LA CNUCED APPELLE A ADOPTER DES MESURES ENERGIQUES AFIN DE CONTENIR LE RALENTISSEMENT ECONOMIQUE AUX ETATS-UNIS
Communiqué de presse CNUCED276 |
CNUCED/276
25 avril 2001
LA CNUCED APPELLE A ADOPTER DES MESURES ENERGIQUES AFIN DE CONTENIR LE RALENTISSEMENT ECONOMIQUE AUX ETATS-UNIS
CNUCED, Genève le 24 avril -- Au lieu du redressement collectif vigoureux que beaucoup d'observateurs escomptaient il y a six mois, les principales économies ont toutes enregistré un recul à la suite du ralentissement marqué survenu aux États‑Unis. Les marchés émergents n'étant toujours pas à l'abri de chocs économiques, les risques de voir la situation économique mondiale se dégrader augmentent. Pour éviter que la conjoncture ne se détériore davantage, il va falloir que tous les grands pays adoptent des politiques plus énergiques et coopèrent entre eux. Ce sont là quelques‑unes des idées‑force développées dans le Trade and Development Report, 2001[1](Rapport sur le commerce et le développement, 2001,à paraître prochainement en français), rendu public aujourd'hui par la CNUCED.
Les moyens d'action classiques permettront‑ils de stabiliser la nouvelle économie ?
En 2000, la seule chose qui paraissait pouvoir assombrir les perspectives de l'économie mondiale était la hausse du cours du pétrole, qui atteignait environ 35 dollars le baril en septembre. Mais vu l'accélération de la croissance dans toutes les régions et la bonne tenue de l'économie mondiale qui enregistrait ses meilleurs résultats (4 % de croissance) depuis la crise asiatique, ce genre de préoccupation semblait singulièrement déplacée. Les doutes sur la santé de l'économie mondiale sont brusquement réapparus en 2001 et les économistes de la CNUCED craignent que les risques de dégradation conjoncturelle soient considérables, si l'on ne réagit pas en prenant partout des mesures énergiques.
C'est finalement la fin de l'engouement pour les technologies de pointe aux États‑Unis, annoncée dans le Rapport sur le commerce et le développement, 2000, qui est à l'origine des "ratés" actuels de l'économie mondiale. L'espoir d'un redressement rapide s'amenuise et la seule question maintenant est de savoir quelles pourront être la durée et l'ampleur du repli et si la prompte réaction de la Réserve fédérale induira une reprise ordonnée.
Selon le rapport "si les ménages et les entreprises devaient simultanément ramener leurs dépenses au niveau de leurs revenus actuels, il pourrait se produire un recul sensible du PIB".
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Étant donné d'une part le niveau élevé de l'endettement privé et l'importance des investissements non viables dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, soutenus ces dernières années par l'essor du capital‑risque et la bulle boursière, et d'autre part les incertitudes concernant l'évolution du dollar, on ne saurait sous‑estimer l'ampleur de la tâche à accomplir.
L'Europe peut‑elle jouer le premier rôle ?
Quoiqu'il advienne dans l'avenir immédiat aux États‑Unis, le sort à plus long terme de l'économie mondiale ne saurait dépendre des mesures prises et de la conjoncture prévalant dans un seul pays. L'espoir aujourd'hui est de voir l'Europe, où le taux de croissance en 2000 a franchi la barre des 3 % pour la première fois depuis plus de 10 ans, prendre le relais des États‑Unis.
Cela dit, malgré le faible niveau de ses échanges avec les États‑Unis, l'Europe n'est pas à l'abri des effets du ralentissement observé outre‑Atlantique. Les bénéfices des entreprises européennes solidement implantées sur le marché américain pourraient se ressentir du fléchissement de l'activité. Selon le rapport, la croissance a atteint son maximum à peu près au même moment en Europe et aux États‑Unis et certains grands pays européens ont compté surtout sur les exportations pour stimuler leur croissance. Le rapport conclut que sans un véritable changement de politique économique, le taux de croissance dans l'Union européenne n'atteindra probablement pas 3 % en 2001 et risque d'être beaucoup plus faible. Toutefois à en juger par les déclarations récentes de la Banque centrale européenne concernant les risques inflationnistes, la solution qui consisterait à recourir à la politique monétaire pour mobiliser vraiment tout le potentiel de croissance de l'Europe, comme les États‑Unis l'avaient fait dans la seconde moitié des années 90, ne suscite guère d'enthousiasme. Non seulement un taux de croissance annuel légèrement supérieur à 4 % donnerait un coup de fouet bien venu à la demande mondiale, mais en outre il aiderait à faire face au problème du chômage en Europe.
Reprise au Japon ?
Au cours du premier semestre 2000, du fait de la progression des exportations nettes qui a contribué à stimuler l'investissement, on s'est pris à espérer un redémarrage de l'économie japonaise. Mais au second semestre, la croissance a stagné et le taux de chômage a commencé à remonter pour se rapprocher progressivement de 5 % à la fin de l'année. En 2000 la croissance qui, selon les prévisions devait être de 1,3 %, ne sera pas supérieure à la moyenne de la décennie écoulée, et comme les prix continuent de baisser, les signes au début de 2001 sont toujours aussi peu encourageants.
Un affaiblissement du yen pourrait créer une certaine dynamique. Mais du fait du ralentissement aux États‑Unis, il y a peu de chances pour que la croissance soit tirée par les exportations cette année. Pour remettre l'économie sur les rails, il va falloir trouver de puissants moteurs de croissance internes.
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Vu l'attitude prudente des entreprises et des ménages, les pouvoirs publics devront intervenir pour stimuler les dépenses. Cela dit, la dette publique représentant plus de 100 % du PIB, il est de moins en moins probable qu'un vaste programme d'allégements fiscaux vienne renverser la situation. Les réductions des taux d'intérêt traduisent une inquiétude au sujet des perspectives économiques immédiates mais elles ne paraissent guère pouvoir, à elles seules, entraîner une reprise rapide. Des mesures plus énergiques destinées à stopper la baisse constante des prix seront peut‑être nécessaires.
Vecteurs de propagation dans les pays en développement
Dans toutes les régions en développement, qui ont affiché un taux de croissance global de 5,5 %, l'activité a redémarré en 2000. L'Afrique est la seule région où le revenu par habitant n'a pas sensiblement augmenté; son taux de croissance, qui n'a que légèrement progressé, atteignant 3,5 %, est encore insuffisant pour lui permettre de faire face à l'aggravation de la pauvreté et à la dégradation des conditions sanitaires.
Parmi les pays qui ont connu la croissance la plus rapide, figurent ceux qui, comme la République de Corée, la Malaisie et le Brésil, avaient eu à pâtir précédemment de la crise financière (voir le tableau ci‑après). Nombre d'entre eux ont obtenu des résultats d'autant plus honorables qu'ils ont été sérieusement touchés par la hausse des cours du pétrole, qui a représenté entre 0,5 % du PIB au Brésil et plus de 3 % à Singapour.
Il est peu probable que ces pays fassent aussi bien en 2001. Si, ces dernières années, les pays industriels ont profité dans une certaine mesure des crises survenues sur les marchés émergents, on ne saurait attendre du ralentissement de l'économie américaine qu'il produise mécaniquement des effets symétriques. Selon le rapport, les perspectives sur les marchés émergents dépendent beaucoup du degré d'intégration des pays dans l'économie mondiale. Mais tous sont à la merci d'un fléchissement brutal de l'activité au niveau mondial.
L'impact le plus direct de l'essoufflement de la croissance aux États-Unis se manifestera à travers les flux commerciaux. Les pays d'Amérique centrale paraissent particulièrement vulnérables. Le Mexique a largement profité de la grande prospérité qu'ont connue les États‑Unis, enregistrant, l'an dernier, un taux de croissance sans précédent de 7 %. Mais des signes de ralentissement de la production industrielle et de dégradation de l'emploi sont déjà perceptibles dans ce pays dont plus des quatre cinquièmes des exportations sont destinés au voisin du Nord.
De nombreux pays asiatiques sont eux aussi vulnérables sur ce front-là. En Asie, les exportations à destination des États-Unis, qui représentent entre 7 % (République de Corée) et 20 % (Malaisie) du PIB, ont été le principal moteur de la reprise. La diminution des ventes aux États-Unis conjuguée à la baisse des prix des semi-conducteurs a déjà entraîné une dégradation des termes de l'échange et une contraction des recettes d'exportation. Selon le rapport, il est à craindre que les échanges intrarégionaux n'amplifient les effets négatifs de ces chocs. De plus les incertitudes concernant le Japon pourraient avoir de graves répercussions au niveau régional.
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25 avril 2001
Pays ayant enregistré une forte croissance en 2000 : variation en pourcentage par rapport aux années précédentes :
Année de la crise
2000
Brésil
-0.1a
4.0
Chili
-1.1b
5.7
Mexique
-6.6c
7.0
Hong Kong, Chine
-5.1a
10.4
République de Corée
-6.7a
9.3
Singapour
0.4a
10.4
Indonésie
-13.0a
5.2
Malaisie
-7.4a
8.7
Russie
-4.9a
7.6
a 1998, b 1999, c 1995
De leur côté également, les pays en transition qui ont affiché une croissance record de 5,6 % en 2000, ont profité d'un fort accroissement des exportations à destination de l'Union européenne et des prix élevés de certains de leurs produits de base. Un ralentissement de l'activité en Europe permettra de voir si ces pays disposent désormais de véritables moteurs de croissance internes.
Certains pays comptent tirer parti de la baisse des taux d'intérêt et de l'affaiblissement du dollar, qui semblent devoir accompagner le ralentissement de l'activité aux États-Unis. C'est le cas des pays d'Asie et d'Amérique latine dont la monnaie est liée au dollar.
Tandis qu'une dépréciation du dollar serait synonyme de compétitivité accrue, la baisse des taux d'intérêt devrait réduire le coût des emprunts et du service de la dette, atténuant ainsi les contraintes qui pèsent sur les balances des paiements et les budgets. Cette évolution pourrait aider l'Argentine à sortir de la spirale de la stagnation dans laquelle elle est prise depuis deux ans. Elle devrait également profiter au Brésil dont le taux de croissance a atteint 4 % en 2000. Néanmoins aucun de ces deux pays ne semble prêt à mobiliser vraiment tout son potentiel de croissance de manière à permettre à la région de faire beaucoup mieux qu'en 2000 où le taux de croissance régionale a été de 3,7 %. Plus fondamentalement, la conjoncture pourrait se dégrader du fait d'un endettement excessif et d'une trop grande dépendance à l'égard des capitaux étrangers, surtout si de nouvelles incertitudes conduisent à réévaluer les risques, à augmenter les marges et à se tourner vers le dollar, valeur refuge.
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25 avril 2001
La crise qui a frappé la Turquie en février dernier vient rappeler combien la situation demeure précaire pour de nombreux marchés émergents. Selon le rapport, cette crise tient non seulement à la fragilité traditionnellement attribuée aux systèmes de parité fixe des monnaies faibles, mais aussi aux défauts de conception du programme de stabilisation.
Échanges commerciaux et flux financiers
Le commerce international a été très actif en 2000. Le pétrole et l'économie américaine qui ont été les principaux moteurs de la croissance à deux chiffres des importations et des exportations ont également aidé à faire évoluer favorablement les termes de l'échange de beaucoup de pays en développement. Néanmoins les prix d'un certain nombre de produits agricoles ont stagné ou ont fléchi. La baisse des prix des exportations conjuguée à la hausse des prix des importations a eu des conséquences préjudiciables pour quelques‑uns des pays les plus pauvres du monde. Même si, cette année, les cours du pétrole paraissent se stabiliser - ils pourraient passer sous la barre des 20 dollars des États-Unis -, les perspectives pour de nombreux pays en développement exportateurs de produits de base, notamment en Afrique, restent sombres.
En ce qui concerne les flux de capitaux à destination des pays en développement, en 2000 la situation ne s'est guère améliorée par rapport à l'année précédente. Les différentes formes de flux ont diminué l'an passé, à l'exception des prêts bancaires, qui, après s'être fortement contractés en 1998 et 1999, se sont stabilisés. L'Amérique latine est la seule région à avoir réussi à attirer des volumes plus importants, essentiellement grâce à l'émission d'obligations à l'étranger. Mais si les incertitudes persistent, on peut s'attendre à un plafonnement des flux financiers à destination des marchés émergents cette année.
Priorité à la croissance
Pour qu'en 2001 l'économie mondiale retrouve son dynamisme, il va falloir que les grands pays utilisent tous les moyens de relance à leur disposition, et de façon simultanée. Jusqu'ici, aux États‑Unis, les responsables ont montré qu'ils étaient prêts à réagir aux signaux inquiétants envoyés par l'économie, mais les dirigeants européens ont hésité à faire de même et, au Japon, la marge de manœuvre limitée dont les autorités disposent pour mener une politique d'expansion laisse espérer au mieux une amélioration graduelle. Partout, y compris dans les pays en développement, les pouvoirs publics doivent s'engager résolument à stimuler la croissance. Il faudra également que les pays du G3 (Etats-Unis, Union européenne, Japon) coordonnent mieux leurs politiques, en se souciant des conséquences sur les pays économiquement plus faibles afin que ceux‑ci puissent avoir leur part des bienfaits annoncés de la mondialisation.
* *** *
Pour plus de renseignements, s'adresser à Yilmaz Akyüz, Responsable de la Division de la mondialisation et des stratégies de développement, CNUCED, téléphone : +41 22 907 5841, télécopieur: 41 22 907 0045, courrier électronique : yilmaz.akyuz@unctad.org; ou Muriel Scibilia, Chargée de presse, CNUCED, téléphone : +41 22 907 5725/ 5828 ; télécopieur : +41 22 907 0043 ; courrier électronique : muriel.scibilia@unctad.org.
[1] Trade and Development Report, 2001 (No de vente : E.01.II.D.10, ISBN 92‑1-112520‑0) peut être obtenu au prix de US$ 35, et au prix préférentiel de US$ 19 dans les pays en développement et dans les pays en transition, auprès du Service des ventes, Palais des Nations, CH‑1211 Genève 10, Suisse; télécopieur: +41 22 917 0027, courrier électronique: unpubli@un.org, Internet : http://www.un.org/publications; ou auprès du Service des publications de l'Organisation des Nations Unies, Two UN Plaza, Bureau DC2-853, Dept. PRES, New York, N.Y. 10017, États‑Unis d'Amérique; téléphone : +1 212 963 83 02 ou +1 800 253 96 46, télécopieur : +1 212 963 34 89, courrier électronique : publications@un.org.