À l’occasion de son débat annuel sur le droit de la mer, l’Assemblée générale se fait l’écho d’inquiétudes sur le différend territorial en mer de Chine méridionale
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L’Assemblée générale a, ce matin, entendu une vingtaine de délégations s’exprimer sur le droit de la mer qui ont apporté leur soutien aux deux jalons juridiques que sont l’Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (Accord « BBNJ ») et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dans le contexte du trentième anniversaire de son adoption. Certains États Membres ont aussi manifesté leurs inquiétudes face aux « revendications territoriales excessives » de la Chine en mer de Chine méridionale, accusation rejetée par cette délégation qui a blâmé une ingérence extérieure pour semer la division.
« Historique », « prometteur », « un tournant », une « réalisation fondamentale du système international fondé sur des règles »: les délégations n’ont pas manqué de qualificatifs pour caractériser l’Accord « BBNJ » qui, après huit ans de négociations, soutient directement la mise en œuvre des objectifs mondiaux pour la biodiversité dans l’espace marin. Au point qu’il pourra aider à la mise en œuvre du Traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, s’est félicité le Canada. Cette délégation s’est engagée aujourd’hui à conserver et gérer efficacement 30% de ses terres et de ses eaux d’ici à 2030, ayant déjà réussi à le faire pour plus de 15%.
L’Accord « BBNJ » règlemente la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Ses dispositions permettront notamment d’assurer une gouvernance inclusive de l’océan, de promouvoir la recherche scientifique, de garantir une répartition équitable des bénéfices issus des activités relatives à l’utilisation des ressources génétiques marines, et d’accroître la création d’outils de gestion par zone, y compris d’aires marines protégées en haute mer, se sont réjouis le Royaume-Uni et Monaco.
L’Union européenne (UE), de même que les Tonga, qui s’exprimaient au nom des 18 États membres du Forum des îles du Pacifique, « gardiens de près de 20% de la surface de la planète », ont encouragé ceux qui ne l’ont pas encore fait à ratifier à l’Accord « BBNJ » au plus vite. Une fois l’Accord entré en vigueur, des décisions importantes devront être prises lors de la première Conférence des États parties, a alors espéré la délégation tongane. La décision de l’Assemblée générale de convoquer, du 14 au 25 avril et du 18 au 29 août 2025, les première et deuxième sessions de la Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord « BBNJ » contribueront au succès attendu, s’est réjouie la délégation européenne.
L’Accord « BBNJ », un instrument juridiquement contraignant adopté par l’Assemblée générale le 19 juin 2023, est ouvert à signature depuis le 20 septembre de la même année. À ce jour, 105 États l’ont signé et 15 l’ont ratifié, marquant ainsi une « dynamique positive » qu’il s’agit maintenant d’encourager afin de parvenir aux 60 ratifications supplémentaires nécessaires pour son entrée en vigueur effective et donc sa pleine mise en œuvre.
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer a également été célébrée par les États Membres ayant pris la parole aujourd’hui, qui l’ont décrite comme la « Constitution des océans ». C’est ce « document central » qui doit permettre que toutes les revendications maritimes soient réglées, sans contraintes, ni harcèlement, a rappelé l’Australie. Cette délégation en a profité pour dénoncer le « comportement agressif » de « certains États » en mer de Chine méridionale. Toute revendication fournie au-delà des droits consacrés par la Convention est nulle et non avenue, ont martelé les Philippines, rejointes par le Japon, qui se sont alarmées de ces prétentions.
Les États-Unis ont pointé du doigt la Chine, dont les « revendications territoriales excessives » ne sont pas fondées. Les lignes de bases déposées par la Chine auprès du Secrétaire général constituent une violation de la Convention, ont accusé les Philippines, refusant toutefois que la mer de Chine méridionale devienne l’objet de rivalités géostratégiques entre grandes puissances, au mépris de la Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux. Réagissant à ce qu’elle a qualifié d’« arguments fallacieux », la délégation chinoise a retorqué que la Convention n’était pas la seule source du droit maritime. D’autres traités, de même que le droit international coutumier, devaient être pris en compte, notamment pour déterminer l’étendue des zones maritimes et encadrer les activités en mer.
Alors que le sentence arbitrale « définitive » du Tribunal international du droit de la mer en date du 12 juillet 2016 sur la mer de Chine méridionale a été invoquée par certains États Membres, la délégation chinoise a estimé que cette sentence arbitrale « viole le principe de consentement des parties », ce qui la rend « arbitraire, nulle et non avenue ». En outre, l’Assemblée générale n’est pas l’enceinte idoine pour aborder ces questions, a soutenu la Chine, pour qui ce différend ne doit pas être instrumentalisé pour semer la division. Cette question sera réglée par le dialogue et la concertation, a affirmé la délégation. La Commission des limites du plateau continental ne devrait pas intervenir tant que ce différend ne sera pas réglé, comme le rappelle l’Annexe I de son règlement intérieur, a considéré le Pakistan.
Les délégations ont également évoqué la dégradation de la santé des océans, les liens entre changements climatiques, perte de biodiversité, pollution et réchauffement des océans. Défis auxquels s’ajoutent la surpêche, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (PNN), la pollution par les plastiques et les microplastiques, les nutriments excessifs et les bruits sous-marins d’origine anthropique. Il est impératif de les relever, a suggéré l’UE, dans le cadre des efforts plus vastes pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, en particulier l’Objectif de conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable (ODD no 14). Cette délégation s’est félicitée de la tenue en juin 2015 de la troisième Conférence sur les océans, qui sera organisée conjointement par la France et le Costa Rica. « Nous devons nous efforcer d’obtenir des résultats concrets. Le bien-être des générations futures en dépend », a-t-elle conclu.
L’Assemblée générale achèvera son débat sur le droit de la mer le jeudi 12 décembre à 10 heures.
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