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DH/N/204

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ACHEVE L'EXAMEN DU RAPPORT PERIODIQUE DE LA COLOMBIE

1er avril 1997


Communiqué de Presse
DH/N/204


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ACHEVE L'EXAMEN DU RAPPORT PERIODIQUE DE LA COLOMBIE

19970401 Les experts rappellent que l'indépendance du système judiciaire est essentielle au respect des droits de l'homme

Le Comité des droits de l'homme a achevé cet après-midi, sous la présidence de Mme Christine Chanet (France), l'examen du quatrième rapport périodique de la Colombie.

Dans leurs observations finales, les experts ont estimé que le rapport ne reflète pas les résultats obtenus par les mesures visant à mettre en oeuvre le Pacte. Ils ont suggéré de mettre l'accent dans le prochain rapport sur le "vécu" des droits de l'homme plutôt que sur les mesures législatives et institutionnelles prises pour appliquer le Pacte. Plusieurs experts ont souligné la nécessité pour le gouvernement colombien de s'attaquer immédiatement et efficacement au rôle parallèle que jouent les groupes paramilitaires. Les experts ont insisté sur l'indépendance du pouvoir judiciaire qui est cruciale pour garantir le respect des droits de l'homme.

La Présidente du Comité, au cours de ses remarques finales, s'est réjouie de la franchise du dialogue instauré. Elle a remercié la délégation pour les efforts qu'elle a fournis afin de donner les réponses aux questions posées. Elle a mis l'accent sur les espoirs placés dans le projet de loi accordant des réparations aux victimes de violations. Elle a reconnu la gravité du problème posé par le conflit armé, la guérilla et les groupes paramilitaires et a estimé que l'impuissance reconnue de la part du pouvoir civil débouche sur une impunité néfaste aux droits de l'homme. La question des tribunaux militaires est particulièrement inquiétante. L'impuissance à contenir la violence et les contre-réactions constituent un mélange explosif. Il serait peut-être temps pour le Gouvernement colombien d'adopter un autre chemin, car la seule voie est la force du droit et du Pacte sur les droits civils et politiques.

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Remerciant les membres du Comité pour l'échange de vues constructif, M. Carlos Vicente de Roux, Conseiller à la Présidence pour les droits de l'homme en Colombie, a reconnu qu'il existe de nombreuses violations des droits de l'homme dans son pays. Toutefois, a-t-il fait observer, sa délégation ne constitue qu'un élément des forces démocratiques du pays. Le défi majeur est de renforcer cette tendance en mobilisant les énergies sociales pour assurer le respect des droits de l'homme.

Le Comité a également entendu une communication de son Rapporteur spécial chargé du suivi des communications transmises au Comité, M. Prafullachandra Bhagwati. Le Rapporteur a notamment informé les membres du Comité des consultations sur des affaires en cours, tenues avec des représentants de la Bolivie et de la Colombie qui se sont engagés à apporter une réponse avant la fin de la présente session, le 11 avril 1997. Les experts ont demandé des précisions sur les affaires en cours.

Le Comité des droits de l'homme poursuivra ses travaux à huis clos mercredi 2 avril, à 10 heures, pour examiner les communications. Il devrait se réunir en séance plénière, vendredi 4 avril, à 10 heures pour entamer l'examen du troisième rapport périodique du Portugal (Macao).

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Echange de vues

Un expert a fait remarquer que selon le tableau dressé par la délégation colombienne, la guérilla ne semble pas prête à cesser ses activités. Se référant au chapitre III de la Constitution colombienne relatif à la situation de l'opposition, il a fait remarquer que le gouvernement restreint le rôle que les partis politiques de l'opposition ont à jouer dans le pays. Il est difficile de concilier ces dispositions avec celles de l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

De l'avis d'un autre expert, le rapport ne reflète pas les résultats obtenus par les mesures visant à mettre en oeuvre le Pacte. Il a suggéré de mettre l'accent dans le prochain rapport sur le "vécu" des droits de l'homme plutôt que sur l'énumération des mesures législatives et institutionnelles prises dans le cadre de l'application du Pacte. L'expert a estimé qu'il faudrait accorder une place plus importante aux femmes dans la promotion des droits de l'home. En outre, il est nécessaire de sensibiliser l'opinion publique aux droits de l'homme. La société civile est le meilleur garant du respect de ces droits, a-t-il souligné.

Réponse de l'Etat partie (Colombie)

Répondant aux dernières remarques des experts, Mme KAREN KUFHELDT, Conseiller légal auprès du Ministre de l'Intérieur, a indiqué que le Congrès est en ce moment en train d'examiner des lois spécifiques en faveur des femmes, des populations autochtones et des communautés afro-colombiennes. Il y a une unité administrative autonome qui intègre les perspectives de sexospécificité dans la législation et dans l'exécution des politiques. Il est vrai que certains emplois sont interdits aux femmes, mais ceci est fait dans le but de protéger la femme, notamment sa santé.

L'éducation des populations autochtones ne relève plus de la seule Eglise catholique depuis la nouvelle Constitution de 1991. L'instruction religieuse n'est pas obligatoire et les parents sont libres d'opter pour l'enseignement religieux de leur choix.

En ce qui concerne l'adoption d'enfants colombiens par des étrangers, les démarches sont très rigoureuses et des examens très approfondis des dossiers de demandes sont réalisés avant qu'une décision ne soit prise. Les enfants adoptés dans le pays sont suivis par l'Institut colombien du bien-être des enfants. Il faut reconnaître que ce suivi est parfois difficile.

En ce qui concerne les partis politiques, il existe des conditions minimales à satisfaire pour avoir accès à un financement de l'Etat. L'objectif est de rendre plus rationnel l'effort d'appui économique aux partis

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politiques. La Constitution de 1991 reconnaît les droits des partis, des mouvements politiques et des groupes de citoyens importants. Les mouvements d'opinion qui n'ont pas de personnalité juridique doivent répondre à certaines conditions de sérieux, soit obtenir 50 000 signatures ou 15 000 voix lors d'une élection antérieure.

M. FARID BENARIDES, Conseiller auprès du Ministre de la justice, a apporté des précisions sur le viol, indiquant que la disposition qui prévoyait que la demande en mariage de la part du violeur annule les poursuites judiciaires a été annulée. Pour l'assistance juridique, les familles les plus pauvres peuvent être assistées par un étudiant en droit.

En ce qui concerne le travail des mineurs, le Ministère du travail dispose de bureaux de contrôle. Le travail est strictement interdit aux moins de 12 ans, pour les mineurs de plus de 12 ans le travail est soumis à une autorisation préalable des autorités. Cependant il existe des dérogations exceptionnelles pour les familles qui ont absolument besoin des revenus apportés par l'enfant. Le Gouvernement s'efforce d'interdire la participation des mineurs dans les forces armées nationales. Il a également indiqué que le droit d'association en syndicat est strictement respecté.

Observations finales

Dans ce cadre, plusieurs experts se sont félicités de la franchise avec laquelle la délégation colombienne a présenté son quatrième rapport périodique. Toutefois, ont-ils suggéré, il serait souhaitable d'approfondir les prochains rapports. Un expert a estimé que le tableau présenté n'est pas complet et la réalité des droits de l'homme en Colombie n'est pas totalement reflétée dans le rapport. Il a déploré notamment l'absence d'explications sur l'évolution de la situation entre le troisième et le quatrième rapport périodiques.

Il incombe au gouvernement colombien de tout faire pour maintenir la démocratie dans le pays. L'expert a souhaité que le gouvernement colombien soit en mesure de dire clairement à l'armée qu'elle doit oeuvrer en faveur du respect des droits de l'homme. Tout en s'associant aux commentaires formulés par les autres membres du Comité au cours de l'examen du rapport, un autre expert s'est inquiété du rôle prépondérant des groupes paramilitaires. Il a souligné la nécessité pour le gouvernement colombien de s'attaquer immédiatement et efficacement au rôle parallèle que jouent ces groupes.

Notant que trois acteurs principaux, à savoir l'Etat, les groupes paramilitaires et la guérilla, gouvernent la Colombie, au mépris des dispositions du Pacte, un expert a rappelé que toute tentative de changer la structure du pays exige la volonté du peuple. Il est primordial de garantir

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le respect du principe fondamental de l'indépendance du pouvoir judiciaire. L'expert a émis l'espoir que la Colombie sera en mesure de jouer un rôle exemplaire en Amérique latine, continent où les droits de l'homme sont bafoués de façon flagrante.

Concernant les tribunaux militaires, il a recommandé que tous les officiers qui font l'objet d'une enquête soient suspendus de leurs fonctions jusqu'à ce que les conclusions de ces enquêtes soient rendues publiques. Il faudrait encourager les efforts déployés par la Cour constitutionnelle en vue de garantir un meilleur respect des droits de l'homme. Certes il est important qu'en aucun cas des civils ne soient jugés par des tribunaux militaires, mais cela n'est pas suffisant et il est troublant de constater que les rapports des ONG montrent que la plupart des acquittements prononcés par des tribunaux militaires concernent des violations des droits de l'homme. Le Bureau du Haut Commissaire des droits de l'homme en Colombie devrait montrer le chemin à suivre pour les nouvelles réformes à apporter, a-t-il suggéré.

Un autre membre du Comité a estimé que les réponses très franches données par la délégation ne font que confirmer les critiques émises par les experts. La Colombie, au titre du Pacte, s'est engagée à changer son attitude à l'égard des droits de l'homme et ce changement passe en premier lieu par la modification du comportement du pouvoir militaire, qui apparaît comme un défaut inhérent du système. Un expert a reconnu que des progrès sont manifestes dans certains domaines ajoutant qu'il est préoccupant de constater des reculs flagrants, notamment quant au respect des droits fondamentaux. Il est décevant de constater qu'à nouveau, cinq ans après, l'une des préoccupations principales du Comité demeure la question des tribunaux militaires, dont le pouvoir n'a fait qu'augmenter. La structure du pouvoir militaire ne permet pas d'avoir un système judiciaire indépendant. Les autorités doivent créer un cadre juridique concret permettant de respecter pleinement les droits de l'homme.

Pour un autre membre du Comité, l'impunité est l'élément central du non respect des droits de l'homme. Aussi, a-t-il souhaité que les recommandations formulées par les membres du Comité soient suivies par le gouvernement.

Abordant la question de l'état d'urgence, il a indiqué que les principes directeurs appliqués par le Gouvernement colombien sont très éloignés de la notion développée dans le Pacte. Cette différence de philosophie permet une interprétation très large de l'application de l'état d'urgence. La réforme de la Constitution pourrait aboutir à ce que la Cour Constitutionnelle n'ait plus de contrôle sur la mise en application de l'état d'urgence. Or il apparaît au contraire qu'un renforcement du rôle de la Cour constitutionnelle est essentiel.

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Relevant qu'il existe une réelle volonté politique d'améliorer la situation des droits de l'homme, comme la présence des organisations non gouvernementales le montre, un expert a insisté sur le fait que c'est la structure économique du pays qui représente le plus grand obstacle au respect des droits de l'homme en Colombie. Les violations des droits de l'homme apparaissent comme des symptômes de la mauvaise répartition des richesses, qui sont concentrées dans les mains d'une petite poignée d'individus. Le prochain rapport devrait montrer des améliorations dans ce domaine.

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