sida dans la formation du personnel des opérations de maintien de la paix. Le Royaume-Uni, a-t-il ajouté, a le plaisir de travailler avec ONUSIDA à l'élaboration de propositions pratiques concernant les forces des opérations de maintien et les autres corps en uniforme.
Il est important, a encore dit le représentant, que la session extraordinaire que l'Assemblée générale doit consacrer à la question donne un nouvel élan aux efforts nationaux. Il est également important que le travail du Conseil, des Fonds et Programmes des Nations Unies, du Conseil économique et social et des institutions spécialisées contribue, de manière positive et effective, à ce processus. Décidons aujourd'hui au sein de ce Conseil d'intégrer les questions liées au VIH/sida dans l'ensemble de l'action liée au maintien de la paix et de la sécurité internationales, en particulier en Afrique, et de mettre en avant les résultats positifs, a conclu le représentant.
Pour MME PATRICIA DURRANT (Jamaïque), le lien entre le VIH/sida et les conflits est aujourd’hui clairement démontré et exige une réponse appropriée du Conseil de sécurité. “Aucune région au monde n’est à l’abri du VIH/sida”, a observé la représentante qui a indiqué que l’impact du VIH/sida sur la région de l’Amérique latine et les Caraïbes est tel qu’il y constitue une menace véritable à la croissance et à la prospérité. Le VIH/sida ne peut être véritablement combattu que dans le cadre d’une approche intégrée et globale assurant la participation de tous les acteurs. C’est dans ce contexte que, selon la Jamaïque, les efforts du Conseil de sécurité doivent venir compléter les activités de l’ECOSOC et de l’Assemblée générale qui ont la responsabilité première de cette question.
Mme Durrant a suggéré que le renforcement de la coopération entre les institutions de Bretton Woods et les institutions spécialisées des Nations Unies sur la question du VIH/sida devienne une priorité du Conseil de sécurité. De son avis, l’attention donnée au sein du Conseil à cette question doit aussi servir à créer un élan véritable de mobilisation de la communauté internationale. A cet égard, la résolution 1308, qui prépare le terrain à l’établissement de mécanismes clairs, doit servir de point de départ, a-t-elle précisé, avant d’ajouter que c’est le rôle que les pays contributeurs de troupes assumeront qui contribuera à faire de ce texte un succès dans les faits. Il s’agit là d’un domaine de plus qui doit faire l’objet d’une coopération renforcée entre le Conseil et les pays contributeurs de troupes.
La Jamaïque se félicite des initiatives déjà entreprises par le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) visant à sensibiliser les soldats de la paix sur la question du VIH/sida, y compris la prévention. “Le DOMP a en effet un rôle d’une importance particulière dans l’élaboration de directives appropriées relatives à un code de conduite acceptable en la matière”, a fait observer la représentante. Ainsi qu’en témoigne le mémorandum d’accord signé entre ONUSIDA et le DOMP, rien ne peut remplacer la création de partenariats solides et l’intensification des efforts internationaux et nationaux de lutte contre l’épidémie. A cet égard, Mme Durrant a évoqué les efforts importants consentis récemment par l’ECOSOC et l’Assemblée générale. Elle a notamment insisté sur la session extraordinaire que l’Assemblée consacrera au printemps prochain à cette question. Cet événement devra, selon elle, permettre de fixer des objectifs concrets pour l’avenir mais devrait aussi donner jour à un développement d’approches novatrices et de stratégies à long terme. “L’importance des partenariats ne peut pas être trop mise en avant”, a déclaré en conclusion la représentante avant de souhaiter que le partenariat de lutte contre le sida en Afrique fasse des émules dans le reste du monde.
De l’avis de M. JEAN-DAVID LEVITTE (France), qui a salué les efforts déployés par le DOMP, le sida est l’un des fléaux les plus meurtriers que la planète ait jamais vu, depuis le Moyen Age. Il n’a pas seulement coûté des millions de vie mais il a aussi arrêté le développement. Heureusement grâce à la recherche, des progrès ont pu être enregistrés et on a pu trouver des remèdes efficaces. Le problème c’est que les malades, par dizaines de millions, sont essentiellement au Sud alors que les médicaments désormais disponibles et efficaces se trouvent au Nord. "Ceci est purement inacceptable” et c’est pourquoi il faut impérativement s’efforcer de combler le gouffre qui sépare ainsi les remèdes au Nord des malades du Sud, des malades qui de surcroît, n’ont en l’état actuel rien pour les aider.
C’est pourquoi, la délégation française a proposé, voilà un an, la tenue d’une réunion internationale consacrée à l’accès aux traitements, associant les donateurs, les bénéficiaires, l’industrie pharmaceutique et les associations de patients. L’objectif de cette réunion, qui aura lieu les 30 novembre et 1er décembre 2001, sera de trouver des solutions durables au problème de la prise en charge globale des malades, au moyen de projets concrets et d’accords de partenariats précis concernant les pays en développement, a expliqué M. Levitte, ajoutant qu’elle constituera l’une des conclusions opérationnelles de la session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le sida.
“Il est clair que la pandémie du sida est un phénomène qui exige les plus grands efforts de la part des nations, tant au niveau individuel que collectif”, a souligné M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie). Ce problème mondial constitue un défi important à la santé publique, au développement économique et à la sécurité nationale. C’est pourquoi, de l’avis de la Colombie, la meilleure manière de lutter contre l’épidémie est de développer des programmes nationaux de prévention de la transmission, de réduction des effets sur les personnes touchées et d’accès aux traitements à un coût modéré. Il ne faut pas oublier non plus que le sida représente une menace au développement économique, a poursuivi le représentant. “C’est pourquoi, cette situation exige une direction politique véritable de la part des gouvernements, une action de la part des communautés affectées et également une attitude responsable des compagnies pharmaceutiques internationales”, a affirmé M. Valdivieso.
S’agissant de l’impact du sida sur la paix et la sécurité internationales, la résolution 1308 pose clairement qu’une épidémie incontrôlable constituerait une menace véritable à la stabilité et à la sécurité des pays, a-t-il expliqué. Il n’est pas impossible d’imaginer le scénario, certes extrême, où l’impact de l’épidémie serait tel qu’il pousserait tout un peuple à aller chercher une aide sanitaire auprès d’un pays voisin parce que son système de santé national s’est effondré. Un tel phénomène pourrait parfaitement donner naissance à un conflit supplémentaire. “Même s’il s’agit là d’un scénario de “catastrophe”, il est indéniable aujourd’hui que les guerres et les conflits armés contribuent à l’expansion de l’épidémie de VIH/sida”, a reconnu le représentant, ajoutant que les enquêtes menées par des ONG, lors du génocide au Rwanda sont à cet égard édifiantes. C’est pour cela que le Conseil de sécurité a, à plusieurs reprises et dans la limite de ses compétences, exhorté les pays contributeurs de troupes à informer les effectifs militaires envoyés sur le terrain des dangers du sida et à leur apporter une aide dans ce domaine en cas de besoin, a fait remarquer le représentant.
M. RICHARD RYAN (Irlande) s’est associé à la déclaration que fera le représentant de l’Union européenne et, sur un plan général, a exprimé sa satisfaction quant à l’action des Nations Unies dans la lutte contre la pandémie du VIH/sida et au sujet de la proposition de formation du personnel des opérations de maintien de la paix. La communauté internationale, a-t-il indiqué, doit reconnaître que la paix ne peut pas être sûre si elle n’est pas corroborée par un développement économique et social. Les défis les plus importants dans la lutte contre la pandémie sont relatifs tout d’abord à la vulnérabilité que celle-ci entraîne, face à un conflit ou à la pauvreté, a-t-il expliqué, en soulignant qu'un faible niveau de développement favorisera la propagation du sida dans les pays les plus pauvres, entraînant un cercle vicieux. De fait, le sida est à la fois une cause et une conséquence de la grande pauvreté et du sous-développement.
M. Ryan a relevé qu’après 20 ans d’épidémie, la communauté internationale reconnaît mieux les actions qui réussissent et comprend mieux en quoi elles ont été efficaces. Il a aussi remarqué que l’étendue du VIH/sida au niveau mondial a mis en évidence les échecs des efforts internationaux pour le développement. Quant à l’Irlande, elle a développé une stratégie pour la coopération au développement, le VIH/sida étant au centre des programmes. Au sein de la communauté internationale, nous devons redoubler nos efforts, conjointement avec les organes compétents des Nations Unies, pour traiter de ces questions complexes. M. Ryan a souhaité que toutes ces questions soient traitées à la prochaine session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le sujet, au mois de juin. Il est favorable à ce que la question soit abordée sous son angle sécuritaire.
M. VALERIY KUCHINSKY (Ukraine) a estimé que la présente réunion constitue l'occasion d’évaluer le travail entrepris sur le terrain par les Nations Unies pour lutter contre le sida. De l’avis de l’Ukraine, l’année qui s’est écoulée, depuis la première réunion du Conseil sur cette question, a été dans l’ensemble productive et a permis un certain nombre de progrès importants. Malgré les critiques, qui ont pu être émises, et dont certaines semblent justifiées, concernant le manque de coordination au sein du système, il est indéniable que des avancées substantielles ont été réalisées dans ce domaine. La signature, ce matin, du mémorandum d’accord entre ONUSIDA et le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) est bien entendu la bienvenue, a précisé le représentant, avant de souhaiter que la mise en œuvre de cet accord vienne renforcer la résolution 1308 du Conseil de sécurité. M. Kuchinsky a ajouté que, selon lui, il revient effectivement aux Nations Unies d’établir les normes de conduite les plus élevées possibles pour les troupes déployées sous sa bannière. Il a salué les efforts déployés par le DOMP pour appliquer la résolution 1308 qui, compte tenu du peu de ressources financières et humaines dont il dispose, a réalisé ce qu’il était réaliste d’attendre de lui.
Toutefois, pour l’Ukraine, il ne faut pas oublier que la tâche de sensibilisation et de prévention du VIH/sida ne revient pas seulement à ONUSIDA et au DOMP. Un ensemble d’autres organes du système des Nations Unies doivent aussi être impliqués dans ce travail. “En vérité, ma délégation est convaincue que le rôle pivot dans la coordination des efforts incombe à l’Assemblée générale”. C’est à l’aune des résultats obtenus sur le terrain que l’on pourra mesurer le succès des efforts entrepris, a poursuivi le représentant. A l’heure actuelle, malheureusement, les chiffres fournis, ce matin, par M. Piot ne font que confirmer le fait que le fléau du sida continuera de poser un grave défi à l’humanité pour de nombreuses années à venir. “Les fruits de ce qui est entrepris aujourd’hui ne seront pas recueillis avant longtemps”, a averti M. Kuchinsky avant d’insister sur l’importance d’accélérer la coordination des efforts de la communauté internationale.
M. ANUND PRIYAY NEEWOOR (Maurice) s’est félicité de tous les efforts menés par le département des opérations de maintien de la paix pour sensibiliser son personnel quant à la gravité de la question de la pandémie du VIH/sida. Cependant, a-t-il observé, ces efforts doivent être complétés par les initiatives des pays contributeurs de troupes, en ce qui concerne l’équipement, la formation et l’information. Il a estimé important que la résolution 1308 (2000) du Conseil de sécurité reconnaisse, pour la première fois, l’impact du VIH/sida sur la stabilité et la sécurité des nations et des sociétés. Le représentant a félicité M. Holbrooke pour son initiative sur le sujet et pour l’impulsion donnée par le Président Bill Clinton, le Vice-Président Al Gore et le Congrès américain afin qu’ils accordent de nouveaux crédits à la lutte contre le VIH/sida. Ainsi, a-t-il noté, l’initiative du Président Clinton a permis de réduire le coût des traitements contre le sida en Afrique. Il est nécessaire que les organisations financières internationales développent leurs propres stratégies pour aider les pays dans cette lutte, également dans le domaine de la prévention, a-t-il conclu.
M. PAUL HEINBECKER (Canada) a souhaité que le Département des opérations de maintien de la paix et ONUSIDA rencontrent rapidement les Etats fournisseurs de contingents afin d'évaluer les progrès accomplis concernant l'application des dispositions de la résolution 1308. Au même moment, a prévenu le représentant, il faut se garder de diaboliser les soldats de la paix. Le sida n'est pas seulement une tragédie humaine grave mais également une menace tangible à la sécurité des pays touchés. Bien que la communauté internationale doive jouer un rôle d'appui, elle ne peut agir si des mesures ne sont pas prises au niveau national. Pour sa part, a expliqué le représentant, le Canada quadruple ses dépenses au titre des initiatives internationales avec un investissement d'un montant total de 270 millions de dollars répartis sur cinq ans. Mais plus que les fonds supplémentaires, c'est le tournant pris par l'histoire du VIH/sida qui est frappant. On reconnaît enfin qu'il s'agit d'un problème aussi crucial que la paix, la sécurité ou l'environnement pour l'avenir de l'humanité et pour la première fois, la question a sa place dans l'actualité politique. Déclarant attendre beaucoup de la session extraordinaire de l'Assemblée générale, le représentant a insisté sur le fait que le VIH/sida représente un défi important pour la sécurité humaine et surtout pour l'humanité. C'est une raison suffisante, a-t-il dit, pour intégrer la lutte contre le sida aux efforts déployés en faveur de la paix et de la sécurité internationales.
M. PER NORSTROM (Suède), au nom de l'Union européenne et des pays associés, a reconnu que la conception de l'épidémie du VIH/sida est qu'une telle épidémie représente une crise sévère de développement et un risque potentiel pour la sécurité. Malgré les chiffres alarmants, il est possible d'arrêter la propagation du virus. Mettant l'accent sur le cercle vicieux que constitue la conjugaison du "sida, de la pauvreté et des conflits armés", le représentant a estimé que le Conseil a un rôle central à jouer en ce que la lutte contre le VIH/sida est directement liée à la prévention des conflits. Les gouvernements nationaux ont la responsabilité principale de s'assurer que les soldats de la paix sont formés et informés, de manière adéquate. Les stratégies nationales doivent inclure, selon l'Union européenne, des volets liés à l'éducation, à la prévention, au dépistage volontaire et confidentiel et aux services de conseil. La coopération entre Etats membres est impérative, dans ce contexte, a dit le représentant en appelant les Nations Unies à appuyer la création de programmes nationaux de lutte contre le sida partout où cela s'avèrera nécessaire. Le représentant s'est, par ailleurs, félicité de la coopération entre ONUSIDA et le Département des opérations de maintien de la paix en encourageant une coordination renforcée au Siège et sur le terrain. Le représentant a renouvelé son appui à la session extraordinaire que l'Assemblée générale doit tenir sur la question.
M. BERND NIEHAUS (Costa Rica) a fait observer que l’épidémie du sida s’est transformée en une catastrophe à grande échelle, puisque désormais plus de 36 millions de personnes sont infectées par le virus. Si l’effet social et humain du sida est difficilement mesurable, surtout en Afrique, son impact économique est lui en revanche tout à fait clair: l’épidémie a réduit de 0,4% la croissance économique de pays de l’Afrique subsaharienne. “L’on ne peut non plus oublier les près de 2 millions d’individus infectés par le virus dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes”, a rappelé le représentant. Pour contrôler cette pandémie, il faut, selon lui, prendre des mesures à la fois fermes et claires. Il faut notamment lutter, à tout prix, contre les comportements à hauts risques. Une stratégie de prévention du sida à grande échelle doit donc promouvoir l’adoption par tous de pratiques sûres. “Concrètement, elle doit promouvoir les valeurs sociales qui encouragent les comportements responsables et dissuadent le recours aux drogues intraveineuses ainsi que les relations sexuelles risquées”, a expliqué M. Niehaus. Il a précisé que parallèlement, des programmes de santé d’aide aux malades, tant sur le plan physique que psychologique, doivent être mis en œuvre et que la disponibilité, à des conditions favorables, des traitements les plus efficaces pour les malades qui se trouvent dans les pays en développement, doit être assurée.
De son côté, le Conseil de sécurité lorsqu’il traite de la problématique du sida et du personnel de maintien de la paix se trouve devant un dilemme. Soit les effectifs militaires des Nations Unies peuvent être porteurs du virus et ainsi infecter des civils sur le terrain, soit ces mêmes effectifs sont susceptibles de contracter le virus en ayant des contacts risqués avec les populations civiles. Dans tous les cas de figure, cette situation est inacceptable”, a affirmé le représentant. C’est pourquoi, selon lui, le personnel des Nations Unies doit avoir, en toutes circonstances, un comportement irréprochable. On ne peut, par exemple, accepter que le personnel en mission ait des relations “occasionnelles” avec la population locale. Le Costa Rica attend donc des pays contributeurs de troupes et du Secrétariat qu’ils prennent les mesures disciplinaires et sanitaires appropriées pour éviter que ce genre de situation ne survienne. En raison de la division des fonctions posée dans la Charte par les Pères fondateurs, la compétence du Conseil de sécurité dans le domaine du sida est très limitée, a poursuivi M. Niehaus. Il revient, en effet, à l’Assemblée générale de coordonner les efforts entrepris pour combattre cette épidémie, et au Conseil économique et social d’en évaluer et traiter l’impact social et économique. C’est pourquoi la Colombie considère si importante la session extraordinaire que l’Assemblée générale consacrera, en juin prochain, à la question. Elle ne doute pas que cette réunion fournira un nouvel élan à la lutte contre le sida.
M. ARTHUR MBANEFO (Nigéria) a estimé qu'aujourd'hui le défi à relever face au problème de développement qu'est devenu le VIH/sida est de donner aux pays en développement, pays les plus durement touchés, les ressources qui leur permettront de traduire en actes leur volonté politique d'éliminer le virus. Faisant état des activités de son pays en prévision de la session extraordinaire de l'Assemblée générale, au mois de juin 2001, le représentant a expliqué l'intensité de ces efforts par le fait que son pays a dépassé le taux de 5% de prévalence, signe précurseur d'une épidémie explosive. Evoquant le lien entre les opérations de maintien de la paix et le VIH/sida, le représentant a encouragé le lancement de campagnes d'information pour informer et éduquer les soldats. A cet égard, il s'est félicité de la position des Etats-Unis qui ont menacé d'exercer leur droit de veto sur chaque résolution, relative au mandat d'une mission, qui ne contiendrait pas une disposition sur la mise en place d'un programme de sensibilisation au VIH/sida. Le représentant a souhaité que les pays fournisseurs de contingents bénéficient d'une aide dans leurs efforts de produire du matériel d'information et dans ceux visant à prodiguer les soins requis au personnel infecté.
Le Conseil et le Secrétariat, a poursuivi le représentant, pourraient aussi, au cours de leur consultation avec les pays fournisseurs de contingents, fournir les données sur la prévalence du VIH/sida dans les zones d'opérations avant le déploiement des troupes. Cela, a-t-il dit, pour faciliter la prise de mesures de prévention. Le représentant a appelé au renforcement de la coopération internationale et à la mobilisation de tous les segments de la société, y compris les compagnies privées qui ont effectué des percées remarquables dans le développement de traitements efficaces. Ces dernières devraient être appelées, a insisté le représentant, à fournir des médicaments à des prix concessionnels.
M. KAMALESH SHARMA (Inde) a avoué d'emblée que son pays a eu de la peine à suivre le raisonnement du Conseil lorsque, dans sa résolution 1308, il est parti du postulat que le VIH/sida pourrait faire peser une menace sur la stabilité et la sécurité internationales. Le VIH/sida, a dit le représentant, n'est pas et n'a jamais été une cause de conflit et aucun pays n'a jamais déclaré la guerre en invoquant le VIH/sida. Reconnaissant toutefois que la résolution ne va pas jusque-là, le représentant a souligné que la même résolution affirme cependant que la pandémie du VIH/sida est particulièrement réelle dans les situations de violence et d'instabilité. Pourtant, a-t-il fait observer, aucune preuve ne vient à l'appui de ce postulat. Les pays en conflit connaissent, en effet, des problèmes alarmants mais le VIH/sida n'est pas de ceux-là. Les données montrent, au contraire, qu'il n'existe aucun lien organique entre les conflits et le VIH/sida. Sa propagation a lieu, au contraire, dans les sociétés stables, le long des artères commerciales, dans les pays à large population immigrée séparée de leur famille, dans les sociétés où les jeunes filles ont des relations sexuelles avec des hommes plus âgés ou encore dans les villes où l'injection de drogues est une pratique connue.
Par définition, ces modes de transmission ne peuvent coexister avec "des situations de violence et d'instabilité". Le Conseil semble imputer aux soldats de la paix la responsabilité des transmissions ou à les dépeindre comme un groupe à risque. Le représentant a indiqué que son pays, en tant que contributeurs de contingents, a appris que quand les soldats de la paix sont formés et disciplinés, comme il se doit, la sensibilisation au VIH/sida suit automatiquement. Au cours de l'année écoulée, a poursuivi le représentant, le Conseil a jugé bon d'aller au-delà du mandat conféré par la Charte pour enquêter, fixer des conditions pour le commerce international de diamants et faire la guerre aux "diamants du sang", qui ne représente que 4% du commerce international du diamant.
Le problème du traitement du VIH/sida est pourtant aussi un problème commercial, a souligné le représentant en dénonçant la poignée de compagnies pharmaceutiques qui invoquent les dispositions de l'Accord sur les droits de propriété touchant au commerce pour refuser d'offrir à un très grand nombre de patients des médicaments à des prix abordables. Des personnes bien plus nombreuses que les victimes des "diamants de la guerre" sont ainsi condamnées à souffrir des politiques pratiquées par des compagnies pharmaceutiques.
C'est la perte d'une grande proportion de la population active qui risque de créer, pour les gouvernements concernés, des problèmes de sécurité. C'est en tout cas la manière dont l'Inde veut comprendre la référence faite, ce matin, par le Représentant permanent des Etats-Unis à un concept élargi de sécurité, a dit le
représentant. Si le Conseil est véritablement convaincu du caractère menaçant du VIH/sida pour la paix et la sécurité internationales, il est de son devoir de décider que l'Article 73 de l'Accord sur les droits de propriété intellectuelle touchant au commerce, doit être invoquer pour fournir, de manière urgente, des médicaments à des prix accessibles, a conclu le représentant.
“Quand le Conseil de sécurité a commencé à s’intéresser à l’épidémie du sida, 33 millions de personnes étaient infectées dans le monde, aujourd’hui, en l’espace de 12 mois, elles sont 3 millions de plus”, a, pour sa part, fait observer M. S. JAYAKUMAR, Ministre des affaires étrangères de Singapour. C’est pour cette raison qu’il convient d’applaudir les efforts visionnaires déployés par l’Ambassadeur Holbrooke pour sensibiliser le Conseil de sécurité sur ce fléau. Ceux-ci ont abouti à l'adoption de la résolution 1308 qui démontre de manière claire et sans équivoque l’engagement du Conseil dans cette véritable croisade. “Même si les dispositions de la résolution ne sont pas contraignantes, il ne faut pas en sous-estimer l’importance historique puisque pour la première fois le Conseil reconnaissait la menace à la paix que constitue une question sanitaire”, a insisté le Ministre.
Les preuves empiriques sont nombreuses à suggérer qu’il y a un lien entre la prolifération des conflits armés et l’expansion du VIH/sida, a poursuivi M. Jayakumar. Les populations déplacées par la guerre et réfugiées sont les plus vulnérables au virus parce qu’elles n’ont, le plus souvent, pas accès à des soins médicaux appropriés. Or c’est précisément dans ce cas de figure que les “soldats de la paix” peuvent faire la différence. Après avoir reçu une bonne formation sur le VIH/sida, notamment sur la manière dont on peut prévenir sa transmission, le personnel du maintien de la paix peut jouer un véritable rôle de sensibilisation dans les zones de conflit, a expliqué M. Jayakumar. C’est pourquoi Singapour se félicite tout particulièrement de la signature du mémorandum d’accord entre le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) et ONUSIDA. Singapour salue les efforts du DOMP qui fait désormais en sorte que tous les soldats de la paix reçoivent une formation appropriée sur le VIH/sida avant d’être déployé sur le terrain.
Toutefois, c’est en dernier ressort aux gouvernements, à leur niveau national, qu’il revient de mettre en place des stratégies efficaces pour affronter cette crise du sida, a souligné le Ministre. Il a expliqué, à cet égard, que son pays, dans le cadre d’un programme national de prévention et de traitement du sida, organise des réunions d’information sur le virus à tout son personnel militaire et en uniforme. La prévention ne représente cependant qu’un seul côté de la médaille, a poursuivi M. Jayakumar qui a indiqué que le traitement des personnes malades était tout aussi important. Il s’agit en fait de deux questions qui ne peuvent être traitées séparément. C’est pourquoi, il est particulièrement injuste que les malades vivant dans les pays en développement se voient refuser la même qualité de traitement que ceux vivant dans le monde développé. “90% des personnes infectées par le VIH/sida se trouvant dans le monde en développement, la disponibilité de médicaments bon marché devrait en vérité être une priorité absolue”, a souligné le Ministre. Il a fait remarquer que si le Conseil de sécurité peut jouer un rôle de catalyseur dans la lutte contre le VIH/sida, l’aspect multidimensionnel de l’épidémie ne peut, lui, être traité de manière complète que dans un cadre englobant l’ensemble du système des Nations Unies, tel que le programme ONUSIDA.
* *** *