La Commission de la condition de la femme débat de la participation et du leadership des femmes face à la COVID-19
La Commission de la condition de la femme a débattu, ce matin, de la participation et du leadership des femmes en matière de riposte à la COVID-19 et de relèvement. Au cours d’un dialogue interactif virtuel consacré à ce thème, la très faible implication des femmes dans la riposte et le relèvement liés à la COVID-19 a préoccupé États Membres et panélistes qui ont souligné à maintes reprises que les femmes payent un lourd tribut à la pandémie.
Le manque de représentation des femmes aux postes de prise de décisions dans le domaine de la santé, y compris dans la réponse face à la COVID-19, a été jugé d’autant plus déplorable qu’elles représentent 90% des infirmiers et 70% du personnel médical dans son ensemble. Or elles n’occupent que 20% des postes de prise de décisions dans le domaine de la santé, a décrié le Conseil international des infirmières.
Pourtant, quand elles avaient leur mot à dire, les femmes qui sont chefs d’État et de gouvernement ont réagi plus vite et plus efficacement que leurs homologues masculins à la COVID-19, y compris au niveau des gouvernements locaux, a constaté Mme Jennifer Piscopo de l’Occidental College de Los Angeles.
De nombreuses délégations ont en outre souligné qu’en plus d’être en première ligne dans la lutte contre la COVID-19, les femmes sont les premières victimes de violences pendant la pandémie et ploient sous le poids des tâches domestiques qui se sont multipliées du fait du confinement. Le peu d’attention accordé aux femmes dans la couverture médiatique de la pandémie a également été critiqué. Une panéliste a par ailleurs jugé surprenant que les décideurs n’aient pas pris de mesures pour protéger davantage les femmes durant la COVID-19, alors même que des études sur l’impact des pandémies sur les femmes ont été menées depuis fort longtemps.
Les délégations ont ensuite poursuivi, toujours par visioconférence, la discussion générale sur le thème prioritaire de cette session qui est consacré à la participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique et à l’élimination de la violence. À cette occasion, les intervenants ont souligné une fois de plus que la « pandémie de l’ombre » a renforcé les inégalités entre femmes et hommes et mis en péril les acquis de longue date en matière de droits des femmes.
La Commission de la condition de la femme poursuivra ses travaux demain, vendredi 19 mars, à partir de 9 heures.
Suite donnée à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et à la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle »
Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives (E/CN.6/2021/3, E/CN.6/2021/4, E/CN.6/2021/5)
Thème prioritaire: participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique et élimination de la violence, en vue d’atteindre l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles
Dialogue interactif sur le thème « Reconstruire en mieux – participation et leadership des femmes en matière de riposte à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et de relèvement »
La pandémie a eu des répercussions disproportionnées sur l’égalité des sexes, a d’emblée relevé Mme MARIA VAN KERKHOVE, Chef de l’équipe technique de réponse à la COVID-19 de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et modératrice du dialogue. Elle a déploré le fait que les femmes soient peu impliquées à des postes de prise de décisions dans le domaine de la santé, y compris dans la réponse face à la COVID-19, alors même qu’elles représentent 70% du personnel médical.
En effet, bien que les femmes assument beaucoup de tâches, elles restent sous-représentées dans la gestion de la COVID-19, a confirmé Mme MÜGE KÖKTEN FINKEL, Codirectrice du laboratoire de recherche sur les inégalités de genre à l’Université de Pittsburg, aux États-Unis. Elle a indiqué que certains pays avaient des équipes de réponse à la COVID-19 dans lesquelles on ne comptait aucune femme. Pour rectifier le tir, un rapport circonstancié, contenant des propositions, sera publié au cours de l’année par l’Université de Pittsburg et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
Mme NYARADZAYI GUMBONZVANDA, fondatrice et Directrice de Rozaria Memorial Trust, au Zimbabwe, a demandé des financements pour les organisations de femmes. De même, ces dernières doivent pouvoir mobiliser leurs propres ressources, par exemple en négociant directement avec les institutions financières internationales, a-t-elle estimé.
Mme LUBA KASSOVA, cofondatrice et Directrice de Addy Kassova Audience Strategy Ltd (AKAS), un cabinet de conseil qui aide les organisations à mieux atteindre leurs audiences, a déploré le fait que dans la couverture de la pandémie, les médias parlent peu des femmes qui vivent dans le désarroi après la perte de leurs proches. Même pour les femmes travaillant dans les médias, il est ardu de pouvoir rencontrer des experts de la COVID-19 de sexe féminin. Par conséquent, les hommes qui en parlent ne tiennent pas compte des perspectives des femmes. Il est aussi à noter que les chefs de médias sont très souvent des hommes, une réalité que Mme Kassova a appelé à changer en améliorant l’implication des femmes dans les médias. De même, la presse doit lutter contre ces discours négatifs et sexistes affectant les femmes, et veiller à leur donner davantage la parole.
Les femmes dirigeantes ont réagi plus vite et plus efficacement que leurs homologues masculins à la COVID-19, y compris au niveau des gouvernements locaux, a constaté de son côté Mme JENNIFER M. PISCOPO, professeur de sciences politiques l’Occidental College de Los Angeles, aux États-Unis. Ces dirigeantes prennent des mesures plus efficaces car elles ont dû surmonter tant d’obstacles pour accéder au pouvoir qu’elles savent comment les éviter pour d’autres femmes, a—t-elle justifié.
Mme LINA ABOU-HABIB, Directrice par intérim de l’Asfari Institute for Civil Society and Citizenship de l’Université américaine de Beyrouth, a quant à elle relevé que des études menées depuis fort longtemps démontrent l’impact et les conséquences néfastes d’une pandémie sur les femmes. Il est donc curieux de constater que les décideurs se disent surpris par ces conséquences, a—t-elle indiqué, avant de souhaiter que les ressources soient orientées vers les personnes ayant le plus de vulnérabilités.
Lors du dialogue interactif qui a suivi les interventions des panélistes, les intervenants ont pour la plupart brossé un tableau peu reluisant de l’implication des femmes dans la riposte et le relèvement liés à la COVID-19. C’est ainsi que le Mexique a rappelé que ce sont surtout les femmes qui sont en première ligne dans la lutte contre la COVID-19, et malheureusement, elles sont également les premières victimes de violence pendant la pandémie. Le Danemark a déploré le fait que le personnel soignant, constitué en majorité de femmes, ne reçoive pas des salaires décents. Cette situation est d’autant plus dommageable que pendant la pandémie, c’est bien ce personnel qui risque sa vie pour préserver la vie d’autrui. De même, la délégation a souligné que ce sont les femmes qui ploient sous le poids des tâches domestiques qui se sont multipliées du fait du confinement.
Le Conseil international des infirmières a également insisté sur la parité des sexes dans la prise en charge des patients. Pour cette organisation de plus de 130 associations nationales et représentant plus de 27 millions d’infirmières et d’infirmiers dans le monde, il est important de rappeler que 90% des infirmiers sont des femmes, et elles sont au premier plan de la lutte contre la COVID-19. Malgré cette majorité, elles n’occupent que 20% des postes de prise de décisions dans le domaine de la santé.
Il est tout aussi important, en ces temps de pandémie, de tenir compte des besoins spécifiques des personnes vivant avec le VIH, des transsexuels et des travailleuses du sexe, a plaidé l’International Planned Parenthood Federation. Celle-ci a notamment insisté pour que les trousses d’aide destinées aux adolescentes et femmes contiennent des articles pour leur hygiène. L’ONG Équilibre et population a, pour sa part, indiqué avoir mené des études en Afrique de l’Ouest afin de faire ressortir les problèmes d’inégalité entre les sexes pendant la pandémie. Les résultats ont été transmis aux gouvernements concernés.
Dans le même temps, certains orateurs ont noté des exemples de bonnes pratiques et de politiques et programmes sensibles au genre dans la réponse et le relèvement relatifs à la COVID-19. Au Chili par exemple, les autorités ont pris des mesures afin de soutenir les femmes qui sont plus affectées que les hommes par la pandémie. Il en est de même aux Philippines où des programmes d’assistance sociale en faveur des femmes ont été établis. Même son de cloche du côté de l’Espagne qui a mis sur pied un bouclier social afin de protéger les plus vulnérables, y compris les familles monoparentales en majorité dirigées par les femmes.
Les organisations de femmes doivent être insérées dans les processus de paix et recevoir une attention particulière des institutions de développement, a suggéré la Norvège. En effet, il faut investir dans les communautés afin de renforcer la résilience des femmes, a déclaré The Hunger Project. L’organisation a insisté pour que les programmes ciblant les femmes rurales des pays en développement soient menés dans les langues locales. Pour sa part, le Royaume-Uni a insisté sur l’inclusion des femmes âgées dans la réflexion sur le relèvement post-COVID-19. Il faut, par exemple, leur assurer des formations qui leur permettront de mieux utiliser les technologies numériques. C’est déjà le cas au Panama qui a mis en place des programmes pour réduire la fracture numérique liée au sexe pendant la pandémie. Les Émirats arabes unis ont également accéléré les innovations technologiques pendant la pandémie.
De son côté, le Japon a dit avoir établi un nouveau plan quinquennal pour l’égalité des sexes, afin de pouvoir reconstruire en mieux dans une société plus égalitaire. D’ailleurs, le pays a tiré des leçons du tsunami de 2011, lorsque l’importance d’une réponse sexospécifique avait été constatée. Cette approche a donc été appliquée à la riposte à la COVID-19. En Ouganda, c’est un comité de lutte contre la violence à l’encontre des femmes et des enfants qui a été établi face aux chiffres alarmants liés à la pandémie. Le Gouvernement entend également s’assurer que les filles devenues enceintes pendant la pandémie puissent reprendre le chemin de l’école. Tandis que l’Argentine a intégré les femmes victimes de violences dans les programmes d’assistance du Gouvernement, la Chine a, de son côté, amélioré sa législation concernant la lutte contre la violence sexuelle et sexiste.
La Tunisie a elle aussi mis en avant le rôle des femmes pendant la pandémie. C’est d’ailleurs pour cela que ce sont des Tunisiennes du corps médical qui ont été les premières à recevoir le vaccin le 13 mars dernier. En Géorgie, les autorités s’évertuent à faire respecter l’égalité salariale, alors que l’Arabie saoudite a averti que sans des femmes à la prise de décisions, le monde ne pourra pas se relever avec succès après la COVID-19. Cuba a rappelé que la discrimination liée au sexe est proscrite dans le pays. Le Gouvernement n’a donc pas eu besoin de prendre des mesures particulières liées aux femmes en réponse à la pandémie.
Suite de la discussion générale
Alors que la COVID-19 domine l’actualité depuis plus d’un an déjà, et que s’aggravent les pressions économiques et sociales sous toutes leurs formes, on assiste à une explosion des violences faites aux femmes et aux filles qui payent un lourd tribut à cette pandémie. Cette « pandémie de l’ombre » a renforcé les inégalités entre femmes et hommes et a mis en péril les acquis de longue date en matière de droits des femmes. Tel est le constat largement partagé par les délégations lors de la reprise de la discussion générale de la Commission.
C’est un relèvement transformateur en matière de genre qui est impératif pour éviter un retour de bâton en termes de droits des femmes, a résumé la Ministre du travail, de la famille, des affaires sociales et de l’égalité des chances de la Slovénie. Mais, si les femmes et les filles ont été disproportionnellement affectées par la COVID-19 et ses conséquences multiples, elles seront aussi le moteur de la relance, a affirmé la Ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances de la France.
Concrètement, cela signifie que pour atteindre l’égalité entre les sexes, les mesures prises pour éradiquer les violences sexistes doivent être menées de concert avec celles qui garantissent aux femmes une place à part entière dans la prise de décisions. Elles doivent être au cœur des efforts de relève postpandémie, a martelé la Ministre de l’égalité entre les sexes de la Suède, qui s’est dite fière de faire partie d’un « gouvernement féministe » qui veille à ce que la perspective d’égalité entre les sexes soit au cœur de toutes les politiques et décisions. Elle a toutefois concédé qu’il fallait du temps pour parvenir à une représentation pleine et entière des femmes dans la vie publique, et que l’égalité entre les sexes n’est pas un processus linéaire.
Pourtant, au XXIe siècle, le leadership politique et économique ne doit plus être une affaire d’hommes! s’est indignée la Ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes du Luxembourg, pour laquelle il est à la fois incompréhensible et intolérable d’en exclure la moitié de la population, la moitié des talents et des compétences. C’est d’autant plus grave, a renchéri la Première Ministre des Pays-Bas, que la sous-représentation des femmes dans les processus de prise de décisions et dans la sphère publique font que leurs voix ne sont pas entendues.
Pour surmonter cet obstacle, la Vice-Première Ministre de la Belgique a plaidé pour l’élimination des lois et stéréotypes structurels qui perpétuent la discrimination à l’égard des femmes et de la violence sexiste hors ligne et en ligne. Avec la Norvège et la Finlande, elle a insisté pour que l’égalité de genre soit garantie dans les domaines de la santé, y compris sexuelle et reproductive, de la garde et de l’éducation des enfants, et dans l’emploi. Pour la Belgique, il est d’ailleurs incompréhensible que le droit à la santé sexuelle et reproductive soit toujours un sujet polémique.
Mais tant que les parlements resteront dominés par les hommes, les progrès tarderont, a mis en garde la Première Ministre de l’Islande. Pour que les femmes prennent la place qui leur revient sur le marché du travail et dans la société, il faut, selon elle, mettre fin aux inégalités structurelles et adopter des lois pour combler le fossé salarial, accorder des congés parentaux et protéger les droits des femmes, entre autres. « Mais pour cela, il faut plus de femmes en politique », a-t-elle martelé.
La Colombie, la République islamique d’Iran, l’Afghanistan, l’Égypte, l’Ukraine, la Croatie, l’Algérie et d’autres pays ont passé en revue les mesures prises en faveurs de l’égalité des chances, de la parité et de la représentation des femmes dans la vie publique. Beaucoup d’entre eux pouvaient notamment se targuer d’une représentation significative de femmes aux mannes du pouvoir, que ce soit dans les gouvernements, les parlements, les tribunaux ou à la tête de la Cour suprême et de la Banque centrale. La Serbie est même devenue pionnière de l’intégration de la perspective de genre dans la budgétisation.
C’est précisément l’approche que recommande la France qui lutte pour que l’égalité soit intégrée dans toutes les problématiques: développement durable, paix et sécurité, défense et promotion des droits fondamentaux, enjeux climatiques et économiques. Elle le fait en interne, mais aussi en externe par sa diplomatie « féministe », a expliqué la Ministre. « Heureusement nous ne sommes pas seuls. Vous êtes toutes et tous actrices et acteurs de ce nouvel ordre mondial, dont le Forum Génération Égalité, le plus grand rassemblement féministe mondial depuis 25 ans, marque une étape clef », s’est-elle réjouie.
Le projet de société que ce Forum promeut, où les femmes seront en mesure de décider pour elles-mêmes et libres de toute violence, ne peut pas se fonder que sur des discours, a fait valoir la Ministre. Ce sera l’occasion de réaffirmer les priorités de la communauté internationale par l’adoption d’un ensemble d’engagements et d’actions ambitieux, tournés vers l’avenir, assortis d’un financement spécifique, dans le cadre des six coalitions d’action qui constituent les axes indispensables à l’autonomisation réelle des femmes.
L’égalité entre les femmes et les hommes dépasse la diplomatie: c’est le pilier de nos sociétés, a conclu la France. Les femmes, a souligné la Serbie, ne sont pas une menace, mais des membres à part entière de toutes nos sociétés avec un énorme potentiel. La Ministre du Luxembourg a par ailleurs annoncé que son pays a fait de l’égalité des genres la pierre angulaire de sa candidature au Conseil des droits de l’homme pour la période 2022-2024.