En cours au Siège de l'ONU

9549e séance
CS/15592

Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour la Libye exhorte les acteurs politiques à mettre leurs « intérêts personnels » de côté afin d’ouvrir la voie aux élections

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye a, ce matin devant le Conseil de sécurité, « de nouveau » exhorté les acteurs politiques du pays à mettre leurs intérêts personnels de côté afin de dégager la voie à des élections attendues de longue date.  « Ces acteurs continuent de poser des conditions préalables à leur participation au dialogue, une façon de maintenir un statu quo qui semble leur convenir », a-t-il accusé.  Cet appel a été largement relayé par les délégations qui se sont en revanche divisées sur la question des sanctions frappant la Libye. 

« Onze ans après la révolution du 17 février 2011, les Libyens n’ont toujours pas concrétisé leurs aspirations à une paix durable et à la démocratie », a déploré M. Abdoulaye Bathily, qui a indiqué que malgré la finalisation du cadre juridique et constitutionnel, les acteurs clefs libyens ne paraissent pas décidés à régler les questions en suspens.  Or, a-t-il poursuivi, le seul moyen d’aller de l’avant est de résoudre par la négociation toutes les questions qui ont empêché la tenue des élections en 2021. 

Le Représentant spécial, qui est également Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a passé en revue les positions de chacun de ces acteurs.  Ainsi, pour le Président de la Chambre des députés, la question principale est la formation d’un gouvernement unifié, tandis que le Président du Haut Conseil d’État continue, lui, de rejeter les lois électorales adoptées par ladite chambre.  Quant au Premier Ministre, il indique qu’il ne démissionnera qu’après la tenue des élections, ce qui veut dire que le Gouvernement d’unité nationale continuera de superviser le processus électoral à venir, a expliqué M. Bathily qui a souligné que les élections ne doivent pas aboutir à un scénario type « le vainqueur empoche tout » au détriment des autres acteurs. 

Il a également noté que la division Est-Ouest entre les institutions nationales empêche l’adoption d’un budget, perpétuant ainsi le manque de transparence autour de l’emploi des ressources publiques.  « Un accord politique entre les acteurs clefs est crucial pour la formation d’un gouvernement unifié en vue de la tenue des élections », a-t-il insisté. 

Une position largement partagée par les délégations, à commencer par celle du Mozambique, au nom des membres africains du Conseil de sécurité plus un (A3+1) qui a appelé les parties à surmonter leurs divergences quant à la mise en œuvre des lois électorales, sur la base d’un consensus national, sans ingérence extérieure.  Il est crucial de régler les questions en suspens en vue de la tenue d’élections, a appuyé le Japon, en demandant un engagement constructif desdits acteurs. 

La France a elle aussi insisté sur l’urgence de mettre la Libye sur la voie d’élections législatives et présidentielle libres, transparentes et inclusives, tout en notant que la formation d’un nouveau gouvernement unifié est la condition manquante pour organiser les scrutins.  La République de Corée a constaté pour sa part que l’incapacité des acteurs politiques libyens à former un gouvernement unifié pose problème. 

L’absence d’avancées sur la voie du processus politique a également été déplorée par le délégué libyen qui a affirmé que le dialogue politique entre les parties s’apparente à un cercle vicieux, sans initiatives sérieuses à l’horizon.  « Pendant ce temps, les Libyens continuent d’attendre une sortie de l’impasse et la tenue d’élections. »  Il a également dit que les Libyens sont fatigués « des interventions étrangères, des analyses, des exposés et des déclarations qui n’apportent rien de nouveau ». 

Après avoir entendu le Président du Comité établi en application de la résolution 1970 (2011), les délégations ont affiché leurs divergences sur le régime des sanctions.  Si Malte et les États-Unis ont jugé crucial le respect intégral de ce régime, dans l’intérêt du peuple libyen, la Chine et le Mozambique ont souhaité que les exigences légitimes de la Libye soient satisfaites, notamment pour ce qui est des avoirs libyens gelés.  Le Comité ne doit pas être un instrument dirigé contre les Libyens et devrait donner suite à notre demande de rayer de la liste certains individus ou certaines entités, a déclaré le délégué libyen.  La Fédération de Russie a jugé pour sa part que les sanctions ont largement perdu de leur pertinence et ne contribuent pas au processus de réunification, « surtout si l’on tient compte de la dynamique croissante du processus de réconciliation nationale ».

 

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, a déclaré qu’onze ans après la révolution du 17 février 2011, les Libyens n’ont toujours pas concrétisé leurs aspirations à une paix durable et à la démocratie.  Malgré la finalisation du cadre juridique et constitutionnel, les acteurs clefs libyens ne paraissent pas décidés à régler les questions en suspens afin de dégager la voie à des élections attendues de longue date, a-t-il déploré.  Jusqu’à présent, aucun d’entre eux n’a fondamentalement changé de position, en continuant de poser des conditions préalables pour leur participation au dialogue, façon, a-t-il dit, de maintenir un statu quo qui semble leur convenir. 

Le Représentant spécial a passé en revue les positions de chacun, à commencer par le Président de la Chambre des députés, M. Agila Saleh, pour lequel la question principale est la formation d’un gouvernement unifié.  Le Président du Haut Conseil d’État, M. Mohammed Takala, quant à lui, continue de rejeter les lois électorales adoptées par la Chambre, et souhaite revenir à une version antérieure de ces lois.  Le Premier Ministre, M. Abdulhamid Al Dabiba, indique qu’il ne démissionnera qu’après la tenue des élections, ce qui veut dire que le Gouvernement d’unité nationale continuera de superviser le processus électoral à venir.  Le général Khalifa Haftar, commandant de l’Armée nationale libyenne, demande que les deux gouvernements participent aux discussions ou en soient exclus.  Et le Président du Conseil présidentiel, M. Mohammed Menfi, ne veut pas être vu comme étant partie prenante mais se prépare à jouer le rôle de facilitateur en appui de mon initiative, a-t-il dit.  Soulignant que le seul moyen d’aller de l’avant est de résoudre par la négociation toutes les questions qui ont empêché la tenue des élections en 2021, il a appelé les acteurs institutionnels libyens à s’engager sans conditions au dialogue. 

De même, le Représentant spécial a insisté sur l’importance de remédier aux préoccupations de certains acteurs.  Il a appelé à créer un mécanisme de distribution équitable des ressources, à garantir la transparence du processus électoral et à faire en sorte que les élections n’aboutissent pas à un scénario où « le vainqueur empoche tout » au détriment des autres.  Le processus politique envisagé doit être assorti d’un calendrier intangible sur les différentes étapes conduisant au scrutin, a-t-il dit.  Le Conseil de sécurité et la communauté internationale ont un rôle critique à jouer afin de pousser les parties libyennes à s’engager de manière constructive dans le processus, a-t-il estimé. 

Le Représentant spécial a également prévenu que la division est-ouest entre les institutions nationales risque d’aboutir une fois de plus à la non-adoption d’un budget, perpétuant ainsi le manque de transparence sur l’emploi des ressources publiques.  Sur le plan sécuritaire, il a indiqué qu’il n’y a pas eu de violations du cessez-le-feu, tout en soulignant la gravité de la situation dans le sud du pays, dans un contexte marqué par les crises au Sahel et au Soudan.  À Tripoli, les rivalités entre les différents acteurs pour asseoir leur contrôle sur des zones stratégiques, telles que les bases militaires ou l’emplacement des institutions étatiques, dont la Banque centrale, continuent de menacer la sécurité précaire dans la capitale, a-t-il dit.  Il est également revenu sur la détention arbitraire de 60 personnes, y compris des enfants, en raison de leurs opinions politiques.  Cette pratique fait planer le doute sur la volonté de certains acteurs libyens d’appuyer un processus électoral transparent, a-t-il dit, en demandant leur libération.  Il s’est également dit alarmé par les expulsions collectives de migrants et de réfugiés qui se trouvent en Libye. 

En conclusion, le Représentant spécial a rappelé que les progrès en vue de la tenue d’élections nationales crédibles ne seront pas possibles tant qu’il n’y aura pas d’accord politique entre les principales parties prenantes libyennes.  « J’appelle une nouvelle fois les dirigeants libyens à mettre leurs intérêts personnels de côté et à revenir à la table des négociations en toute bonne foi, afin de discuter des questions en suspens. »  Toute réticence à le faire ne fera que jeter le soupçon sur leur engagement en faveur du processus électoral et de l’unité du pays, a-t-il prévenu, soulignant qu’un accord politique entre les acteurs clefs est crucial pour la formation d’un gouvernement unifié en vue de la tenue des élections. 

S’exprimant en sa qualité de Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011), M. YAMAZAKI KAZUYUKI (Japon) a fait rapport au Conseil des activités du Comité pendant la période allant du 19 décembre 2023 au 15 février 2024.  Il a indiqué que, lors de ses consultations informelles tenues le 2 février, le Comité a entendu un exposé du Groupe d’experts sur son plan de travail et ses priorités pour le mandat au titre de la résolution 2701 (2023) et sur sa prochaine visite prévue en Libye.  Le Comité a également reçu une lettre de la Libye contenant des réponses au rapport final du Groupe au titre du mandat précédent, qu’il examinera une fois que la traduction pertinente sera disponible. 

En ce qui concerne le gel des avoirs, le Président du Comité a indiqué qu’aucune décision négative n’a été prise à la suite des notifications présentées par Bahreïn, la Suisse et le Royaume-Uni.  Le Comité a par ailleurs approuvé une demande de dérogation présentée par le Luxembourg et a répondu à une notification présentée par Bahreïn. Le Président a ajouté que le Comité a reçu deux lettres de la Libye concernant certains aspects du gel des avoirs, dont l’une contenait le plan d’investissement à court terme de l’Autorité libyenne des investissements, en réponse au paragraphe 15 de la résolution 2701 (2023).  Les membres du Comité examineront les réponses aux deux lettres, a-t-il dit, avant d’évoquer les mesures d’interdiction de voyage.  Il a signalé que, le 31 janvier, le Comité a fait droit à la demande d’une personne inscrite sur la Liste, Mme Safia Farkash Al-Barassi, reçue par l’intermédiaire du Point focal pour la radiation créé par la résolution 1730 (2006), et a décidé que Mme Al-Barassi n’était plus soumise à l’interdiction de voyager imposée en vertu du paragraphe 15 de la résolution 1970 (2011).  Elle reste toutefois soumise à la mesure de gel des avoirs, a-t-il précisé, notant que la liste des sanctions contre la Libye a été modifiée en conséquence. 

La représentante du Royaume-Uni a apprécié que le Représentant spécial ait convoqué les principaux acteurs libyens à une réunion préparatoire pour sortir de l’impasse politique et organiser des élections.  L’aboutissement de ce processus repose sur un engagement constructif et un véritable compromis de la part des parties libyennes, a-t-elle estimé.  Notant que certains acteurs avaient refusé de nommer leurs représentants, la déléguée a appelé les parties à participer au processus sans conditions préalables pour résoudre les questions en suspens qui retardent les élections.  « Le peuple libyen souffre de cette impasse politique. »  Près de six mois se sont écoulés depuis les inondations dévastatrices à Derna et la reconstruction est entravée par l’absence d’une approche unifiée et transparente, a encore regretté la déléguée en avertissant que les soins de santé et les services de base font défaut.  « L’impasse politique accentue les difficultés rencontrées par la société civile dans toute la Libye. » 

La représentante s’est dite préoccupée par le rétrécissement de l’espace civique, l’augmentation des violations des droits humains en particulier à l’égard des migrants et des réfugiés, ainsi que les restrictions croissantes à l’encontre des femmes.  De même, la représentante s’est inquiétée des informations selon lesquelles 11 bureaux provinciaux de la Haute Commission électorale nationale ont été contraints de suspendre les opérations dans le sud et l’est de la Libye au début du mois de février.  Elle a demandé aux responsables libyens d’apporter un soutien nécessaire pour faciliter les élections municipales, ce qui permettrait au peuple libyen d’exercer ses droits démocratiques.  Elle a conclu en exhortant les dirigeants libyens à s’engager de manière constructive avec le Représentant spécial pour qu’il s’acquitte de ses responsabilités envers le peuple libyen. 

Le représentant de la Slovénie a tout d’abord regretté que deux ans se soient écoulés depuis le report des élections en Libye.  Saluant néanmoins les conclusions de la MANUL selon lesquelles les lois électorales actualisées l’an dernier fournissent une base de travail pour organiser des élections, il a déploré l’absence de garantie pour une plus grande représentation des femmes, comme prévu initialement.  Dans ce contexte, il s’est alarmé de la détérioration de la situation sécuritaire, appelant les acteurs politiques libyens à donner la priorité aux aspirations du peuple et à participer de bonne foi aux efforts du Représentant spécial.  Le représentant a également estimé que le processus politique doit aller de pair avec des efforts de réconciliation nationale, avant de se féliciter qu’une conférence sur ce thème soit programmée en avril à Syrte. 

Enfin, après avoir exprimé sa solidarité à tous les Libyens frappés par les inondations tragiques de septembre dernier, il s’est dit préoccupé par la situation des droits humains dans le pays, en particulier en cette phase préélectorale.  Les attaques contre les défenseurs des droits humains, les militants des droits des femmes, les manifestants, les journalistes et les groupes de la société civile sont contraires aux efforts visant à créer un environnement propice à des élections libres et équitables, a-t-il affirmé.  Il a salué les engagements pris, lors d’une table ronde la semaine dernière, par les autorités libyennes, les représentants de la société civile et le Rapporteur spécial sur la liberté de réunion et d’association. 

Le représentant de la Fédération de Russie a reconnu que les perspectives de parvenir à un règlement durable de la crise libyenne ne sont malheureusement pas encore visibles.  « Il est évident que nous ne pouvons, à terme, nous passer d’un Gouvernement véritablement inclusif, réunissant les représentants de toutes les régions de l’ex-Jamahiriya.  Le statu quo dure depuis trop longtemps.  Les Libyens doivent avoir foi dans l’inviolabilité de leurs institutions étatiques », a déclaré le représentant.  Pour sa délégation, la seule issue à cette situation est d’organiser des élections nationales et, sur la base de leurs résultats, de créer des organes gouvernementaux unifiés et inclusifs.

Bien que l’an dernier, les membres de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État se soient mis d’accord sur des projets de loi sur les élections présidentielle et parlementaires, et que le 2 octobre, cette même Chambre des députés ait approuvé à l’unanimité ces projets de loi avec quelques amendements, la situation électorale n’a pas encore fait l’objet de développements supplémentaires, a noté le représentant.  Il a cependant observé qu’ignorer complètement ces évolutions serait contreproductif pour le processus politique libyen.  Aussi la Fédération de Russie espère-t-elle que, dans un avenir proche, les parties parviendront aux accords nécessaires, avec le soutien des médiateurs internationaux.

À cet égard, le représentant a dit suivre de près les travaux du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Bathily, pour promouvoir le processus politique libyen dans son ensemble: « Nous soulignons notre soutien de principe à vos efforts, Monsieur Bathily, pour trouver des moyens acceptables de sortir de l’impasse politique interne et donner une impulsion au dialogue politique ».  Le délégué a recommandé d’agir sans précipitation et d’éviter toute intrusion, arguant que les tentatives visant à imposer tel ou tel programme aux « poids lourds » libyens n’aboutissent pas au résultat escompté.

Sur la question de l’élimination de la présence militaire étrangère en Libye, le représentant a préconisé un retrait synchronisé, équilibré et progressif de tous les groupes armés et unités militaires non libyens, « sans exception ».  Il a ensuite exhorté le Conseil de sécurité à aborder les mesures de sanctions avec prudence, rappelant que la plupart avaient été adoptées pour protéger les Libyens de la violence, de la criminalité et des attaques contre les fonds nationaux, « et non à titre de punition ».  Elles ont dans l’intervalle largement perdu de leur pertinence et ne contribuent pas au processus de réunification, surtout si l’on tient compte de la dynamique croissante du processus de réconciliation nationale, a-t-il estimé en jugeant opportun maintenant de les reconsidérer.

Le représentant du Japon a appuyé l’initiative du Représentant spécial visant à réunir les principaux acteurs libyens.  C’est une étape essentielle afin de régler les questions en suspens en vue de la tenue d’élections tant attendues, a dit le délégué, en demandant un engagement constructif desdits acteurs.  Il s’est dit très préoccupé par la situation humanitaire et des droits humains en Libye, dans un contexte d’instabilité régionale, notamment au Soudan.  Il a demandé qu’une réponse soit apportée aux « conditions inhumaines » infligées aux migrants et aux demandeurs d’asile.  Enfin, il a signalé que son pays avait rouvert en janvier dernier son ambassade à Tripoli.

Le représentant de l’Équateur a prié les parties libyennes d’organiser les élections auxquelles aspire le peuple libyen pour mettre fin à la crise actuelle et pour assurer la stabilité du pays.  Il a salué le soutien régional apporté au processus politique en Libye comme l’illustre la réunion organisée le 5 février par la République du Congo.  Il a aussi encouragé les efforts de reconstruction dans l’est libyen après les inondations subies à Derna.  Il existe un cadre juridique et constitutionnel pour pouvoir organiser les élections, a rappelé le délégué qui a exhorté les parties libyennes à adhérer au processus politique facilité par l’ONU.  C’est, selon lui, la meilleure façon de parvenir à la stabilité et au contrôle du territoire.  Il a aussi souligné l’importance de la réforme du secteur de la sécurité avec la participation de la société civile, afin de pouvoir relever les défis sécuritaires.  Enfin, le représentant a demandé à améliorer la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, voulant que les trafiquants rendent des comptes. 

La représentante de la France a jugé urgent de mettre la Libye sur la voie d’élections législatives et présidentielle libres, transparentes et inclusives.  Elle a encouragé les acteurs institutionnels libyens à s’engager de bonne foi dans le dialogue, sous l’égide des Nations Unies, et à parvenir à un accord sur la formation d’un nouveau gouvernement unifié.  C’est aujourd’hui la condition manquante pour organiser les scrutins, a rappelé la représentante, en réitérant la disponibilité de son pays à faciliter ce dialogue interlibyen, comme il l’a fait depuis 2017, en coordination étroite avec les partenaires régionaux et internationaux. 

Le statu quo n’est pas dans l’intérêt des Libyens, et le vide politique renforce les milices et les ingérences étrangères et alimente l’instabilité dans le pays et l’ensemble de la région, a prévenu la déléguée.  À cet égard, l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020 doit être pleinement mis en œuvre.  Elle a ensuite appelé l’ensemble des combattants étrangers, des forces étrangères et des mercenaires à se retirer du territoire libyen, conformément aux résolutions du Conseil.  La France continuera d’appuyer les efforts des acteurs libyens en vue d’une réunification de l’armée libyenne, sous l’égide de la Commission militaire conjointe 5+5 et des deux chefs d’état-major, a assuré la représentante. 

Le représentant du Mozambique, au nom des membres africains du Conseil de sécurité plus un (A3+1 - Algérie, Guyana, Mozambique, Sierra Leone), a estimé que la tenue des élections est le seul moyen de doter le pays d’institutions stables et de lui assurer un avenir de paix.  Il a appelé les parties à surmonter leurs divergences quant à la mise en œuvre des lois électorales, sur la base d’un consensus national, sans ingérence extérieure.  De même, il a demandé un engagement constructif des acteurs au processus appuyé par le Représentant spécial.  Il s’est félicité du maintien du cessez-le-feu, avant de souligner l’urgence de procéder au retrait de tous les combattants étrangers du pays.  Un tel retrait doit se faire en coopération étroite avec les pays voisins, afin d’éviter toute exportation du conflit.  Il a demandé une amélioration du sort des migrants et des réfugiés en Libye.  Enfin, il a appelé le Conseil à répondre aux préoccupations des autorités libyennes sur le gel des avoirs à l’étranger. 

Le représentant de la Chine a salué les efforts du Représentant spécial pour promouvoir le dialogue avec les parties libyennes et soutenir le processus politique interne en vue de l’organisation d’élections.  Seule une solution conduite par les Libyens eux-mêmes pourra mener à la paix, a-t-il affirmé, invitant la communauté internationale à éviter d’imposer des solutions externes.  Saluant la tenue prochaine d’une réunion sur la réconciliation nationale, le représentant a souhaité que la Libye profite de l’expérience en la matière de l’Union africaine et que la voie diplomatique appuie le processus politique.  Il s’est toutefois déclaré inquiet de la situation sécuritaire du pays, appelant à tout faire pour empêcher celui-ci de retomber dans le chaos.  Pour cela, les parties doivent respecter le cessez-le-feu et mettre en œuvre les conclusions de la Commission militaire conjointe 5+5, a-t-il dit, avant de plaider pour un retrait sans délai des forces étrangères présentes en Libye et un soutien à l’économie libyenne.  À cet égard, le représentant s’est félicité de la réouverture des marchés et de la reprise de la production pétrolière, demandant qu’une aide soit apportée au pays pour reconstruire les régions sinistrées par les inondations de septembre dernier.  Enfin, s’agissant des avoirs libyens gelés, il a souhaité que la communauté internationale réponde aux exigences légitimes de la Libye. 

Le représentant de la République de Corée a regretté que les élections prévues depuis deux ans n’aient toujours pas eu lieu et a dénoncé l’incapacité des acteurs politiques libyens à former un gouvernement unifié.  Cette incapacité pose problème, comme l’a montré l’incapacité à mener la reconstruction à Derna, a-t-il observé.  Il a fait remarquer qu’elle affecte aussi la gestion des ressources naturelles de Libye.  Le représentant a exhorté les responsables politiques libyens à agir pour l’intérêt des Libyens, soulignant que les élections sont la seule solution au problème de la Libye.  Les parties doivent répondre à la proposition du Représentant spécial sur la voie à suivre, a-t-il souhaité en insistant sur la nécessité d’établir un calendrier électoral et de parvenir à la réconciliation nationale. 

Notant que la sécurité reste précaire dans le pays, le représentant a exhorté à préserver le cessez-le-feu, à faciliter le retrait des combattants étrangers et à respecter l’embargo sur les armes.  Il a également souligné l’importance de la justice et de la reddition de comptes, saluant à cet égard la tenue prochaine de la conférence nationale de réconciliation.  Préoccupé toutefois par le rétrécissement de l’espace civique en Libye, le représentant a appelé à respecter le droit international humanitaire et les droits humains.  Il faut déployer tous les efforts nécessaires pour comprendre les problèmes de migration dans la région, a-t-il dit en conclusion.

La représentante de Malte a jugé crucial que la communauté internationale redouble d’efforts visant à faire progresser le processus politique en Libye, même si la responsabilité ultime à cet égard incombe aux principales parties prenantes libyennes.  La déléguée a ensuite mis en garde contre les menaces structurelles pesant sur la sécurité de la Libye, notamment l’environnement politique délétère.  « Nous rappelons à toutes les parties leurs obligations en vertu du droit international d’assurer la protection des civils et de protéger leurs droits humains. »  Le respect intégral de l’embargo sur les armes et du régime de sanctions est essentiel, a ajouté la représentante, pour qui le gel des avoirs est dans l’intérêt de la Libye et de son peuple.  Elle a estimé à cet égard que les fonds libyens détenus à l’étranger devraient continuer à être identifiés, gelés et déclarés en vue d’un éventuel rapatriement. 

La représentante a enfin dit craindre que l’incertitude politique en Libye n’ait un impact sur les efforts de reconstruction et de redressement nécessaires à la suite des inondations catastrophiques de septembre dernier dans l’est de la Libye.  Tous les acteurs libyens doivent mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport d’évaluation rapide des dégâts et des besoins rendu public le mois dernier, a-t-elle exhorté.  Selon la déléguée, le moyen le plus efficace d’y parvenir consiste à coordonner les efforts en cours dans le cadre d’un mécanisme transparent, central et national.

La représentante de la Suisse a appelé les acteurs libyens à participer de bonne foi et sans préconditions aux bons offices du Représentant spécial afin de permettre l’organisation d’élections libres, équitables, transparentes et inclusives.  Les autorités libyennes et les autres acteurs concernés doivent impérativement respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme, particulièrement la Convention relative aux droits des enfants, a-t-elle réclamé.  « Il est urgent de mettre fin à la détention des enfants et d’autoriser l’accès aux organismes de surveillance, y inclus les Nations Unies, et aux acteurs humanitaires à tous les centres de rétention. »  Enfin, la déléguée a fait remarquer que le conflit prolongé et la division politique avaient rendu la Libye plus vulnérable à l’impact humanitaire des catastrophes naturelles, qui sont exacerbées par les changements climatiques. 

Le représentant des États-Unis a affirmé la détermination de son pays à aider la Libye à appliquer l’embargo sur les armes, à améliorer sa gouvernance et à organiser des élections libres et régulières.  Il s’est cependant déclaré alarmé par les activités des groupes armés qui opèrent en tout impunité sur le sol libyen et ont une influence sur le processus politique.  Il a également condamné les violations des droits humains que commettent ces groupes, qui entraînent des déplacements massifs de civils.  Dans ce contexte, il a enjoint le Groupe d’experts à poursuivre ses enquêtes et à identifier les individus qui méritent de figurer sur la liste de sanctions. Le représentant a par ailleurs félicité la Commission militaire conjointe 5+5 pour ses efforts visant à mettre en œuvre l’accord de cessez-le-feu, à permettre le départ des combattants étrangers et à promouvoir le désarmement, la démobilisation et la réintégration.  À ses yeux, une réunification militaire permettrait à la Libye de réduire la criminalité, de sécuriser ses frontières et d’éviter un embrasement régional. 

Il est aussi urgent, selon le représentant, que les dirigeants libyens mettent en place un système équitable et transparent de distribution des recettes pétrolifères.  À cet égard, il a dénoncé l’utilisation de ces recettes pour des affaires personnelles, notamment les cas d’exportations illicites de produits pétroliers.  Il a ensuite remercié l’Union africaine pour son suivi de la situation et l’Union européenne pour ses efforts destinés à empêcher la contrebande et la piraterie au large des côtes libyennes.  Le représentant a néanmoins exprimé sa préoccupation face aux violations croissantes de l’embargo sur les armes.  Il a ajouté qu’au niveau régional, les États-Unis suivent de près la situation au Niger, au Tchad, au Soudan et au Mali, y compris les déplacements de combattants étrangers, comme ceux du Groupe Wagner dont les activités criminelles font fi de la souveraineté de la Libye et de ses voisins.  Il a enfin indiqué que son pays a pris note de l’avertissement lancé par le Haut-Commissaire pour les réfugiés, selon lequel un nouvel afflux de demandeurs d’asile et de migrants vers l’Europe, via la Libye et la Tunisie, est à prévoir si le conflit au Soudan persiste.  Il a appelé à venir en aide à ces personnes, comme le demande le Secrétaire général dans son dernier rapport. 

Le représentant de la Libye a déclaré que le Comité des sanctions ne doit pas être un instrument dirigé contre les Libyens, l’appelant à donner suite à la demande de la Libye de rayer de la liste certains individus ou entités et de protéger les richesses du pays.  Il a déploré l’absence d’avancées sur la voie du processus politique et a affirmé que le dialogue politique entre les parties s’apparente à un cercle vicieux, sans initiatives sérieuses à l’horizon.  Pendant ce temps, les Libyens continuent d’attendre une sortie de l’impasse et la tenue d’élections.

Le délégué a souligné que le rôle de la MANUL est d’appuyer les dirigeants libyens dans leur recherche de solutions et de trouver des initiatives viables, réalistes et susceptibles de mettre un terme à la crise.  Les Libyens sont fatigués des interventions étrangères, des analyses, des exposés et des déclarations qui n’apportent rien de nouveau, a-t-il ajouté.  Il a salué les efforts de l’Union africaine pour restaurer la confiance des Libyens envers un contrat national capable de servir de base pour soutenir les autres processus, qu’ils soient politiques, économiques ou liés à la sécurité.  Il a demandé le concours du Conseil à ces efforts qui, a-t-il estimé, pourraient constituer un élément de base pour unifier les Libyens autour de la tenue d’élections générales.  Il a également appelé le Conseil à appuyer les appels à la tenue d’une conférence de réconciliation nationale en avril.

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