En cours au Siège de l'ONU

L’Assemblée générale adopte trois résolutions dont une sur la proclamation du 21 juin comme « Journée internationale de la célébration du solstice »

Soixante-treizième session,
91e séance plénière – matin
AG/12154

L’Assemblée générale adopte trois résolutions dont une sur la proclamation du 21 juin comme « Journée internationale de la célébration du solstice »

Les peuples autochtones pratiquant divers rituels et cérémonies solaires, notamment pour célébrer la nouvelle année, le 21 juin, l’Assemblée générale a décidé aujourd’hui de proclamer cette date, « Journée internationale de la célébration du solstice ».  L’Assemblée a également décidé d’organiser deux manifestations de haut niveau pour le trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant et inscrit à l’ordre du jour de sa prochaine session la question intitulée « Exploitation et atteintes sexuelles: application d’une politique de tolérance zéro. »

Dans la résolution* sur la Journée internationale de la célébration du solstice, l’Assemblée engage les États Membres à s’efforcer de faire connaître la célébration du solstice dans ses différentes manifestations, notamment l’Inti Raymi, le We Tripantu, le Willkakuti et le Yasitata Guasú, et à organiser des événements annuels pour, le cas échant, commémorer ces célébrations.

À l’origine de la résolution, la Bolivie a rappelé que demain, des millions de personnes, dont celles de culture précolombienne, vont célébrer le début du nouvel an andin-amazonique.  Les solstices, a-t-elle souligné, sont d’une grande importance pour les peuples autochtones qui y voient le symbole de la fertilité de leurs terres.  Les célébrations du nouvel an andin sont une expression de notre héritage culturel, a confirmé le Pérou qui a expliqué que l’Inti Raymi est célébré par les Incas pour marquer le début d’une nouvelle saison.  C’est la manifestation culturelle la plus importante pour les peuples autochtones, en particulier à Cuzco, l’ancienne capitale andine, vers laquelle affluent, à cette occasion, des milliers de touristes.

L’Équateur s’est aussi félicité de l’adoption d’un texte qui marque un nouveau jalon dans la reconnaissance des droits des peuples autochtones et qui devrait permettre de faire progresser le dialogue interculturel.  L’Équateur a insisté sur la dimension spirituelle certaine de l’Inti Raymi, le début d’un nouveau commencement avec la récolte des premiers graminées, un moment sacré pour les autochtones qui célèbrent cette fête avec musique et danse dans un esprit communautaire.  Pour l’Équateur, qui a déjà déployé de nombreux efforts pour inscrire des traditions autochtones dans le patrimoine immatériel national, la célébration du solstice permettra de renforcer la protection des droits culturels des peuples autochtones.

Le solstice d’hiver, a renchéri le Chili, marquera la journée la plus courte dans l’hémisphère Sud, le début de l’hiver et le rapprochement avec le soleil.  Il s’est d’ailleurs enorgueilli d’être devenu une référence dans le domaine de l’astronomie et a signalé que l’éclipse totale du soleil, visible le mois prochain dans le nord, donnera de coup d’envoi de la « saison des éclipses ».

La contribution des Maya à l’astronomie, mais aussi aux mathématiques, a été mise en avant par le Guatemala.  Ce sont les Maya qui ont inventé le calendrier qui marque les deux solstices et définissent les cycles des récoltes et des célébrations.  Leur vision cyclique de la vie reconnaît le lien entre humanité, nature et spiritualité.  Le Guatemala s’est félicité que cette vision soit toujours vivace chez lui puisqu’elle est importante pour la réalisation des objectifs de développement durable.

Lassés de la multiplication des journées internationales, les États-Unis ont tenu à rappeler le caractère non contraignant de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle et de celle sur les droits des peuples autochtones.  Nous ne reconnaissons, ont-ils dit, ni la création de nouveaux droits, ni l’élargissement de certains droits et encore moins l’amendement du droit coutumier.  Ils ont insisté sur le fait que les coûts des évènements prévus au paragraphe 3 de la résolution doivent être couverts par des contributions volontaires.

Toujours aujourd’hui, l’Assemblée générale a décidé** d’organiser le 25 septembre 2019, une manifestation de haut niveau et de convoquer, le 20 novembre, une réunion de haut niveau qui comprendra notamment un débat interactif auquel des enfants participeront « activement ».

Enfin, l’Assemblée entend inscrire*** à l’ordre du jour de sa prochaine session la question intitulée « Exploitation et atteintes sexuelles: application d’une politique de tolérance zéro. »  Elle prie le Secrétaire général de continuer à lui présenter chaque année un rapport sur les dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles, y compris sur les progrès accomplis dans l’application d’une politique de tolérance zéro à l’échelle du système des Nations Unies.

À l’origine du texte, l’Égypte s’est en effet inquiétée de la multiplication de cas d’abus perpétrés par des troupes non onusiennes dans les opérations de maintien de la paix.  Un travail continu s’impose pour prévenir ces crimes, a-t-elle estimé, en insistant sur la constitution de fonds à l’intention des victimes.  Les problèmes qui menacent ces opérations méritent toute l’attention des États Membres, ont confirmé les Philippines, qui ont pointé le risque d’éroder la confiance des peuples que l’ONU est censée protéger.  Les Philippines ont appelé à des mesures agressives, à des systèmes efficaces d’échange d’informations et à des initiatives novatrices pour renforcer les capacités dans la lutte contre la culture d’impunité.  « Un cas d’abus est un cas de trop et une tâche sur l’ONU. »

Également outrée, l’Argentine a plaidé pour que l’on fournisse à l’ONU les moyens de prévenir et de punir ces actes.  Il faut poursuivre la stratégie de 2017 du Secrétaire général visant à améliorer le dispositif de prévention et de répression de l’exploitation et des atteintes sexuelles à l’échelle du système des Nations Unies.  Chez nous, a expliqué l’Uruguay, grand contributeur de troupes aux opérations de l’ONU, chaque soldat suit une formation sur les droits de la personne, la prévention de l’exploitation sexuelle et la protection de l’enfance.  Chaque soldat doit prêter serment et accepter que les frais de rapatriement en cas d’infraction soient prélevés sur sa solde.  À l’ONU, a-t-il estimé malgré les progrès, il reste encore beaucoup de progrès à faire, en particulier sur l’aide aux victimes et sur les réparations.  Les coupables de ces « actes inexcusables » doivent répondre de leurs actes, ont pressé les États-Unis.  C’est l’absence de responsabilité qui sape la légitimité de l’ONU.

*A/73/L.92
**A/73/L.93
***A/73/L.90

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité adopte sa toute première résolution sur la protection des personnes handicapées dans les conflits armés

8556e séance – matin
CS/13851

Le Conseil de sécurité adopte sa toute première résolution sur la protection des personnes handicapées dans les conflits armés

À l’initiative de la Pologne et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité a adopté, aujourd’hui, à l’unanimité, sa toute première résolution sur la protection des personnes handicapées en période de conflit armé.

Dans le préambule de la résolution 2475 (2019), un texte « phare » qui marque une avancée majeure, selon la Pologne, le Conseil de sécurité se déclare gravement préoccupé par les conséquences « disproportionnées » des conflits armés sur les personnes handicapées, qui sont délaissées, soumises à des violences et privées de l’accès aux services de base.

Toujours dans le préambule, le Conseil rappelle la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en particulier l’article 11 sur les situations à risque et les situations d’urgence humanitaire, mais aussi les initiatives internationales en cours, comme la stratégie des Nations Unies pour l’inclusion des personnes handicapées et les directives sur l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire.  Il prend acte de la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire et insiste, dans le dispositif de la résolution, sur l’utilité d’offrir en temps voulu aux civils handicapés, touchés par les conflits armés une assistance « durable, adaptée, inclusive et accessible », y compris un appui à la réintégration et à la réadaptation et un soutien psychosocial, afin de répondre efficacement aux besoins qui leur sont propres, en particulier ceux des femmes et des enfants handicapés.

Les États Membres sont exhortés à faire en sorte que les personnes handicapées, y compris les organisations qui les représentent, soient véritablement associées à l’action humanitaire, à la prévention et au règlement des conflits et aux activités de réconciliation, de reconstruction et de consolidation de la paix, et à consulter les spécialistes de la prise en compte de la question du handicap.

Le Conseil lui-même exprime son intention d’inviter des personnes handicapées, y compris des membres des organisations qui les représentent, à lui présenter des exposés sur les thèmes et zones géographiques qui l’intéressent et à envisager d’ajouter au programme de ses missions la tenue de débats interactifs avec des personnes handicapées et les organisations locales qui les représentent.

La résolution, a expliqué la Pologne, répond à trois objectifs: mieux faire connaître les droits et les besoins particuliers des personnes handicapées au personnel des Nations Unies chargé du maintien et de la consolidation de la paix; disposer en temps voulu de données et d’informations concernant les effets des conflits armés sur les personnes handicapées;  et les associer véritablement à l’action humanitaire, à la prévention et au règlement des conflits et aux activités de réconciliation, de reconstruction et de consolidation de la paix. 

Les personnes handicapées sont déjà marginalisées en temps de paix et leur marginalisation est encore plus grande en temps de guerre, ont fait valoir les États-Unis, en remarquant que les services humanitaires dans les situations de conflits sont souvent inaccessibles à ces personnes handicapées qui sont donc abandonnées.  Alors que 15% de la population mondiale vit avec un handicap, « nous devons et nous pouvons collectivement » faire plus pour défendre les droits des personnes en situation de handicap, garantir la prise en compte de leurs besoins spécifiques de protection et lutter contre les discriminations, en particulier dans le cadre des conflits armés, a acquiescé la France.  Le Royaume-Uni a particulièrement insisté sur la collecte de données ventilées.

La Fédération de Russie et la Chine ont émis des réserves sur un texte dont toute une série de dispositions « échappent » au mandat du Conseil de sécurité.  Ce dernier, a prévenu la Chine, ne devrait pas reproduire ou remplacer le travail des organes des Nations Unies chargés des questions humanitaires.  Pourquoi créer de nouvelles distinctions? s’est étonnée la Fédération de Russie qui a estimé que dans ces textes sur la protection des civils en période de conflit armé, tous les groupes sociaux sont censés être protégés sur un pied d’égalité.  Elle a rejeté l’idée de créer de nouvelles obligations juridiques.

« Je veux que nos opérations humanitaires, de développement et de paix reconnaissent et améliorent pleinement les droits des personnes handicapées ».  Ces mots prononcés par le Secrétaire général de l’ONU lors de la douzième Conférence des États parties à la Convention ont été rappelés par la République dominicaine, au nom de l’Allemagne, de la Belgique, du Koweït et du Pérou.

PROTECTION DES CIVILS DANS LES CONFLITS ARMÉS

Texte du projet de résolution (S/2019/503)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant qu’il a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et, à cet égard, se déclarant résolu à s’attaquer à la question des répercussions disproportionnées des conflits armés et des crises humanitaires qui en découlent sur les personnes handicapées,

Se déclarant gravement préoccupé par les conséquences disproportionnées des conflits armés sur les personnes handicapées, qui, notamment, sont délaissées, soumises à des violences et privées de l’accès aux services de base, soulignant que toutes les populations civiles touchées ont besoin de protection et d’assistance et insistant sur la nécessité de prendre en compte les besoins particuliers des personnes handicapées dans les interventions humanitaires,

Rappelant les dispositions applicables des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels de 1977,

Rappelant la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en particulier l’article 11 sur les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire,

Réaffirmant que les parties à un conflit armé ont la responsabilité principale de prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection des civils et rappelant qu’il incombe au premier chef aux États de respecter et de faire respecter les droits fondamentaux de toutes les personnes présentes sur leur territoire et relevant de leur juridiction, conformément aux dispositions du droit international,

Rappelant que tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales sont universels, indivisibles, intimement liés et interdépendants et qu’il est nécessaire de garantir aux personnes handicapées, y compris les personnes présentant des déficiences physiques, intellectuelles, psychosociales ou sensorielles, et aux personnes marginalisées du fait de leur handicap, la possibilité d’exercer pleinement ces droits et libertés sans subir de discrimination,

Conscient de la contribution essentielle que les personnes handicapées et les organisations qui les représentent apportent à la prévention et au règlement des conflits, à la réconciliation, à la reconstruction, à la consolidation de la paix et à l’action visant à s’attaquer aux causes profondes des conflits, et, à cet égard, soulignant l’importance d’une concertation et d’un dialogue continus entre les personnes handicapées – et les organisations qui les représentent – et les organisations humanitaires et décideurs nationaux et internationaux,

Conscient des obstacles particuliers auxquels se heurtent les personnes handicapées pour ce qui est d’accéder à la justice, y compris à des recours effectifs et, quand cela est possible, d’obtenir une réparation, en cas de violations du droit international humanitaire,

Estimant qu’il importe de prendre en compte les points de vue des personnes handicapées dans les plans d’intervention humanitaire et les plans de redressement et de reconstruction au lendemain de conflits, notamment en ce qui concerne l’accessibilité et l’aménagement raisonnable,

Sachant qu’il est nécessaire de disposer en temps voulu de données et d’informations concernant les effets des conflits armés sur les personnes handicapées, ainsi que d’analyses de ces effets,

Réaffirmant qu’il est déterminé à ce que les buts et principes consacrés dans la Charte soient observés,

Réaffirmant son plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les États conformément à la Charte des Nations Unies,

Réaffirmant qu’il importe, pour instaurer une paix et une sécurité durables, de s’attaquer aux causes profondes des conflits armés,

Notant la pertinence des initiatives internationales en cours, notamment la stratégie des Nations Unies pour l’inclusion des personnes handicapées et l’élaboration, par le Comité permanent interorganisations, de directives sur l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire, et prenant acte de la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire,

1.    Demande instamment à toutes les parties à un conflit armé de prendre des mesures, conformément aux obligations que leur impose le droit international applicable, pour protéger les civils, y compris les personnes handicapées, et pour prévenir les violences et les exactions commises contre des civils en situation de conflit armé, comme le meurtre ou les atteintes à l’intégrité physique, l’enlèvement et la torture, ainsi que le viol et d’autres formes de violences sexuelles en temps de conflit et après un conflit;

2.    Souligne que les États doivent faire en sorte que les actes criminels qui sont commis contre les civils, notamment contre les personnes handicapées, ne restent pas impunis et que ces dernières aient accès à la justice et à des voies de recours utiles, notamment, quand cela est possible, à une réparation;

3.    Demande à toutes les parties à un conflit armé de permettre et de faciliter l’accès rapide, sans entrave et en toute sécurité de l’aide humanitaire à toutes les personnes qui ont besoin d’une assistance;

4.    Insiste sur l’utilité d’offrir en temps voulu aux civils handicapés touchés par les conflits armés une assistance durable, adaptée, inclusive et accessible, y compris un appui à la réintégration et à la réadaptation et un soutien psychosocial, afin de répondre efficacement aux besoins qui leur sont propres, en particulier ceux des femmes et des enfants handicapés;

5.    Encourage les États Membres à prendre des mesures adéquates pour faire en sorte que les personnes handicapées aient accès, sur un pied d’égalité avec les autres, aux services de base fournis en période de conflit armé, notamment dans les domaines de l’éducation, des soins de santé, du transport et des technologies et systèmes de l’information et des communications;

6.    Exhorte les États Membres à faire en sorte que les personnes handicapées, y compris les organisations qui les représentent, soient véritablement associées à l’action humanitaire, à la prévention et au règlement des conflits et aux activités de réconciliation, de reconstruction et de consolidation de la paix, et à consulter les spécialistes de la prise en compte de la question du handicap;

7.    Souligne qu’il importe de mieux faire connaître les droits et les besoins particuliers des personnes handicapées au personnel des Nations Unies chargé du maintien et de la consolidation de la paix et de renforcer les moyens dont ils disposent en la matière et exhorte les États Membres à jouer un rôle central à cet égard;

8.    Exhorte les États Membres à prendre toutes les mesures voulues pour éliminer la discrimination contre les personnes handicapées en période de conflit, et leur marginalisation, en particulier celles qui sont victimes de formes de discrimination multiples et croisées;

9.    Prie le Secrétaire général de faire figurer, lorsque cela est pertinent, des informations et des recommandations intéressant la question des personnes handicapées en période de conflit armé dans ses rapports thématiques, dans ses rapports sur la situation dans telle ou telle zone géographique et dans les exposés qu’il lui présente régulièrement, et d’y inclure, lorsque cela est pertinent, des données ventilées par type de handicap, dans la limite des mandats existants et des ressources disponibles;

10.   Est conscient qu’il importe que ses membres échangent avec la société civile et, à cet égard, exprime son intention d’inviter des personnes handicapées, y compris des membres des organisations qui les représentent, à lui présenter des exposés sur les thèmes et zones géographiques qui l’intéressent et à envisager d’ajouter au programme de ses missions la tenue de débats interactifs avec des personnes handicapées et les organisations locales qui les représentent;

11.   Exhorte les États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées à s’acquitter des obligations qui leur incombent au titre de ce texte.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: à trois mois de l’élection présidentielle, l’Afghanistan à l’épreuve du processus de paix avec les Taliban

8555e séance – après-midi
CS/13850

Conseil de sécurité: à trois mois de l’élection présidentielle, l’Afghanistan à l’épreuve du processus de paix avec les Taliban

Les cessez-le-feu unilatéraux inédits en 2018 n’ayant pas été renouvelés cette année, « le chemin de la paix est toujours long en Afghanistan », a reconnu, cet après-midi au Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Tadamichi Yamamoto, qui a vu dans l’élection présidentielle prévue le 28 septembre 2019 un « moment clef » pour réaffirmer la légitimité de la structure politique démocratique du pays.

Mais le calendrier est serré, compte tenu des difficultés opérationnelles et techniques qu’il faut encore surmonter pour organiser des élections crédibles dans les temps.  La tâche la plus conséquente consiste à rétablir la confiance de l’opinion publique dans les organes de gestion électorale, après les controverses qui ont entouré les élections législatives l’an dernier.  La Commission électorale indépendante doit encore améliorer les procédures de publication de la liste des électeurs, former le personnel, mener des campagnes de sensibilisation et maîtriser la technologie électorale, a expliqué le haut fonctionnaire, qui est également le Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).

Les élections doivent être justes, a renchéri la Présidente de la Commission indépendante afghane des droits de l’homme, Mme Sima Samar, première femme à diriger cet organe.  Avec le soutien de la MANUA, elle a promis de surveiller les droits politiques et les libertés d’expression, d’association et de mouvement.  Nous avons bien l’intention, a affirmé à son tour l’Afghanistan, d’organiser l’élection présidentielle à la date prévue.  Des arrangements sécuritaires et techniques ont d’ailleurs été pris en ce sens, en coopération avec les partenaires internationaux, a-t-il précisé, en promettant un processus « crédible, transparent et inclusif ».

De l’avis du Secrétaire général, dont M. Yamamoto a présenté le dernier rapport en date, ces préparatifs pourraient être compliqués par la poursuite des combats malgré les négociations en cours entre les États-Unis et les Taliban et le report du dialogue intra-afghan.  « Les espoirs de voir la violence s’atténuer ne se sont toujours pas concrétisés », écrit-il.  « C’est avec un sentiment d’urgence renouvelé que j’appelle à l’engagement de pourparlers directs entre le Gouvernement afghan et les Taliban et que je soutiens l’action actuellement menée en faveur de la tenue d’un dialogue ouvert à toutes les parties prenantes nationales », insiste le Chef de l’Organisation.

Nous pourrions être bientôt en mesure, ont annoncé les États-Unis, de conclure un projet de texte décrivant les engagements pris par les Taliban pour que le territoire afghan ne soit plus jamais utilisé pour des actes de terrorisme international, une analyse à laquelle s’est rallié le Pakistan, qui a vu des « raisons d’espérer ».  La Fédération de Russie a toutefois demandé davantage d’objectivité, jugeant intolérable d’« enjoliver » la réalité.  Nous ne pouvons ignorer, a alerté l’Inde, que des groupes bénéficiant d’un soutien et de sanctuaires sûrs lancent depuis l’étranger des attaques terroristes.  On ne saurait les laisser négocier avec « la main haute ».  Pour une paix durable, il faut d’abord traiter de la question des refuges offerts aux réseaux terroristes.  « Les activités des Taliban, de Daech, d’Al-Qaida ou encore du réseau Haqqani doivent cesser », a tranché l’Inde.

Le processus de paix continue de susciter en Afghanistan un engouement manifeste, comme en témoigne la loya jirga consultative pour la paix qui a réuni, il y a six semaines, des milliers de personnes pour échanger des idées, a observé le Représentant spécial.  Cette consultation, s’est enorgueilli l’Afghanistan, a abouti à l’adoption d’une déclaration qui a fixé les paramètres et la feuille de route des pourparlers avec les Taliban et appelle à un cessez-le-feu immédiat et permanent, entre autres priorités.

L’engagement pris par l’Allemagne et le Qatar de convoquer à Doha début juillet un dialogue « entre Afghans et Afghans », a été salué les États-Unis qui ont dit préparer le terrain pour que les négociations intra-afghanes puissent débuter dans les meilleurs délais.  La Fédération de Russie a insisté sur l’importance « cruciale » du dialogue intra-afghan lancé à Moscou en février dernier, appelant les autres acteurs internationaux à prendre en compte le « format de Moscou », sans faire jouer de « concurrence artificielle ».  Nous ne revendiquons « aucun monopole sur la diplomatie de la paix », ont assuré les États-Unis.  Si l’on s’attend à ce que nous apportions notre appui financier, politique ou de développement à l’issue d’un accord de paix, a prévenu l’Union européenne, nous devons être impliqués « à tous les stades » du processus de paix.

Dans ce processus de paix, a averti le Représentant spécial, les Afghans devront répondre à des questions difficiles dont, comme l’ont souligné plusieurs intervenants, les acquis de ces 18 dernières années, y compris les droits des femmes afghanes.  Nous insistons, et nous devrions tous insister, pour que les femmes, les minorités et d’autres groupes soient représentés dans les pourparlers, ont affirmé les États-Unis.  

LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2019/493)

Déclarations

Il y a un an, a rappelé, M. TADAMICHI YAMAMOTO, Représentant spécial pour l’Afghanistan et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), le peuple afghan célébrait trois jours inédits de cessez-le-feu pendant l’Eid al-Fitr 2018.  Mais les 12 mois qui ont suivi ont montré combien la voie de la paix reste difficile.  Le cessez-le-feu n’a pas été renouvelé cette année mais les fondations, qui ont été jetées l’année dernière, tiennent toujours, a affirmé le Représentant spécial.  Il y a six semaines, s’est-il expliqué, des milliers de personnes se sont réunies pour échanger des idées lors de la loya jirga consultative pour la paix. 

Le Représentant spécial a parlé de l’élection présidentielle prévue pour le 28 septembre comme d’un moment clef pour réaffirmer la légitimité de la structure politique démocratique de l’Afghanistan.  Mais a-t-il prévenu, le calendrier est serré, compte tenu des problèmes opérationnels et techniques qu’il faut encore surmonter pour avoir des élections crédibles dans les temps.  La tâche la moins difficile n’est pas le rétablissement de la confiance dans les organes de gestion électorale, après les controverses qui ont entouré les élections législatives, l’année dernière.  La Commission électorale indépendante doit encore améliorer les procédures de la publication de la liste des électeurs, former le personnel, mener des campagnes de sensibilisation et maîtriser la technologie électorale. 

Les enjeux politiques sont énormes et la compétition intense, a prévenu le Représentant spécial.  Il a souligné la responsabilité de tous les acteurs politiques, y compris les candidats à l’élection présidentielle et les agences de sécurité et du Gouvernement, d’éviter toute contestation électorale.  Il a appelé au respect du Code de conduite et des institutions publiques dont la Commission électorale indépendante et la Commission des plaintes électorales.  Il a aussi appelé les acteurs à s’abstenir de toute action qui pourrait donner un avantage indu à tel ou tel candidat.  Ce terrain politique doit être balisé maintenant pour assurer un scrutin crédible et l’acceptation des résultats, a pressé le Représentant spécial. 

Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, l’esprit des Afghans et des partenaires internationaux est plus que jamais tourné vers un règlement négocié.  Les pourparlers directs entre les États-Unis et les Taliban se poursuivent avec un large appui international.  L’Afghanistan et certains de ses partenaires étrangers, dont l’Allemagne et le Qatar, préparent le dialogue interafghan.  Certains acteurs afghans importants ont déjà eu l’occasion d’échanger avec les représentants des Taliban à Moscou, à la fin du mois de mai.  Tous les efforts doivent être dirigés vers un objectif commun: le lancement de négociations formelles entre le Gouvernement de l’Afghanistan et les Taliban pour parvenir à un accord de paix, a insisté le Représentant spécial. 

Il a exhorté les pays qui ont des contacts directs avec les Taliban et une influence tout aussi directe sur eux d’intensifier leurs efforts pour parvenir à cet objectif.  Mais rien, a-t-il souligné, ne peut remplacer les Afghans.  Le Gouvernement et les leaders politiques doivent donc dégager un consensus et créer des arrangements structurés pour représenter effectivement les intérêts de leur peuple dans leur rencontre avec les Taliban.  Les préparatifs de l’élection présidentielle ne devraient pas les distraire de ce « travail nécessaire ». 

Dans ce processus de paix, a conclu le Représentant spécial, les Afghans devront répondre à des questions difficiles: la préservation des acquis de ces 18 dernières années, le rôle des femmes, les questions de responsabilité et la réintégration de ceux qui ont porté des armes.  Rappelant le prix que les Afghans payent à cause du conflit, il a reconnu que le chemin de la paix est toujours long mais qu’avec « notre appui collectif » à la pleine appropriation du processus par les Afghans, « j’ose croire que nous prenons la bonne direction ». 

Mme SIMA SAMAR, Présidente de la Commission indépendante des droits de l’homme de l’Afghanistan, a évoqué « l’espoir et l’optimisme » qui animent ce pays en matière de respect des droits de l’homme, après 18 ans de soutien de la communauté internationale.  Elle a fait part en même temps d’une certaine peur de revenir en arrière.  Les pourparlers avec les Taliban ont, en effet, fait naître des inquiétudes quant à l’engagement des parties à préserver les progrès en matière de droits de l’homme, de liberté, de démocratie et de développement économique.

Cette année, a poursuivi Mme Samar, la Commission a lancé une enquête nationale sur le thème « femmes, paix et sécurité », qui a été menée dans 30 provinces en sondant 3 400 femmes.  Les résultats montrent que les Afghanes veulent une paix durable et souhaitent jouer un rôle dans le processus.  Elles exigent le respect de leurs droits, des droits de l’homme en général et de la démocratie, des principes qui ne doivent pas être remis en question dans les négociations et les pourparlers politiques.  Les femmes veulent un système de responsabilité, une justice sociale et en finir avec la culture d’impunité.

Mme Samar a appelé à faire preuve d’un engagement soutenu et d’une volonté politique forte pour que les femmes puissent continuer de progresser.  Les femmes, a-t-elle précisé, doivent surmonter les défis d’une société traditionnelle et conservatrice en plus de la discrimination historique.

« L’Afghanistan est en conflit. »  En 41 ans, a rappelé Mme Samar, le peuple a fait l’expérience de l’extrême gauche et de l’extrême droite, subissant des disparitions, des meurtres, des destructions, des déplacements ainsi que la violation de leurs droits et libertés.  Ce sont les femmes et les autres groupes vulnérables qui ont souffert le plus.  Pour faire des progrès, il faut réviser les lois en fonction des conventions internationales des droits de l’homme, a recommandé Mme Samar tout en regrettant que le conflit et l’insécurité causent encore tant de morts et de déplacements, ce dont elle a accusé en priorité les Taliban et Daech, ainsi que les forces de sécurité afghanes et ses partenaires internationaux qui sont aussi impliqués, selon elle.

Il faut, a-t-elle demandé, un mécanisme pour panser les blessures des victimes, ainsi que des institutions solides et des mesures de prévention des violences et des violations de droits de l’homme, sans compter un développement économique.  Mme Samar a aussi plaidé pour que se tiennent des élections justes, exigeant la coopération des candidats, des partis politiques et de la société civile, ainsi que le soutien du Gouvernement et de la communauté internationale.  « Je suis heureuse de dire que la Commission afghane indépendante des droits de l’homme, avec le soutien de la MANUA, surveillera les droits politiques » ainsi que les libertés d’expression, d’association et de mouvement, a-t-elle déclaré.

La Présidente de la Commission a ensuite abordé la question de la torture en rappelant que, récemment, les forces spéciales afghanes avaient secouru des centaines de prisonniers détenus par les Taliban.  Elle a dit que ces derniers avaient systématiquement torturé, maltraité ou tué des détenus, appelant à rendre la justice pour ces crimes.  Elle s’est aussi inquiétée des cas de torture qui auraient encore lieu dans les prisons du Gouvernement. 

Mme Samar a aussi appelé à assurer la sécurité des défenseurs de la société civile et des droits de l’homme, avant de demander des progrès pour garantir la justice, l’état de droit et la lutte contre la corruption, car, a-t-elle souligné, c’est encore difficile pour nos mécanismes judiciaires nationaux.  Si la décision de la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur la situation en Afghanistan avait suscité de l’espoir l’an dernier, cet espoir s’est évaporé lorsque la Chambre préliminaire a rejeté la demande du procureur de mener une enquête.  Pourtant, « l’accès à la justice n’est pas un luxe; c’est un droit de l’homme fondamental ».

S’agissant des affaires de corruption, elle a cité quelques progrès mais précisé que le public restait sceptique, une perception qu’il faut arriver à changer.  D’après une étude sur la discrimination raciale menée par la Commission l’an dernier, plus de 20% des Afghans se sentent discriminés, a-t-elle indiqué.

Par ailleurs, Mme Samar a salué la scolarisation de millions d’enfants, mais déploré que beaucoup soient contraints d’abandonner l’école pour travailler ou subir différentes formes d’abus.  Elle a mentionné une enquête menée par la Commission à cet égard qui révèle que les Taliban et Daech continuent d’utiliser les enfants dans le conflit et de viser les écoles de filles.  Quant aux millions de personnes handicapées et de personnes droguées, Mme Samar a appelé le Gouvernement à leur allouer un budget suffisant.

Enfin, elle a invité les parties à se mettre d’accord sur un cessez-le-feu et à mettre un terme à la guerre.  La justice ne se fera pas seulement sur la base de la justice pénale mais aussi grâce à un mécanisme permettant une réconciliation durable. 

En conclusion, elle a appelé le Conseil de sécurité et les Nations Unies à renforcer leurs efforts pour garantir une paix durable, des normes démocratiques et les droits de l’homme.  Il faut, a-t-elle recommandé, impliquer tous les groupes ethniques, religieux et de la société civile, en garantissant une participation significative des femmes, des jeunes et des victimes dans la négociation et la mise en œuvre d’un plan de paix pour l’Afghanistan.  Elle a insisté sur la transparence de ce processus pour un meilleur soutien du public.  L’ONU, a-t-elle conclu, doit appuyer le processus de justice transitionnelle.

Mme ADELA RAZ (Afghanistan) a déclaré que la réunion d’aujourd’hui se déroule à un moment crucial, alors que nous sommes engagés dans la délicate tâche de prendre la tête de deux processus nationaux d’importance, l’élection et les pourparlers de paix.  « Nous désirons mettre fin à un conflit vieux de plusieurs décennies en parvenant à un accord global accepté par tous les Afghans, et à l’organisation d’une élection présidentielle, pour consolider et garantir la continuité de la démocratie, de la gouvernance et de l’état de droit dans notre société », a annoncé la représentante.  À cette jonction cruciale, nous sommes confiants que ces deux objectifs peuvent être atteints, avec un soutien international adéquat, a-t-elle ajouté. 

S’agissant des efforts de paix, le Gouvernement d’unité nationale est convaincu depuis longtemps que les perspectives de paix ne peuvent être atteintes que dans le cadre d’un processus bénéficiant du soutien de tous les Afghans.  L’élan pour la paix n’a cessé de croître, en raison d’un engagement accru dans le pays et à l’étranger.  Le mois dernier, la loya jirga consultative pour la paix a rassemblé 3 200 membres élus à travers tout le pays, issus de partis politiques, d’organisations religieuses ou de tribus, et de la société civile, dont des femmes, des enfants et des jeunes, s’est félicitée la représentante, en expliquant que cette consultation a abouti à l’adoption d’une déclaration qui a fixé les paramètres et la feuille de route des pourparlers avec les Taliban et qui appelle à un cessez-le-feu immédiat et permanent, entre autres priorités.

Protéger l’« essence » de notre Constitution, en particulier en garantissant les mêmes droits aux hommes et aux femmes, est un élément fondamental de l’Afghanistan d’aujourd’hui, a assuré la représentante, qui a expliqué que tout accord politique, quelle qu’en soit la nature, devra élargir et renforcer les droits des femmes.  Nous sommes toujours prêts à nous engager dans des pourparlers qui reflètent la position générale partagée du peuple afghan.  Mme Raz a remercié la communauté internationale, en particulier les États-Unis et d’autres partenaires à l’appui de la paix, dont l’Allemagne, qui a annoncé son intention de jouer un rôle davantage proactif dans les efforts de paix et d’aider à faciliter les pourparlers directs, « dont nous pensons qu’ils débuteront sous peu ». 

La représentante a toutefois regretté des actions prises par les Taliban qui échouent à manifester « ne serait-ce que le plus infime degré d’engagement en faveur de la paix ».  « Les Taliban, il n’y a pas si longtemps, avaient annoncé leur campagne d’attaques du printemps et commencé d’attaquer des civils, alors que leurs représentants étaient engagés dans des pourparlers de paix.  Cela a été encore plus évident pendant le ramadan, lorsqu’ils s’en sont pris à des citoyens ordinaires et à des leaders religieux qui dénonçaient la violence et amplifiaient le message de paix dans différentes parties du pays.  Nous sommes convaincus, a dit la représentante, que seule une approche faisant simultanément appel à la pression et aux incitations pourra être couronnée de succès.  Alors que le Gouvernement afghan exerce désormais son contrôle sur 85% à 90% de son territoire, ses forces de sécurité, afin de dissuader les éléments extrémistes de commettre de nouvelles attaques meurtrières, ont réussi à repousser la présence des Taliban dans deux districts de la province de Ghazni.  Mme Raz a, cependant, fait état de changements tactiques par les Taliban qui recourent à des engins explosifs improvisés et à des explosifs dissimulés dans des zones où il y a des civils, y compris les écoles.  La MANUA a identifié les attaques perpétrées par les Taliban comme la première cause des pertes civiles, qui s’élèvent à 698 jusqu’à présent, a-t-elle relevé. 

En dépit des défis auxquels il fait face, le Gouvernement a bien l’intention d’organiser l’élection présidentielle en septembre 2019.  Des arrangements sécuritaires et techniques ont d’ailleurs été pris en ce sens, en coopération avec les partenaires internationaux, a assuré la représentante, qui a promis un processus crédible, transparent et inclusif.  Elle s’est d’ailleurs félicitée de l’émergence d’une nouvelle génération et de la résilience démontrée par les Afghanes comme agentes de changement, de progrès et de la transformation.  Mme Raz s’est enorgueillie de ce que deux femmes soient à la tête de la Commission électorale indépendante et de la Commission des plaintes électorales.  Elle a annoncé, en conclusion, le lancement prochain du Groupe des amis des femmes afghanes, ici même à New York, avec le soutien de la Mission permanente du Royaume-Uni. 

En tant que deuxième plus grand donateur et contributeur de troupes, l’Allemagne se tient fermement aux côtés de l’Afghanistan, a précisé son représentant, M. JUERGEN SCHULZ.  Mon pays, a-t-il dit, compte faire en sorte qu’en septembre, la MANUA soit dotée d’un mandat « concis ».  La dynamique actuelle du processus de paix crée des chances « qui doivent être saisies », a estimé le représentant, qui a salué les « efforts courageux » du Gouvernement afghan et les initiatives internationales.  Il est désormais urgent d’aller de l’avant dans le dialogue intra-afghan, qui doit inclure, selon l’Allemagne, le Gouvernement afghan, les Taliban et d’autres acteurs clefs de la scène afghane, dont une forte proportion de femmes.

L’Allemagne, qui est prête à contribuer à ces efforts, a d’ailleurs exploré au cours des dernières semaines et en étroite collaboration avec les États-Unis, la possibilité d’organiser une conférence sur le dialogue intra-afghan, en coopération avec le Qatar, à Doha.  L’objectif de la conférence serait d’agir comme catalyseur d’un processus de négociation global, a précisé M. Schulz.  Cette idée, a-t-il affirmé, a déjà reçu l’aval du Gouvernement afghan et de certaines parties prenantes de la scène politique et de la société civile.  Il reste des obstacles à dépasser mais le succès du processus de paix en Afghanistan dépendra d’une action collective de la communauté internationale et de sa capacité à envoyer un message « clair » aux parties afghanes, y compris aux Taliban, pour dire que le moment est venu de parler de l’avenir commun.

La participation des femmes sera cruciale, a insisté le représentant qui s’est félicité de constater la présence de femmes à la dernière loya jirga.  Un processus de paix viable suppose en outre la continuité et la stabilité des institutions publiques et de la Constitution, a poursuivi le représentant, qui a insisté sur la protection des droits des hommes et des femmes.  Le Conseil de sécurité peut jouer un rôle important en stipulant clairement ses attentes à cet égard, a-t-il pressé, et pour éviter le vide constitutionnel, il a jugé de tenir une élection présidentielle juste, démocratique et dans les délais, en tirant les leçons des élections législatives.  Le représentant a conclu en soulignant l’importance qu’il y a à atténuer les effets des changements climatiques et de lutter plus efficacement contre la corruption.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a estimé que l’élection présidentielle de septembre prochain va renouveler l’espoir des populations et imprimer « un élan d’unité ».  Il a salué la participation renforcée des femmes aux divers processus de construction de la nation.  Même si l’on note une baisse des incidents sécuritaires, le représentant s’est dit d’avis que la situation demeure volatile.  Il a déploré le fait que les Taliban aient confirmé l’offensive annuelle du printemps en plein milieu du processus de paix.  Il est important, a jugé M. Syihab, que l’élection se passe dans la sécurité pour que tous les Afghans puissent s’impliquer dans l’avancement de leur pays.  Malgré les efforts internationaux, la paix ne sera possible que si tous les Afghans s’approprient l’action et s’acquittent de leur responsabilité politique s’agissant de l’émergence d’un Afghanistan démocratique et uni.  Cela passe, a-t-il insisté, par un processus de paix mené par les Afghans grâce au dialogue.

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du sud) a appelé les parties à veiller au bon déroulement de l’élection dans les temps impartis, soulignant qu’il est essentiel pour renouveler la confiance de la population et progresser vers un Afghanistan stable, pacifique et prospère.  Il a qualifié d’encourageants les efforts déployés dans le contexte de la loya jirga pour tracer la voie vers des pourparlers de paix avec les Taliban.  Il a souligné que seule une participation pleine et sans exclusive peut assurer une paix durable pour le pays et la région.  M. Mabhongo s’est ensuite inquiété du niveau élevé de violence dans le pays et des attaques aveugles contre les civils, avertissant du risque de voir les avancées réalisées dans les sphères sécuritaires et politiques mises à mal, notamment à l’approche de l’élection.  Il a aussi appelé les parties à veiller à la protection des femmes et des enfants, notamment contre la violence sexuelle et fondée sur le sexe et réclamer la libération des enfants soldats.

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a exprimé l’attachement de son pays à l’instauration d’une paix durable en Afghanistan qui garantisse que le terrorisme transnational ne sera plus jamais une « plateforme ».  Notre Représentant spécial, a-t-il dit, travaille en étroite coordination avec le Président Ghani, le chef de l’exécutif Abdullah et d’autres dirigeants afghans, ainsi qu’avec le Représentant spécial Yamamoto et les membres du Conseil de sécurité.  Nous informerons d’ailleurs très prochainement ce dernier des progrès, a-t-il annoncé.  Comme vous le savez, a-t-il rappelé, les États-Unis et les Taliban sont parvenus à un accord de principe en janvier dernier selon lequel tout accord de paix global doit traiter de quatre questions interdépendantes: la lutte antiterroriste, la présence de troupes étrangères, le dialogue intra-afghan menant à des négociations intra-afghanes et un cessez-le-feu permanent.  En ce qui concerne le terrorisme, nous avons réalisé des progrès et pourrions être bientôt en mesure de conclure un projet de texte décrivant les engagements pris par les Taliban de veiller à ce que le territoire afghan ne soit plus jamais utilisé pour des actes de terrorisme international.  Bien entendu, nous devons être attentifs à la mise en œuvre et au respect de ces engagements, a reconnu le représentant. 

À la lumière des progrès réalisés, il sera bientôt temps d’entamer des discussions avec les Taliban sur la présence militaire étrangère, qui reste conditionnelle, a-t-il précisé.  Les États-Unis ont clairement indiqué aux Taliban qu’ils sont prêts à réduire leurs forces.  Mais, a rassuré le représentant, nous n’avons pas arrêté de chiffres ni de calendrier.  La disposition finale des forces étrangères sera déterminée par le gouvernement « post-paix », a-t-il ajouté avant de décrire « ce que nous voyons comme la voie à suivre ».  Tout d’abord, toutes les parties conviennent que la conclusion d’un accord entre les États-Unis et les Taliban sur le terrorisme et la présence de troupes étrangères ouvrira la porte à un dialogue et à des négociations intra-afghanes.  À cette fin, M. Hunter s’est félicité de l’engagement pris par l’Allemagne et le Qatar de convoquer à Doha début juillet un dialogue « entre Afghans et Afghans », qui offre l’occasion de reconnaître le besoin urgent de négociations intra-afghanes.  Dans le même temps, les États-Unis préparent le terrain pour que les négociations intra-afghanes puissent commencer le plus rapidement possible.  L’objectif de ces négociations est de permettre aux Afghans de convenir un calendrier et d’une feuille de route politique pour parvenir à un accord de paix global. 

Les États-Unis, a poursuivi le représentant, soutiennent la volonté des Afghans d’obtenir une paix qui préserver les acquis des droits et fondamentaux de ces 18 dernières années.  Nous insistons et nous devrions tous insister, pour que les femmes, les minorités et d’autres groupes soient représentés dans les pourparlers.  En outre, les États-Unis consultent la région sur la manière dont ils peuvent soutenir la paix.  Le consensus trilatéral publié par les États-Unis, la Fédération de Russie et la Chine, ainsi que les principes énoncés par le Groupe États-Unis-Europe, constituent des avancées importantes.  Washington, a indiqué le représentant, ne revendique aucun monopole sur la diplomatie de la paix.  Il a remercié le Comité des sanctions d’avoir appuyé une exemption temporaire de l’interdiction de voyager imposée à certains individus et une exemption correspondante au gel des avoirs pour faciliter les pourparlers intra-afghans.  Si la paix reste notre priorité, nous pensons aussi, a dit le représentant, que la planification des élections doit aller de l’avant.  La Commission électorale indépendante a annoncé la tenue de l’élection présidentielle le 28 septembre et nous exhortons cette Commission, le Gouvernement afghan et tous les acteurs politiques à prendre les mesures nécessaires pour une élection crédible. 

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a indiqué que tout processus de paix devrait veiller à ce que les intérêts des femmes, des jeunes et des minorités soient pris en compte.  En ce qui concerne un éventuel accord de paix avec les Taliban, il a insisté sur la protection des droits humains fondamentaux et estimé que la paix ne doit pas se faire au détriment des acquis de ces 18 dernières années.  Le représentant a aussi appelé à des mesures pour garantir que les prochaines élections soient sûres, transparentes et crédibles.  Dans le même temps, il faut préserver le rôle vital des agences humanitaires pour répondre aux besoins urgents des plus vulnérables.  Il a apporté son soutien à la mission « Soutien résolu » qui devrait apporter davantage de formation, de conseil et d’assistance aux forces de sécurité et aux institutions afghanes.  Enfin, le représentant a plaidé pour le renforcement de la lutte contre la corruption, l’élimination de la violence à l’encontre des femmes et la mise en œuvre du Plan d’action national relatif à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. 

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a souhaité qu’à l’avenir, l’évaluation de la situation en Afghanistan se fonde davantage sur l’objectivité et l’identification des défis, le plus considérable étant le terrorisme.  « Il est intolérable de se taire et d’enjoliver la réalité », a tranché le représentant, en citant les attaques commises dans le nord du pays par Daech et des combattants d’autres organisations terroristes.  « Daech n’a pas renoncé à sa logique expansionniste », a mis en garde le représentant, qui a expliqué que ce groupe se propage par l’entremise de ses filiales.  S’il s’est félicité de la décision adoptée par consensus d’inscrire certains individus sur la liste des sanctions du Comité des sanctions concernant Daech et Al-Qaïda, le représentant a toutefois considéré ce « premier pas » comme « insuffisant ».  Il a attiré l’attention sur la nécessité de se focaliser sur la lutte contre les stupéfiants, dont les revenus financent le terrorisme.  « Comme pour toute autre menace internationale, cela exige une coopération importante et collective », a-t-il exhorté. 

M. Safronkov a ensuite déclaré que son Gouvernement soutient l’aspiration du peuple afghan à la paix.  « Nos pays sont liés par une histoire riche de covoisinage qui remonte à 1919 », a-t-il rappelé, en assurant que la Fédération de Russie veut contribuer au processus de stabilisation nationale, « convaincue que tout le monde à y gagner », dont les pays voisins.  Il a également réitéré son souhait d’un processus de paix le plus inclusif possible, y compris l’opposition.  Il a estimé que le dialogue intra-afghan lancé à Moscou en février dernier est d’une importance « cruciale » à cet égard, avant de souligner que les autres acteurs internationaux doivent prendre en compte ce qui a été accompli dans le « format de Moscou », sans faire jouer une « concurrence artificielle ».  Dans ce contexte, le représentant a demandé que soient associées aux démarches en cours les structures qui ont fait leur preuve, comme l’Organisation du Traité de sécurité collective et l’Organisation de coopération de Shanghai.  « Il n’y a pas d’alternative à la coopération et au bon voisinage », a-t-il insisté, en plaidant pour une « patience stratégique ».  « Nous sommes convaincus que les Afghans unis pourront mettre leur pays sur la voie de la paix et du développement durable.  L’élection présidentielle doit consacrer cette union, dans lesquelles toutes les sensibilités doivent être tolérées », a conclu M. Safronkov.

Mme MADUISCA BATISTA DÍAZ (République dominicaine) a salué la bonne conduite des élections législatives en Afghanistan, à la suite desquelles un nouveau parlement a été formé pour la première fois depuis 2011.  Elle a appelé à dépasser l’instabilité créée par les différentes plaintes et irrégularités survenues dans le cadre de ces élections, notamment dans la perspective du futur scrutin présidentiel.  La représentante a, par ailleurs, déploré l’augmentation du nombre de victimes civiles en raison des opérations aériennes et de l’usage d’engins explosifs improvisés par les forces antigouvernementales.  « Les appels aux armes, lancés aussi bien par le Gouvernement que par les Taliban, sont également inquiétants », a-t-elle ajouté, appelant à ouvrir des enquêtes sur les allégations d’attaques perpétrées contre des civils par des forces progouvernementales. 

La représentante a, en outre, appelé les Taliban et le Gouvernement à continuer de prendre des initiatives positives pour restaurer la confiance, telles que l’annonce d’un cessez-le-feu unilatéral en juin 2018 et la tenue à Kaboul d’une « loya jirga » sur la paix en avril dernier.  La représentante a soutenu le principe d’un dialogue interafghan, à l’initiative des acteurs internationaux et régionaux.  Tout en saluant les avancées récentes en matière de participation des femmes à la vie politique et au processus de paix, notamment dans le cadre de la loya jirga, la représentante s’est dit préoccupée par la persistance de cas de violence sexuelle et par les pratiques discriminatoires, comme le « bacha bazi ».  Elle a appelé les autorités afghanes à interdire et punir de telles pratiques, ainsi qu’à ouvrir des enquêtes, y compris lorsque les auteurs présumés sont des membres de l’armée ou de la police.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a appelé à redoubler d’efforts pour protéger les civils en Afghanistan, où l’on recense le plus grand nombre de victimes parmi la population, dont 11 000 morts pour la seule année 2018.  Quant aux attaques prenant spécifiquement pour cible des agents humanitaires, elles ont augmenté de plus de 150% en un an, a poursuivi la représentante, jugeant cette évolution « inacceptable ».  Outre le devoir de protection des civils, la représentante a appelé à tout faire pour répondre aux besoins croissants des 6,3 millions d’Afghans qui dépendent de l’aide humanitaire, en garantissant notamment un accès humanitaire sûr et sans entrave sur l’ensemble du territoire.

Mme Gueguen a, par ailleurs, appelé à faire aboutir les efforts de paix dans le pays.  Elle a tenu à saluer les travaux menés en ce sens par les États-Unis, le Qatar et l’Allemagne, qui ont entamé des discussions avec les Taliban pour les convaincre de prendre part à des pourparlers de paix avec le Gouvernement afghan.  Elle a ainsi appelé les Taliban à entamer des pourparlers directs avec les autorités du pays et à déclarer un cessez-le-feu.  Elle a jugé essentiel que le processus de paix soit mené par et pour les Afghans de façon ouverte, afin notamment de garantir une participation directe et significative des femmes.  Dans ce cadre, la préservation des acquis en matière de justice, d’état de droit et de droits de l’homme sera fondamentale pour ne pas décourager l’appui financier de la communauté internationale, a-t-elle mis en garde.

Mme Gueguen a enfin appelé à assurer la tenue et le bon déroulement de l’élection présidentielle du 28 septembre 2019, en corrigeant les faiblesses identifiées lors des précédents scrutins et en intensifiant les préparatifs.  Elle a invité la Commission électorale indépendante à garantir la participation la plus large possible de la population, notamment les femmes.  Compte tenu de la menace élevée qui plane sur l’élection, notamment à Kaboul, Mme Gueguen a également appelé les forces afghanes à redoubler d’efforts pour sécuriser le scrutin, comme lors des élections législatives.

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a d’abord parlé du processus pour saluer l’intensification des efforts nationaux et internationaux visant à mettre fin à un conflit long et dévastateur.  Un accord de paix ne pourra être atteint qu’au moyen d’un dialogue intra-afghan global et inclusif, a-t-elle souligné, en réitérant son appel aux Taliban pour qu’ils s’engagent dans des pourparlers de paix directs.  La représentante a ensuite appelé toutes les parties à promouvoir la participation « significative et égale » des femmes à toutes les étapes du processus de paix.  Une paix durable, a-t-elle précisé, commence par la nomination d’une équipe de négociation représentative et inclusive.  Nous insistons, a-t-elle dit, sur le fait que tout accord de paix doit préserver les acquis politique, économique et social de ces 18 dernières années, en particulier les droits des femmes, des enfants et des minorités.  La construction de la paix, a-t-elle conclu, est un processus à long terme.  Pour qu’un accord soit durable, la communauté internationale doit être unie dans son soutien.  La représentante a appelé tous les partenaires internationaux à coordonner étroitement leurs efforts afin de lancer un dialogue intra-afghan et parvenir à un processus de paix dirigé et contrôlé par les Afghans. 

M. NARCISO SIPACO RIBALA (Guinée équatoriale) s’est inquiété du nombre élevé de victimes civiles provoqué par les attaques à grande échelle lancées par les forces antigouvernementales et les terroristes, notamment à l’aide d’engins explosifs improvisés.  Il s’est aussi soucié du recrutement et de la violence sexuelle à l’égard des enfants et a espéré que la nouvelle loi du 5 mai sur la protection de l’enfance permettra de leur assurer davantage de protection.  Il a également condamné dans les termes les plus fermes les attaques commises pendant le mois sacré du ramadan.

Le représentant a ensuite salué les efforts déployés par les autorités afghanes pour faire progresser le processus de paix, citant notamment la convocation, le 29 avril, de la loya jirga consultative pour la paix.  Il les a encouragées à poursuivre leurs efforts, insistant par ailleurs sur l’importance vitale que revêt dans ce contexte le renforcement de la coopération régionale, notamment sur les plans politique, économique, social et sécuritaire.  Il a aussi appelé les États Membres de la région à honorer leurs engagements découlant de la résolution 1988 portant sur les sanctions.  Le représentant a appelé au respect du calendrier électoral et à une élection présidentielle transparente, crédible et inclusive.  Il s’est félicité de la nomination de deux femmes aux deux Commissions électorales et appelé le Gouvernement à lever les obstacles qui entravent la pleine participation des femmes dans toutes les sphères de la vie publique et politique.

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a indiqué que les progrès enregistrés dans le processus électoral afghan doivent être renforcés par l’engagement de toutes les parties prenantes à créer un environnement favorable à la tenue d’une élection présidentielle libre, transparente et crédible.  Il a noté avec préoccupation la persistance des menaces et attaques meurtrières des Taliban et de la branche locale de Daech, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur le taux de participation au scrutin, comme cela avait été constaté lors des élections législatives.  Il a appelé, par conséquent, à la vigilance de la communauté internationale et des troupes de la mission « Soutien résolu », afin de prendre des mesures préventives de sécurité pendant cette période électorale « cruciale » pour l’avenir du pays.  Il a exhorté les candidats à s’abstenir de toute action de nature à susciter des tensions qui pourraient compromettre le processus électoral.  M. Ipo s’est félicité de la nomination de femmes à la tête de la Commission électorale indépendante et de la Commission des plaintes électorales. 

Il s’est aussi félicité de toutes les initiatives visant à faciliter le dialogue entre l’ensemble des parties afghanes.  Il a salué les efforts consentis par l’Envoyé spécial des États-Unis pour l’Afghanistan, M. Zalmay Khalizad, en vue d’entamer des pourparlers de paix entre le Gouvernement afghan et les Taliban.  Il a également salué l’assistance que l’ONU et ses partenaires apportent aux populations affectées et exhorté la communauté internationale à maintenir son soutien financier au Plan humanitaire pour l’Afghanistan.  Enfin, le représentant a appelé au maintien des troupes de la mission « Soutien résolu » et à la matérialisation des promesses de financement en faveur des Forces de sécurité et de défense afghanes jusqu’en 2024. 

M. ZHAOXU MA (Chine) a estimé que le processus de paix en Afghanistan est à un stade crucial.  Selon lui, la communauté internationale devra s’acquitter de ses obligations en l’aidant à organiser son élection présidentielle à partir des leçons tirées des scrutins législatifs de l’an dernier.  Il faut également appuyer le processus de paix mené par les Afghans, en particulier les pourparlers directs avec les Taliban.  Si le représentant s’est félicité de la baisse du nombre des pertes civiles provoquées par le terrorisme, il a cependant constaté que les victimes des frappes aériennes menés par les forces étrangères sont en hausse.  Il a appelé la communauté internationale à s’acquitter de ses engagements sur le plan humanitaire et aider les réfugiés à rentrer chez eux.  Ce mois-ci, la dix-neuvième réunion de l’Organisation de coopération de Shanghai a permis à ses États membres de réitérer leur soutien au processus de paix et de réconciliation, a conclu le représentant.  La Chine continuera de promouvoir son initiative « Une Ceinture, une Route », a souligné le représentant. 

M. PAUL DUCLOS (Pérou) a appelé les Taliban et le Gouvernement afghan à entamer des négociations de paix directes, notamment dans la perspective de l’élection présidentielle du 28 septembre 2019.  Il est nécessaire que le scrutin se déroule dans un esprit de dialogue, de tolérance et de respect mutuel, a insisté le représentant, appelant à faire en sorte que des retards de nature politique ne viennent pas s’ajouter aux difficultés techniques et sécuritaires existantes.  Il a exprimé sa profonde préoccupation face à la situation sécuritaire du pays.  « Les morts dans des attaques aériennes menées par des forces associées au Gouvernement ont atteints des niveaux historiques », a-t-il déploré, notant également la persistance des attaques terroristes contre des civils à travers tout le pays.  Il a ainsi appelé à intensifier les efforts internationaux pour lutter contre Daech et contre le partenariat du groupe avec les narcotrafiquants.  Le représentant a enfin salué les avancées récentes du Gouvernement afghan, s’agissant de la lutte contre la corruption, de la réforme du secteur de la justice et de l’autonomisation des femmes.

M. KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a parlé d’une initiative conjointe de l’Afghanistan et du Royaume-Uni visant à former un groupe des amis des femmes afghanes qui va permettre de faire fonds sur les progrès.  Elle a appelé à des pourparlers de paix intra-afghans qui intègrent toutes les parties prenantes du pays.  Elle a aussi invité les parties ayant de l’influence à plaider afin que les Taliban fassent preuve de responsabilité.  En ce qui concerne les élections, Mme Pierce a rappelé qu’elles sont cruciales pour la stabilité du pays et a invité tous les acteurs politiques à faire preuve de responsabilité.  Elle a aussi souhaité que la MANUA assiste le pays dans ce processus.  Le nombre des victimes civiles, a-t-elle conclu, montre l’impact négatif du conflit.  Le Royaume-Uni entend poursuivre son soutien au peuple et au Gouvernement afghans pour parvenir à la sécurité et à la prospérité.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a encouragé l’Afghanistan à « aller de l’avant » avec l’élection présidentielle, dont il a espéré que les préparatifs seraient couronnés de succès.  Il s’est ensuite dit préoccupé par l’instabilité sécuritaire, en dépit d’une baisse de 72% des attentats-suicides.  Parler de réconciliation politique exige cependant d’élargir la focale à la coopération internationale, a souligné le représentant, qui s’est félicité des efforts déployés par les États-Unis auprès du Gouvernement afghan.  Il a, par ailleurs, demandé que cessent les attaques contre les personnels de santé, en soulignant qu’il est plus que temps de parvenir à un règlement pacifique du conflit. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a souligné que la stabilité de l’Afghanistan, et par ricochet de la région, va dépendre de l’amélioration de la situation sécuritaire.  Toute tentative de paix devrait tenir compte de tous les segments de la société afghane, a-t-il martelé, en mettant aussi en garde contre le risque de compromettre les acquis obtenus à coût de grands sacrifices.  Par exemple, a dit le représentant, depuis 2001, le statut de la femme afghane a profondément changé et aujourd’hui, les Afghanes appellent, à juste titre et de manière inflexible, à un processus de paix qui protège les acquis.  « Tous nos efforts en faveur de l’autonomisation des filles et femmes doivent être préservés », a insisté le représentant, avant d’affirmer qu’assurer la participation des femmes aux élections, aux négociations de paix et globalement à la gouvernance va contribuer à préserver les acquis. 

La paix et la stabilité durables ne peuvent non plus être possibles sans le soutien des pays voisins et ceux de la région.  Les relations de la communauté internationale avec les acteurs régionaux sont donc essentielles.  Depuis 2011, le Processus d’Istanbul « Au cœur de l’Asie » sur la sécurité et la coopération régionales pour la paix et la stabilité en Afghanistan est une plateforme « unique » qui réunit les pays de la région et les partenaires internationaux.  La prochaine réunion de cette plateforme aura lieu le 25 juin à Ankara, a annoncé le représentant qui a aussi estimé que le renforcement de la confiance entre le Pakistan et l’Afghanistan est « impératif ».  Il a exprimé la disposition de son pays à organiser un sommet avec ces deux pays, et a dit craindre qu’une décision sur un éventuel retrait des troupes ne vienne donner le sentiment d’un désengagement de la communauté internationale.  « Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser l’Afghanistan dans un vide de pouvoir », a déclaré le représentant, avant de rappeler qu’un processus de paix et de réconciliation mené par les Afghans eux-mêmes est « crucial » pour une paix durable. 

Mme GILLIAN BIRD (Australie) a encouragé le Gouvernement afghan à persévérer dans ses efforts pour dégager un consensus national sur les termes d’un règlement du conflit.  Elle a aussi salué les efforts du Représentant spécial des États-Unis dans les négociations avec les Taliban.  Les progrès réalisés sont importants et nous espérons que l’élan se poursuivra vers un accord global, a-t-elle ajouté.  Les négociations ne sont jamais faciles mais nous sommes déçus que les Taliban refusent les pourparlers directs avec le Gouvernement afghan, a avoué Mme Bird.  Un règlement politique durable n’est pas viable sans de telles discussions, a-t-elle prévenu, appelant les Taliban et les autres parties à commencer immédiatement les discussions sans condition préalable.  Elle a en outre encouragé le Gouvernement afghan à veiller à ce que le peuple puisse voter librement le 28 octobre et sans menace de violence.  Elle a appelé les Taliban à s’engager dans ce processus. 

M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD (Canada) a souligné que la tenue d’une élection transparente et équitable en septembre est essentielle pour la consolidation des acquis.  Il a accueilli favorablement la décision de la Commission électorale indépendante de reporter les autres élections qui étaient prévues afin de se concentrer sur l’élection présidentielle.  Il s’est aussi réjoui de ce que les autorités électorales tirent les leçons des élections législatives d’octobre 2018, surtout en ce qui concerne l’utilisation de la biométrie.

Le représentant s’est dit préoccupé de l’augmentation du nombre d’attaques contre des écoles afghanes, en raison de leur utilisation comme bureaux de vote.  Afin de réduire l’incidence des élections sur l’éducation et les enfants, il a exhorté le Gouvernement afghan à chercher d’autres lieux.  Il a aussi souligné l’importance d’assurer la sécurité des électeurs pour que les femmes soient capables de participer aux élections de manière tangible.  Les femmes afghanes, a-t-il poursuivi, ne sont pas prêtes à sacrifier des gains durement acquis dans leurs droits pour un règlement politique avec les Taliban.  Pour garantir la préservation de ces droits, de la démocratie et de la Constitution au-delà du processus de paix, les femmes et les filles doivent jouer un rôle prépondérant dans toutes les négociations, a souligné le représentant. 

Il a rappelé que son pays offre des prêts aux organisations de femmes pour améliorer leur faculté de s’impliquer dans les processus de paix locaux et nationaux.  Le Canada a aussi versé 8,4 millions de dollars au projet « Voix et leadership des femmes en Afghanistan ».  M. Blanchard a relevé que le taux de violence à l’égard des femmes dans le pays est parmi les plus élevés au monde et que la justice pour les victimes reste gravement insuffisante.  Il a fortement découragé le recours à la médiation dans les cas de violence faite aux femmes et a encouragé le Gouvernement à faire preuve d’une meilleure « diligence raisonnable » pour assurer l’égalité entre les sexes devant la loi.

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a jugé qu’à côté des combats, du grand nombre de victimes civiles et de la détérioration de la situation humanitaire, il y a aussi des raisons d’espérer.  Après des décennies de guerre, on voit des pourparlers de paix entre les États-Unis et les Taliban qui ont ouvert une réelle chance de parvenir à la paix.  Le Pakistan, a-t-elle rappelé, a toujours estimé qu’aucune solution militaire ne pouvait mettre fin au conflit afghan et que seul le dialogue pourrait mener à une paix durable.  Nous sommes donc satisfaits de voir ce chemin emprunté.  À part l’Afghanistan, aucun autre pays que le Pakistan n’a autant souffert du conflit afghan, a souligné la représentant.  Nous avons donc répondu favorablement à la demande américaine, en apportant notre contribution au processus de paix.  Le Pakistan a libéré le chef taliban, Abdul Ghani Baradar à la demande des partenaires internationaux et entend faire tout ce qui peut promouvoir un accord politique. 

Il est temps, a pressé la représentante, de passer à l’étape suivante qui est celle du dialogue intra-afghan.  Elle a invité toutes les parties, à s’y engager, y compris les Taliban.  Elle a espéré que le septième tour des négociations entre les États-Unis et les Taliban, prévu en début du mois prochain, conduira à un réel dialogue intra-afghan.  Elle a aussi noté que la coopération entre le Pakistan et l’Afghanistan est « vitale » et annoncé que le Président afghan sera en visite au Pakistan ce mois-ci.  De même, l’extension du commerce, de la coopération énergétique et la mise en œuvre de divers projets transrégionaux déjà identifiés pourraient, a-t-elle affirmé, renforcer la paix et la prospérité dans toute la région. 

Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) a souligné d’emblée que la MANUA reste essentielle pour la stabilisation et le développement de l’Afghanistan et s’est félicitée de changements rapides sur le terrain.  Les développements diplomatiques, grâce notamment à l’action du Représentant spécial américain ont ouvert la voie aux négociations de paix et à une plus grande coopération régionale.  C’est une opportunité qu’il faut saisir et toutes les parties prenantes doivent y contribuer, sous l’égide des Nations Unies, afin de s’orienter vers une solution cohérente et unifiée qui permette de rétablir la paix en Afghanistan.

Face aux défis sécuritaires et terroristes qui persistent, l’Italie est prête à poursuivre son soutien aux forces de sécurité afghanes, en particulier à travers ses contributions à la mission « Soutien résolu », a dit la représentante qui a estimé que les perspectives de paix n’ont jamais été plus tangibles qu’aujourd´hui.  Elles sont le fruit des efforts en cours aux plans régional et international, que l’Italie soutient pleinement.  Cependant « la part du lion » doit être assumée par les Afghans qui doivent s’engager dans un processus extensif et inclusif.  À ce titre, la représentante a insisté sur l’importance de la participation des femmes pour que leurs droits soient ancrés dans la constitution et préserver les acquis civils et sociaux de ces dernières années.

La représentante a salué l’engagement en faveur de la paix du Président Ghani, qui a notamment proposé de faire la paix avec les Taliban, sans préconditions, en février 2018, une offre qui a été renouvelée dans la feuille de route pour la paix de Genève en décembre dernier.  L’élection présidentielle sera le test décisif, a prévenu la représentante, en insistant sur la crédibilité et la transparence du processus.  Elle a également exhorté tous les candidats à la présidence, du Président actuel aux membres de l’opposition, à s’engager à adopter une approche responsable qui garantira la protection des institutions de l’État.  Mais, a-t-elle poursuivi, il faut veiller à ce que les considérations électorales ne prennent pas le dessus sur l’urgence d’engager un dialogue entre toutes les composantes de la société afghane et de faire les compromis nécessaires pour parvenir à un accord de paix.  S’alignant sur la position de l’Union européenne, la représentante a voulu que l’on fasse la distinction entre le processus électoral et le processus de paix qui doivent poursuivre leur voie indépendamment l’un de l’autre.

M. MAHMAMADAMIN MAHMADAMINOV (Tadjikistan) a déclaré que l’aggravation de la situation politique en Afghanistan pose une menace réelle sur la sécurité de toute la région et trouble le fonctionnement des routes vers l’Asie centrale.  Il est nécessaire de soutenir le Gouvernement afghan, en particulier durant la décennie de reconstruction de 2015-2024.  L’aide de la communauté internationale doit faire naître l’espoir et promouvoir la créativité du peuple afghan afin qu’il puisse assurer paix, stabilité et relance socioéconomique.  À cet égard, l’ONU peut jouer un rôle plus affirmé et plus efficace.  Le représentant a soutenu les efforts du Gouvernement afghan et l’a exhorté à commencer le plus rapidement possible un processus de paix efficace.  Il a aussi souligné la nécessité d’empêcher les groupes armés de l’opposition de commettre plus de violence et de casser leurs liens avec Al-Qaida et Daech. 

Le processus de paix est un facteur important de la stabilité à long terme et de l’unité de l’Afghanistan.  Mais la sécurité dans ce pays et dans toute la région ne peut se faire sans l’éradication du terrorisme et du radicalisme, a estimé le représentant pour qui les pays de la région doivent restreindre la circulation des terroristes sur leur territoire et détruire leurs sources de financement.  Pour ce faire, le Tadjikistan, en coopération avec l’ONU, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l’Union européenne, a organisé une conférence sur la coopération régionale contre le terrorisme et le financement du terrorisme par le trafic de drogues, à Douchanbé en mai 2019.  Ce mois-ci s’est aussi tenu le cinquième Sommet de la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA) au cours duquel le Président Emomali Rahmon a fait part de sa préoccupation face à la situation en Afghanistan et appelé à des mesures efficaces et à davantage de coordination de la part de la communauté internationale, y compris les pays membres de la CICA. 

M. KORO BESSHO (Japon) s’est félicité de la finalisation des résultats des élections législatives d’octobre dernier et de l’inauguration du premier Parlement afghan depuis 2011.  Avec la nouvelle Commission électorale indépendante et sur la base des leçons tirées des dernières, il est essentiel que l’élection présidentielle prévue pour fin septembre soit crédible pour que ses résultats soient largement acceptés.  Le représentant a salué les efforts du Gouvernement afghan pour parvenir à la paix avec les Taliban et a rappelé l’importance d’engager dès maintenant un dialogue intra-afghan.  Il a espéré que les efforts fait par les groupes « déterminants », y compris le dialogue entre les États-Unis et les Taliban et le dialogue trilatéral entre la Chine, les États-Unis et la Fédération de Russie, ouvriront la voie à ce dialogue et à son succès.

Le représentant s’est tout de même dit préoccupé par les attaques terroristes qui se poursuivent et a espéré que les développements positifs dans le processus de paix mèneront à la fin de la violence, à un cessez-le-feu et, à terme, à une paix durable.  Il a insisté sur l’importance de la participation des femmes au processus de paix, en rappelant que le Japon avait déjà organisé plusieurs ateliers pour les femmes afghanes visant à améliorer leurs capacités de répondre aux violences sexistes.  Une autre preuve de l’engagement du Japon aux côtés de l’Afghanistan est la somme de 96 millions de dollars qu’il a débloquée cette année pour financer des projets d’aide aux réfugiés, de réponse rapide à la sècheresse ou encore de déminage et de lutte contre les stupéfiants.  Le représentant a assuré que le Japon continuera de travailler main dans la main avec le peuple afghan, y compris avec l’aide humanitaire.

Après s’être félicité des progrès accomplis par l’Afghanistan au cours de ces 18 dernières années, y compris à la Coupe du monde de cricket, qui s’y déroule actuellement, M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a salué les opportunités créées par la mobilisation internationale.  Toutefois, a-t-il tempéré, nous estimons que certains efforts pourraient obéir à un échéancier qui n’est peut-être pas intrinsèque aux besoins du peuple afghan.  Nous devons garder à l’esprit que c’est le peuple afghan qui devra mettre en œuvre ces accords.  La dignité de ce peuple et la viabilité des acquis devraient être « le paradigme central » pour déterminer le résultat le plus adéquat.  Nous ne pouvons ignorer, a mis en garde, le représentant, que des groupes bénéficiant d’un soutien et de sanctuaires sûrs lancent depuis l’étranger des attaques terroristes.  On ne saurait donc les laisser négocier avec « la main haute ».  Pour une paix durable, il faut d’abord traiter de la question des refuges offerts aux réseaux terroristes.  Les activités des Taliban, de Daech, d’Al-Qaida ou encore du réseau Haqqani doivent cesser, a martelé le représentant.  Il a ensuite fait valoir les liens « profonds » qui unissent son pays à l’Afghanistan, notamment le partenariat économique pour améliorer la connectivité de ce pays sans littoral.  Il a cité en particulier le projet du port de Chabahar et le corridor fret aérien entre qui a été opérationnalisé avec succès. 

M. MIRGUL MOLDOISAEVA (Kirghizistan) a souligné le rôle central de l’ONU dans la paix et la stabilité en Afghanistan et rappelé le Cadre de responsabilité mutuelle de Genève, agréé en novembre 2018.  En dépit des changements positifs survenus au cours des derniers mois, en particulier les réformes politiques, économiques, et sociales lancées par le Gouvernement, la situation politique dans le pays demeure fragile, a estimé le représentant.  Il a mis en cause les activités incessantes des groupes extrémistes et terroristes et les trafics d’armes et de stupéfiants, ainsi que la traite humaine.  « Nous sommes également préoccupés par la situation qui prévaut au niveau régional avec le retour des combattants terroristes étrangers », a alerté le représentant.  Il s’est ensuite félicité de la tenue, le 19 avril à Bichkek, de la réunion du Groupe de contact sur l’Afghanistan et de l’Organisation de Shanghai pour la coopération, coprésidée par l’Afghanistan.  À cette occasion, les participants ont abordé la question de la coopération avec Kaboul et des progrès accomplis dans le processus de paix, et examiné le projet de feuille de route du Groupe de contact pour les activités à venir.  Le Kirghizistan avait par ailleurs accueilli, le 16 novembre dernier, la huitième réunion annuelle des Vice-Ministres des affaires étrangères des États d’Asie centrale.  M. Moldoisaeva a de plus expliqué que son gouvernement promeut des initiatives en vue d’établir un consortium agro-industriel entre le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Afghanistan, ainsi qu’un centre international de recherche sur l’Afghanistan et la coopération régionale, dans la ville de Bichkek. 

M. BAKHTIYOR IBRAGIMOV (Ouzbékistan) a dit suivre de très près la situation en Afghanistan parce que le développement stable et durable de l’Asie centrale est étroitement lié à la paix dans ce pays.  Le Gouvernement afghan doit être le principal acteur de tout le processus de paix, lequel devrait englober toutes les forces politiques et tous les groupes ethniques du pays.  L’Ouzbékistan contribue à ce processus, a ajouté le représentant qui a annoncé que son pays a rencontré des représentants de la Commission politique, l’année dernière.  Durant ces rencontres, l’Ouzbékistan a souligné l’importance de faire respecter le cessez-le-feu, de faciliter l’aide humanitaire et de mettre en œuvre des projets économiques à grande échelle.  Les Taliban, a affirmé le représentant, ont salué les efforts de l’Ouzbékistan qui a d’ailleurs participé à diverses négociations internationales sur l’Afghanistan avec pour objectif de soutenir les efforts internationaux pour trouver une solution réaliste au conflit afghan.  « Nous sommes prêts, à tous les niveaux du processus de paix, à créer les conditions nécessaires à l’organisation sur notre territoire, de négociations directes entre le Gouvernement de l’Afghanistan et les Taliban », a annoncé le représentant, en transmettant ainsi l’invitation de son Président. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a fait part de l’inquiétude de son pays devant l’augmentation du nombre de victimes civiles du fait des attaques à grande échelle de forces antigouvernementales, y compris les terroristes, et l’utilisation d’engins explosifs improvisés, sans oublier les kamikazes.  Il s’est dit inquiet de la détérioration de la situation humanitaire et a déploré le fait que Daech poursuive ses recrutements.  Avec l’approche de l’élection présidentielle de septembre, il a voulu que l’on fasse fonds des dernières élections afin de sauvegarder la crédibilité et la légitimité du système politique afghan.  Tout en saluant les pourparlers engagés avec les Taliban, il a jugé crucial un dialogue direct à brève échéance entre le Gouvernent et les Taliban. 

Compte tenu des difficultés économiques de l’Afghanistan, le représentant a estimé qu’il faut privilégier la coopération régionale et renforcer l’intégration économique avec les pays voisins, afin de mettre en œuvre des projets dans les secteurs des infrastructures, du commerce, des investissements, du transit et des transports.  Ces diverses initiatives devraient permettre de créer des emplois et de réduire le recrutement des populations par les groupes terroristes.  Le représentant a invité les donateurs à augmenter leurs contributions à la paix et au développement dans et autour de l’Afghanistan.  Le Kazakhstan s’évertue d’ailleurs à établir un centre interrégional sur les objectifs de développement durable, sous les auspices des Nations Unies.  Cette structure devrait aider les pays de la région et au-delà à la mise en œuvre du Programme 2030. 

M. JOÃO PEDRO VALE DE ALMEIDA, de l’Union européenne, a indiqué que les six premiers mois de l’année ont été importants pour les relations entre l’UE et l’Afghanistan, comme en atteste le nombre important de réunions et de visites de dignitaires, dont la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, qui s’est rendue à Kaboul au mois de mars.  Il a aussi parlé de la réunion tenue le 8 avril par le Conseil des affaires étrangères de l’UE au cours de laquelle les attentes de l’UE eu égard au processus de paix ont été détaillées.  Celle-ci, a-t-il précisé, est fermement convaincue que tout accord de paix doit préserver les acquis politiques, économiques et sociaux réalisés au cours des 18 dernières années. 

Il a estimé que le dialogue entre le Gouvernement et les Taliban doit commencer dès que possible et que les négociations actuellement en cours entre les Taliban et les États-Unis doivent être intégrés aux consultations intra-afghanes.  L’UE, a-t-il ajouté, est prête à faciliter tout processus de consultation et de dialogue qui contribuera à l’inclusivité en assurant la participation des groupes de femmes et de jeunes.  Si on s’attend à ce que l’UE apporte un appui financier, politique ou de développement à l’issue d’un accord de paix, on doit l’impliquer à tous les stades du processus de paix, a prévenu le représentant.

Il a voulu que l’on mette l’accent sur les négociations intra-afghanes, dont la loya jirga, à condition d’élargir les consultations à d’autres parties prenantes et d’obtenir l’appui des principaux acteurs politiques et de la société civile .  La classe politique afghane doit faire de la paix sa priorité, a-t-il martelé.  M. Vale De Almeida a ensuite indiqué qu’au cours de la deuxième réunion du Comité conjoint EU-AFG, le Gouvernement afghan a présenté sa stratégie de croissance et son plan d’autonomie budgétaire d’ici à 2024.  La bonne mise en œuvre de la législation en matière de droits de l’homme et de démocratie a été soulignée et un accord s’est également dégagé sur la préservation de l’ordre constitutionnel et l’inclusion des femmes à toutes les étapes des négociations et du processus de paix.

Le représentant a, par ailleurs, annoncé que l’UE compte organiser très prochainement, à Kaboul, la cinquième Conférence anticorruption.  Il a indiqué que la réintégration durable des déplacés et rapatriés afghans demeure un défi de taille pour l’Afghanistan.  L’UE compte donc continuer de renforcer son appui dans ce domaine.  Elle fournira également un appui de 18 millions d’euros pour surmonter certaines des difficultés techniques rencontrées lors des élections législatives d’octobre 2018.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a estimé que l’appel du peuple afghan pour la paix n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui, et cet appel doit être entendu.  Pour être durable, cette paix doit être rétablie par et pour les Afghans.  Elle ne doit pas leur être dictée ni ignorer les véritables préoccupations et intérêts de tous les Afghans.  La communauté internationale doit, selon le représentant, se contenter d’appuyer les aspirations de cette « grande nation », en facilitant un processus de paix dirigé et contrôlé par les Afghans.  Le représentant a salué la dernière loya jirga consultative pour la paix et a jugé malheureux qu’au lieu de reconnaître le rôle positif de l’Iran dans le maintien de la paix et de la stabilité en Afghanistan, les États-Unis l’accusent d’alimenter l’insécurité.  L’unique propos de cette assertion « injustifiée » est de couvrir les échecs que la politique américaine a multipliés ces 18 dernières années en Afghanistan, a tranché le représentant.

Si le retrait responsable et assorti d’un calendrier de toutes les forces étrangères est réclamé avec force par les Afghans, il faut néanmoins, a prévenu le représentant, l’accompagner du renforcement des institutions et des forces nationales de défense et de sécurité.  Cela est d’autant plus important que le pays subit toujours la présence et les activités criminelles de groupes terroristes dangereux comme Daech que l’on a aidé à rapatrier ses éléments de la Syrie et de l’Iraq.  Daech n’est pas seulement un élément déstabilisateur pour l’Afghanistan, mais c’est aussi une menace grave pour certains pays d’Asie centrale.  Renforcer les forces de sécurité afghanes est tout aussi nécessaire pour s’attaquer au trafic de stupéfiants qui détruit également le tissu social des pays voisins et finance les activités terroristes et autres activités criminelles.  Après avoir appelé à des efforts internationaux pour appuyer l’économie afghane, le représentant a rappelé que son pays abrite des millions de réfugiés afghans et combat le trafic de stupéfiants vers l’Europe « sans réelle aide internationale ». Il est temps que la communauté internationale assume ses responsabilités et aide l’Afghanistan dans ce domaine, a-t-il conclu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: les nouvelles autorités soudanaises rejettent la main tendue par la Procureure de la CPI sur la question du Darfour

8554e séance – matin 
CS/13849

Conseil de sécurité: les nouvelles autorités soudanaises rejettent la main tendue par la Procureure de la CPI sur la question du Darfour

Deux mois après le renversement de l’ex-Président Omar Al-Bashir par l’armée soudanaise, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, a invité ce matin les autorités de Khartoum à ouvrir un « nouveau chapitre » dans l’histoire des relations du pays avec la Cour, jusqu’ici marquées par un « manque total de coopération », en acceptant de lui livrer les suspects toujours visés par un mandat d’arrêt pour les crimes commis au Darfour, dont M. Al-Bashir.  Rejetant la main tendue par la Procureure, le Soudan a répondu qu’il ne reconnaissait pas la compétence de la CPI et que sa position sur la question demeurait inchangée, en dépit des changements politiques récents.

M. Al-Bashir, que la Cour accuse de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour depuis 2002, est actuellement détenu dans la capitale soudanaise, où il a été destitué par l’armée du pays, le 11 avril dernier, après plusieurs mois de manifestations populaires contre son gouvernement.  Dès le lendemain, le Conseil militaire de transition qui lui a succédé a annoncé son intention de ne pas livrer l’ex-Président déchu à la CPI. 

J’invite les nouvelles autorités de Khartoum à prendre le contrepied du « manque total de coopération » du Gouvernement précédent avec mon Bureau et à ouvrir un « nouveau chapitre » de coopération au profit des victimes du Darfour, a offert en début de séance Mme Bensouda, venue présenter au Conseil son vingt-neuvième rapport sur la situation au Darfour, dont la CPI est saisie depuis l’adoption en 2005 par les Quinze de la résolution 1593.

La Procureure a précisé que cinq mandats d’arrêt émis par la CPI, visant des anciens hauts responsables du Gouvernement soudanais, étaient toujours en souffrance.  Outre M. Al-Bashir, la Cour attend l’arrestation de M. Ahmad Harun, Ministre de l’intérieur du Soudan de 2003 à 2005, M. Abdel Raheem Hussein, ancien Ministre de la défense du pays, ainsi que le chef de milice M. Ali Kushayb et le dirigeant rebelle M. Abdallah Banda.  Si les deux derniers sont toujours en fuite, MM. Harun et Hussein sont désormais aux mains des autorités soudanaises, à l’instar de M. Al-Bashir, qui a été déféré, dimanche 16 juin, au parquet de la justice soudanaise spécialisé dans les affaires de corruption.

À moins qu’il ne soit en mesure de démontrer aux juges de la CPI que la justice soudanaise est capable de traduire ces cinq suspects en justice pour des faits identiques à ceux retenus contre eux, le Soudan a l’obligation légale de coopérer avec la Cour, a estimé Mme Bensouda, appelant le Conseil militaire de transition à livrer ces suspects à la Cour. 

Mon pays n’est pas partie au Statut de Rome de la CPI et la Cour n’est pas un organe de l’ONU, a tranché le Soudan, dont la position sur la question demeure inchangée, en dépit des récentes évolutions politiques. 

Le représentant du Soudan a par ailleurs dénoncé le contenu du nouveau rapport de la Procureure, dans lequel Mme Bensouda se dit préoccupée par les violences des Forces d’appui rapide soudanaises contre des manifestants pacifiques, qui auraient fait des dizaines de morts non seulement à Khartoum, le 3 juin dernier, mais également dans le reste du pays, depuis la mi-décembre 2018.  Selon le rapport, ces évènements auraient contribué à une détérioration de la situation sécuritaire au Darfour, les violences contre les manifestants ayant aggravé le sort des 1,64 million de personnes déplacées dans la région, avec notamment une recrudescence des violences sexuelles contre les femmes résidant dans les camps ou dans leurs environs.  À cela, s’ajoute la persistance des combats entre les forces soudanaises et l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid dans le Jebel Marra, ainsi que la saisie par les Forces d’appui rapide de sites précédemment sous la responsabilité de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), qui auraient dû être transférés à la population civile.  Dans ce contexte, le rapport de Mme Bensouda appuie la volonté du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) de proroger d’un an le mandat de la MINUAD et demande au Conseil de sécurité d’en faire de même.

Ce rapport contient des « informations erronées » et fait référence à des évènements n’ayant pas eu lieu ou qu’il monte en épingle, s’est insurgé le représentant du Soudan, soulignant la contradiction entre ce document et le rapport du Secrétaire général sur le Darfour, qui mentionne une amélioration de la situation dans la région et recommande le retrait progressif de la MINUAD selon un calendrier déjà établi.  Les travaux de la CPI concernant le Darfour ne doivent en effet pas faire entrave au processus de paix au Soudan, a estimé à son tour le Koweït, précisant, au passage, que l’acte d’accusation de la CPI contre M. Al-Bashir n’avait pas bénéficié de l’appui des organisations internationales et régionales auxquelles le Soudan est partie, dont la Ligue des États arabes, qui a rejeté la « politisation de la justice internationale » au détriment de la souveraineté des États. 

La majorité des membres du Conseil, dont les États-Unis, la France, l’Allemagne, la République dominicaine, le Royaume-Uni, la Pologne, le Pérou et la Côte d’Ivoire, a toutefois appelé le Soudan à coopérer avec la CPI et a dénoncé l’usage excessif de la force par les nouvelles autorités de Khartoum contre les manifestations.  Plusieurs d’entre eux ont ainsi appelé le Conseil militaire de transition à ouvrir une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur ces évènements, ainsi qu’à œuvrer au « transfert pacifique du pouvoir » à la population civile, via l’organisation d’élections libres. 

La Fédération de Russie est, quant à elle, revenue sur l’arrêt de la Chambre d’appel de la CPI rendu le 6 mai 2019, dans l’affaire concernant la Jordanie, qui a conclu, en invoquant le droit international coutumier, qu’on ne pouvait soulever devant un tribunal international l’argument de l’immunité pour les chefs d’État.  « C’est curieux », a commenté le délégué russe, en faisant remarquer que, jusqu’à présent, la traque d’Omar Al-Bashir prouvait le contraire.  En effet, a-t-il rappelé, tous les États dans lesquels le suspect s’est rendu ont reconnu son immunité. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Déclarations

Venue présenter son vingt-neuvième rapport sur la situation au Darfour, Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a commencé par rappeler les événements qui se sont produits le 11 avril dernier à Khartoum, où après plusieurs mois de manifestations populaires contre le Gouvernement soudanais, le Président Omar Al-Bashir a été déchu du pouvoir, après 30 ans passés à la tête du pays, cédant la place à une « période incertaine de transition politique ».

Tout en précisant qu’elle ne sous-estimait aucunement la « complexité et la fluidité » des événements qui se déroulent à l’heure actuelle au Soudan, Mme Bensouda a souhaité adresser au Conseil un message clair: « L’heure est venue d’agir. »  Il est en effet temps pour le peuple du Soudan, a-t-elle poursuivi, de choisir l’état de droit plutôt que l’impunité, afin que justice soit rendue pour les crimes commis au Darfour.

Mme Bensouda a par ailleurs fait part au Conseil de sa préoccupation face aux rapports récents faisant état de violences perpétrées contre des civils dans la capitale du pays, y compris des violences sexuelles et sexistes.  Ces violences, a-t-elle précisé, se propageraient maintenant dans d’autres régions du Soudan, dont le Darfour.  La Procureure a exhorté le Conseil à lancer un appel fort en faveur d’une cessation immédiate de ces violences.  Il est également impératif, a-t-elle ajouté, que les nouvelles autorités soudanaises ouvrent rapidement des enquêtes pour faire la lumières sur ces attaques et traduire leurs auteurs en justice.

Dans le cadre de son propre mandat, qui découle du Statut de Rome, Mme Bensouda a renouvelé son engagement à œuvrer en faveur de la responsabilité au Soudan.  Elle a appelé tous les États parties au Statut à coopérer avec son Bureau pour y parvenir.  « Les États parties doivent continuer, de bonne foi, à remplir leur obligation de coopération vis-à-vis de la Cour dans le cadre de son enquête et de ses poursuites s’agissant du Darfour », a-t-elle insisté.

Quant au Soudan, a ajouté la Procureure, il a désormais l’opportunité de déroger à sa politique précédente de « manque total de coopération » avec son Bureau et d’ouvrir un « nouveau chapitre » au profit des victimes de la situation au Darfour. 

La Procureure a précisé que cinq mandats d’arrêt émis par la Cour étaient toujours en souffrance pour des personnes ayant occupé des postes de haut responsable au sein du Gouvernement soudanais à l’époque des crimes commis au Darfour.  Outre l’ex-Président Al-Bashir, ces mandats concernent M. Ahmad Harun, ancien Ministre de l’intérieur du Soudan de 2003 à 2005, M. Abdel Raheem Hussein, ancien Ministre de la défense du pays, ainsi que le chef de milice M. Ali Kushayb et le dirigeant rebelle M. Abdallah Banda.

À moins qu’il ne soit en mesure de démontrer aux juges de la CPI que la justice soudanaise est capable de traduire ces cinq suspects en justice pour les faits retenus contre eux, le Conseil militaire de transition du Soudan a l’obligation légale de coopérer avec la Cour, conformément à la résolution 1593 (2005) du Conseil.  Cela suppose, a-t-elle précisé, de livrer ces suspects à la CPI, aussi bien ceux qui sont toujours en fuite, MM. Kushayb et Banda, que les suspects actuellement incarcérés par les nouvelles autorités de Khartoum, à savoir, outre M. Al-Bashir, MM. Harun et Hussein.  Mme Bensouda s’est ainsi dite prête à dialoguer avec le Conseil militaire de transition afin de relancer la coopération entre le Gouvernement soudanais et son Bureau qui avait prévalu entre 2005 et 2007.  Elle a également appelé le Conseil à soutenir pleinement ses efforts à cet effet. 

Par ailleurs, Mme Bensouda a jugé « intolérable » les violences perpétrées par les forces armées soudanaises, et notamment ses Forces d’appui rapide, dont ont été victimes des civils dans la capitale du pays, le 3 juin dernier.  Elle a appelé le Conseil à condamner fermement ces violences, qui auraient causé la mort de 61 personnes selon les autorités du pays, cependant que la société civile soudanaise parle, elle, de plus de 100 victimes.  Selon Mme Bensouda, ces violences viennent s’ajouter à la série d’attaques perpétrées depuis la mi-décembre 2018 par l’armée soudanaise à travers tout le pays, y compris au Darfour.  Tout en prenant acte de l’intention du Conseil militaire de transition d’enquêter sur ces différentes attaques, la Procureure a exhorté ce dernier à faire en sorte que ces enquêtes soient menées « promptement », par des « experts indépendants » et sur l’ensemble des violations des droits de l’homme commises à l’encontre des manifestants soudanais.

Au Darfour, les attaques contre des civils se sont poursuivies sur l’ensemble de la période couverte par le nouveau rapport, a par ailleurs déploré la Procureure.  À cet état de fait, s’ajoutent les 1,64 million de personnes déplacées dans la région, dont la situation demeure, selon la Procureure, très précaire.  Mme Bensouda a notamment mentionné la poursuite des violences sexuelles à l’encontre des filles et femmes déplacées, aussi bien dans les camps que dans les environs.  Les attaques contre le personnel de maintien de la paix perdurent également, a-t-elle ajouté.  Au vu de cette évolution, la Procureure a dit partager l’opinion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), selon laquelle les développements sécuritaires et politiques récents au Soudan ont contribué à une détérioration de la situation sécuritaire au Darfour. 

Toujours au Darfour, la Procureure a également noté avec préoccupation que des sites préalablement sous la responsabilité de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) avaient été saisis par les Forces d’appui rapide soudanaises.  Dans ce contexte, Mme Bensouda a appuyé la volonté du Conseil de paix et de sécurité de l’UA de proroger le mandat de la MINUAD pour une période de 12 mois et sa demande au Conseil de sécurité d’en faire de même.  Elle a également rejeté l’appel lancé par le Conseil militaire de transition à la MINUAD de transférer ses actifs aux Forces d’appui rapide.  Ces actifs doivent être transférés à la population civile, a-t-elle estimé. 

Concernant les allégations de crimes récemment commis au Darfour, a déclaré la Procureure, « permettez-moi de préciser que je continuerai à suivre de près les événements et que je n’hésiterai pas à enquêter et, le cas échéant, à poursuivre les auteurs présumés des crimes relevant de la compétence de la CPI ».  L’heure est venue d’agir, a déclaré en conclusion la Procureure.  « Les victimes de la situation au Darfour ont attendu bien trop longtemps que justice soit rendue. »

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a déclaré qu’à la suite des développements de ces derniers mois au Soudan, le Gouvernement de transition avait une occasion de rendre enfin justice aux victimes.  « Le processus de transition politique, entamé après l’arrestation de l’ancien Président Omar Al-Bashir, permet en effet d’envisager l’ouverture d’un nouveau chapitre dans l’histoire des relations entre la CPI et le Soudan », a analysé le représentant.  Il a estimé que le cadre juridique à la base de la coopération dont la Cour doit bénéficier de la part des autorités soudanaises était « très clair ». 

Dans son arrêt du 6 mai dernier, la Chambre d’appel de la CPI a confirmé sans équivoque que le Soudan était tenu, conformément à la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité, de coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur, a poursuivi M. Pecsteen de Buytswerve.  Par conséquent, il incombe aux autorités du Soudan d’exécuter les mandats d’arrêt délivrés par la CPI contre les personnes recherchées dans le cadre de la situation au Darfour.  Or, la présente situation est inédite selon lui.  Pour la première fois depuis la délivrance des différents mandats d’arrêt, plusieurs des suspects sont aujourd’hui détenus, a observé la délégation belge.  Aussi a-t-elle encouragé les autorités soudanaises à montrer l’exemple en respectant leurs obligations internationales et en répondant favorablement à l’invitation de la Procureure à entamer un dialogue afin de s’assurer que les personnes visées par un mandat d’arrêt soient traduites en justice, « devant la CPI ou au Soudan ». 

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a rappelé que la situation au Darfour avait été la première affaire renvoyée par le Conseil de sécurité devant la CPI.  En dépit des progrès enregistrés depuis lors, il ne faut pas oublier les raisons de ce renvoi, a-t-il recommandé, rappelant le nombre de 300 000 morts et la poursuite des combats, notamment dans la région du Jebel Marra.  La situation s’est avérée de surcroît très préoccupante ces dernières semaines et la violence se poursuit à un rythme effréné, notamment des mains des forces sécuritaires du Soudan, a souligné le représentant.  Il a aussi dénoncé le pillage des stocks humanitaires.

Le représentant s’est aussi inquiété de l’incertitude politique actuelle.  « Les actes de répression ne sont pas les actes d’autorités crédibles et responsables », a-t-il affirmé.  Il a estimé que le Conseil de sécurité avait le choix de permettre un nouvel avenir pour le Soudan avec un soutien à long terme de la communauté internationale pour aider le pays à surmonter, entre autres, les conséquences des mauvaises politiques économiques.  Il a appelé à un transfert rapide du pouvoir à des autorités civiles qui soient déterminées à rendre justice pour les crimes perpétrés au Darfour.

Mme SHÉRAZ GASRI (France) a estimé que le travail de la Procureure et de ses équipes n’était pas seulement nécessaire pour rendre justice aux victimes des crimes commis au Darfour, mais également « indispensable à l’émergence d’un état de droit au Soudan et à la stabilisation du pays ».  Condamnant les violences survenues au Soudan ces dernières semaines, elle a appelé instamment les acteurs à la retenue et à ne pas recourir à la violence.  De même, la France demande que toute la lumière soit faite sur les exactions commises, y compris les violences sexuelles, « à la suite du très préoccupant communiqué de Pramila Patten », la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, et que les responsables répondent de leurs crimes.  Elle regrette dans ce contexte le report de la publication, par le comité soudanais désigné, des conclusions de l’enquête sur les violences du 3 juin dernier à Khartoum, et appelle à leur communication dans les meilleurs délais.

Par ailleurs, la représentante de la France s’est dite extrêmement préoccupée par les informations faisant état de violences au Darfour ces dernières semaines, notamment dans le Jebel Marra.  Selon Mme Gasri, la lutte contre l’impunité est à la fois « un impératif de justice et une condition de stabilisation de la région », ce qui oblige le Soudan à assumer ses responsabilités.  Il est notamment essentiel, plus que jamais, que la CPI puisse poursuivre et mener à bien son enquête, afin de lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves commis au Darfour, a plaidé la délégation. 

Mme Gasri a donc appelé le Soudan à coopérer avec la CPI, conformément à la résolution 1593 (2005), en mettant à exécution les mandats d’arrêt déjà émis contre ses ressortissants et en remettant ceux-ci sans délai à la Cour.  Ce faisant, les autorités soudanaises non seulement rempliraient leurs obligations internationales, mais elles enverraient également à la communauté internationale un signal fort de leur détermination à en finir avec l’impunité.  Mme Gasri a aussi appelé les autorités soudanaises à permettre aux équipes de la CPI d’accéder au Darfour afin d’y recueillir des éléments nécessaires. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a déploré le manque de progrès dans l’enquête sur la situation au Darfour.  Il a expliqué qu’il ne ferait pas de commentaire sur la situation interne au pays, le Conseil de sécurité disposant déjà de mécanismes pour une telle discussion, sans la présence de la Procureure.

Il est revenu sur l’arrêt de la Chambre d’appel de la CPI rendu le 6 mai 2019, dans l’affaire concernant la Jordanie, qui a conclu qu’il n’y avait pas d’immunité des chefs d’État en droit international coutumier vis-à-vis d’un tribunal international.  « C’est curieux », a-t-il commenté en faisant remarquer que jusqu’à présent, la traque d’Omar Al-Bashir prouvait le contraire.  En effet, a-t-il rappelé, tous les États dans lesquels le suspect s’était rendu avaient reconnu son immunité.

Le représentant est ensuite revenu sur l’adoption, il y a 100 ans, du Traité de paix de Versailles, en citant son article 227 dans lequel les puissances alliées et associées avaient accusé Guillaume II de Hohenzollern, ex-empereur d’Allemagne, pour « offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités ».  L’idée de créer un tribunal international pour le juger y avait également été évoquée mais n’avait jamais été concrétisée, les Pays-Bas ayant refusé de livrer l’ancien empereur, a-t-il rappelé.

Le représentant a poursuivi en soulignant que le droit international en vigueur prévoit l’immunité des fonctionnaires, sans aborder la question de la compétence juridictionnelle.  Selon lui, l’État qui décide d’exercer cette compétence s’immisce donc dans les relations internationales.  En conclusion, il a appelé les États parties au Statut de Rome à agir de manière responsable et à s’abstenir de toute mesure pouvant provoquer des frictions internationales.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a dit que son pays souscrivait aux appels pressants de la communauté internationale à identifier et à traduire devant les juridictions internationales compétentes, notamment la CPI, les personnes ou groupes armés auteurs de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. 

Au sujet de la crise politique que vit le Soudan en ce moment, la Côte d’Ivoire souhaite vivement que les efforts de médiation de l’UA, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), du Premier Ministre éthiopien et de la Troïka portent leurs fruits à court terme, afin de mettre le Soudan à l’abri d’une instabilité qui pourrait saper les fondements de la paix dans ce pays. 

La délégation appelle à une coopération constructive entre la CPI et le Soudan, fondée sur la confiance mutuelle et la volonté des deux parties d’œuvrer de concert au renforcement des institutions judiciaires nationales.  Elle réitère également son soutien à la Procureure pour le travail accompli et l’encourage à poursuivre inlassablement ses efforts afin de mener à terme les différentes enquêtes en cours au Darfour. 

M. THABO MICHAEL MOLEFE (Afrique du Sud) s’est dit gravement préoccupé par les violences et les nombreux morts au Darfour.  Il a déploré que la violence vise en particulier les civils et s’est inquiété de la persistance des défis sécuritaires et des violations des droits de l’homme.  Les femmes et les enfants demeurent les plus vulnérables et les plus touchés par la violence sexuelle, qui continue d’être utilisée comme arme de guerre au Darfour, a dénoncé M. Molefe avant d’appeler l’armée et les forces de sécurité à assurer la protection des civils ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés au Darfour.

Rappelant le communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) du 13 juin 2019 et la déclaration à la presse des pays africains présentée au Conseil le 3 juin, le délégué a condamné les tragiques pertes en vies humaines, tout en rappelant aux autorités de transition soudanaises leur obligation de protéger les civils et de respecter les droits de l’homme fondamentaux.  Il a exhorté le Conseil militaire de transition, les forces pour la liberté et le changement et toutes les autres parties à revenir au dialogue dans l’objectif d’apporter des réponses aux aspirations légitimes du peuple soudanais.  M. Molefe a aussi appelé le Conseil militaire à se replacer dans le cadre établi par l’UA et a souligné la primauté des initiatives africaines dans la recherche de solutions à la crise au Soudan. 

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) s’est dit très préoccupé par l’usage excessif de la force par l’armée soudanaise à l’encontre des civils et des manifestants du pays.  Il a exhorté les nouvelles autorités soudanaises à enquêter sur ces violences et, plus généralement, à œuvrer en faveur d’un « transfert pacifique du pouvoir » à la population civile, via l’organisation d’élections libres.  Sans cela, l’instabilité risque de se propager à l’ensemble du pays, a-t-il mis en garde.

Le représentant allemand a en outre renouvelé l’appui de son pays envers l’enquête de la CPI sur les crimes commis au Darfour.  Il a encouragé les autorités soudanaises à agir pour lutter contre l’impunité dans le pays et à collaborer pleinement avec la Cour et le Bureau de la Procureure.  C’est essentiel pour éviter que de nouveaux crimes ne soient commis, a estimé le représentant, appelant le Gouvernement soudanais à livrer les personnes visées par des mandats d’arrêt de la Cour.  « Ce serait un pas dans la bonne direction », a-t-il insisté.

Le représentant a enfin réitéré l’appui de l’Allemagne à la CPI et à son indépendance.  « C’est une pièce importante de l’ordre international », a-t-il déclaré, appelant les États n’ayant toujours pas adhéré au Statut de Rome à le faire dans les plus brefs délais.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a constaté une situation préoccupante au Soudan, pointant du doigt notamment les actes de violence, les violences sexuelles dont sont notamment victimes les femmes déplacées et les restrictions imposées à la liberté de mouvement des déplacés.  Il a néanmoins salué le courage du peuple soudanais qui a réussi à modifier sa trajectoire historique.

Le représentant a appelé le Soudan à établir un système judiciaire fiable permettant de « faire de l’impunité une chose du passé » et de donner espoir aux victimes des crimes commis par le régime d’Al-Bashir.  Il a aussi appelé les autorités soudanaises à coopérer avec le Bureau de la Procureure et notamment à autoriser celui-ci à mener des enquêtes sur place.  Il a salué la décision récente de la Chambre d’appel de la CPI selon laquelle les États ont le devoir d’extrader les chefs d’État qui font l’objet d’un mandat d’arrêt international.  M. Singer Weisinger a aussi appelé les membres du Conseil de sécurité à se montrer unis sur le dossier soudanais.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) s’est félicité dans un premier temps de la situation sécuritaire relativement calme qui a prévalu au Darfour au cours de la période à l’examen, marquée par le déclin des affrontements intercommunautaires.  Il a toutefois exprimé sa préoccupation devant les violations des droits de l’homme qui continuent de se produire à travers tout le Darfour, et qui visent en particulier les personnes déplacées, les femmes et les enfants.  Par ailleurs, les efforts en vue de rendre justice doivent s’inscrire dans le cadre plus général de la quête de paix au Darfour, a estimé la délégation en plaidant pour que les actions de la communauté internationale ne remettent pas en cause le dialogue en cours entre les parties soudanaises. 

Si elle a reconnu la responsabilité du Conseil de sécurité pour veiller à ce que le Gouvernement soudanais respecte les dispositions de la résolution 1593 (2005), l’Indonésie a cependant estimé que le rôle de la CPI devait être complémentaire des juridictions pénales nationales.  « Nous considérons que le renvoi de la situation au Darfour et les actions menées par la Procureure ne devraient pas annuler le principe de complémentarité ni empêcher les tribunaux soudanais de faire valoir leur compétence pour juger les auteurs de violations et d’abus des droits de l’homme », a insisté M. Syihab, en appelant les autorités soudanaises à assumer leurs responsabilités à cet égard.

M. ANGEL HORNA (Pérou) s’est inquiété des conséquences des derniers évènements au Soudan sur la situation humanitaire du pays et a dénoncé la répression violente des manifestations qui a fait plus de 100 morts depuis le 9 avril.  « La CPI nous offre aujourd’hui une occasion de veiller à ce que les crimes les plus graves ne restent pas impunis », a-t-il rappelé.  Il a ensuite exhorté le Conseil militaire de transition à arrêter et livrer les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes contre l’humanité, de guerre et de génocide.  Il faut veiller à ce que les crimes commis par l’ancien Président Omar Al-Bashir et les autres personnes qui font l’objet d’un mandat d’arrêt, notamment MM. Abdel Hussein, Ahmad Harun et Ali Kushayb, soient punis, a-t-il ajouté. 

Le représentant a ensuite appelé les États à coopérer avec la CPI et la Procureure afin de rendre justice pour les crimes commis au Darfour.  Il a d’ailleurs déploré que certains États parties au Statut de Rome n’aient pas exécuté les mandats d’arrêts émis par la CPI et n’aient donc pas remis les suspects qui se trouvent sur leur territoire.  Enfin, il a appuyé les mécanismes visant à pousser le Conseil de sécurité à agir face aux cas de non mise en œuvre et de manque de coopération. 

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a condamné les attaques « horribles » perpétrées le 3 juin dernier à Khartoum, ainsi que certaines violences qui se sont propagées dans différentes villes du pays depuis la mi-décembre 2018, causant la mort de 70 personnes depuis le 9 avril 2019, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Tout en saluant les rapports de la MINUAD selon lesquels la situation du pays demeurerait « relativement calme », le représentant a appuyé les efforts de l’Union africaine au Soudan.  Ceux-ci visent à restaurer le dialogue et instaurer une paix durable sur l’ensemble du territoire, notamment dans la zone du Jebel Marra, où, de façon intermittente, des heurts se produisent entre les forces soudanaises et l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid.

Le représentant a par ailleurs appelé le Conseil militaire de transition et l’ensemble des parties soudanaises à maintenir le dialogue et à prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires pour parvenir à un accord de transition politique, en vue d’établir un gouvernement de consensus dirigé par les civils.  Le représentant a enfin renouvelé son appui à la CPI dans le cadre de son enquête sur les crimes commis au Darfour.

M. WU HAITAO (Chine) a appelé au respect de la souveraineté du pouvoir judiciaire au Soudan.  Il a aussi invité à écouter les préoccupations exprimées par ce pays et l’Union africaine au sujet du travail de la CPI.  Il a constaté que la situation s’était considérablement améliorée au Darfour, facteur important pour la stabilité dans le pays et l’ensemble de la région.  La Chine s’engage à jouer un rôle constructif sur ce dossier, a assuré le délégué.

M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a dénoncé le fait que les nouvelles autorités de Khartoum aient répondu par la force aux manifestations pacifiques dans la capitale.  Ces évènements doivent faire l’objet d’une enquête indépendante, a estimé le représentant, condamnant également l’usage excessif de la force contre les manifestants dans d’autres régions du pays, y compris au Darfour.  Ces violences viennent s’ajouter aux combats sporadiques entre l’armée soudanaise et l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid dans le Jebel Marra, ainsi qu’aux violences intercommunautaires dans d’autres régions du Darfour. 

Le représentant a regretté les retards dans la transition pacifique du pourvoir à des autorités civiles au Darfour, ainsi que les violences croissantes dont sont victimes les civils dans les camps de déplacés, y compris les violences sexuelles contre des filles et femmes dans ces camps comme dans leurs alentours, « qui demeurent monnaie courante ». 

Le représentant a par ailleurs appuyé la suspension de toutes les activités du Soudan au sein de l’Union africaine jusqu’à ce que le pouvoir soudanais soit transféré à un gouvernement civil.  Le représentant a appelé le Conseil militaire de transition à répondre à l’appel de la Procureure de la CPI en vue de reprendre sa coopération avec le Bureau de Mme Bensouda.  Il incombe également au Conseil militaire de transition de mettre sur pied un gouvernement national civil, attaché à entreprendre des réformes et à rendre la justice pour les crimes perpétrés contre la population soudanaise. 

Par ailleurs, le représentant a rejeté les tentatives récentes de la CPI visant à affirmer la compétence de la Cour sur des États non parties au Statut de Rome, et ce, sans leur consentement.  Dans ce cadre, il a rejeté l’arrêt récent rendu par la CPI concernant la Jordanie.  Il a toutefois précisé que cela n’affectait en rien la détermination des États-Unis à lutter contre l’impunité pour les crimes de génocide.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a rappelé qu’en vertu de la résolution 1593 (2005), le Gouvernement du Soudan et les autres parties au conflit dans ce pays avaient l’obligation de coopérer pleinement avec la CPI et la Procureure.  Il a encouragé les parties à dialoguer avec son Bureau et à veiller à ce que les suspects comparaissent en justice, que ce soit devant la CPI ou au Soudan, conformément aux principes de complémentarité et de régularité des procédures.

Le représentant a ensuite exhorté les parties au conflit au Darfour à mettre un terme aux hostilités et à la violence et à arracher les racines du conflit.  Le représentant a fermement condamné les actes de violence commis à Khartoum par les forces de sécurité soudanaises à l’encontre de manifestants et a appelé le Conseil militaire de transition à respecter les aspirations du peuple soudanais. 

Le délégué a partagé l’espoir de la Procureure que le nouveau gouvernement soudanais déciderait d’entamer un nouveau chapitre de coopération avec la CPI.  Il a appelé le Conseil de sécurité et les États parties au Statut de Rome à accorder leur plein appui au peuple soudanais, au Bureau de la Procureure et à tous ceux qui s’engagent en faveur de la paix et de la reddition de la justice pour les crimes atroces commis au Darfour.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a appelé le Conseil de sécurité à faire preuve de cohérence sur la situation au Darfour.  « Le conflit est terminé et nous sommes entrés dans une phase de consolidation de la paix », a-t-il déclaré, appelant l’ONU à soutenir les efforts en matière de transition au Darfour et dans l’ensemble du pays.  Dans ce cadre, le représentant a jugé que les travaux de la CPI concernant le Darfour ne devaient pas faire entrave au processus de paix au Soudan.  Il a de plus affirmé que l’acte d’accusation de la CPI contre M. Omar Al-Bashir n’avait pas bénéficié de l’appui des organisations internationales et régionales auxquelles le Soudan est partie, dont la Ligue des États arabes, qui a rejeté la « politisation de la justice internationale » au détriment de la souveraineté des États.  Le représentant koweitien a ainsi appelé à respecter la souveraineté et l’indépendance du Soudan. 

M. ELSADIG ALI S. AHMED (Soudan) a rappelé que son pays n’était pas partie au Statut de Rome et que la CPI n’était pas un organe de l’ONU.  Il a indiqué que la position du Soudan restait inchangée en dépit des récentes évolutions politiques.  « La référence à la question de la complémentarité est une bonne nouvelle », a-t-il ajouté. 

Il a poursuivi en mentionnant l’évolution positive « assez substantielle » que connaît son pays, prédisant qu’elle déboucherait sur la création d’un régime où la liberté et l’état de droit l’emporteraient et où l’impunité n’aurait pas droit de cité.  Le représentant a ensuite indiqué que le Procureur public du Soudan avait ouvert une enquête sur l’ancien Président Al-Bashir, ainsi que sur MM. Ahmad Harun et Abdel Raheem Hussein, précisant que M. Al-Bashir comparaissait déjà en justice depuis la semaine dernière. 

Le délégué soudanais a ensuite dénoncé le fait que le rapport de la Procureure de la CPI contienne des « informations erronées » en raison des statistiques employées et qu’il fasse référence à des évènements n’ayant pas eu lieu ou ayant été exagérés.  Son contenu est d’ailleurs contraire au rapport du Secrétaire général qui affirmait que la situation s’était améliorée au Darfour et qui recommandait le retrait progressif de la MINUAD selon le calendrier déjà fixé, a-t-il constaté.

S’agissant de l’affaire concernant la Jordanie, M. Ahmed a estimé que le jugement rendu se fondait sur une interprétation politique des faits et violait l’article 10 du Statut de Rome ainsi que le droit international coutumier.  La résolution 1593 (2005) ne prévoit pas d’exception à l’immunité qui, a-t-il souligné, est « un droit de l’État et non pas un droit de l’individu en question ».  Ce dernier peut l’invoquer devant la Cour et toute tentative d’interpréter autrement ces faits est une erreur, selon le délégué.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: appels pressants pour contenir le conflit dans le nord-ouest syrien et éviter des conséquences humanitaires et politiques dévastatrices

8553e séance – après-midi 
CS/13848

Conseil de sécurité: appels pressants pour contenir le conflit dans le nord-ouest syrien et éviter des conséquences humanitaires et politiques dévastatrices

Trois semaines après la dernière séance sur la Syrie, le Conseil de sécurité s’est de nouveau réuni, cet après-midi, pour se pencher sur la situation à Edleb dans le nord-ouest syrien, laquelle a été jugée alarmante par la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, et le Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock.

Ces six dernières semaines, la violence a provoqué la mort de 230 civils, dont 69 femmes et 81 enfants, a indiqué M. Lowcock.  Des centaines d’autres ont été blessés et, depuis le 1er mai, quelque 330 000 personnes ont été forcées de fuir vers le nord près de la frontière turque, soit le double du nombre des nouveaux déplacés depuis son dernier briefing.  Les camps de déplacés sont débordés, avec des gens qui dorment même en plein air.  Les hôpitaux, les écoles et les marchés sont frappés par des bombes, les centrales électriques aussi et les récoltes, incendiées, a indiqué le haut fonctionnaire. 

Dans un tel environnement, a poursuivi la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, nos efforts pour faciliter une solution politique conforme aux aspirations légitimes du peuple syrien ne peuvent avancer.  Nos efforts seront bloqués, a-t-elle précisé, si la Fédération de Russie et la Turquie ne peuvent pas faire respecter le cessez-le-feu.  Nos efforts, a-t-elle insisté, souffriront si ce Conseil de sécurité, le Groupe d’Astana et le « Small Group », « dont beaucoup de membres sont autour de cette table », ne trouvent pas les moyens de travailler ensemble pour appuyer ensemble l’action de l’Envoyé spécial visant à mettre en œuvre la résolution 2254 (2015).

« La situation à Edleb est complexe », a reconnu Mme DiCarlo: pour la Fédération de Russie, la présence de Hay‘at Tahrir el-Cham (HTS) dans la zone de désescalade « n’est pas tolérable » et pour la Turquie, il faut du temps pour isoler effectivement et régler le problème des combattants les plus radicaux du groupe terroriste.  Mais, a-t-elle prévenu, la lutte contre le terrorisme ne saurait avoir la primauté sur les obligations du droit international de protéger les civils et de respecter strictement les principes de distinction et de proportionnalité.  Le problème posé par HTS doit être réglé de manière plus efficace et plus durable, d’une manière où les civils n’en paient pas le prix, et cela ne peut se faire qu’avec le rétablissement du calme, a souligné la Secrétaire générale adjointe. 

Cette position a été défendue par l’Allemagne, au nom de la Belgique et du Koweït, les deux autres « porte-plume » des résolutions humanitaires sur la Syrie.  L’utilisation aveugle d’armes dans des zones densément peuplées est « inadmissible » et s’inscrit dans une stratégie de « punition collective », a condamné l’Allemagne qui a dit craindre que l’incendie des récoltes et du matériel agricole signifie que le conflit a pris une nouvelle tournure.  Nous avions de l’espoir lors de l’annonce de l’accord de cessez-le-feu le 13 juin dernier, ont avoué les États-Unis, alarmés par les informations selon lesquelles les positions turques sont prises pour cible par les forces syriennes. 

La Turquie a d’ailleurs prévenu qu’elle n’hésitera pas à réagir avec détermination.  Elle a aussi assuré qu’elle continuera à coordonner ses efforts avec la Fédération de Russie pour préserver le statut d’Edleb en tant que zone de désescalade.  L’heure est grave, a commenté la France, en fixant trois priorités: la protection des personnes et infrastructures civiles, l’exigence non négociable du respect du droit international humanitaire en toutes circonstances, y compris dans la lutte contre le terrorisme, et la nécessité d’une solution politique durable. 

Le Royaume-Uni a tout simplement jugé « mystérieux » que la Fédération de Russie ne soit pas capable de convaincre la partie syrienne de respecter l’accord de cessez-le-feu du 13 juin dernier.  L’accord est pleinement mis en œuvre, a rétorqué la Fédération de Russie, ajoutant qu’il prévoit aussi la lutte contre le terrorisme.  Le mécanisme d’Astana est le seul qui fonctionne, a-t-elle tranché, soupçonnant certains membres du Conseil de sécurité de vouloir maintenir les territoires qui échappent au contrôle de Damas sous la coupe des autres forces, dont le HTS, car « le but est de renverser l’autorité de Damas ».  Si la zone de désescalade d’Edleb ne tient pas, les perspectives d’une solution politique viable s’amoindriront de manière considérable, a averti la Turquie.  « Les attaques lancées actuellement par le régime syrien visent clairement à faire s’effondrer le processus politique », a-t-elle accusé.

Au lieu de lancer de fausses accusations contre les autorités syriennes et leurs alliés, la communauté internationale devrait plutôt s’attaquer aux groupes terroristes qui opèrent avec le soutien de certains de ses membres, a argué la Syrie.  Le Conseil de sécurité a adopté 46 résolutions sur la lutte antiterroriste, « et pourtant certains de ses membres continuent d’investir dans des groupes terroristes qu’ils voient comme des alliés », a-t-elle dénoncé.  En prévision de la réunion du G20, « où seront présents les dirigeants qui peuvent contenir le conflit », la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques a mis l’accent sur l’importance de la diplomatie pour parvenir à un résultat qui puisse créer les conditions nécessaires à l’avancement du processus politique en Syrie. 

Mme DiCarlo a appelé les parties prenantes internationales, en particulier la Fédération de Russie et la Turquie, garantes du mémorandum d’accord de septembre 2018 sur Edleb, de déployer tous les efforts nécessaires pour mettre fin à la violence et rétablir le calme. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a d’emblée déclaré que la violence dans le nord-ouest de la Syrie se poursuit sans désemparer.  Dans un tel environnement, nos efforts pour faciliter une solution politique conforme aux aspirations légitimes du peuple syrien ne peuvent avancer, a-t-elle prévenu.  Nos efforts seront bloqués, a-t-elle précisé, si la Fédération de Russie et la Turquie ne peuvent pas faire respecter le cessez-le-feu.  Nos efforts souffriront si ce Conseil de sécurité, le Groupe d’Astana et le « Small Group », dont beaucoup de membres sont autour de cette table, ne trouvent pas les moyens de travailler ensemble pour appuyer ensemble l’action de l’Envoyé spécial visant à mettre en œuvre la résolution 2254. 

Pour la Fédération de Russie, la présence de Hay‘at Tahrir el-Cham (HTS) dans la zone de désescalade « n’est pas tolérable » et pour la Turquie, il faut du temps pour isoler effectivement et régler le problème des combattants les plus radicaux de HTS.  Comme l’a dit le Secrétaire général: « La situation à Edleb est particulièrement dangereuse et une nouvelle fois, ce sont les civils qui en paient un prix horrible. »  Il est impératif, a martelé la Secrétaire générale adjointe, que l’on traite de HTS sans déclencher la catastrophe humanitaire qui se déploie sous nos yeux, avec des centaines de milliers de gens en fuite vers la frontière turque.

Malgré la violence, les lignes de front ont à peine bougé, ce qui montre une impasse.  Mais c’est une impasse sanglante et inutile qui a des conséquences humanitaires dévastatrices dépassant de loin les dégâts causés par HTS.  La situation à Edleb est complexe mais la lutte contre le terrorisme ne saurait avoir la primauté sur les obligations du droit international de protéger les civils et de respecter strictement les principes de distinction et de proportionnalité.  Le problème posé par HTS doit être réglé de manière plus efficace et plus durable, d’une manière où les civils n’en paient pas le prix.  Cela ne peut se faire qu’avec le rétablissement du calme, a prévenu la Secrétaire générale adjointe. 

Elle s’est félicitée des efforts de la Fédération de Russie et de la Turquie pour contenir la violence mais si une solution n’est pas trouvée, les conséquences seront « inimaginables » et pas seulement en termes humanitaires.  N’oublions pas qui sont les acteurs internationaux et le potentiel d’escalade, a-t-elle dit.  En prévision de la réunion du G20 où seront présents les dirigeants qui peuvent contenir le conflit, nous soulignons, a dit Mme DiCarlo, l’importance de la diplomatie pour parvenir à un résultat qui puisse créer les conditions nécessaires à l’avancement du processus politique.  Elle a appelé les parties prenantes internationales, en particulier la Fédération de Russie et la Turquie, garantes du mémorandum d’accord de septembre 2018 sur Edleb, de déployer tous les efforts nécessaires pour mettre fin à la violence et rétablir le calme. 

Ce qu’il faut, a-t-elle insisté, c’est la volonté politique.  Il n’y a pas de solution militaire à la crise.  La solution est politique.  Sommes-nous vraiment en train de demander au peuple syrien de payer encore plus?  Nous devons travailler ensemble pour faire en sorte que la réponse soit « non », a conclu la Secrétaire générale adjointe. 

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a indiqué que ces six dernières semaines, la violence a provoqué la mort de 230 civils, dont 69 femmes et 81 enfants.  Des centaines d’autres ont été blessés.  Depuis le 1er mai, quelque 330 000 personnes ont été forcées de fuir vers le nord près de la frontière turque.  C’est presque le double du nombre des nouveaux déplacés depuis mon dernier briefing, il y a un mois, s’est désolé le Coordonnateur des secours d’urgence. 

Une évaluation rapide a montré que beaucoup ont fui plusieurs fois depuis le début du conflit et parfois 10 fois.  C’est une caractéristique de la région d’Edleb, a-t-il souligné.  Les camps de déplacés sont débordés, avec des gens qui dorment même en plein air.  Ceux qui sont retournés chez eux vivent constamment dans la peur d’une nouvelle attaque compte tenu de la proximité des combats.  Les hôpitaux, les écoles et les marchés sont frappés par les bombes.  Les centrales électriques aussi, alors que les récoltes sont incendiées.  Hier encore, 19 personnes ont perdu la vie après des attaques aériennes et des tirs d’artillerie. 

L’ONU et ses partenaires ont apporté une aide humanitaire à plus de 190 000 personnes au mois de mai et une aide alimentaire à près de 800 000 personnes.  De l’eau, des médicaments et des produits d’assainissement ont été distribués à quelque 180 000 déplacés et des camions-citernes ont circulé dans quelque 342 camps et camps de fortune. 

Rien de ceci n’aurait été possible, a reconnu le Coordonnateur des secours d’urgence, sans le renouvellement de la résolution 2165 car l’assistance transfrontière reste le seul moyen d’aider les gens dans et autour d’Edleb.  Mais l’aide s’épuise et les besoins augmentent à cause des combats.  Depuis le mois d’avril, plus de 250 000 enfants ont été déscolarisés et 400 000 étudiants ont dû renoncer à leurs examens.  Quelque 94 écoles servent désormais d’abris. 

Les centres de santé n’ont pas été épargnés.  Certains hôpitaux qui ont été placés sous la protection du mécanisme de déconfliction des Nations Unies ont été pris pour cible.  C’est « intolérable », a martelé le Coordonnateur des secours d’urgence, déplorant le fait que certains pensent que donner les coordonnées géographiques aux parties au conflit, c’est désigner une cible.  Ils pensent même que le bombardement des hôpitaux est une tactique pour terroriser la population.  Ce nouvel épisode suscite des questions sur le système de déconfliction, a avoué le Coordonnateur des secours d’urgence, en promettant ses conclusions. 

Le groupe terroriste HTS, que le Conseil de sécurité, a lui-même désigné est très présent à Edleb mais les efforts antiterroristes ne sauraient absoudre les États de leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.  C’est simple, a conclu le Coordonnateur des secours d’urgence: le droit international humanitaire doit être respecté et les attaques contre les personnes et infrastructures civiles, cesser. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne), au nom des trois porte-plume humanitaires, s’est alarmé de la situation.  L’utilisation aveugle d’armes dans des zones densément peuplées est « inadmissible » et s’inscrit dans une stratégie de « punition collective », a-t-il dénoncé.  Incendier des récoltes et du matériel agricole nous montre que le conflit a pris une nouvelle tournure, s’est inquiété le représentant.  Il a rappelé les parties à leur responsabilité de respecter les principes humanitaires, soulignant que les auteurs de violations du droit international humanitaire devront répondre de leurs actes.  Le représentant a voulu que l’on privilégie la désescalade et a averti que toute offensive à grande échelle entraînerait immanquablement une catastrophe à grande échelle pour la Syrie et la région tout entière.  La lutte contre le terrorisme et le groupe HTS ne saurait justifier les attaques contre les personnes et infrastructures civiles, a-t-il insisté.  Il a appelé l’ensemble des parties à faciliter un accès sans conditions à l’aide humanitaire car l’ONU doit être en mesure d’évaluer la situation et de fournir une aide sans obstacles, a-t-il martelé.

Nous avons une position simple sur Edleb, a expliqué M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis).  Ce que nous voulons, c’est une désescalade immédiate et complète de la part de toutes les parties et en particulier des forces syriennes.  Nous avions de l’espoir, a avoué le représentant, lors de l’annonce de l’accord de cessez-le-feu le 13 juin dernier.  Or aujourd’hui, ce cessez-le-feu est déjà compromis.  Les informations selon lesquelles les positions turques sont prises pour cible par les forces syriennes sont « alarmantes » car elles ne font qu’aggraver les tensions dans la région.  Les États-Unis, a souligné le représentant, restent aux côtés de leurs alliés de l’OTAN et réclament le respect du mémorandum d’accord de Sotchi.  Il faut rétablir la ligne de cessez-le-feu, a insisté le représentant, qui a dit craindre des obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire dans le nord-ouest.  Il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien, a-t-il affirmé à son tour, avant de renouveler son appel à toutes les parties pour qu’elles respectent leurs obligations en vertu du mémorandum d’accord.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) s’est inquiété de l’évolution « extrêmement dangereuse » de la situation et s’est dit préoccupé de l’augmentation du nombre des frappes aériennes qui pleuvent sur la province d’Edleb et dans le nord de Hama.  Il est essentiel d’éviter une bataille d’envergure à Edleb si l’on veut éviter « la pire tragédie humanitaire du XXIe siècle ».  Le représentant a dénoncé les attaques contre les zones densément peuplées et les camps de déplacés.  La protection des civils et l’accès sans entrave de l’aide humanitaire ne sont pas un choix, mais une obligation juridique qui incombe à toutes les parties au conflit, a-t-il rappelé.  Il a aussi appelé au plein respect de la zone de désescalade à Edleb afin d’éviter une catastrophe humanitaire, se préoccupant par ailleurs du sort des plus de 270 000 déplacés.  Il a salué le « travail héroïque » des agents humanitaires et souligné, à son tour, qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit. 

L’heure est grave, s’est alarmé, à son tour, M. FRANÇOIS DELATTRE (France) pour qui tout doit être fait pour protéger la vie des plus de trois millions de civils, dont un million d’enfants, et éviter qu’Edleb ne devienne un nouvel Alep.  Pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables, la France, a-t-il annoncé, débloquera dans les jours qui viennent une somme de 5 millions d’euros pour le Fonds du Bureau de la coordination des affaires humanitaires à Gaziantep.  La France concentrera aussi ses efforts sur trois priorités: la protection des personnes et infrastructures civiles, l’exigence non négociable du respect du droit international humanitaire en toutes circonstances, y compris dans la lutte contre le terrorisme, et la nécessité d’une solution politique durable. 

La protection des civils, y compris des personnels humanitaires et médicaux, ainsi que des infrastructures civiles, est un impératif pour tous et n’est pas négociable, a prévenu M. Delattre.  Il a jugé « totalement inacceptable » que les infrastructures de santé et les écoles continuent à être la cible d’attaques.  La lettre signée par 60 médecins et coordonnée par l’ONG « Syria Campaign », dont la France demande la diffusion comme document du Conseil, est à cet égard sans appel.  Les attaques contre les hôpitaux et les personnels de santé sont constitutives de crimes de guerre, a martelé le représentant qui a appelé les signataires du cessez-le-feu à tenir leurs engagements et à les réaffirmer dans le nord-est en vue du gel des fronts et d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, conformément à la résolution 2254 (2015). 

La Russie, a-t-il précisé, doit exercer toutes les pressions nécessaires sur le régime.  Le représentant a aussi appelé à la poursuite des discussions entre la Turquie et la Russie pour permettre immédiatement une désescalade de la situation.  S’agissant de la lutte contre le terrorisme, il a exigé qu’elle s’inscrive dans le cadre du droit international humanitaire et qu’elle ne soit invoquée pour justifier des violations du droit international humanitaire.  M. Delattre a estimé que l’escalade actuelle risque de remettre en cause les efforts en vue de parvenir à une solution politique en Syrie.  Alors qu’un compromis sur le Comité constitutionnel semblait se profiler et aurait permis d’entamer enfin des discussions de fond, le régime syrien a choisi une stratégie d’obstruction systématique, bloquant la formation de cette instance pour prendre en otage les discussions. 

Réaffirmant son appui à l’Envoyé spécial pour la Syrie, le représentant a dit qu’il est essentiel que le Conseil le soutienne clairement pour avancer dès à présent sur les autres sujets.  Il a aussi déclaré qu’il est nécessaire de travailler sur tous les aspects de la résolution 2254 (2015) y compris la question électorale.  Les Syriens doivent pouvoir choisir librement l’avenir qu’ils souhaitent et nous devons assurer qu’ils en ont les moyens.  Il faut réfléchir dès à présent aux conditions qui garantiront que le scenario n’est pas écrit à l’avance, comme par le passé, que les élections seront libres et régulières, que l’ensemble des Syriens, y compris les réfugiés, pourront avoir librement voix au chapitre et que l’ONU sera impliquée dans la supervision du processus. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est alignée sur la position défendue par la France et dénoncé, à son tour, les attaques contre les positions turques.  L’état des lieux en Syrie semble prouver « une inversion totale des responsabilités ».  Les dégâts causés à Edleb dépassent de loin l’acceptable, d’autant qu’aucun avantage militaire n’en a découlé.  Dès lors, nous sommes devant des violations très claires de l’Accord de Sotchi, a constaté la représentante, un accord, a-t-elle poursuivi, que le Royaume-Uni exhorte toutes les parties à respecter à la lettre.  Elle a d’ailleurs jugé « mystérieux » que la Russie ne soit pas capable de convaincre la partie syrienne de le respecter. 

La représentante a également demandé des explications à la Russie et à la Syrie sur le bombardement des hôpitaux.  Ces attaques sont-elles délibérées?  Si oui, en quoi respectent-elles le principe international de la proportionnalité?  Pourquoi ces hôpitaux n’ont pas été prévenus à temps des attaques, comme le stipule le droit international?  Si ces attaques ne sont pas délibérées, alors comment les expliquer et quelles sont les unités militaires russes et syriennes qui y sont impliquées?  Le Royaume-Uni, a poursuivi la représentante, continue d’apporter une aide humanitaire considérable mais, a-t-elle précisé, il ne contribuera en aucun cas à la reconstruction de la Syrie en l’absence d’un processus politique préalable et crédible.  En cas d’une nouvelle attaque à l’arme chimique, le Royaume-Uni envisagera des mesures de riposte, a mis en garde la représentante. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) s’est déclaré vivement préoccupé par la reprise des combats dans la province d’Edleb depuis le 29 avril 2019.  Il a rappelé aux Forces de défense et de sécurité syriennes et aux groupe armés qu’il leur incombe de s’abstenir de toutes formes de violence à l’encontre des populations civiles.  Il a estimé que les acteurs du conflit syrien ont l’obligation de créer les conditions d’un accès sûr et sans entrave de l’aide humanitaire aux populations affectées.  Il a affirmé qu’en dépit de l’exacerbation du conflit, la paix est possible en Syrie, dans le cadre d’un processus politique de sortie de crise inclusif et crédible.  Il a invité les parties syriennes à privilégier le dialogue et à se conformer aux dispositions de l’accord russo-turc sur la zone démilitarisée, pour un cessez-le-feu durable.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a condamné « l’inaction » de la communauté internationale face au « drame humanitaire » qui se déroule actuellement à Edleb, dans le nord-ouest de la Syrie, où l’intensification des combats et des attaques contre la population civile ont engendré la vague de déplacements la plus importante depuis le début du conflit, soit plus 200 000 personnes.  En dépit de la pression militaire exercée par Damas dans la zone, les groupes armés et jihadistes sont parvenus à s’emparer de certaines localités et à couper les voies de ravitaillement entre les villes contrôlées par l’armée syrienne, a poursuivi le représentant, voyant dans ces développements le signe que la situation actuelle est amenée à perdurer. 

Dans ce contexte, il a plaidé en faveur d’un « véritable éveil international » pour tenter de stabiliser la situation dans le nord-ouest du pays, à commencer par des mesures efficaces pour couper l’herbe sous le pied des groupes terroristes.  Il a également appelé les parties à garantir la sécurité des civils et à instaurer un cessez-le-feu.  À ses yeux, cela suppose que les pays garants du processus d’Astana continuent de présenter un front uni.

Le représentant a par ailleurs tiré son chapeau à la Turquie et au Liban pour avoir accueilli des millions de réfugiés syriens depuis le début du conflit, en dépit de la pression économique qu’un tel afflux fait peser sur eux.  En contrepartie, il a appelé la communauté internationale à maintenir un niveau d’aide financière suffisant à destination des réfugiés.  Le représentant a en outre exhorté la Fédération de Russie et la Turquie à continuer d’œuvrer de concert à la réduction des tensions dans la zone de conflit, conformément aux accords existants.  Enfin, il a appuyé les négociations politiques en cours pour parvenir à des avancées concrètes, dont la formation d’une assemblée constituante, l’instauration d’un cessez-le-feu à l’échelle du pays et, à terme, l’organisation d’élections « libres, transparentes et ouvertes ». 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a rappelé que plus de 11 millions de Syriens dépendent à l’heure actuelle de l’aide humanitaire pour survivre, une population qui ne cesse de s’accroître et dont les besoins sont de plus en plus pressants.  Parallèlement, l’opération humanitaire en Syrie semble frappée d’épuisement, s’est inquiété le représentant.  À cette situation alarmante s’ajoute la suspension de l’aide dispensée par plusieurs partenaires humanitaires de l’ONU dans le pays, en raison de l’insécurité grandissante, et le sous-financement du Plan humanitaire 2019 pour la Syrie, actuellement financé à hauteur de 20%.

Dans le même temps, l’incapacité du Conseil de sécurité à faire front pour exiger une cessation des hostilités dans le nord-ouest du pays traduit, selon le représentant, une « indifférence apparente et déconcertante » face au nombre de meurtres, de blessés et d’attaques contre la population civile, comme en témoigne selon lui la persistance des raids aériens dans la zone.  En conséquence, les déplacements de population ont atteint des niveaux sans précédent, a poursuivi le représentant.  Si certains n’ont d’autre choix que de fuir à pied et de vendre au fur et à mesure le peu de biens qu’ils possèdent pour pouvoir s’offrir des moyens de transport, d’autres, a-t-il ajouté, se voient contraints de trouver refuge sous des arbres, sans la moindre protection.

Le représentant a appelé le Conseil à prendre ses responsabilités en appuyant du mieux qu’il peut le processus politique en Syrie pour mettre fin au carnage.  « Malheureusement, la fragilité du processus politique aujourd’hui a justement trait à la façon dont progresse la situation dans le nord-ouest de la Syrie et à la position de ce Conseil sur la question », a déploré le délégué dominicain, appelant les parties à prendre des mesures décisives pour obtenir des résultats concrets, en faveur d’un « avenir plein d’espoir et de justice » pour tous les Syriens.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a constaté d’emblée que trois millions de personnes, dont un million d’enfants, sont pris au piège des tirs croisés à Edleb, avant de demander ce qui leur arrivera si l’escalade de la violence continue.  « Êtes-vous d’accord avec moi pour dire que cela ne fera que compliquer davantage les opérations humanitaires et entraîner de nouvelles vagues de déplacements de personnes? » a-t-il lancé à la salle.  Je suis pourtant certain que chacun dans cette salle souhaite sincèrement éviter ce scénario catastrophe, a-t-il poursuivi, en affirmant que l’heure est venue de conjuguer les efforts.  La population du nord-ouest de la Syrie a plus que jamais besoin de nous, s’est-il impatienté en exhortant toutes les parties à mettre fin à la violence et à faire preuve de retenue.

Saluant la Fédération de Russie et la Turquie pour les efforts déployés afin de négocier le cessez-le-feu de la semaine dernière, le représentant a appelé toutes les parties à le respecter ainsi que les arrangements de cessez-le-feu de l’accord russo-turc de 2018.  Il a également insisté sur l’urgence de la réponse humanitaire à apporter aux habitants d’Edleb et de ses environs ainsi qu’aux personnes déplacées.  À ce sujet, il a précisé qu’il y a 300 000 personnes déplacées supplémentaires et qu’il faut leur apporter une assistance humanitaire, notamment à boire et à manger. 

Soulignant que de nombreux hôpitaux ont été forcés de suspendre leurs services, il a également appelé à une assistance sanitaire et médicale en particulier « pour les personnes déplacées qui vivent sous des arbres et qui sont vulnérables aux maladies infectieuses ».  Dès lors, l’Indonésie appelle toutes les parties à faciliter un acheminement sans entrave et sûr de l’aide humanitaire et médicale dans le nord-ouest de la Syrie.  En conclusion, le représentant a encouragé toutes les parties à redoubler d’efforts et à privilégier le dialogue pour trouver une solution pacifique au conflit syrien, et plus précisément une solution politique sur la base de la résolution 2254 du Conseil de sécurité.

Préoccupé par la violence dans certaines régions de Syrie, Mme HARSHANA BHASKAR GOOLAB (Afrique du Sud) a appelé toutes les parties à arrêter les bombardements des infrastructures civiles et à veiller à que les civils ne servent pas de boucliers humains.  La représentante a demandé aux parties de respecter leurs engagements de cesser les hostilités et leurs obligations découlant du droit international.  Mme Goolab a en outre voulu que les parties s’abstiennent d’attaquer les écoles et les centres de santé qui doivent servir de refuges et de lieux de sûreté dont le statut particulier en vertu du droit international humanitaire doit être respecté.  La Syrie, les communautés régionales et internationales ne peuvent se permettre une incursion militaire à grande échelle, car cela pourrait entraîner une catastrophe humanitaire de grande ampleur dans laquelle la Syrie pourrait ne jamais s’en sortir, a prévenu la représentante. 

« Nous devons tout faire pour aider les organisations humanitaires et ceux qui ont besoin de leurs secours », a dit Mme Goolab, pour qui il est essentiel que la livraison de l’aide à tous ceux qui en ont le plus besoin soit garantie par toutes les parties.  Elle a demandé la pleine mise en œuvre de tous les accords, y compris le mémorandum sur le cessez-le-feu de septembre 2018 et le dernier cessez-le-feu négocié entre la Russie et la Turquie.  La représentante a en outre demandé à toutes les parties de participer pleinement au processus politique en cours sur un conflit qui ne peut pas être résolu par des moyens militaires. 

M. HUMBERTO VELÁSQUEZ (Pérou) a déploré l’escalade de la violence qu’il a imputée aux groupes terroristes et à la riposte militaire qui, s’est-il inquiété, ne fait pas de distinction entre les civils et les autres cibles.  Il a appelé à redoubler d’efforts pour éviter que le nord-ouest ne se dégrade davantage et préserver le cessez-le-feu conclu entre la Fédération de Russie et la Turquie.  Il a aussi souligné que la lutte contre le terrorisme ne peut servir de prétexte pour commettre des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Il s’est inquiété du sort des personnes déplacées qui se trouvent à proximité de la frontière avec la Turquie.  Il a mis en garde contre une partition de facto de la Syrie.

M. YAO SHAOJUN (Chine) a rappelé qu’en septembre dernier, la Fédération de Russie et la Turquie ont signé un mémorandum d’accord pour un cessez-le-feu en Syrie.  Nous appelons au respect de ce document pour pouvoir trouver une solution à long terme au conflit syrien, y compris à la situation humanitaire dans le nord-ouest du pays, a dit le représentant.  À cet égard, il a rappelé la présence de groupes terroristes dans la région et s’est dit inquiet des problèmes humanitaires dans les camps de déplacés surpeuplés.  La communauté internationale doit renforcer le dialogue sur la question du camp de Roukban et appuyer le Gouvernement syrien dans ses efforts de reconstruction dans les parties relativement stables du pays.  La Chine, a conclu le représentant, insiste sur le respect des principes directeurs de l’aide humanitaire et encourage la poursuite du processus politique, sous l’égide des Nations Unies et sur la base de la résolution 2254 du Conseil de sécurité.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a tout d’abord indiqué que sa délégation avait prévu de demander la convocation d’une réunion de ce type sur la situation qui prévaut à Edleb.  Il a dénoncé la propagation des messages qui, a-t-il affirmé, ne correspondent pas à la réalité.  Lorsque les forces occidentales qui se trouvent illégalement en Syrie défendaient des localités où des infrastructures civiles avaient été ciblées, personne n’en parlait.  Les habitants des autres localités ne méritaient donc pas de faire l’objet d’une réunion du Conseil de sécurité?  Ce n’est pas la situation humanitaire qui, a-t-il reconnu, risque de s’aggraver, qui préoccupe le Conseil.  Non, ce qu’il veut, a affirmé le représentant, c’est que les territoires qui échappent au contrôle de Damas restent sous la coupe des autres forces, dont le HTS.  Le but est de renverser l’autorité de Damas, a soupçonné le représentant.

Il a estimé que le mémorandum de Sotchi est pleinement mis en œuvre et qu’il promeut d’ailleurs la lutte contre le terrorisme.  Il a dénoncé les actions menées par HTS contre les forces syriennes avec, a-t-il affirmé, des armes occidentales.  Hier, ces combattants ont même lancé des obus, faisant plusieurs morts et blessés et frappant des infrastructures civiles.  Mais personne n’en parle, s’est emporté le représentant.  « Ne savez-vous pas que ces attentats ont eu lieu? » s’est-il interrogé, rappelant que sa délégation diffuse ces informations régulièrement au Conseil de sécurité.

Le représentant a expliqué que les forces russes coordonnent leur action pour éviter une escalade mais qu’elles ne ménageront aucun effort pour contrer la menace terroriste.  Le mécanisme d’Astana est le seul qui fonctionne.  Les forces russes et turques ne visent que des cibles terroristes, a-t-il insisté.  Si des combattants utilisent les hôpitaux et les écoles comme poste de commandement, la Russie n’attaque jamais les civils.  Le représentant a appelé l’ONU et les États Membres à ne faire circuler que des informations « vérifiées », critiquant les données diffusées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et relevant que l’identité des « sources fiables » n’est jamais dévoilée.  Il a aussi affirmé que les Casques blancs sont les auteurs des attaques à l’arme chimique et que HTS dispose d’une cellule consacrée à telles attaques.

Le représentant s’est aussi inquiété de la situation dans l’est de la Syrie et des tentatives d’ingérence qui y sont appuyées par la coalition occidentale.  Nous risquons la révolte, a-t-il prévenu.  Il faut éviter l’escalade et, pour cela, mettre fin à l’occupation illégale dirigée par les États-Unis, a-t-il dit.  Il a également évoqué le camp el-Hol, qui échappe au contrôle syrien, et où la situation est catastrophique avec plus de 47 000 mineurs et une population d’adultes constituée d’un grand nombre de combattants radicaux qui, a-t-il alerté, mettent en péril la vie même des agents humanitaires.  Le représentant n’a pas oublié de mentionner la situation dans le camp de Roukban qui démontre, avec celle de celui d’el-Hol, que les problèmes auxquels se heurtent les réfugiés et déplacés surviennent dans des zones contrôlées par les forces étrangères.  Il faut, a-t-il martelé, liquider les foyers terroristes dans le nord-ouest et remettre cette zone sous le contrôle syrien.

Cette réunion tombe à point nommé, a estimé M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne), pour informer le Conseil des attentats terroristes perpétrés par des groupes terroristes à partir d’Edleb.  L’attaque la plus récente est le massacre dans le village de Wahidi, au sud d’Alep, il y a deux jours.  La vie quotidienne de ces villageois s’est transformée en cauchemar alors même que des missiles du Front el-Nosra, « appuyé par le régime d’Erdogan », pleuvaient.  Le représentant a précisé qu’il ne s’agissait que d’un des nombreux crimes de HTS, un groupe que le Conseil de sécurité lui-même a inscrit sur la liste des terroristes.  Le représentant a ensuite passé en revue un certain nombre d’autres crimes et attaques aux missiles et aux roquettes commis par ces terroristes qui ont fait de nombreuses victimes civiles.  Les sites de l’armée syrienne et les positions russes n’ont pas non plus échappé aux missiles.

« Où ces groupes terroristes obtiennent-ils leurs armes? » s’est demandé le représentant, en tournant le regard vers certains membres du Conseil.  Plus de 100 000 terroristes étrangers sont entrés en Syrie, s’est-il indigné, pour donner la mesure de l’ampleur du problème.  La déclaration que le Secrétaire général a faite aujourd’hui prouve que chacun comprend bien qu’il y a un problème à régler à Edleb, a poursuivi le représentant, en rappelant que le problème est dû au fait que le régime turc continue d’apporter son soutien aux groupes terroristes dans le nord-ouest, qui comptent plus de 15 000 Européens dans leurs rangs.  Il les a accusés de détruire les hôpitaux et les écoles, de prendre pour bouclier humain la population civile d’Edleb et de perpétrer de nombreuses autres attaques.

S’agissant du chiffre avancé par Mme DiCarlo et l’OMS sur les 17 hôpitaux détruits à Edleb, il a précisé que Damas ne compte que 10 hôpitaux publics et quelques cliniques privées, alors qu’Edleb n’en compte que quatre.  Nous nous interrogeons sur les sources de ces informations fallacieuses, a commenté le représentant.  Après huit ans de conflit, les États-Unis et l’Union européenne interdisent toujours l’exportation d’équipements médicaux, comme les scanners, vers la Syrie.  « Honte à vous car c’est un crime et OCHA ferme les yeux », s’est-il empoté, en affirmant que le régime syrien ne vise ni les écoles ni les hôpitaux.  « Ce sont nos écoles et nos hôpitaux », a-t-il rappelé.

Plutôt que de lancer de fausses accusations contre la Syrie et ses alliés, la communauté internationale devrait plutôt s’attaquer aux groupes terroristes qui opèrent avec le soutien de certains de ses membres.  Mais certains membres du Conseil ferment les yeux sur ces crimes terroristes et les pays qui les soutiennent, a accusé le représentant syrien, qui n’a pas hésité à dire que le camp de Roukban est désormais un territoire occupé par les forces américaines.

Pour mettre un terme aux souffrances des civils en Syrie, il faut s’attaquer à leurs causes profondes, a-t-il estimé en accusant, une nouvelle fois, les groupes terroristes, et les pays qui les soutiennent.  Quant aux champs de blé incendiés, il a accusé le régime turc de ne pas respecter les règles de bon voisinage et l’a sommé de bloquer l’accès des milliers de combattants étrangers à la Syrie pour y infiltrer des armes chimiques.

Il faut également mettre un terme à la présence illégitime des forces américaines, lever les mesures de sanction unilatérales et mettre fin à la politisation de la question humanitaire, a poursuivi le représentant qui a encouragé la communauté internationale à se pencher sur la reconstruction du pays et la facilitation du retour des réfugiés syriens.

En conclusion, il a rappelé que le Conseil de sécurité a adopté 46 résolutions sur la lutte antiterroriste, « et pourtant certains de ses membres continuent d’investir dans des groupes terroristes qu’ils voient comme des alliés », a-t-il fait remarquer.  Le Gouvernement syrien, a-t-il promis, continuera d’exercer son droit constitutionnel et souverain pour lutter contre les terroristes et la présence illégitime de combattants étrangers sur son territoire.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) s’est alarmé de l’augmentation du nombre de violations du cessez-le-feu et des attaques contre des installations médicales dont l’emplacement a été signalé au travers du mécanisme de déconfliction dirigé par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  Il a aussi expliqué que ces dernières semaines, les postes d’observation de la Turquie situés dans la zone de désescalade d’Edleb ont été pris pour cible à maintes reprises.  Le poste 10 a été gravement endommagé à deux reprises par des tirs de mortier, le 4 mai puis le 13 juin, blessant cinq soldats turcs.  Ce week-end, un autre acte d’agression a endommagé le poste 9.  La Turquie, a-t-il prévenu, qui doit prendre des précautions pour protéger la vie de ses soldats, n’hésitera pas à réagir avec détermination.  Nous continuerons également de coordonner nos efforts avec la Russie pour mettre un terme aux violations du régime et préserver le statut d’Edleb en tant que zone de désescalade, a-t-il dit. 

Le représentant a estimé que la lutte contre le terrorisme ne peut en aucun cas justifier les attaques indiscriminées contre les personnes et les infrastructures civiles, dénonçant dans la foulée l’utilisation de barils d’explosifs.  Il a constaté que HTS est un problème grave, aggravé par la présence de combattants terroristes étrangers.  Mais il a estimé que le « problème HTS » ne pourra pas être surmonté en ciblant des civils.  Il faut, a-t-il conseillé, répondre au problème HTS avec une stratégie à long terme plus sophistiquée et globale contre son idéologie et sa structure.  Les avancées réalisées dans le cadre du processus politique en seront un élément essentiel, a-t-il ajouté.

M. Sinirlioğlu a constaté que la formation du Comité constitutionnel a atteint une étape critique et a appelé l’ensemble des parties à appuyer les efforts pour convoquer sa première réunion.  Il a également estimé qu’il ne peut y avoir de solution humanitaire durable sans processus politique crédible.  Si la zone de désescalade d’Edleb ne tient pas, les perspectives d’une solution politique viable s’amoindriront de manière considérable, a-t-il averti.  Les attaques lancées actuellement par le régime visent clairement à faire s’effondrer le processus politique, a tranché le représentant, qui a refusé de répondre aux accusations « fantaisistes » de la Syrie.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (Iran) a dit attacher la plus grande importance à la désescalade dans la région d’Edleb.  Il a soutenu, dans ce cadre, le droit souverain du Gouvernement syrien de combattre les terroristes.  Si le droit international humanitaire doit être respecté sans exception, il ne doit pas non plus servir de prétexte pour arrêter la lutte contre le terrorisme.  Lutter contre des groupes terroristes dangereux qui prennent les civils comme otages est une nécessité.  C’est en réalité une manière de protéger les civils.  On ne peut laisser ces groupes terroristes contrôler une grande partie du territoire d’un État souverain et risquer de faire d’Edleb le havre de paix du terrorisme le plus cruel.  Après tout, la zone de désescalade d’Edleb a été créée pour protéger les civils des terroristes et pas pour livrer les civils aux terroristes.

Tout en respectant le droit international humanitaire, le Gouvernement syrien, a poursuivi le représentant, a le droit de rétablir son contrôle sur tout le territoire.  Il a la responsabilité d’assurer la sécurité et la sûreté de tous ses citoyens contre les terroristes.  On ne saurait tolérer une situation où des terroristes peuvent faire de plus de deux millions de civils des boucliers humains et mener leurs opérations, au risque d’empêcher le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur, retarder la reconstruction du pays et faire obstacle à la solution politique.  M. Takht Ravanchi a insisté sur le respect du droit international humanitaire mais aussi sur la souveraineté, l’indépendance politique, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie.  Dans ce contexte, a-t-il dit, « nous condamnons dans les termes les plus forts la violation du droit international par les États-Unis en Syrie, en particulier le droit humanitaire ».  Il a demandé l’arrêt immédiat de la présence américaine illégale sur le sol syrien. 

Reprenant la parole, le représentant du Royaume-Uni a expliqué que la différence entre les attaques contre des hôpitaux en zone rebelle et celles commises en zones sous contrôle syrien, est que dans les zones rebelles, l’emplacement des hôpitaux est signalé grâce au mécanisme de déconfliction d’OCHA.  Il est donc légitime de se demander pourquoi ils sont pris pour cible.

J’en déduis donc que les bombardements qui rayent des hôpitaux complétement de la carte sont acceptables quand ils ont lieu dans les zones contrôlées par le Gouvernement syrien, a rétorqué la Fédération de Russie.  Son représentant a avoué nourrir des doutes sur les statistiques relatives aux centres de santé détruits.  Ces informations, qui ne sont pas vérifiées, semblent s’appuyer sur des sources fiables avec qui l’OMS est en contact.  Nous voulons savoir sur quelle base elle est accusée d’avoir commis telle ou telle chose, a dit le représentant.

À en croire la Russie, a repris son homologue du Royaume-Uni, pour être fiables, les informations doivent provenir d’une source russe.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: les chefs militaires de deux opérations de maintien de la paix (Chypre et Darfour) présentent les défis auxquels ils sont confrontés

8552e séance – matin
CS/13847

Conseil de sécurité: les chefs militaires de deux opérations de maintien de la paix (Chypre et Darfour) présentent les défis auxquels ils sont confrontés

À l’initiative du Koweït, qui préside les travaux ce mois-ci, le Conseil de sécurité a invité, ce matin, les chefs des composantes militaires de deux opérations de maintien de la paix de l’ONU, déployées au Darfour et à Chypre, à présenter les défis auxquels ils se heurtent sur le terrain.  Au cours de cette séance interactive, les membres du Conseil ont interrogé les deux officiers sur les moyens d’améliorer les conditions dans lesquelles opèrent les Casques bleus ainsi que les résultats atteints dans le cadre des opérations.

Également présent à cette occasion, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a expliqué que la venue au Siège des généraux Leonard Muriuki Ndongi, Commandant de la Force de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), et Cheryl Pearce, Commandant de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP), leur donnait ainsi qu’à leurs pairs d’autres missions, l’occasion de contribuer directement aux efforts déployés pour mettre en œuvre l’initiative du Secrétaire général Action pour le maintien de la paix.

Cette réunion du Conseil s’est focalisée sur la relation entre les opérations et les États dans lesquels elles sont déployées, les « pays hôtes », une relation parfois compliquée, même si le Général Ngondi a reconnu en l’espèce que les évènements qui secouent actuellement Khartoum n’ont eu des conséquences que « limitées » sur les activités de la MINUAD.  Il a toutefois précisé que la « militarisation » du Gouvernement soudanais était à l’origine d’un certain nombre de « frictions ».  Par ailleurs, il a noté que les troubles auxquels est en proie la capitale soudanaise bloquaient le processus de médiation entre le Gouvernement et les mouvements armés non signataires de l’Accord de négociation préalable signé en décembre 2018.

Interrogé sur le sort des bases d’opérations de la Mission –dont le retrait a été fixé à juin 2020, après 13 ans d’existence–, le commandant de la force a précisé qu’elles seraient bientôt restituées aux civils, grâce notamment aux pressions exercées par la MINUAD et la communauté internationale.  Pour l’instant, tous les sites ne sont pas utilisés à des fins civiles, comme ils le devraient, ce que les autorités soudanaises expliquent par un manque de capacités institutionnelles et la nécessité de protéger ces sites.

Le 13 mai 2019, le Conseil militaire de transition, qui a succédé à la tête du pays au Président déposé Omar Al-Bashir, avait adopté le décret no 102 (2019) demandant la remise à disposition des camps de la MINUAD à des forces affiliées au Gouvernement soudanais - les Forces d’appui rapide.  Cette décision a entraîné la suspension de la fermeture et de la remise du camp de Nyala en attendant des éclaircissements, a expliqué le Général.

Par ailleurs, si les autorités ont largement coopéré avec la Mission dans la protection des civils et des travailleurs humanitaires, elles ont refusé à celle-ci l’accès aux zones contrôlées par l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid (ALS-AW) à l’exception d’une occasion, en septembre 2018, où une mission humanitaire conjointe a pu venir en aide aux victimes d’un glissement de terrain dans l’est du Jebel Marra.  « Pour expliquer ce refus, le Gouvernement avance son incapacité à garantir la sécurité des Casques bleus », a relaté le général. 

La question de la coopération avec le pays hôte a également été abordée par le général Cheryl Pearce, Commandant de la UNFICYP, dans un contexte politique toutefois fort différent puisque Chypre est l’objet d’une crise de souveraineté entre les communautés grecque et turque de l’île, qui sont séparées depuis 1974 par une zone tampon démilitarisée -la ligne verte- contrôlée par les Casques bleus.  Mme Pearce, qui a pris ses fonctions en novembre dernier, a exprimé son intention d’accorder la priorité à une interaction « régulière et nuancée » avec les autorités, fondée sur les principes d’impartialité, d’ouverture et de transparence.  « Garder les canaux de communication ouverts, même en période de tensions, est de la plus haute importante », a-t-elle insisté.

Mais la coopération n’est pas sans défis, a avoué le général Pearce, en pointant du doigt la tendance à la hausse des violations du statu quo militaire le long des lignes de cessez-le-feu et le durcissement apparent des positions chez les forces en présence qui peut être le reflet de la situation politique dans l’île.  « L’autorité de la Force dans la zone tampon est régulièrement défiée et il n’y a eu aucune amélioration depuis la résolution 2453 (2019) du Conseil de sécurité », a-t-elle alerté en faisant état du rejet par les deux parties de l’aide-mémoire de 2018, tout comme pour celui de 1989.

Le général a donc demandé au Conseil de sécurité de l’aider, en obtenant des parties qu’elles mettent en œuvre le dernier document en date et respectent l’autorité de la Force dans sa zone de déploiement.  « La Force a certes signé l’Accord sur le statut des forces avec la République de Chypre mais elle sait que la coopération avec la communauté chypriote turque est tout aussi importante », a-t-elle ajouté.

Reconnaissant que les relations avec les pays hôtes étaient parfois délicates, le Secrétaire général adjoint a lui aussi plaidé en faveur du soutien du Conseil de sécurité, qui, a-t-il insisté, reste particulièrement important.  M. Lacroix a rappelé que le Secrétariat de l’ONU devait jouer un rôle primordial dans ce contexte, en particulier lorsqu’il s’agit de la formulation des mandats, puisqu’il lui incombe de faire des recommandations en ce sens au Conseil.

OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a déclaré qu’il serait bref, préférant donner la parole aux commandants des forces invités aujourd’hui par le Conseil de sécurité.  Il a considéré que ce rendez-vous annuel était un moment crucial, dans la mesure où il contribue directement aux efforts déployés pour mettre en œuvre l’initiative Action pour le maintien de la paix du Secrétaire général.  « Cette semaine donne aux commandants l’opportunité de rester étroitement associés aux discussions d’importance qui se tiennent ici à New York sur le maintien de la paix », au Conseil de sécurité, au Comité spécial des opérations de maintien de la paix (C-34), à la Cinquième Commission (administrative et budgétaire) et dans d’autres enceintes, et, en dernière instance, de prendre part aux efforts en vue de renforcer l’impact du maintien de la paix sur le terrain, a souligné le haut fonctionnaire.  Il a également rendu hommage au général de division Vib-Sanziri, décédé soudainement le 19 avril dernier, et qui avait dirigé la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) dans un environnement complexe et marqué par des défis.

Le général LEONARD MURIUKI NDONGI, Commandant de la Force de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), a indiqué que pour garantir une bonne communication et une meilleure coordination, le Gouvernement soudanais avait créé une unité chargée de la MINUAD au sein du Ministère des affaires étrangères.  La MINUAD a, pour sa part, un bureau de liaison à Khartoum.  Le Représentant spécial conjoint et Chef de la Mission est aussi présent dans la capitale, a ajouté M. Ngondi qui s’est focalisé sur la coopération entre le Soudan et la Mission dans la mise en œuvre du mandat de celle-ci, et sur l’accord sur le statut des forces.

Le mandat de la MINUAD repose sur quatre piliers, a rappelé M. Ngondi.  Le premier est la fermeture des bases d’opérations pour en faire un usage civil, le retrait des Casques bleus étant prévu d’ici à juin 2020.  Le Gouvernement a assuré la Mission de sa coopération et de ses efforts pour faciliter les opérations et un retrait paisible.  De son côté la Mission, avec les agences de l’ONU, assume les fonctions du bureau de liaison dans quatre États du Darfour couvrant quatre priorités, à savoir l’état de droit, des solutions durables pour les populations et les communautés déplacées, les droits de l’homme, et le renforcement des capacités et des services immédiats pour les populations déplacées.  Le général Ndongi a fait remarquer que la MINUAD et l’équipe de pays des Nations Unies travaillaient ensemble dans les domaines comme les terres, les mécanismes de résolution des différends et la sensibilisation aux droits fonciers, les conflits communaux sur l’eau et le bétail, et le retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Aux yeux du général, la fermeture des bases d’opérations et leur transfert au Gouvernement du Soudan ont été effectués à temps.  Toutefois, ce ne sont pas tous les sites qui sont utilisés à des fins civiles, les autorités faisant étant d’incapacités institutionnelles et de la nécessité de protéger ces bases d’opérations.  Le Conseil militaire de transition a récemment décrété qu’à l’avenir, les bases devront être remises aux Forces d’appui rapide, ce qui a conduit à la suspension de la fermeture et de la remise du camp de Nyala en attendant des éclaircissements. 

Le deuxième pilier est la protection des civils et des travailleurs humanitaires, et la facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire.  Le Gouvernement soudanais a largement coopéré avec la Mission dans la mise en œuvre de ce pilier, a assuré le général, en particulier dans les zones qu’il contrôle.  Cependant, il a signalé des refus d’accès dans les zones contrôlées par l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid (ALS-AW) à l’exception d’une occasion, en septembre 2018, où une mission humanitaire conjointe a réussi à visiter et à aider les victimes d’un glissement de terrain dans l’est de Jebel Marra.  Pour expliquer ce refus, le Gouvernement avance son incapacité à garantir la sécurité des Casques bleus, a relaté le général. 

Le troisième pilier est la médiation entre le Gouvernement et les mouvements armés non signataires.  Durant l’ancien régime, deux de ces mouvements et le Gouvernement avaient signé un accord de prénégociation tandis que l’ALS-AW ne s’était pas engagée dans ce sens.  Le Conseil militaire de transition a donc appelé tous les mouvements armés à se joindre aux négociations, a indiqué M. Ngondi tout en notant que la situation politique actuelle bloque le processus.

Le dernier pilier est l’appui à la médiation des conflits intercommunautaires, y compris les mesures permettant de résoudre la cause de ces conflits.  Le problème de la propriété foncière, qui est au cœur du conflit au Darfour, mérite d’être suffisamment abordé, selon le général qui y voit l’une des principales raisons du relâchement dans le retour des personnes déplacées, les autres raisons étant l'insécurité et le manque de services de base.

M. Ngondi a ajouté que trois domaines sont importants pour la coopération.  Le premier est l’utilisation des locaux et des installations permettant à la MINUAD de rester et de fonctionner.  Il a salué le fait que le Gouvernement du Soudan ait attribué à la MINUAD des terres où des bases d’opérations et des camps ont été établis.  Cependant, récemment, les communautés locales ont demandé à la MINUAD de les dédommager pour leur terre, au lieu de faire appel au Gouvernement soudanais.

Deuxièmement, l’Accord sur le statut des forces prévoit la liberté de circulation sur le territoire pour exécuter le mandat de la Mission, ce que le Gouvernement soudanais a garanti, y compris pour les vols interétatiques, dans les zones sous son contrôle.  Cependant, le Gouvernement a empêché la MINUAD d’accéder aux zones sous le contrôle des groupes armés pour des raisons de sécurité, a indiqué M. Ngondi. 

En dernier lieu, le Gouvernement est tenu de protéger les biens et les installations de la Mission à la demande du Représentant spécial conjoint.  Mais dernièrement, remplir cette obligation s’est avérée difficile lorsque le camp d’El Geneina, situé dans l’ouest du Darfour, a été pillé et vandalisé pendant la passation de pouvoirs.  La MINUAD et le Gouvernement du Soudan ont travaillé ensemble pour assurer qu’un tel incident ne se reproduise plus. 

En conclusion, a dit M. Ngondi, la coopération entre la Mission et le Gouvernement a été cordiale, les quelques incidents évoqués ayant pu être corrigés.  Les autorités soudanaises ont fait preuve de coopération et ont soutenu les opérations de la MINUAD, y compris pour faciliter son retrait paisible conformément à la résolution 2429 (2018) du Conseil de sécurité.

Général CHERYL PEARCE, Commandant de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP), a souligné que ces dernières décennies, la Force a exécuté son mandat avec succès, grâce à une composante militaire qui a joué un rôle crucial dans le maintien d’un environnement stable dans un rayon de 180 kilomètres de la zone tampon.  Les efforts pour prévenir et atténuer les tensions avant leur éventuelle escalade et pour assurer la liaison entre les deux parties en l’absence d’un contact direct, demeurent essentiels, compte tenu de l’incertitude actuelle et du climat politique qui prévaut sur l’île.  C’est grâce à ces efforts que la Force contribue à créer les conditions favorables au succès du processus de règlement.  Quant à la coopération avec les pays hôtes, le général a indiqué que depuis son arrivée en janvier dernier, elle s’est entretenue à plusieurs reprises avec ses interlocuteurs, dans un esprit de professionnalisme, de collégialité et de respect mutuel.  Elle a exprimé son intention d’accorder la priorité à une interaction « régulière et nuancée », fondée sur les principes d’impartialité, d’ouverture et de transparence.  Garder les canaux de communication ouverts, même en période de tensions, est de la plus haute importante. 

Au-delà de ses contacts personnels, elle a indiqué que la Force maintient des contacts quotidiens avec les forces en présence et ce, à tous les niveaux, pour prévenir toute escalade des tensions.  Depuis l’examen stratégique de 2017, la Force déploie des efforts robustes d’engagement et de liaison, en coordination étroite avec les composantes police et militaire.  Mais la coopération n’est pas sans défi, a avoué le général, en pointant du doigt la tendance à la hausse des violations du statu quo militaire le long des lignes de cessez-le-feu et sur le durcissement apparent des positions chez les forces en présence qui peut être le reflet de la situation politique dans l’île. 

L’autorité de la Force dans la zone tampon est régulièrement défiée et il n’y a eu aucune amélioration depuis la résolution 2453 du Conseil de sécurité, a alerté le général.  Aucune des parties n’a accepté l’aide-mémoire de 2018 ni son prédécesseur de 1989 qui sont pourtant des documents importants pour la gestion de la zone tampon.  Le général a donc demandé au Conseil de sécurité de l’aider, en obtenant des parties qu’elles mettent en œuvre l’aide-mémoire et respectent l’autorité de la Force dans la zone tampon.  La Force a certes signé l’Accord sur le statut des forces avec la République de Chypre mais elle sait que la coopération avec la communauté chypriote turque est tout aussi importante.  Nous continuons à travailler étroitement avec tous les acteurs pertinents pour assurer une coopération maximale, a souligné le général.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a indiqué que le manque de formation des Casques bleus avait une incidence directe sur la mise en œuvre des mandats.  Il a appelé à redoubler d’efforts pour fournir aux soldats de la paix tous les outils nécessaires, à tous les niveaux de la chaîne de commandement, pour améliorer les résultats des activités des missions et la sécurité de leur personnel.  La souplesse des outils utilisés par les commandants des forces, pour leur permettre d’agir de manière proactive en fonction des conditions sécuritaires actuelles, est également d’une importance cruciale, a-t-il ajouté.  Mais les mandats actuels leur permettent-ils d’agir de manière active et proactive, a-t-il demandé aux commandants des forces.  Si tel n’est pas le cas, quels sont les principaux obstacles qui entravent la mise en œuvre sans heurts des mandats?

Le représentant a également voulu savoir si le général de division Pearce faisait face à des défis en raison de la présence de réfugiés et de migrants sans papiers dans la zone tampon.  Au général de division Ngondi, le représentant de la Pologne a demandé comment la situation à Khartoum affectait la mission sous son commandement.  Il a aussi voulu obtenir son commentaire au sujet de la suspension, par la MINUAD, du transfert des camps de déplacés à l’armée soudanaise.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a commencé par rendre hommage aux Casques bleus, en particulier à ceux qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leurs fonctions.  Il s’est contenté de poser aux commandants des forces présents des questions, souhaitant donner à cette réunion une tournure interactive.  Le représentant s’est notamment demandé quel impact avait pu avoir d’après eux l’appui sur le terrain fourni par le Siège à la suite de la réforme de l’architecture de paix et de sécurité de l’ONU.  Ont-ils suffisamment accès aux données dont ils ont besoin?  M. Allen a en outre adressé l’une de ces questions au Commandant de la MINUAD, lui demandant d’évoquer le degré de coopération démontré par les autorités soudanaises depuis que l’ex-Président Omar Al-Bashir a été évincé du pouvoir.  Au sujet de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP), la délégation britannique a souhaité en savoir plus sur le mécanisme de liaison permettant d’entrer en contact avec les deux parties pour résoudre les différends.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a souligné que la mission à Chypre, l’UNFICYP, opérait dans un contexte particulier où il est essentiel d’entretenir de bonnes relations avec la population civile, y compris par le biais d’une approche préventive.  Le représentant a demandé au général de division de la mission quelles leçons il avait apprises dans ce contexte, et s’il pensait que cette dimension devrait être mieux intégrée dans le processus de formation des contingents.  Il lui a également demandé si une telle formation pourrait être dispensée directement sur le terrain.  Enfin, le représentant s’est posé la question de savoir dans quelle mesure la récente reconfiguration de la mission s’était effectuée sur la base des recommandations formulées dans le cadre de la revue de la mission?

S’agissant de la mission au Darfour, la MINUAD, le représentant a demandé au général de corps d’armée de la mission quelles mesures pourraient être prises pour améliorer la coopération de la mission avec les autorités locales, afin de régler le problème que posent les violences sexuelles au Darfour.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a considéré que la réussite d’une opération de maintien de la paix tenait avant toute chose à la qualité de la relation entre celle-ci et le pays hôte.  Ce dernier, a-t-il précisé, doit être associé à la coopération triangulaire entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les pays contributeurs de troupes.  C’est dans les pays où une telle relation de confiance a prévalu que la consolidation a été couronnée de succès, a-t-il analysé, en espérant que cela serait le cas pour la MINUAD, dont le retrait est maintenant programmé.  Le représentant a également souhaité de savoir si les commandants des forces se servent du rapport Cruz sur l’amélioration de la sécurité des Casques bleus.

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a rappelé que le consentement des parties était l’un des principes fondamentaux du maintien de la paix.  Les missions doivent pouvoir compter sur la coopération des pays hôtes pour mettre en œuvre leurs mandats, a-t-il insisté.  À ses yeux, cela suppose notamment une liberté de mouvement totale des contingents déployés dans le cadre des missions.  Or, certains gouvernements décident parfois de faire obstruction à cette liberté de mouvement, a-t-il regretté.  Si les pays hôtes n’acceptent pas les objectifs des missions, ces dernières ne seront pas en mesure d’obtenir les résultats escomptés, a estimé le représentant, appelant ainsi à améliorer la coopération entre l’ONU et les pays hôtes dès la phase de définition des mandats des opérations de maintien de la paix.

Le représentant a, par ailleurs, jugé primordial de renforcer la responsabilité des opérations de maintien de la paix, notamment par la diffusion d’informations sur leurs résultats.  Il s’est par conséquent félicité de l’engagement du Secrétaire général à rendre les missions davantage responsables.

Le représentant a, en outre, posé la question de savoir dans quelle mesure des pays hôtes s’étaient opposés aux bons offices du Secrétaire général lors de missions passées ou en cours. 

S’agissant de la MINUAD, il a pris note du retrait des forces de la mission de certains sites dont la sécurité était auparavant prise en charge par l’ONU.  Qui va s’occuper désormais de la sécurité de ces sites et quels sont les défis liés à cette décision? s’est interrogé le délégué américain.

Pour Mme ANNE GUEGUEN (France), la coopération avec l’État hôte est une « thématique déterminante » et une condition sine qua non pour que les opérations de maintien de la paix atteignent leurs objectifs, non seulement dans le respect de la souveraineté de l’État hôte mais également en prenant en compte de la nécessaire protection des Casques bleus et de l’ensemble des personnels civil et en uniforme des Nations Unies.  Il ne s’agit pas d’une option, à ses yeux, mais bien d’une « nécessité impérieuse » qui est « inscrite en lettres d’or » dans les principes directeurs du maintien de la paix.  Cette coopération impliquant pour le pays hôte et pour l’ONU « des droits et des devoirs », Mme Gueguen a développé trois idées fortes sur ce sujet.

Tout d’abord, a-t-elle estimé, l’assentiment de l’État hôte au déploiement de l’opération de maintien de la paix doit être recherché pour des raisons de principe et également à des fins opérationnelles.  Le dialogue entre l’État hôte et l’ONU est primordial et doit se poursuivre sur le terrain, entre Casques bleus d’une part, et policiers et militaires de l’État hôte d’autre part.  Ce respect mutuel est, pour la représentante, un gage d’efficacité et d’acceptation par la population locale, celle-ci devant comprendre que la mission, loin de constituer un acte d’ingérence, est « légitime et cohérente ».

À partir du moment où l’État hôte a autorisé une opération de maintien de la paix, il doit respecter ses engagements au titre d’un accord sur le statut des forces, qui assure la liberté de mouvement et la protection des Casques bleus déployés sur son territoire, a souligné Mme Gueguen.  Aucune violation d’un tel accord ne peut être tolérée ni acceptée, dans un sens comme dans l’autre, a plaidé la représentante en appelant le Conseil à y veiller et à maintenir le dialogue entre les missions déployées et les autorités de l’État hôte pour résoudre au plus vite toute difficulté.

Enfin, l’État hôte est surtout le premier responsable de la protection de sa population.  Pour la France, même si l’opérations de maintien de la paix peut aider un État en difficulté à protéger sa population contre une menace particulière, cette opération ne peut se substituer à l’État hôte qui doit tout faire pour cela, tant sur le plan policier et militaire que dans la chaîne judiciaire, en poursuivant systématiquement les auteurs de violences contre les civils et d’atteintes aux droits de la population.  De son côté, le Conseil de sécurité doit exiger un comportement exemplaire de la part de ses Casques bleus.  Cette coopération peut aussi se traduire par un appui à la montée en puissance des forces de sécurité et de défense de l’État hôte, notamment dans les domaines de la formation du personnel et l’équipement en matériels, a conclu la représentante.

Pour M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire), une coopération dynamique, basée sur la confiance réciproque entre une opération de maintien de la paix et l’État hôte revêt une importance particulière car elle crée les conditions d’une transition réussie, qui ouvre la voie à la paix et à la stabilité durables.  Il a cité, à ce titre, la coopération exemplaire entre les autorités ivoiriennes et l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI).

Soulignant que les opérations de maintien de la paix n’ont pas vocation à se substituer aux autorités de l’État hôte, il a insisté sur leur rôle d’appui, dans le cadre d’une stratégie de sortie de crise fondée sur un processus politique inclusif et crédible.  L’appropriation nationale forte de l’ensemble du processus de sortie de crise est, à ses yeux, l’un des garants du succès.

Il a demandé des éclaircissements au général Ngondi, notamment sur son évaluation de la coopération entre la MINUAD et les autorités soudanaises, en particulier en matière de protection des civils dans les régions affectées par les violences perpétrées par les groupes armés ou pour juguler les violences intercommunautaires.  Il a également demandé si le contexte politique actuel, marqué par les tensions entre le Conseil militaire de transition et les manifestants, affectait les relations entre la MINUAD et les autorités soudanaises.  Enfin, a-t-il demandé, quels peuvent être les effets de la situation sociopolitique actuelle au Soudan sur le processus de reconfiguration et de réduction des effectifs de la MINUAD.

Il a poursuivi en soulignant le caractère essentiel des initiatives visant à promouvoir la réconciliation nationale.  S’adressant à cet égard au général Pearce, M. Kacou lui a demandé quelles étaient les actions menées, dans le cas de Chypre, pour promouvoir la réconciliation entre les communautés locales.  Il a également souhaité savoir quelles étaient les actions prises ,concernant la MINUAD et l’UNFICYP, dans le cadre de la politique de tolérance zéro contre les violences sexuelles.

M. HAITAO WU (Chine), après avoir souligné l’importance inestimable des opérations de maintien de la paix, a mentionné deux priorités à ses yeux: inclure l’évaluation des résultats accomplis par les missions et renforcer la coopération de celles-ci avec les pays hôtes.  Sur ce dernier point, le représentant s’est dit convaincu qu’il fallait s’en tenir aux dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies et cultiver de bonnes relations avec le pays hôte en respectant sa souveraineté nationale.  Se tournant vers les commandants des forces, il les a interrogés sur les domaines des mandats de maintien de la paix qui pourraient, selon eux, faire l’objet d’ajustements.  Par ailleurs, quels sont les aspects de la coopération avec le pays hôte qui pourraient être améliorés? a-t-il aussi voulu savoir.

Concernant l’UNFICYP, M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a jugé très intéressante la présentation du général de division, dans la mesure où cette dernière remet en question l’image traditionnelle d’un théâtre des opérations chypriotes relativement calme.  Il a ainsi pris note de l’augmentation des violations et du durcissement des positions des parties.  Que pourrait-on faire de plus, au sein de la mission et au niveau du Conseil de sécurité, pour restaurer ou renforcer l’autorité de l’UNFICYP dans la zone tampon? s’est-il interrogé?

Concernant le Soudan où, a ironisé le représentant, « personne n’a l’impression que la situation est calme », ce dernier a salué la clarté de la présentation du général de corps d’armée.  Il en a retenu que la situation sur le terrain était inquiétante et que le transfert aux civils des sites sous la responsabilité de l’ONU ne fonctionnait pas, notamment en raison de pillages, d’obstruction à l’accès aux sites par les autorités et de problèmes non élucidés liés à la propriété foncière. 

Aux yeux du représentant, il est important que les opérations de maintien de la paix entretiennent de bonnes relations avec les pays hôtes, qui ont l’obligation de protéger leurs civils.  Mais que faire si les autorités n’honorent pas cette obligation, s’est-il interrogé, citant l’exemple des évènements récents à Khartoum, où les autorités soudanaise ont, selon lui, été responsables de la mort de plus de 100 personnes et de violences sexuelles.  Que faire quand les autorités bafouent les droits de leur population et, a-t-il ajouté, vous attendez-vous à de nouveaux heurts au Darfour? 

Par ailleurs, le représentant allemand a demandé au Commandant de la MINUAD quelles mesures avaient été prises par la Mission pour lutter contre les violences sexuelles dans la zone d’opérations de celle-ci.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a rappelé les principes de base sur lesquels se fondent les opérations de maintien de la paix, à savoir l’assentiment des parties à un conflit, l’impartialité et l’usage de la force uniquement en cas de légitime défense et de défense du mandat de la mission.  Le consentement du pays hôte est particulièrement important pour une exécution efficace des mandats, a insisté le représentant.  Dans le cas contraire, a-t-il observé, « nous avons parfois été confrontés à l’emploi de tactiques sur le terrain qui font obstacle à la conduite des activités des mandats ou qui retardent le processus politique que ces missions sont censées appuyer ». 

Le représentant a en outre salué l’intervention du général de corps d’armée Leonard Muriuki Ngondi, de la MINUAD.  Il s’est dit préoccupé par les conséquences sur la Mission des évènements politiques récents au Soudan, notamment le manque de coopération entre les nouvelles autorités soudanaises et la MINUAD.  Pour parvenir à une stratégie de sortie réussie, a-t-il insisté, un haut degré de coopération entre le pays hôte et la Mission est nécessaire, y compris afin d’opérer un transfert effectif des responsabilités de celle-ci vers les autorités de l’État.  Le représentant a, par conséquent, appelé le Gouvernement soudanais à coopérer étroitement avec la MINUAD. 

Comment les missions pourraient-elles renforcer la coopération avec les communautés des pays en situation de conflit, a poursuivi le représentant.  Étant donné le contexte souvent très dangereux dans lequel le personnel des missions est amené à opérer, il a appelé à doter les opérations de maintien de la paix des capacités nécessaires pour mettre efficacement en œuvre leurs mandats.  Il s’est ainsi interrogé sur les mesures que pourraient prendre l’ONU afin de renforcer les capacités des missions avant leur déploiement.

Concernant l’UNFICYP, le représentant a pris note de la poursuite des incursions dans la zone tampon.  Quelles autres mesures préventives la mission pourrait-elle prendre afin de mettre fin à ces violations, s’est-il interrogé.

M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a d’abord voulu insister sur l’importance des opérations de paix comme l’un des outils les plus efficaces dont disposent les Nations Unies pour promouvoir et maintenir la paix et la sécurité internationales et prévenir, gérer et régler les conflits.  En la matière, le représentant a souligné les prérogatives du Comité spécial des opérations de maintien de la paix s’agissant de l’élaboration des politiques.  Il a ensuite insisté sur l’importance des consultations entre le Secrétariat, les pays contributeurs de troupes et de personnel de police et le pays hôte pendant l’élaboration des mandats, leur évaluation et leur éventuelle fin.  Il s’agit de veiller à l’implication active de toutes les parties prenantes, en particulier le pays hôte, à l’énumération des attentes, y compris les étapes importantes et le calendrier.  C’est la seule manière d’assurer le succès d’une opération de maintien de la paix mais aussi de jeter les bases de la consolidation de la paix.  En l’occurrence, le représentant s’est félicité du travail de la mission au Darfour, de l’équipe de pays des Nations Unies et des autres partenaires pour faciliter la médiation et régler les questions sous-jacentes de l’accès à la terre et aux ressources.  Il a exhorté le Conseil militaire de transition à reprendre le dialogue pour ouvrir l’espace à la coopération avec la Mission. 

Toute décision sur la réduction des effectifs d’une mission et la hiérarchisation des éléments de son mandat doit tenir compte, certes, de la disponibilité des ressources, mais surtout de la situation politique et sécuritaire sur le terrain.  C’est vital pour préserver les acquis, a insisté le représentant.  Il a donc estimé que la réduction des effectifs de la Mission au Darfour doit être conforme à la décision que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a prise le 13 juin dernier.  Le représentant en a profité pour souligner l’importance d’une bonne collaboration entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales.  Après tout, ce sont les « premiers secouristes », compte tenu de leur capacité de se déployer rapidement et de préparer le terrain à une opération de l’ONU. 

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a estimé que, dans le cadre du programme Action pour le maintien de la paix et de sa déclaration d’engagements partagés, il y avait des mesures concrètes à prendre pour renforcer le consentement et la coopération avec le pays hôte.   Tout d’abord, a recommandé le représentant, il faut renforcer la consultation entre les parties prenantes au maintien de la paix en ce qui concerne les mandats et leur mise en œuvre.  « Nous devons collectivement mettre en œuvre les engagements intergouvernementaux triangulaires entre les pays contributeurs de troupes, le Conseil de sécurité et le Secrétariat », a-t-il préconisé, souhaitant voir prendre en compte les options pour renforcer l’engagement direct entre le Conseil et les pays hôtes.  Cependant, si ceux-ci assument la responsabilité première de protéger les civils, ils doivent cependant reconnaître la contribution que les opérations de maintien de la paix peuvent faire dans ce domaine.  Les contingents indonésiens de la MINUAD ont pu prendre la mesure des projets à impact rapide auprès de la population civile, des projets menés avec la coopération du Gouvernement soudanais, a-t-il témoigné.

Par ailleurs, la délégation indonésienne a souligné à quel point une meilleure formation et un renforcement des capacités pour les dirigeants des missions les aident à répondre aux défis relatifs au contentement et à la coopération du pays hôte.  Enfin, les opérations doivent disposer des outils adéquats à cet égard, notamment de directives pour y voir clair dans la coopération avec les gouvernements des pays hôtes.  De telles directives pourraient inclure, selon l’Indonésie, les différents scénarios auxquels font face les Casques bleus avec une liste des réponses possibles et des critères en vue d’identifier la détérioration sérieuse de cette relation.  Le représentant a, en conclusion posé une question au Commandant de la MINUAD: que devrait faire le Conseil de sécurité pour que le prochain mandat de l’Opération soit clairement formulé?

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a appelé à trouver les moyens de rendre les opérations de maintien de la paix plus efficaces, notamment en améliorant les aspects liés à leur financement.  Le représentant a constaté le manque de consensus au sein du Conseil sur cette question.  Dans la mesure où la majorité des opérations de maintien de la paix sont déployées dans des pays d’Afrique, il a plaidé en faveur d’une coopération accrue entre l’ONU et l’Union africaine (UA) en matière de financement des missions.  Bien souvent, a-t-il estimé, la communauté internationale dispose des moyens financiers dont l’UA, qui connaît les contextes locaux, aurait besoin pour résoudre les problèmes sur le continent.  Dans ce cadre, pensez-vous que le financement de missions régionales par le biais de l’ONU soit viable? s’est interrogé le représentant.

Concernant l’UNFICYP, le représentant a demandé au général de division quels étaient les défis les plus graves auxquels la mission est actuellement confrontée, étant donné les différences importantes entre les deux communautés impliquées.  Pour ce qui est de la MINUAD, il a demandé ce que le Conseil pouvait faire de plus pour que la mission soit un succès et pour que ses mandats soient respectés sans qu’il soit nécessaire de les amender.

Enfin, le représentant s’est interrogé sur le fait de savoir si les opérations de maintien de la paix prévoyaient des actions spécifiques dans les cas où elles devenaient impopulaires ou étaient rejetées par les populations locales.

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a demandé au Commandant de la Force de la MINUAD s’il pouvait donner son évaluation personnelle de l’influence que la situation politique à Khartoum a sur celle qui prévaut sur le terrain au Darfour.  S’adressant aux deux commandants invités, elle leur a demandé ce qui pouvait être fait pour « améliorer la lisibilité des mandats des opérations de maintien de la paix ».  La représentante a rappelé que la performance des missions était un élément clef pour améliorer l’efficacité de l’action de celles-ci, dont le pays hôte est à la fois un évaluateur et un bénéficiaire.  La Belgique a, en conclusion, souhaité en savoir plus sur ce que les commandants voient comme meilleurs moyens d’améliorer l’« intégration » de leur mission respective.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a appelé à s’appuyer davantage sur les meilleures pratiques du maintien de la paix pour renforcer la coopération entre l’ONU et les pays hôtes, notamment en impliquant davantage ces derniers en amont, lors des phases de définition des mandats.  Le représentant a également insisté sur l’importance de la formation linguistique des contingents.  Cette dernière, a-t-il précisé, doit être assumée aussi bien par l’ONU que par le pays hôte.  Enfin, le représentant a demandé aux commandants des forces présents quels conseils ils pourraient donner au Conseil de sécurité sur les actions à prendre par ce dernier en cas de signature d’accords entre des parties à un conflit durant le déroulement d’une mission ou dans les phases de transition.

Reprenant la parole M. LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, s’est contenté de répondre à la question relative au financement des missions, en particulier celles déployées en Afrique.  Beaucoup d’efforts ont été faits, a-t-il assuré, pour faire le meilleur usage possible des ressources mises à la disposition de son Département.  Parfois cependant, des opérations peuvent se heurter à des défis qui ont des implications financières inattendues, comme c’est le cas par exemple avec l’épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo (RDC), contre laquelle s’est mobilisée la MONUSCO.

Les trois principes clefs qui régissent les opérations de maintien de la paix continuent d’être pertinents, et les commandants des forces font des efforts considérables pour entretenir avec les pays hôtes les meilleures relations possibles, ce qui n’est pas toujours facile, a reconnu M. Lacroix.  À cet égard, le soutien du Conseil de sécurité est particulièrement important, a-t-il souligné.  S’agissant de la formulation des mandats, le Secrétaire général adjoint a rappelé que le Secrétariat de l’ONU jouait un rôle primordial, en rappelant que des recommandations sont faites au Conseil de sécurité.  Il a, en conclusion, affirmé que le Département des opérations de paix continuerait de promouvoir les femmes, y compris à des postes de responsabilité.

En réponse à la question posée par la Pologne, de savoir si les mandats actuels permettaient à la MINUAD de travailler de façon pragmatique, le général NGONDI, Commandant de la Force de la MINUAD, a estimé qu’à l’exception du pilier politique, les différents piliers du mandat de la Mission fonctionnaient efficacement.  Il n’y a en effet qu’une seule zone à laquelle il est impossible à la MINUAD d’accéder actuellement pour mettre en œuvre son mandat, a-t-il précisé, estimant que la Mission était par conséquent en mesure d’opérer « de façon acceptable ».

S’agissant des évènements récents dans la capitale soudanaise, M. Ngondi a souligné que ces derniers avaient eu des conséquences limitées sur la MINUAD.  Il a toutefois admis que la militarisation du Gouvernement soudanais était à l’origine d’un certain nombre de frictions.  En ce qui concerne les camps, ils seront bientôt restitués aux civils, a affirmé le général, grâce notamment aux pressions exercées par la Mission et la communauté internationale.

En réponse à la question du Royaume-Uni sur les conséquences des réformes du maintien de la paix sur la MINUAD, M. Ngondi a estimé que la décentralisation des ressources et de la prise de décisions était une bonne chose.  « Cela nous facilite la tâche », a-t-il dit. 

Concernant les pillages constatés dans la zone d’opérations de la Mission, le général a indiqué que des enquêtes étaient actuellement en cours.  Dans la mesure où les nouvelles autorités militaires à la tête du Gouvernement soudanais ne disposent pas nécessairement des « bon canaux de communication avec la population » du pays, M. Ngondi a jugé que la Mission devait redoubler d’efforts pour faire comprendre aux communautés locales l’utilité de sa présence et pour travailler avec les nouvelles autorités.

À la question posée par le Pérou concernant les activités développées par la MINUAD en matière de défense des droits de l’homme, M. Ngondi a indiqué que la Mission tentait de renforcer ses activités pour éduquer les populations et le Gouvernement sur les questions liées à l’état de droit et au respect des droits de l’homme.  La question du développement ne fait pas à proprement parler partie du maintien de la paix, a-t-il ajouté, mais elle a une incidence évidente sur les violations commises au Darfour, en particulier les pillages.

En réponse à l’intervention de la Fédération de Russie, M. Ngondi a indiqué que la MINUAD s’efforçait d’améliorer sa gestion des phases de transition et de lutter plus efficacement contre les pillages.

À la question des États-Unis sur le transfert de responsabilité des sites auparavant sous contrôle de la MINUAD, le général s’est dit confiant quant au fait que les sites seront utilisés à des fins civiles, dans le respect des accords existants.

À la question de la France sur la façon dont le Conseil pourrait s’y prendre pour appuyer davantage la MINUAD, M. Ngondi a répondu que le Conseil devrait avant tout veiller au respect par les parties du mandat de la Mission et des accords conclus concernant les sites restitués. 

S’agissant des allégations sexuelles, le général a loué la discipline qui règne au sein de la MINUAD.  Il n’y a eu aucune allégation d’atteinte sexuelle depuis quatre ans pour le personnel en uniforme de la Mission, ce qui est assez remarquable, a-t-il affirmé.  « Le comportement des Casques bleus est irréprochable. »

En ce qui concerne la demande d’éclaircissements de la Côte d’Ivoire sur la coopération entre la MINUAD et les autorités soudanaises, M. Ngondi a rappelé que le Gouvernement ne permettait pas à la Mission d’accéder à une zone en particulier.  Nous ne sommes pas les ennemis du Gouvernement et nous devrions donc pouvoir circuler partout, a-t-il estimé.

En réponse à la question de la Chine sur l’opportunité de modifier le mandat de la MINUAD, le général a rappelé que seul le pilier politique du mandat de la Mission posait actuellement un problème.  Cette difficulté est, selon lui, lié au statut particulier du Darfour.  Fait-il ou non partie du Soudan? s’est interrogé M. Ngondi.  « D’après moi oui, mais c’est au peuple de décider », a-t-il déclaré, soulignant qu’il revenait au Conseil de décider de l’avenir du pilier politique de la MINUAD.

En réponse à la question de l’Allemagne sur la réalité ou non de heurts au Darfour, le général a indiqué que, outre la menace militaire liée à l’Armée de libération du soudan, qui est plutôt bien endiguée, les problèmes sécuritaires dans la région étaient surtout liés à des problèmes de banditisme.  Quant au fait de savoir si le retrait de la Mission pourrait entraîner une recrudescence du banditisme, M. Ngondi a estimé qu’il était difficile de le prédire.

S’agissant de la coopération avec les autorités locales pour venir à bout des violences sexuelles au Darfour, le général a jugé qu’il fallait mettre en place des dispositifs de surveillance de ces violences dans la zone.

Aux questions de l’Indonésie sur les défis liés à l’exécution du mandat de la MINUAD, le général a répondu que le retrait de la Mission s’effectuait de façon responsable.  Il n’y a pas à l’heure actuelle de résurgence des hostilités dans les zones où s’est retirée la MINUAD, a-t-il affirmé.

En réponse à la question du Koweït sur les actions à prendre par le Conseil en cas de signature d’accords entre des parties à un conflit durant le déroulement d’une mission ou dans les phases de transition, M. Ngondi a appelé le Conseil à appuyer davantage les efforts diplomatiques et le dialogue politique. 

Le général PEARCE, Commandant de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre, a répondu à la Pologne, en expliquant que l’UNFICYP est proactive pour prévenir ou atténuer les tensions dans la zone tampon.  Elle a reconnu que les parties ne reconnaissent pas l’aide-mémoire de 1989.  Mme Pearce a confirmé, par ailleurs, que les demandeurs d’asile se faisaient de plus en plus nombreux.  Chypre figure parmi les pays d’Europe où il y a le plus d’arrivées de migrants, a-t-elle fait observer, en confirmant que la tendance est à la hausse et que la Force œuvre avec les deux parties pour prêter assistance aux nouveaux arrivants. 

S’agissant de l’approche « d’amont en aval », l’UNFICYP fait participer depuis longtemps les pays contributeurs de troupes à la formation pour être bien certain que les Casques bleus ont reçu la meilleure préparation possible.  Dans le cas contraire, une mise à jour est dispensée sur place pour remédier à l’éventuelle insuffisance, a-t-elle indiqué.

Répondant au Pérou, le général a dit que la Force travaillait avec les deux communautés à des mesures sur le renforcement de la confiance, notamment en menant des opérations de déminage et des activités axées sur les communautés locales, en étroite coopération avec la composante politique de la Mission.  La formation et la sécurité sont les priorités dans l’ensemble des activités que mène l’UNFICYP, a-t-elle ajouté.

Répondant aux États-Unis, elle a dit que la Force disposait d’une certaine liberté d’action, mais que certaines zones étaient contestées, et qu’elle travaillait à la désescalade.  Elle a appelé, à cet égard, à soutenir l’Envoyé spécial pour lui permettre de parvenir à des progrès sur le processus politique.  S’agissant du consentement donné par le pays pour la liberté de déplacement des personnels de la Mission dans la zone tampon, Mme Pearce a déclaré qu’elle n’était pas l’objet d’une préoccupation particulière.  Elle a indiqué qu’elle avait zéro tolérance pour les abus et exploitations sexuels, chaque membre du personnel étant tenu pour comptable de ses actes, sous peine de ternir la réputation de la Force et de l’ONU.

L’UNFICYP est engagée, a-t-elle poursuivi, dans un programme d’évaluation constante des moyens lui permettant d’améliorer ses résultats.  Le mandat remonte à 1964 et, maintenant, les deux parties ont des avis sur ce qui doit faire partie de la zone tampon ou pas.  « Nous nous heurtons à des difficultés à cet égard. » 

Sur le dialogue avec le pays hôte, en tant que Commandant de la Force, Mme Pearce a expliqué qu’elle devait le mener avec les deux parties au conflit, de la manière la plus neutre possible, afin de parvenir à atténuer les tensions.  S’agissant de ce que pourrait faire le Conseil de sécurité, Mme Pearce lui a demandé de continuer à soutenir la Force pour que soit respecté l’aide-mémoire de 1989.

Par ailleurs, nous avons un programme vigoureux d’engagement auprès des jeunes et des femmes, a assuré le Chef de l’UNFICYP.  Elle a encouragé les pays contributeurs de troupes à créer un environnement dans lequel les femmes sentent qu’elles ont des opportunités professionnelles assorties d’une progression de carrière dans les missions comme la sienne, tout en précisant que la Mission à Chypre pratique une politique d’égalité entre les sexes.  Cette politique est menée par un membre de la Force qui informe le Siège « de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas », a-t-elle précisé.

« Je crains que nous soyons un peu en autopilote avec le retrait de la MINUAD », a déclaré le représentant de l’Allemagne.  Certes, le Commandant de la force a dit que les troupes arrivent à gérer les troubles liés au retrait de certains sites dans la zone d’opérations, mais il n’en demeure pas moins que la Mission doit faire face à des défis, s’est-il inquiété.  À cela s’ajoute l’action des nouvelles autorités de Khartoum, qui ont demandé à leurs Forces d’appui rapide d’investir les sites auparavant sous la responsabilité de la MINUAD, au lieu de procéder à leur transfert à la population civile.  « C’est proprement inacceptable! » s’est indigné le représentant allemand, appelant le Conseil à ne pas laisser perdurer la situation.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Pressé d’effectuer des visites dans les territoires non autonomes, le Comité spécial s’entend sur Montserrat

Session de 2019,
3e & 4e séances plénières – matin & après-midi
AG/COL/3336

Pressé d’effectuer des visites dans les territoires non autonomes, le Comité spécial s’entend sur Montserrat

Gibraltar, Tokéalou, Sahara occidental, le programme du Comité spécial de la décolonisation était chargé aujourd’hui.  Le Comité a en outre décidé, ce matin, d’envoyer une mission de visite à Montserrat du 15 au 26 novembre 2019 et a adopté deux projets de résolution sur la diffusion d’informations et les renseignements sur les territoires non autonomes.

Dans son texte sur la visite à Montserrat, le Comité prie sa Présidente de poursuivre les consultations avec le Royaume-Uni.  Il a aussi été invité par le Ministre principal de Gibraltar à se rendre sur le territoire, « pour rendre justice et nous retirer de la liste des territoires non autonomes ».

« Alors que nous nous préparons contre notre gré à quitter l’Union européenne, nous avons une chance de dialoguer avec l’Espagne et de parvenir à des arrangements pratiques sur notre coopération », a déclaré le dignitaire, qui a espéré que le succès du Parti socialiste aux dernières élections espagnoles permettra de retourner à un dialogue « respectueux et mutuellement bénéfique ».

Le Ministre Principal s’est attardé sur la signature d’un traité sur les taxes, le premier traité signé avec l’Espagne depuis le Traité d’Utrecht en 1713, qui montre, selon lui, que l’Espagne reconnaît désormais le statut juridique du peuple de Gibraltar comme distinct de celui des citoyens britanniques.  L’Espagne a réitéré aujourd’hui sa volonté d’entamer immédiatement des négociations avec le Royaume-Uni pour mettre fin à la « colonisation » de Gibraltar et parvenir à une solution qui tienne compte des intérêts de sa population.

L’Algérie également a appelé le Comité à effectuer une nouvelle visite au Sahara occidental, expliquant d’abord que son engagement en faveur du mandat du Comité est une réflexion de l’héritage de sa lutte pour son indépendance qui exige de son peuple qu’il offre un appui ferme à l’achèvement du processus de décolonisation par la suppression des chaînes du colonialisme et l’octroi aux peuples du droit de jouir librement de la dignité de leur souveraineté nationale.

La situation au Sahara occidental, a-t-elle dit, appelle à un examen approfondi des droits de l’homme et à l’établissement d’un mécanisme international pour surveiller la situation en la matière.  Dans le même temps, le pillage des ressources naturelles devrait être mis au cœur de notre action, a estimé l’Algérie, qui a souligné qu’elle n’est pas partie prenante au différend, mais qu’elle intervient dans les négociations en tant que pays voisin.

« Si l’Algérie n’est qu’une partie observatrice pourquoi continue-t-elle d’armer, de financer, d’abriter et de se mobiliser pour le Polisario? » a rétorqué le Maroc, qui a aussi fait observer que la résolution 2468 du Conseil de sécurité consacre le rôle de l’Algérie en tant que partie prenante principale à ce différend et l’appelle instamment à contribuer à la recherche de la solution, « au même titre et sur un pied d’égalité avec le Maroc ».

Le Maroc est revenu sur l’« initiative d’autonomie de la région du Sahara marocain », de 2007, « qualifiée de sérieuse et crédible » par le Conseil de sécurité dans ses 15 dernières résolutions sur la question.  Cette initiative, a dit le Maroc, soutenue aujourd’hui par plusieurs délégations, est l’incarnation de la solution « politique, réaliste, pragmatique, durable et de compromis ».  Elle est la base du processus politique qui est actuellement caractérisé par un nouvel élan grâce à la tenue des deux tables rondes à Genève en décembre et mars derniers. 

Toutes les délégations se sont dites encouragées par ces rencontres, organisées sous les auspices des Nations Unies et lesquelles ont réuni le Maroc, le Front POLISARIO, la Mauritanie et l’Algérie.  Elles ont espéré que les parties se retrouveront autour d’une troisième table ronde.  Les Nations Unies, a contré le Front POLISARIO, doivent être très claires vis-à-vis du Maroc et lui signifier que le colonialisme n’est plus de mise au XXIe siècle.

Le Comité a aussi entendu l’Ulu des Tokélaou parler du nouveau modèle de gouvernance en cours d’élaboration qui met l’accent sur les coutumes et les traditions.  Les Tokélaou ont d’ailleurs commencé à réinstaller les hauts fonctionnaires qui étaient à Samoa, afin de consolider l’intégration du savoir traditionnel et moderne, fondation du modèle émergeant de gouvernance.

En début de séance, certains membres du Comité ont récusé le fait que le Front POLISARIO figure en troisième position sur la liste des pétitionnaires du Sahara occidental, estimant plus approprié qu’il intervienne en premier.  Après les échanges avec les États observateurs, la Présidente du Comité a maintenu le principe du « premier venu, premier inscrit ».

Le Comité spécial est composé des pays suivants: Antigua-et-Barbuda, Bolivie, Chili, Chine, Côte d’Ivoire, Cuba, Dominique, Équateur, Éthiopie, Fédération de Russie, Fidji, Grenade, Inde, Indonésie, Iran, Iraq, Mali, Nicaragua, Papouasie-Nouvelle-Guinée, République du Congo, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sierra Leone, Syrie, Timor-Leste, Tanzanie, Tunisie et Venezuela.

Les 17 territoires inscrits à son ordre du jour sont Anguilla, Bermudes, Gibraltar, Guam, Îles Caïman, îles Malvinas (Falkland), Îles Turques et Caïques, Îles Vierges américaines, Îles Vierges britanniques, Montserrat, Nouvelle-Calédonie, Pitcairn, Polynésie française, Sahara occidental, Sainte-Hélène, Samoa américaines et Tokélaou.

En vertu de son programme de travail, qui a été adopté aujourd’hui, la prochaine réunion du Comité aura lieu le 24 juin et sera consacrée à l’audition des pétitionnaires de Porto Rico.

COMITÉ SPÉCIAL CHARGÉ D’ÉTUDIER LA SITUATION EN CE QUI CONCERNE L’APPLICATION DE LA DÉCLARATION SUR L’OCTROI DE L’INDÉPENDANCE AUX PAYS ET AUX PEUPLES COLONIAUX

DIFFUSION D’INFORMATIONS SUR LA DÉCOLONISATION (A/AC.109/2019/18)

Déclarations

Mme SEDA PUMPSYANSKAYA, Directrice de la Division de la communication stratégique du Département de la communication globale, a indiqué que son Département a publié 41 communiqués de presse en anglais et en français sur les travaux de l’ONU concernant la décolonisation.  Un attaché de presse a été dépêché pour couvrir le Séminaire régional pour le Pacifique, qui s’est tenu à la Grenade en mai 2018, et le Séminaire régional des Caraïbes qui s’est tenu dans le même pays en mai 2019.

Le site Internet consacré à la décolonisation a été visité plus de 196 000 fois et les activités liées à cette question ont été mises en avant dans la section « Global Issues » du site www.un.org.  La décolonisation a fait l’objet des plateformes multilingues des médias sociaux, tandis que les huit unités linguistiques d’ONU Info couvrent cette session du Comité spécial.  ONU Info a également produit des reportages à l’occasion de la Semaine de solidarité avec les peuples des territoires non autonomes, du 25 au 31 mai 2018. 

Les visites guidées à Genève, Nairobi et New York et Vienne, qui ont eu 420 000 visiteurs, parlant aussi de la question de la décolonisation et la Bibliothèque Dag Hammarskjöld a continué de numériser des documents importants.  Le Département de la communication globale est en train de mettre à jour un dépliant intitulé « 10 questions et réponses sur les Nations Unies et la décolonisation ».

Mme AMBIEHL , Unité de la décolonisation au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA), a rappelé que c’est son Unité qui prépare les documents de travail dont le Comité spécial est saisi, en coopérant avec les puissances administrantes et en vérifiant avec soin toutes les informations recueillies.  L’Unité a travaillé avec le Département de la communication globale (DCG) pour mettre à jour son site Internet dont la refonte est maintenant terminée.  Elle dispose donc d’un site plus moderne et plus facile à utiliser dans les six langues officielles, contribuant ainsi à une diffusion plus large des informations sur la décolonisation.

Le représentant de Cuba a salué la présence des représentants du DCG et du DPPA et reconnu les efforts et le travail fournis.  Malheureusement, 59 ans après l’adoption de la résolution 1514 de l’Assemblée générale, il y a toujours 17 territoires non autonomes.  Il faut donc continuer d’informer les peuples concernés de leurs options sur l’autodétermination.  Le représentant a demandé aux deux Départements de poursuivre sur leur lancée et de faire connaître les travaux du Comité spécial.  Compte tenu de la lenteur des progrès en matière de décolonisation, il nous faudra, a estimé le représentant, proclamer une quatrième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme.  Il a aussi insisté sur la diffusion en ligne des sessions de fond du Comité. 

Son homologue de l’Indonésie a voulu que l’on tienne compte de « ceux qui vivent dans les colonies » dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il est essentiel, a-t-il dit, de rester concentrer sur les processus de décolonisation alors que la Troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme touche à sa fin.  Le représentant a souhaité un dialogue constructif sur chacun des territoires non autonomes et admis qu’il n’y a pas de formule unique applicable à tous.  Il a félicité la présidence du Comité pour avoir organisé des réunions officieuses avec les puissances administrantes et félicite la Grenade pour avoir assuré « une « excellente organisation » du dernier Séminaire régional.  Le représentant a conclu en prônant l’esprit du consensus au sein du Comité.

Le Comité a ensuite adopté le projet de résolution A/AC.109/2019/L.4 dans lequel il recommande à l’Assemblée générale de prier les Départements de la communication globale et des affaires politiques et de la consolidation de la paix d’élaborer des procédures pour rassembler, établir et diffuser, en particulier à destination des territoires non autonomes, de la documentation de base sur les questions relatives à l’autodétermination des peuples de ces territoires.

Ces deux Départements devraient également être priés d’étudier plus avant l’idée de créer un programme de collaboration avec les points de contact des gouvernements des territoires pour les questions de décolonisation, notamment dans le Pacifique et les Caraïbes, de façon à améliorer l’échange d’informations.  L’Assemblée devrait aussi prier tous les États, y compris les puissances administrantes, d’accélérer la diffusion des informations sur la décolonisation, en mettant l’accent sur les différentes possibilités qui s’offrent aux peuples des territoires non autonomes en matière d’autodétermination.  À cette fin, le Département de la communication globale, par l’intermédiaire des centres d’information des Nations Unies dans les régions concernées, devrait participer activement à la recherche de moyens nouveaux et novateurs de diffuser des documents dans les territoires non autonomes.

Selon le Comité, l’Assemblée générale devrait également prier le Secrétaire général de développer davantage l’information fournie sur le site Web de l’Organisation concernant la décolonisation et de continuer à y inclure la série complète de rapports des séminaires régionaux sur la décolonisation, entre autres. 

RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX TERRITOIRES NON AUTONOMES COMMUNIQUÉS EN APPLICATION DE L’ALINÉA e DE L’ARTICLE 73 DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES

Par un autre texte (A/AC.109/2019/L.3), consacré aux « Renseignements relatifs aux territoires non autonomes communiqués en application de l’alinéa e de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies », les puissances administrantes concernées  sont priées de communiquer régulièrement au Secrétaire général des renseignements statistiques et autres de nature technique relatifs à la situation économique et sociale et à l’éducation dans les territoires dont elles sont respectivement responsables, ainsi que des renseignements « aussi complets que possible » sur l’évolution politique et constitutionnelle des territoires en question, portant notamment sur la constitution, la loi ou le décret régissant le gouvernement du territoire et les relations constitutionnelles entre celui-ci et la puissance administrante, « dans les six mois suivant l’expiration de l’exercice administratif dans ces territoires ».

Avant l’adoption du texte, Cuba a insisté sur l’importance de transmettre des informations véridiques sur les peuples non autonomes. Il s’est inquiété du fait que des informations qui doivent être transmises par les puissances administrantes ne le sont pas toujours. Elles ne peuvent pas ignorer les termes des résolutions, notamment celles qui les appellent à participer aux travaux des séminaires régionaux.

QUESTION DE L’ENVOI DE MISSIONS DE VISITE ET DE MISSIONS SPÉCIALES DANS LES TERRITOIRES

Le Comité spécial des 24 a aussi adopté, sans mise aux voix, un texte (A/AC.109/2019/L.5) par lequel il prie sa Présidente de poursuivre les consultations avec le Royaume-Uni en vue de l’envoi d’une mission de visite à Montserrat.

QUESTION DE GIBRALTAR (A/AC.109/2019/8)

M. FABIAN RAYMOND PICARDO, Ministre principal de Gibraltar, a tenu à rappeler que les résolutions de l’Assemblée générale que l’Espagne ne cesse de mentionner ont été adoptées grâce à l’intense lobby du « Gouvernement fasciste ».  « Franco a perdu.  Il s’est levé contre le peuple de Gibraltar et il a perdu.  La seule chose que ces barrières d’acier ont attiré, c’est la rouille. »  Quiconque voudrait nous étrangler économiquement et nous soumettre politiquement, échouera, a prévenu le Ministre principal.  « L’arc de l’univers moral est long mais il penche vers la justice », a-t-il dit, en citant Martin Luther King.  Pour rendre justice, a-t-il ajouté, le Comité doit envoyer une mission de visite à Gibraltar.  Pour rendre justice et nous retirer de la liste des territoires non autonomes, a précisé le Ministre principal. 

Alors que nous nous préparons contre notre gré à quitter l’Union européenne, nous avons une chance de dialoguer avec l’Espagne et de parvenir à des arrangements pratiques sur notre coopération, a estimé le Ministre principal, qui a espéré que le succès du Parti socialiste aux dernières élections espagnoles permettra de retourner à un dialogue respectueux et mutuellement bénéfique.  Nous avons déjà signé un traité sur les taxes, a-t-il indiqué, et la chose la plus importante, c’est que l’Espagne reconnaît désormais l’existence et le statut juridique du peuple de Gibraltar comme distinct de celui des citoyens britanniques.  Le traité est le premier traité signé avec l’Espagne depuis le Traité historique d’Utrecht en 1713.  Un accord a aussi été conclu sur le prix du tabac et la coopération entre les polices et les douanes. 

Se félicitant de ces développements, le Ministre principal a dit ne pas comprendre pourquoi l’Espagne continue d’invoquer son intégrité territoriale alors qu’elle a cédé Gibraltar « pour toujours » en 1713.  Nous serions heureux d’avoir l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ), a dit le Ministre, soulignant que l’avenir de Gibraltar doit être librement et démocratiquement décidé par son peuple dans le plein exercice de son droit à l’autodétermination. 

M. AGUSTIN SANTOS MARAVER (Espagne) a rappelé que cette Organisation avait reconnu à maintes reprises la spécificité du processus de décolonisation de Gibraltar, à savoir que sa « situation coloniale » constitue une menace à l’intégrité territoriale de son pays.  L’Espagne partage pleinement la doctrine établie par l’ONU au sujet de Gibraltar et, par conséquent, elle maintient que la solution définitive passe par la restitution de son territoire, conformément au Traité d’Utrecht.  Ce Traité, a souligné le représentant, définit « avec une clarté absolue » les zones cédées au Royaume-Uni à savoir la ville, les châteaux, les eaux intérieures du port, les défenses et les forteresses.  Les eaux qui entourent Gibraltar n’ont jamais été cédées et demeurent donc sous la souveraineté de l’Espagne.  Le représentant a cité à l’appui de sa déclaration la résolution 73/295, relative à un autre cas de décolonisation, et qui transmet l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, archipel également administré par le Royaume-Uni.  À ses yeux, trois éléments ressortent de ce texte qui donne un nouvel élan au processus de décolonisation et renforce les activités de ce Comité. 

Le premier de ces éléments c’est qu’un processus de décolonisation doit être conduit par l’Organisation des Nations Unies, dans le respect du droit international, qui a consolidé un corpus vigoureux de normes générales applicables à la décolonisation.  Le deuxième élément c’est que le processus n’est pas achevé tant que l’Assemblée générale n’en a pas décidé ainsi.  Enfin, la décolonisation donne des obligations particulières à la puissance administrante, a estimé le représentant, en affirmant que le Royaume-Uni en a dans le cas de Gibraltar mais qu’il refuse de les honorer.  M. Maraver a réitéré la volonté de son gouvernement d’entamer immédiatement des négociations avec le Royaume-Uni pour mettre fin à la colonisation de Gibraltar et parvenir à une solution qui tienne compte des intérêts de sa population. 

M. FABIAN RAYMOND PICARDO, Groupe pour l’autodétermination de Gibraltar, a déclaré que « Gibraltar » qui a été cédé à perpétuité par l’Espagne au Royaume-Uni, il y a 300 ans, en vertu du Traité d’Utrecht « n’existe pas ».  Ce Gibraltar-là était un village d’environ 5 000 habitants alors qu’aujourd’hui, nous avons une ville cosmopolite en plein essor et culturellement riche de plus de 32 000 habitants.  Il a dénoncé le « siège politique » de l’Espagne qui a eu pour conséquence la fermeture des frontières.  « Que l’Espagne réclame la restitution de sa souveraineté sur Gibraltar, après plus de 300 ans, est tout simplement ridicule », a-t-il lancé.  De nombreux espagnols « bien informés » reconnaissent, a-t-il affirmé, que les revendications de l’Espagne n’ont aucun mérite et que si le dossier était renvoyé à un tribunal international, le droit des Gibraltariens à déterminer leur propre avenir prévaudra.  L’« incongruité » de la position espagnole vient de s’illustrer quand le Gouvernement a conclu un traité fiscal avec celui de Gibraltar, en reconnaissant « au moins indirectement », l’existence juridique des institutions gibraltariennes. 

Pour l’Espagne, a estimé l’orateur, Gibraltar sert d’écran de fumée pour masquer les nombreux problèmes internes.  Il a reproché à l’Espagne d’avoir utilisé son poids politique au sein de l’Union européenne pour que Gibraltar soit qualifié de « colonie » dans un des documents sur le Brexit sans se préoccuper des difficultés que cela engendrait dans les négociations sur le retrait du Royaume-Uni.  On ne peut pas faire confiance à l’Espagne, a-t-il tranché, arguant que ce pays ne fait aucune proposition de bonne foi.  L’Espagne est « un tyran », encore « pourri par des tendances fascistes », qui cherche à imposer sa volonté à un peuple.  Devant ce Comité, elle veut faire croire qu’elle tend une branche d’olivier alors qu’elle offre une pomme empoisonnée.  Le peuple de Gibraltar n’est pas difficile, a conclu l’orateur.  Nous ne sommes pas le problème, nous ne sommes pas sécessionnistes.  Nous voulons simplement le respect des revendications que nous exprimons démocratiquement.

QUESTION DES TOKÉLAOU (A/AC.109/2019/14)

M. FAIPULE KELIHIANO KALOLO, Ulu-o-Tokélaou, a rappelé qu’en 2017, ses représentants avaient déjà fait la distinction entre autogouvernance et autodétermination.  La pratique de l’autogouvernance est importante et elle tire ses racines de notre culture.  Ce n’est pas un concept « importé de l’étranger », a dit l’Ulu qui a rappelé que ses représentants avaient par la suite souligné les efforts déployés avec la Nouvelle-Zélande pour renforcer les capacités d’une population de 1 500 âmes.  Le nouveau modèle de gouvernance qu’élaborent les Tokélaou met l’accent sur les coutumes et les traditions.  Dans ce cadre, la Nouvelle-Zélande contribue à plusieurs secteurs socioéconomiques dont celui des transports avec la mise en place de trois nouveaux navires dont une navette interatolls.  Les Tokélaou ont également commencé à réinstaller les hauts fonctionnaires qui étaient à Samoa, un retour permettra de consolider l’intégration du savoir traditionnel et moderne, fondation du modèle émergeant de gouvernance.  L’Ulu a dit avoir conscience que les modèles de gouvernance que choisiront Nioué et les Îles Cook, territoires « prédécolonisés », ne conviendront pas forcément aux Tokélaou.

M. ROSS ARDERN, Administrateur des Tokélaou (Nouvelle-Zélande), a indiqué qu’il est en poste depuis un peu plus d’un an et que les Tokélaou sont au cœur des efforts déployés de son pays pour rétablir des liens avec d’autres pays du Pacifique et passer d’une relation de donateur-récipiendaire à un véritable partenariat.  Je me suis rendu à cinq reprises dans le territoire et j’ai prévu trois autres déplacements dans les prochains mois, a annoncé l’Administrateur.  Il a aussi indiqué que des dignitaires des Tokélaou sont venus en Nouvelle-Zélande en septembre 2018 à l’invitation du Gouvernement et que l’Ulu a assisté en personne aux cérémonies organisées au mois de mars après l’attentat de Christchurch.  « Passer plus de temps ensemble nous a permis de renforcer les liens de confiance », s’est réjoui l’Administrateur.

Après les différentes mesures prises par la Nouvelle-Zélande pour accorder des pouvoirs administratifs aux Tokélaou, le territoire a atteint depuis le début des années 2000 un degré « relatif » d’autodétermination.  Les référendums sur l’autodétermination organisés en 2006 et 2007 n’ayant pas dégager la majorité des deux tiers requise pour une libre association avec la Nouvelle-Zélande, les Tokélaou envisagent désormais un nouveau modèle de gouvernance.

L’Administrateur a estimé que le sentiment d’unité entre les trois atolls, à savoir Fakaofo, Nukunonu et Atafu, est un facteur important qui doit être appuyé.  Il a aussi insisté sur le rôle des femmes et des fatupaepae, ces organisations féminines qui jouent un rôle important au niveau communautaire.  La Nouvelle-Zélande, a-t-il poursuivi, vient de débloquer une aide au développement supplémentaire de 86 millions de dollars néozélandais sur trois ans pour améliorer les services publics et les infrastructures.  L’accent sera également mis sur le secteur de l’éducation, qui selon une étude de 2013, nécessitait des améliorations.  Une étude de suivi datant de 2018 a noté un mieux aux niveaux de la maternelle et de l’école primaire.  Mais des efforts s’imposent pour l’éducation secondaire.  Un sommet sur l’éducation des Tokélaou est d’ailleurs prévu au mois d’aout.

La santé constitue un autre domaine d’action prioritaire, a encore indiqué l’Administrateur.  Désormais chaque village est doté d’un petit hôpital et la plupart des soins secondaires et tertiaires sont dispensés à Samoa ou en Nouvelle-Zélande.  À la demande des Tokélaou, la Nouvelle-Zélande a commandité une évaluation indépendante des cliniques de santé et de l’aiguillage des patients dont les conclusions seront bientôt publiées.  L’Administrateur a aussi parlé de la navette interatolls qui permet, d’ailleurs, à la population de chercher ailleurs des soins plus spécialisés.  D’ici à la fin de 2021, le territoire devrait avoir une meilleure connexion Internet. 

M. Ardern n’a pas oublié la question des changements climatiques, dont la montée du niveau de la mer qui est la plus grande menace pour la région.  La stratégie nationale pour renforcer la résilience des Tokélaou met l’accent sur l’adaptation climatique et la réduction des risques de catastrophe dans le processus de prise de décisions des villages.  L’aide technique au taupulega et aux fonctionnaires a été renforcée afin qu’ils puissent intégrer ces deux questions dans les processus de planification.  De plus, une entreprise internationale est actuellement en train d’élaborer un plan de réduction des risques côtiers.

Également au nom des Fidji, M. MAX HUFANEN RAI (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a rappelé que ces deux délégations sont les coparrains de la résolution sur les Tokélaou qui veilleront à ce que les développements majeurs qui ont eu lieu depuis le mois de juin y figurent.  Il a notamment parlé de l’élection, le 12 mars dernier, de M. Faipule Kelihiano Kalolo au poste d’Ulu-o-Tokélaou.  Bien que l’Ulu alterne chaque année, ce changement est le dernier pour le neuvième Fono général, ou session parlementaire, qui sera suivi par les élections générales de janvier 2020.  Le projet de résolution doit aussi refléter le lancement historique, le 11 avril dernier, de l’inventaire des émissions de gaz à effet de serre des Tokélaou.  Le représentant a aussi parlé de la Feuille de route du Plan stratégique des Tokélaou pour 2016-2020 et de la Déclaration commune sur les principes de partenariat entre le territoire et la Puissance administrante. 

Dans ce partenariat, il s’est félicité de l’accent placé sur la santé, l’éducation et l’amélioration de la connectivité interatoll.  Il a aussi salué la participation des Tokélaou aux coopérations régionale et internationale et, plus généralement, le partenariat « progressif » qui définit les relations entre le Territoire, la Nouvelle-Zélande, le Comité spécial et l’ONU.

QUESTION DU SAHARA OCCIDENTAL (A/AC.109/2019/17)

M. HUMBERTO RIVERO ROSARIO (Cuba) a rappelé certaines des résolutions adoptées par l’Assemblée générale au sujet du Sahara occidental et s’est félicité des nouvelles mesures lancées par l’Envoyé personnel du Secrétaire général.  Après la démission de ce dernier, il a espéré que M. António Guterres nommera rapidement un successeur.  Le représentant a soutenu la poursuite des négociations et jugé essentiel de mettre pleinement en œuvre toutes les résolutions de l’ONU sur le peuple sahraoui qui, a-t-il insisté, doit pouvoir exploiter lui-même ses ressources naturelles.  Avant de conclure, il n’a pas manqué de rappeler que des médecins cubains travaillent dans les camps de Tindouf. 

Mme VICTORIA MANGAY SULIMANI (Sierra Leone) a salué la communauté internationale, l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et le Front POLISARIO pour les efforts qu’ils déploient dans le cadre des négociations en cours à Genève sous les auspices des Nations Unies.  Elle a également salué le fait que le Comité spécial ait invité des représentants de la région du Sahara comme M. Mhamed Abba, Vice-Président de la région de Laayoune-Sakia Alhamra et M. Sidi Mohamed Omar, du Polisario.  Alors que nous travaillons sans relâche pour sortir de l’impasse, nous devrions étudier toutes les propositions, a estimé la représentante.  La représentante a indiqué que son pays continue d’appuyer l’initiative marocaine d’autonomie, « qui est conforme aux normes internationales et à la Charte des Nations Unies et qui tient compte des spécificités de la région ».  Cette Initiative, a-t-elle argué, reconnaît les droits civils et politiques du peuple du Sahara occidental.  La représentante s’est en outre félicitée des progrès du Maroc en matière de droits de l’homme, comme en atteste son Conseil national des droits de l’homme à Dakhla et Laayoune.

Préoccupée par la situation dans le camp de Tindouf, elle a lancé un appel à toutes les parties concernées pour que l’enregistrement puisse se faire conformément au droit international humanitaire et au mandat du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).  Si la représentante a reconnu l’importance des missions de visite que le Comité spécial devrait faire régulièrement dans les territoires non autonomes pour obtenir des informations de première main, elle a cependant estimé que de telles visites ne sont pas « justifiées » dans le cas du Sahara occidental.  Nous avons déjà, s’est-elle expliquée, un processus politique qui vise à trouver une solution mutuellement acceptable.  Nous avons aussi une mission de maintien de la paix des Nations Unies dont le mandat a été prorogé de six mois et qui fait régulièrement le point au Conseil de sécurité, à l’Assemblée générale et au Secrétaire général.  Une mission de visite risquerait de « compromettre » ces efforts.

Mme WILLIAMS (Grenade) a appuyé le processus politique en cours pour parvenir à une solution politique durable et a insisté sur l’importance qu’il y a à enregistrer les réfugiés de Tindouf afin d’assurer la protection de leurs droits.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a souligné les vertus du dialogue comme instrument privilégié pour la coexistence pacifique et a encouragé toutes les parties prenantes à davantage de détermination en vue de l’adoption de mesures pragmatiques devant contribuer à accélérer le processus de décolonisation.  S’agissant en particulier du différend du Sahara occidental, le représentant a réaffirmé que les Nations Unies constituent le cadre approprié pour la recherche d’une solution politique réaliste, pragmatique et durable qui repose sur un compromis.  Il a rendu hommage à l’Envoyé personnel du Secrétaire général, notant qu’il a réussi à ramener les parties prenantes et les États voisins à des pourparlers hardis, visant à préparer le cinquième cycle des négociations.  Prenant acte du départ de l’Envoyé personnel, il a dit attendre avec intérêt la nomination de son successeur.

La paix et la stabilité de la région ainsi que le renforcement de la coopération entre les États membres de l’Union du Maghreb arabe (UMA) sont tributaires du règlement définitif de la question du Sahara occidental, a souligné le représentant.  Il a donc invité parties prenantes et États voisins à adopter des postures et des mesures pragmatiques afin de parvenir à des éléments de convergences pour une sortie de crise durable.  Il a vu dans l’initiative marocaine d’autonomie une voie « pragmatique, réaliste et idéale », susceptible de mener à une solution pérenne au différend du Sahara occidental.  Il a pleinement soutenu cette Initiative et salué la prorogation du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) jusqu’au 31 octobre 2019.  Il a appelé les parties prenantes à collaborer avec la Mission afin de faciliter la pleine exécution de son mandat, notamment le cessez-le-feu.  En conclusion, le représentant a invité toutes les parties prenantes et les États voisins à répondre favorablement à l’appel des Nations Unies en participant aux prochaines tables rondes.  Elle les a encouragés à faire preuve de réalisme et d’un esprit de compromis.

Mme LOREEN RUTH BANNIS-ROBERTS (Dominique) a salué l’engagement des quatre parties prenantes à prendre part à une nouvelle table ronde et les a encouragées à dégager des éléments de convergence pour aller de l’avant.  Elle a insisté sur la « crédibilité » de l’initiative marocaine d’autonomie et jugé que le règlement du différend ne manquera pas d’asseoir la stabilité dans la région.

M. SAM TERENCE CONDOR (Saint-Kitts-et-Nevis) a appuyé le processus politique en cours, sous les auspices du Secrétaire général, qui vise à parvenir à une solution mutuellement acceptable et durable.  Il a salué la tenue des deux tables rondes entre l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et le Polisario en décembre 2018 et mars 2019, sous les auspices des Nations Unies ainsi que l’engagement exprimé par les parties à participer à la troisième table ronde.  Le représentant a espéré que les efforts diplomatiques actuellement déployés sous l’égide de Nations Unies porteront leurs fruits.  Il a apporté le soutien de sa délégation à l’initiative marocaine d’autonomie, qu’il a décrite comme une base solide pour trouver une solution durable à la question du Sahara occidental.  Sur le plan humanitaire, il a voulu que le HCR puisse procéder à l’enregistrement des personnes qui se trouvent dans le camp de Tindouf. 

M. MAX HUFANEN RAI (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a insisté sur l’urgence qu’il y a à trouver une solution durable et a voulu que l’on tienne compte des réalités sur le terrain et que l’on fasse preuve de bonne foi.  Il a appuyé l’initiative marocaine d’autonomie et s’est dit encouragé par le dialogue politique en cours entre le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie et le Polisario.  Il a estimé, à son tour, que le HCR doit pouvoir enregistrer les réfugiés du camp de Tindouf.

Mme JOSEPH (Sainte-Lucie) a appuyé l’action du Comité spécial ainsi qu’une solution politique réaliste au différend du Sahara occidental.  Elle s’est félicitée des réunions qui ont eu lieu cette année avec les parties prenantes et a demandé à prendre « très au sérieux » l’initiative marocaine d’autonomie élargie.

M. JORGE ARTURO REYES HERNÁNDEZ (Venezuela) a estimé que les missions de visite des Nations Unies constituent un moyen efficace d’évaluer la situation dans les territoires non autonomes, notamment pour évaluer les aspirations de la population locale.  Pour accélérer la décolonisation, il est prioritaire de parvenir à une meilleure diffusion de l’information sur les efforts internationaux relatifs à son élimination.  Le représentant a déclaré que la question du Sahara occidental connaît un élan nouveau depuis que le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie et la Mauritanie se sont réunis pour mener à bien un second tour de négociations en mars dernier, conformément à la résolution 2440 du Conseil de sécurité.  Ce processus de dialogue inclusif et accepté par toutes les parties est soutenu par le Venezuela, pour qui seule une solution politique fondée sur la coopération entre tous les États membres de l’Union du Maghreb arabe (UMA) contribuera à la stabilité et à la sécurité du Sahel.  Le représentant a souligné sa volonté de contribuer au sein du Comité spécial, à la recherche d’une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable sur la question du Sahara occidental, conforme à la Charte des Nations Unies. 

M. JASSER JIMÉNEZ (Nicaragua) a voulu que l’on prenne les mesures qui s’imposent pour organiser le référendum au Sahara occidental

Mme IMEUR-CHANDURO (Namibie) a plaidé pour la solidarité internationale en vue de permettre aux peuples colonisés d’exercer leur droit à l’autodétermination.  « Il est normal que ceux qui ne peuvent pas exercer ce droit inaliénable, ne soient jamais en paix ».  On ne peut attendre de quelqu’un à qui on nie sa dignité, son droit d’être libre et sa place légitime dans la communauté des nations de rester patient à vie.  L’histoire a montré que la domination de la terre, et la destruction et l’exploitation des ressources naturelles des territoires occupés ont eu des conséquences négatives sur les gens pendant des siècles, y compris en Namibie, a rappelé la déléguée.

La question du Sahara occidental est toujours un facteur de division entre les pays africains, a-t-elle reconnu.  Elle a regretté l’impasse du processus politique qui remet en cause la crédibilité même des Nations Unies.  Cette impasse pointe sur une mise en œuvre inconditionnelle de toutes les résolutions des Nations Unies et décisions de l’Union africaine, en particulier celles de 1991 relatives au Plan de règlement en vue de tenir un référendum d’autodétermination juste et libre au Sahara occidental pour répondre aux aspirations du peuple Sahraoui.

La représentante a salué les efforts de l’ex-Envoyé personnel du Secrétaire général qui a initié les deux tables rondes entre le Maroc et le Polisario de décembre 2018 et mars 2019 ainsi que le mécanisme de renforcement de la confiance mis en place par le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie et la Mauritanie.  Elle a espéré que le successeur de l’Envoyé personnel pourra exploiter les acquis et a promis d’appuyer tous les efforts dans le cadre de ce processus.  Elle a rappelé le soutien sans faille des pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), exprimée une nouvelle fois lors de sa conférence de solidarité avec le Sahara occidental, en mars dernier.

M. FAISAL NASSER M. ALHAKBANI (Arabie saoudite) s’est félicité des efforts du Secrétaire général et de son Envoyé personnel, et des deux tables rondes organisées sous l’égide des Nations Unies en décembre 2018 et mars 2019 entre les parties prenantes et les États voisins.  Il les a aussi félicités pour avoir accepté de participer à une troisième table ronde.  Le représentant a appuyé l’initiative marocaine d’autonomie qui, selon lui, tient compte des normes internationales et des spécificités du Sahara occidental.  Cette initiative, a-t-il dit, respecte le principe d’autodétermination, ce dont témoigne la participation, pour la deuxième année consécutive, des représentants du Sahara marocain aux travaux du Comité spécial.  Le représentant a appelé au réalisme et à la création d’un environnement pacifié pour pouvoir parvenir à une solution durable à ce différend.

Pour M. ESSOHANAM PETCHEZI (Togo), le Sahara occidental reste l’un des foyers de tension en Afrique.  Il a regretté que les différentes parties n’aient pas réussi, jusqu’à présent, à s’entendre sur une solution pacifique, juste et durable à ce conflit.  Au regard de la nature du conflit, il a estimé que la négociation est la seule issue réaliste.  Dans cette optique, il a appelé toutes les parties concernées à éviter de « s’arcbouter » sur des positions figées et maximalistes et à s’engager résolument dans une approche pragmatique d’ouverture et de compromis, en vue de parvenir à une solution consensuelle.  Il a donc considéré que l’initiative du Maroc d’accorder une large autonomie au territoire du Sahara occidental est une démarche constructive nécessaire à la résolution de la crise.  Il a encouragé la partie sahraouie à l’accueillir dans un esprit constructif afin d’évoluer sur cette question.

Le représentant a soutenu le processus politique en cours, mené sous les auspices des Nations Unies, qui a pour finalité de parvenir, à terme, à une solution politique négociée et mutuellement acceptable à ce différend régional.  Il a salué les discussions multilatérales qui ont eu lieu à Genève dans ce contexte, les 5 et 6 décembre 2018, entre le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Front POLISARIO.  Même si la table ronde du mois de mars n’a pas donné les résultats escomptés, il a lancé un appel aux protagonistes pour qu’ils s’entendent sur des prochains rounds de pourparlers qui, « nous l’espérons seront davantage porteurs d’espoir ».  Le représentant a salué au passage la pleine coopération du Maroc avec les instances multilatérales ainsi que ses efforts de développement de la région du Sahara.

M. MOHAMMED BESSEDIK (Algérie) a souligné que ce Comité trouve sa « raison d’être » dans la mise en œuvre de la résolution 1514 (XV).  L’engagement de l’Algérie en faveur de son mandat n’a rien de nouveau ni de spécial.  C’est, a expliqué le représentant, une réflexion de l’héritage de sa lutte pour son indépendance qui exige de son peuple qu’il offre un appui ferme à l’achèvement du processus de décolonisation par la suppression des chaînes du colonialisme et l’octroi aux peuples du droit de jouir librement de la dignité de leur souveraineté nationale.

Le Sahara occidental, a poursuivi le représentant, est l’un des 17 territoires non autonomes inscrit à l’ordre du jour des Nations Unies depuis 1963.  La nature du conflit ne peut souffrir d’aucune interprétation.  Le conflit a été et est une question de décolonisation opposant le Front POLISARIO, représentant légitime du peuple du territoire, au Royaume du Maroc.  Toutes les résolutions des Nations Unies sur cette question, l’avis consultatif de la Cour internationale de justice, celui de l’Union africaine sur l’exploitation des ressources naturelles et les décisions de la Cour européenne de justice déclarent tous sans équivoque que le Royaume du Maroc n’a aucune souveraineté sur le Sahara occidental.  Ce conflit ne peut donc trouver une solution que dans le vœu librement exprimé du peuple conformément aux résolutions 1514 (XV), 1541 (XV) et 2625 (XXV).

Se félicitant de la résolution 2468 (2019) du Conseil de sécurité, le représentant a aussi salué l’implication substantielle de l’Union africaine dans la revitalisation du processus de règlement dans le cadre général d’un continent qui s’approprie les réponses à ses problèmes politiques et sécuritaires.  L’Union africaine tient en effet la promesse de parvenir à une véritable réconciliation entre deux de ses membres, le Royaume du Maroc et la République saharaouie par, entre autres, le Comité spécial des chefs d’États et de gouvernement sur le conflit au Sahara occidental.

Il est donc pour le moins troublant, a avoué le représentant, de voir des tentatives de remettre en cause le statut juridique du territoire et la légitimité de ses représentants, en se basant sur une interprétation partiale et sélective des résolutions de l’ONU pour désinformer et défier l’autorité de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.  Cela devrait d’ailleurs inquiéter chaque État Membre de l’ONU.

À ce jour, a rappelé le représentant, le peuple saharaoui n’a pas toujours pas eu la chance d’exercer son droit à l’autodétermination et son droit à vivre pacifiquement dans son propre pays est toujours nié.  La situation appelle à un examen approfondi des droits de l’homme et à l’établissement d’un mécanisme international pour surveiller la situation en la matière.  Dans le même temps, le pillage des ressources naturelles devrait être mis au cœur de notre action, conformément au principe de souveraineté permanente des peuples sur leurs ressources naturelles.

Les Nations Unies et le Comité spécial, a insisté le représentant, ont une responsabilité spéciale à l’égard du peuple saharaoui, laquelle responsabilité doit encore être assumée.  Le représentant a encouragé le Comité à effectuer une autre visite au Sahara occidental pour évaluer la situation, conformément aux règles des Nations Unies régissant de telles visites et au mandat conféré par la résolution 1654 (XVI). 

Après plusieurs années d’impasse, la reprise des pourparlers entre les deux parties, sous les auspices des Nations Unies, offre l’occasion au Royaume du Maroc et au Front POLISARIO de reprendre de bonne foi et sans condition préalable des négociations directes sur une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, fondée sur un compromis et susceptible d’offrir l’autodétermination au peuple du Sahara occidental. 

Le représentant a rendu hommage à l’ancien Envoyé personnel du Secrétaire général et jugé que le temps est venu d’exploiter ce qui a été fait et de faire avancer le processus dans l’intérêt du peuple du Sahara occidental et de la région dans son ensemble.  Il n’y a pas d’alternative au libre consentement du peuple du Sahara occidental, a-t-il tranché.  L’Algérie, en tant que pays voisin, a toujours contribué et continue de le faire aux efforts du Secrétaire général de l’ONU et à ceux du Comité spécial pour mener le processus de décolonisation du Sahara occidental à un terme que l’on attend depuis trop longtemps, a conclu le représentant non sans préciser que son pays n’est pas partie prenante au différend, mais qu’il intervient dans les négociations en tant que pays voisin. Il faut donc le faire figurer à la fin de la liste des quatre parties aux négociations.

M. FRANÇOIS ABOU SOUMAH (République de Guinée) a félicité l’Envoyé spécial du Secrétaire général dont la mission s’est achevée en mai 2019, pour ses efforts diplomatiques, dynamiques et positifs qui ont permis de relancer le processus politique avec la tenue de deux tables rondes en décembre 2018 et mars 2019, réunissant les parties concernées, et surtout les pays voisins, pour rapprocher les positions sur la base du réalisme et du compromis.  Le représentant a encouragé ces parties à poursuivre leurs consultations.

Il a salué les importantes réformes institutionnelles et économiques engagées par le Maroc qui s’inscrivent en droite ligne dans son Initiative d’autonomie issue de larges consultations nationale et locale.  Ces réformes portent notamment sur les domaines des droits de l’homme, de la gestion territoriale notamment avec des élections des natifs de la région du Sahara, et du développement économique par la mise en œuvre d’un programme « ambitieux » de développement structurant de 8 milliards de dollars, adopté en novembre 2015 au bénéfice de ces deux régions du Sahara et de leurs populations.  La Guinée exprime donc son soutien à l’initiative du Maroc pour son « réalisme, sa crédibilité, et comme cadre de compromis de ce différend ».

Le représentant est également revenu sur la demande du HCR et du Conseil de sécurité qui ont réclamé l’enregistrement des populations réfugiées de Tindouf ainsi que l’amélioration de leur situation, notamment en matière de droits de l’homme.  En vue de conserver la dynamique positive du processus politique, il a appelé toutes les parties concernées et les pays voisins à maintenir l’engagement qu’elles ont pris de participer à une troisième table ronde.

M. YEMDAOGO ERIC TIARE (Burkina Faso) a souligné le caractère éminemment politique des questions de décolonisation dont l’issue ne peut être obtenue que par l’écoute, la compréhension mutuelle, la concertation et le dialogue permanent. C’est pourquoi, sur la question du Sahara occidental, il a soutenu le processus politique en cours, sous les auspices du Secrétaire général des Nations Unies et la facilitation de son Envoyé personnel.  Il s’est félicite de la tenue des deux tables rondes entre l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et le Polisario, conformément aux résolutions 2414 et 2440 du Conseil de sécurité, saluant au passage « le travail abattu par l’ancien Envoyé personnel durant son mandat ».

Convaincu que le règlement définitif de la question du Sahara occidental permettra aux États de la région d’unifier leurs forces et de lutter efficacement contre le fléau de l’insécurité et du terrorisme, il a réaffirmé son soutien à l’initiative marocaine d’autonomie, « initiative qui répond aux normes internationales en matière de délégation d’autorité aux populations locales ».

Cette initiative est « réaliste » et tient compte des spécificités de la région tout en répondant aux normes internationales de dévolution de pouvoir aux population locales, a insisté le représentant, ajoutant que c’est l’aboutissement d’un processus de large consultation au niveau local et national.  Il a également salué le nouveau modèle de développement du Sahara lancé par le Maroc en 2015 afin d’améliorer le niveau de vie des populations du Sahara, en leur faisant bénéficier des ressources de la région.

M. OMAR HILALE (Royaume du Maroc) a déclaré que le Sahara occidental est une question de parachèvement de l’intégrité territoriale et nullement une question de décolonisation.  Il est revenu sur l’histoire du territoire, évoquant notamment l’Accord de Madrid, signé en 1975 avec l’Espagne et qui, a-t-il expliqué, a définitivement achevé la décolonisation du Sahara.  L’Assemblée générale en a ensuite pris acte dans sa résolution 345B.

Commentant l’intervention du représentant de l’Algérie, il a relevé que son représentant a affirmé que son pays n’est pas partie prenante au conflit.  Si l’Algérie n’est qu’une partie observatrice pourquoi continue-t-elle d’armer, de financer, d’abriter et de se mobiliser pour le Polisario?  Si elle n’est pas partie prenante, pourquoi abrite-elle le camp de Tindouf sur une partie de son territoire et abdique-t-elle son autorité au Polisario?

Pourquoi terrorise-t-elle les diplomates à New York en recourant aux mensonges et à la déformation, même lorsqu’il s’agit d’un simple séminaire comme celui de la Grenade en mai dernier?  Si l’Algérie n’est pas partie prenante, a-t-il poursuivi, pourquoi nourrit-elle la haine du Maroc auprès des enfants du cycle primaire, en disant dans le cursus scolaire que l’Union du Maghreb arabe (UMA) ne sera effective qu’une fois que le Sahara « sera indépendant ».  Je peux vous assurer que le Sahara ne sera jamais indépendant et qu’il fera toujours partie intégrante du Maroc, a-t-il affirmé.

M. Hilale a aussi rappelé que c’est l’Algérie qui avait proposé, en 2001, la partition du territoire et de la population du Sahara.  Cette proposition était la négation même du principe d’autodétermination que l’Algérie prétend défendre, a-t-il lancé, avant d’accuser le pays de faire la sourde oreille depuis 40 ans aux appels « incessants et pressants » de la communauté internationale pour le recensement et l’enregistrement des populations des camps de Tindouf.  C’est aussi l’Algérie qui continue de couvrir le détournement de l’aide humanitaire adressée aux populations des camps de Tindouf et qui impose des taxes sur l’assistance humanitaires qui leur est destinée, « un cas unique dans le monde ».

« Les faits sont têtus.  Les faits confirment que sans l’activisme et l’ingérence agressif de l’Algérie, il n’y aurait ni « polisario », ni question du Sahara », a-t-il déclaré.  Il s’est ensuite félicité du fait que la communauté internationale se soit rendu compte de la « supercherie » créée par l’Algérie, citant notamment le retrait, avant-hier, par le Salvador, de sa reconnaissance de la pseudo « rasd » et l’expression de son soutien à l’intégrité territoriale du Maroc.

Il est revenu sur la présentation, le 11 avril 2007, de l’« initiative d’autonomie de la région du Sahara marocain », « qualifiée de sérieuse et crédible » par le Conseil de sécurité dans ses 15 dernières résolutions sur la question.  Selon M. Hilale, cette Initiative est l’incarnation de la solution « politique, réaliste, pragmatique, durable et de compromis » et demeure la seule et unique voie pour le règlement définitif du différend.  Cette Initiative est la base du processus politique qui est actuellement caractérisée par un nouvel élan grâce à la tenue des deux tables rondes à Genève en décembre et mars derniers.

M. Hilale a aussi fait observer que la résolution 2468 du Conseil de sécurité consacre le rôle de l’Algérie en tant que partie prenante principale à ce différend et l’appelle instamment à contribuer à la recherche de la solution, « au même titre et sur un pied d’égalité avec le Maroc ».  Il a ensuite fait savoir que les tables rondes de Genève ont été marquées par la participation des élus des deux régions du Sahara marocain qui ont mis en relief les avancés qui y ont été réalisées.  Il a appelé les parties à privilégier l’esprit de compromis et s’engager dans des négociations sur la base de l’initiative d’autonomie.

Le représentant a poursuivi en passant en revue les efforts colossaux déployés par le Maroc pour assurer le développement socioéconomique et l’émancipation politique des provinces du Sahara du Sud.  Aujourd’hui, s’est-il félicité, les indicateurs de développement humain au Sahara marocain sont supérieurs à la moyenne nationale et par sa stratégie de développement multisectorielle, le Maroc garantit démocratie et prospérité à toute les tranches de la population du Sahara, notamment les jeunes et les femmes.

Il a appelé à mettre à profit l’élan du processus des tables rondes afin de faire preuve de volonté politique réelle pour aller de l’avant vers une solution politique « loin des formules et approches passéistes, éculées, irréalistes » et des questions périphériques qui, a-t-il affirmé, sont souvent évoquées dans les discussions pour dévier le processus de ses objectifs principaux.

Après s’être excusé pour la longueur de son intervention, M. Hilale a déclaré: « Le Maroc le dit, nous somme partie prenante.  Nous sommes fiers de l’être et nous l’assumons ».

L’Algérie a tenté de présenter une motion d’ordre et par ailleurs, la Présidente du Comité a précisé que seuls les membres du Comité peuvent exercer leur droit de réponse.

L’Uruguay défend le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, a déclaré M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay).  Dans cette perspective, il a plaidé en faveur d’un dialogue « de bonne foi » entre le Maroc et le Polisario, afin de trouver une solution « juste, durable et mutuellement acceptable » au conflit.  Cette solution devra prévoir l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, a-t-il précisé, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, à la résolution 1514 (1960) et aux autres résolutions pertinentes sur la question adoptée par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité.  Dans ce cadre, le représentant a appuyé les efforts du Secrétaire général pour relancer le processus politique.  Il a appelé les parties à coopérer avec l’ONU pour prendre des mesures susceptibles de garantir le plein respect des droits de l’homme au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés.

M. Bermudez s’est dit préoccupé par la situation humanitaire et les souffrances du peuple sahraoui, en particulier les jeunes et tous ceux qui vivent dans des camps de réfugiés.  Il a salué les agences humanitaires et les programmes éducatifs et les services de santé maternelle et infantile qu’elles continuent de fournir au peuple sahraoui.  Le représentant a souligné le rôle positif que sont susceptibles de jouer les organisations régionales, dont l’Union africaine (UA), dans la résolution pacifique du conflit.  M. Bermudez a enfin estimé que la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) est un « instrument fondamental » pour parvenir à une solution politique.  Il a rappelé que le mandat de la MINURSO est centré sur l’organisation d’un référendum sur le statut final du territoire non autonome qu’est le Sahara occidental.

Mme MAYSOUN HASSAN SALIM ALDAH AL MATROOSHI (Émirats arabes Unis), a apporté son appui au processus politique en cours, sous les auspices des Nations Unies, et a appelé le Secrétaire général et son Envoyé personnel à continuer d’accompagner ce processus afin de parvenir à une solution politique juste, durable et consensuelle.  Il s’est félicité des deux tables rondes qui ont eu lieu entre les parties prenantes et les États voisins, sous l’égide des Nations Unies et a appuyé l’initiative marocaine d’autonomie pour les provinces du Sud. 

Pour M.SITHOLE (Afrique du Sud), il est « inacceptable » que 74 ans après la création des Nations Unies il y ait toujours des territoires non autonomes et que leurs peuples n’aient toujours pas pu exercer leur droit à l’autodétermination.  S’agissant du Sahara occidental, « la dernière colonie en Afrique » inscrite sur la liste des territoires non autonomes, il a appelé à la solidarité internationale pour aider le peuple sahraoui à réaliser ses aspirations d’indépendance et de liberté.  C’est la raison pour laquelle la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) a tenu en mars dernier une conférence de solidarité avec le Sahara occidental, a expliqué le représentant.

Il a dénoncé l’exploitation « illégale » des ressources naturelles du peuple sahraoui et rappelé les jugements de la Cour européenne de justice et de la Haute Cour de l’Afrique du Sud qui ont reconnu la souveraineté du Sahara occidental sur sa terre, ses ressources naturelles et ses eaux territoriales.  Les violations répétées de droits de l’homme des Sahraouis, qu’il s’agisse de manifestants ou de prisonniers dans les geôles marocaines, sont une autre source de préoccupation.

Pour sortir de l’impasse actuelle, il faut, a dit le représentant, des négociations sincères entre le Maroc et la République démocratique sahraouie arabe (SADR).  Il a regretté qu’alors que la tenue du référendum d’autodétermination reste bloquée, les ressources du territoire soient exploitées, notamment sous l’accord de pêche euro-méditerranéen.  Pourtant, a-t-il rappelé, l’Envoyé personnel et le Secrétaire général, M. Guterres, ont demandé aux États membres de l’Union européenne d’utiliser le commerce comme outil de paix.

Le représentant s’est dit déçu de la démission de l’Envoyé personnel qui a facilité un dialogue politique entre le Maroc et le Polisario.  Il a avoué qu’il aurait souhaité que les deux tables rondes de décembre 2018 et mars 2019 ouvrent la voie à des négociations sur une solution mutuellement acceptable, juste et durable fondée sur l’autodétermination du peuple sahraoui.  Il a espéré que le remplaçant de l’Envoyé personnel sera rapidement nommé et reprendra le flambeau car, compte tenu de l’expérience de l’Afrique du Sud, « le multilatéralisme et la diplomatie » doivent être renforcés pour désamorcer les tensions entre le Maroc et le Polisario et obtenir des parties qu’elles s’impliquent activement dans les négociations, sous les auspices des Nations Unies.

M. SALIOU NIANG DIENG (Sénégal) a félicité l’Envoyé spécial pour le dynamisme qu’il a imprimé au processus politique et la tenue des deux tables rondes en décembre 2018 et mars 2019.  Il a aussi salué l’engagement des quatre « pays » à se réunir autour d’une troisième table ronde.  Le représentant a parlé de l’initiative d’autonomie avancée proposée par le Maroc.  Il a noté les progrès accomplis sur le terrain, notamment en matière de promotion des droits de l’homme et de démocratie, et les efforts considérables déployés pour favoriser le développement économique et social du Sahara occidental.  Il a appelé au renforcement de la coopération entre les États membres de l’Union du Maghreb arabe (UMA) pour contribuer à la stabilité et à la sécurité de la région.

Audition de pétitionnaires

M. ABBA MHAMED, Vice-Président élu de la région de Laayoune-Sakia El Hamra au Sahara marocain, a fait état de changements importants intervenus dans sa région grâce au nouveau modèle de développement économique et de gouvernance locale.  Pour appliquer son modèle de développement des provinces du Sud, le Maroc a investi dans le secteur de la santé, la valorisation des ressources naturelles et le patrimoine sahraoui, ainsi que dans les infrastructures.  Cela a permis la création de nombreux projets structurés qui génèrent plus de 600 nouveaux emplois par an.  Le Vice-Président de la création de la ceinture verte a souligné que l’objectif majeur de ces projets est de permettre à la population sahraouie de profiter de ses propres ressources.  En conclusion, il a affirmé que ce sont eux les représentants légitimes de la région.

Mme GHALLA BAHIYA, Vice-Présidente du Conseil régional de Dakhla-Oued Eddahab, au Sahara occidental, a indiqué qu’elle fait partie des 30% de femmes et de jeunes élus du Conseil.  Elle a fait le point sur certains des progrès accomplis dans la région grâce à des programmes lancés par le Maroc.  Sept-cents projets pour un budget de 8 millions de dollars ont permis de créer une nouvelle dynamique de croissance, en mettant l’accent sur plusieurs domaines dont le tourisme et l’artisanat.  L’aménagement durable du territoire permet de lutter contre la désertification et de faire avancer le désenclavement.  Le nouveau modèle économique érige la culture en mode de développement et met l’accent sur la revitalisation culturelle.  La pétitionnaire a aussi parlé du démarrage de 93 autres projets, dont la construction d’une voie express, la connexion de plusieurs communautés et des projets dans les domaines de la pêche.  Ces projets, a-t-elle expliqué, visent à ancrer le Sahara occidental comme plateforme d’échanges économiques et à préparer le terrain pour le retour à la mère patrie.

Nous sommes les représentants « légitimes » du Sahara occidental et de son pays, a déclaré M. SIDI M. OMAR, Front POLISARIO.  Il a voulu « remettre les pendules à l’heure » s’agissant d’un territoire inscrit à l’ordre du jour du Comité spécial depuis 1963.  Après les informations « biaisés entendues ici », M. Omar a rappelé que les Nations Unies n’ont jamais reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.  Le Maroc, a-t-il déclaré est une « Puissance occupante » et pour ce qui est des faits « dont il fait la propagande ici et ailleurs », M. Omar a insisté sur le fait que l’accord entre le Maroc et l’Espagne n’a jamais été reconnu par les Nations Unies.  Il a accusé le Maroc de vouloir faire reconnaître une revendication « sans fondement » et d’essayer de faire accepter que dans ce cas précis, « c’est la force qui fait loi ».  Le Maroc veut que les Nations Unies reconnaissent sa souveraineté « illégale » sur le Sahara occidental » mais aucune des résolutions de l’Assemblée générale ne le fait.  Les Nations Unies doivent être très claires vis-à-vis du Maroc, a-t-il exigé, et lui signifier que le colonialisme n’est plus de mise au XXIe siècle. 

M. NAAMA SGHAYER, Association sahraouie des demandeurs d’asile politique, a expliqué qu’il représente les jeunes victimes de l’occupation illégale du Maroc.  Des centaines de personnes ont été enlevées au cours des 40 dernières années, a-t-il dit, en appelant le Comité à mettre en place un projet pour la libération des prisonniers politiques.  Il y a plusieurs semaines, à Samara, de nombreuses personnes ont été arrêtés et torturées, a-t-il affirmé.  Il faut faire toute la lumière sur la situation et préserver une population « victime des gangs ».  Cette situation, a-t-il insisté, découle de l’occupation illégale du Maroc.  Le pétitionnaire a demandé l’envoi d’une mission d’établissement des faits.

Pourquoi la question du Sahara occidental n’est toujours pas réglée après tant d’années? s’est impatienté M. ANDRES EDUARDO RODRIGUEZ MARTINEZ, Comité international des étudiants.  Jusqu’à quand les principes économiques vont-ils prévaloir sur les droits de la personne?  a -t-il lancé.  Il a réclamé la tenue d’un référendum pour permettre à la population de décider de la manière dont elle veut être gouvernée.  Il a dit privilégier une solution diplomatique et annoncé que son Comité a décidé de financer les études des Sahraouis privés de leur droit à l’éducation.

Mme TOURIA HMYENE, Association pour la liberté des femmes séquestrées dans le camp de Tindouf, a fait état de violations graves des droits de l’homme au printemps 2019, affirmant qu’il s’agit d’une véritable campagne de répression menée par les autorités du Front POLISARIO contre la population civile du camp.  Ceux qui cherchent à se faire entendre sont muselés, a-t-elle alerté, en rappelant que le Conseil des droits de l’homme avait conclu en mai 2018 que le HCR devait protéger les Sahraouis et leur garantir leurs droits.  Or, le Front POLISARIO persiste à empêcher la libre circulation des personnes à l’extérieur et à l’intérieur du camp, limitant le nombre de véhicules autorisés à entrer et sortir du camp.  Dans le camp, les femmes sahraouies ont commencé un mouvement de grève pour réclamer la libre circulation et beaucoup d’entre elles ont été arrêtées.  C’est une agression contre des civils, s’est indignée la pétitionnaire qui a passé en revue les nombreuses violations des droits fondamentaux dans le camp de Tindouf.

M. KHALID BENDRISS, Association d’appui à l’initiative marocaine d’autonomie, a voulu que l’on privilégie la négociation pour trouver une issue à la question du Sahara occidental.  Pour lui, l’initiative a marqué un moment charnière car l’autonomie serait une solution gagnant-gagnant qui répondrait aux besoins de la population, tout en satisfaisant aux demandes des parties prenantes.  Ce document « vivant » obéit scrupuleusement aux normes internationales.  L’autonomie, a insisté le pétitionnaire, est la seule solution viable.  Toute autre proposition risque de mener à l’instabilité sans répondre aux souffrances des habitants du camp de Tindouf.

Mme ZOUBIDA SOUAD KRISKA, Organisation pour mettre fin aux violations des droits de l’homme dans le camp de Tindouf, a mis l’accent sur ces violations des droits de la personne dont il est rarement fait état dans la presse et dans les instances internationales.  Elle a exhorté les Nations Unies à prendre conscience des graves violations commises dans le camp contre des personnes retenues malgré elles.  Ce camp, a-t-elle affirmé, est contrôlé par les milices armées du Front POLISARIO.  La population n’a pas de statut et on ne connaît même pas son nombre, a rappelé la pétitionnaire qui a également dénoncé l’absence de liberté qu’impose le Front POLISARIO, qu’il s’agisse des communications et de la circulation.  Elle a également accusé le Front POLISARIO de vendre l’aide humanitaire et de pratiquer l’esclavage à l’intérieur du camp.  Tant que la communauté internationale ne mettra pas un terme à ces multiples crimes contre l’humanité, rien ne changera, a-t-elle averti, avant d’appeler le Comité spécial à saisir le Secrétaire général pour qu’il tienne le Polisario responsable de ses actes.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: sur fond de « réescalade » des combats au Yémen, le PAM annonce une suspension d’une partie de son aide alimentaire

8551e séance – matin
CS/13845

Conseil de sécurité: sur fond de « réescalade » des combats au Yémen, le PAM annonce une suspension d’une partie de son aide alimentaire

Le Conseil de sécurité a pris note, ce matin, du sombre tableau dressé par l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen concernant la situation politique et sécuritaire du pays, marquée, selon lui, par une « réescalade » de la violence, l’absence de progrès sur deux des trois volets de l’accord conclu l’an dernier à Stockholm entre les parties et la fragilité du cessez-le-feu en vigueur dans l’ouest du pays.  C’est toutefois l’annonce par le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM) de la suspension d’une partie de son aide aux Yéménites, en raison d’entraves « acharnées » notamment de la part des houthistes à l’acheminement des denrées, qui a suscité les plus vives réactions parmi les membres du Conseil.

Loin de l’optimisme affiché en mai dernier devant le Conseil, M. Martin Griffiths a déploré l’impasse actuelle dans laquelle se trouve la mise en œuvre de deux des trois éléments clefs de l’Accord de Stockholm, signé par le Gouvernement yéménite et Ansar Allah en décembre 2018, à savoir un accord d’échange de prisonniers et la Déclaration d’entente sur Taëz.  S’agissant de la Déclaration, qui était censée ouvrir la voie à des négociations sur le sort de cette ville du sud-ouest, M. Griffiths a souligné que la situation demeurait « extrêmement complexe et fragile », au détriment de la population de la ville.  Quant à l’accord sur l’échange de prisonniers, en dépit de « réunions productives » entre les parties au cours des derniers mois, la question demeure, selon lui, au point mort.  L’Envoyé spécial a donc exhorté les parties à faire avancer ces deux volets pour mettre pleinement en œuvre l’accord conclu dans la capitale suédoise, en vue de parvenir, à terme, à la réouverture de négociations de paix au Yémen.

Pour l’heure, ces stagnations se doublent, d’après M. Griffiths, d’une « réescalade de la violence » dans l’ensemble du pays, ainsi que d’une multiplication des assauts houthistes contre des infrastructures civiles dans le sud de l’Arabie saoudite, à l’instar de l’attaque de drone lancée il y a quelques jours par les houthistes sur l’aéroport d’Abha. 

Seul point positif, selon l’Envoyé spécial, le maintien du cessez-le-feu dans la province de Hodeïda, où Ansar Allah a entamé en mai dernier un redéploiement unilatéral des forces houthistes en partance des trois ports de Hodeïda, Salif et Ras Issa, conformément à l’Accord sur Hodeïda – le troisième volet de l’Accord de Stockholm.  M. Griffiths a précisé que ces mesures avaient permis de réduire de 68% les pertes en vies humaines dans la province, où les parties coopèrent avec le général de corps d’armée Michael Lollesgaard de la Mission de l’ONU en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH). 

La persistance des combats dans le reste du pays continue de peser sur la population, a par ailleurs mis en garde le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock.  Selon lui, le bilan civil est lourd: plus de 250 000 personnes ont été déplacées cette année; le nombre d’incidents tuant ou blessant les enfants a plus que triplé ces derniers mois; 80% de la population -soit plus de 24 millions de personnes- ont besoin d’aide; et environ 600 incidents par mois endommagent ou détruisent des hôpitaux et autres infrastructures civiles.  « Assez!  C’est assez », a martelé M. Lowcock, précisant que seuls 985 millions de dollars sur les 4,2 milliards demandés pour financer le Plan humanitaire pour le Yémen en 2019 avaient été perçus, soit 24%. 

C’est dans ce contexte « catastrophique » que, chaque mois, le Programme alimentaire mondial (PAM) nourrit 10 millions de personnes qui dépendent du PAM pour leur survie, a quant à lui souligné le Directeur exécutif de l’agence, M. David Beasley.  Or, le PAM fait face, selon lui, à une « résistance acharnée » qui l’empêche tout simplement de faire son travail, notamment dans des zones contrôlées par Ansar Allah, qu’il a accusé de « détourner » et « manipuler » l’aide alimentaire de l’ONU.  Le Directeur exécutif a dit avoir tenté toutes les options possibles pour résoudre cette situation, par le biais de négociations avec les houthistes et d’accords avec le Gouvernement.  À défaut de recevoir des garanties sur le respect de ces engagements, le PAM devra suspendre la livraison de l’aide dès la fin de la semaine, sauf pour les enfants malnutris, les femmes enceintes et les femmes se relevant de couches, a-t-il mis en garde, suscitant de vives réactions parmi les membres du Conseil, dont certains ont fait part de leur « tristesse » face à cette annonce « déprimante ». 

Les houthistes profitent du chaos pour imputer la responsabilité de la situation humanitaire au Gouvernement yéménite, a accusé le délégué de ce pays, expliquant qu’Ansar Allah profite des « atermoiements et louvoiements » internationaux pour laisser souffrir le peuple yéménite.  À l’inverse, depuis le début du mandat de l’Envoyé spécial, nous nous sommes employés à renforcer la confiance et à contourner les obstacles conformément à l’Accord de Stockholm, a déclaré le représentant.  Le Gouvernement du Yémen s’est en effet proposé d’ouvrir des voies d’accès aux Red Sea Mills, dont le contenu pourrait permettre de nourrir plusieurs millions de personnes pendant 30 jours, a souligné le Koweït, condamnant les « entraves graves » des houthistes à l’accès humanitaire.  Les « attaques constantes » de ces derniers contre l’Arabie saoudite constituent en outre une « menace flagrante et permanente » à la sécurité de la région, a estimé le pays, jugeant qu’il faudrait adopter un embargo sur les armes pour remédier à la situation. 

La Fédération de Russie a également mis en garde contre l’escalade récente des tensions dans le golfe Persique, suite notamment aux attaques de deux pétroliers en mer d’Oman la semaine dernière.  Toutefois, « attiser les tensions de façon artificielle et proférer des accusations hâtives » ne contribuent qu’à « politiser » la situation, a estimé le délégué, pour qui « l’escalade de la rhétorique contre l’Iran » ne peut que déstabiliser l’ensemble de la région et nuire à l’action diplomatique de l’ONU au Yémen.  L’Iran doit alors cesser de fournir aux houthistes les armes nécessaires pour mener des attaques comme celles de l’aéroport d’Abha, ont quant à eux estimé les États-Unis.  À leur suite, l’Allemagne a tenu à rappeler à Moscou que l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis était également un principe à respecter par ce Conseil.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Lettre datée du 10 juin 2019, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2019/485)

Déclarations

M. MARTIN GRIFFITHS, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a indiqué qu’il avait continué à travailler de concert avec le Gouvernement du Yémen et Ansar Allah sur la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm, signé le 13 décembre 2018 dans la capitale suédoise, ainsi que sur la reprise des négociations en vue de parvenir à une solution politique globale, conformément à l’initiative du Conseil de coopération du Golfe et à son mécanisme.

Concernant la situation dans la province de Hodeïda, l’Envoyé spécial, qui s’exprimait par visioconférence, a précisé que les parties avaient pris des mesures afin de réduire la violence dans la zone depuis les six derniers mois, en dépit du retard dans la mise en œuvre de l’Accord sur la ville de Hodeïda et les ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa (Accord sur Hodeïda).  M. Griffiths a précisé avec satisfaction que ces mesures avaient notamment permis de réduire de 68% le nombre des pertes en vies humaines dans la province.

Malgré ces points positifs, l’Envoyé spécial a souligné qu’il demeurait fortement préoccupé par la persistance des violences et des victimes civiles dans la zone.  « Toutefois, il est clair que la désescalade globale continue de bénéficier au peuple de la ville et à la réponse humanitaire, », a-t-il nuancé.  Les membres du Comité de coordination du redéploiement ont en effet continué à travailler de manière constructive avec le général de corps d’armée Michael Lollesgaard de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH), notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la première et de la deuxième phase de l’Accord sur Hodeïda au cours des derniers mois. 

L’Envoyé spécial a également indiqué que l’utilisation des revenus liés aux activités des ports de Hodeïda, Salif et Ras Issa figurait au nombre de ses priorités.  Il a espéré que les parties puissent parvenir à un consensus sur cette question, dans le respect de l’Accord sur Hodeïda.  « J’espère que ce consensus permettra le paiement des salaires du secteur public dans la province de Hodeïda et dans tout le Yémen », a-t-il précisé, tout en appelant à tirer parti de la réunion qui a eu lieu le mois dernier à Amman pour planifier des discussions avec les deux parties sur ce sujet dans un futur proche.

M. Griffiths a en outre appelé les parties à mettre pleinement en œuvre l’Accord de Stockholm, tout en s’assurant du respect de la souveraineté du pays.  Il a salué le Gouvernement du Yémen pour la flexibilité dont il a fait preuve tout au long de ce processus, ainsi que pour son appui constant à l’Accord.  L’Envoyé spécial a de plus indiqué son intention de continuer à s’entretenir avec le Président Abadrabbo Mansour Hadi, avec le Gouvernement yéménite et avec Ansar Allah, pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord.

Par ailleurs, M. Griffiths a rappelé que la Déclaration d’entente sur Taëz, qui fait partie de l’Accord de Stockholm, avait été conçue pour ouvrir la voie à des négociations sur le sort de la ville et de ses habitants.  « La situation politique et militaire dans l’enceinte de la ville demeure extrêmement complexe et fragile, au détriment de la population », a-t-il toutefois déploré, tout en précisant qu’il continuait à travailler avec les parties pour organiser une réunion afin de sortir de l’impasse actuelle.

L’Envoyé spécial s’est également dit très déçu par le manque de progrès dans la mise en œuvre de l’échange de prisonniers, un volet également inclus dans l’Accord de Stockholm.  Il a toutefois indiqué que les parties avaient organisé des « réunions productives » au cours des derniers mois afin de régler les questions en suspens sur les termes de cet échange.  « Si elles font preuve d’une flexibilité politique accrue, je suis persuadé qu’elles seront en mesure de traduire ces discussions en acte sur le terrain », a-t-il affirmé, ajoutant que des avancées sur cette question permettraient d’instaurer davantage de confiance entre les parties et d’améliorer la situation humanitaire des prisonniers.  M. Griffiths a ainsi exhorté les parties à faire de l’échange de prisonniers une priorité et à négocier de bonne foi sur la question.

L’Envoyé spécial a ensuite abordé les préoccupations récemment exprimées par le Conseil de sécurité concernant la « réescalade de la violence » dans tout le Yémen et les attaques visant des infrastructures civiles dans le sud de l’Arabie saoudite.  « Je dois faire écho à ces préoccupations, concernant notamment les récentes attaques de drones contre l’aéroport d’Abha », a-t-il précisé, appelant à prendre des mesures pour désamorcer les tensions au profit du peuple yéménite et de la sécurité régionale.  « Plus le conflit durera, plus il sera difficile de le résoudre et d’inverser ses effets dévastateurs », a mis en garde M. Griffiths, estimant que la poursuite du dialogue entre les parties pour mettre en œuvre l’Accord de Stockholm était « importante, mais pas suffisante » pour le peuple yéménite.  « Ils veulent que leurs souffrances cessent maintenant et pas demain », a-t-il dit.  L’Envoyé spécial a estimé que la résolution du conflit au Yémen passait nécessairement par une solution politique globale.  « Avec l’appui de ce Conseil, je reste convaincu que les parties pourront parvenir à un règlement global et pacifique du conflit au Yémen », a-t-il conclu.

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a relevé qu’il présentait aujourd’hui son quinzième exposé sur la situation au Yémen et le trente-sixième que le Conseil entendait depuis 2015.  « Mon expérience est comme celui du principal personnage dans le film hollywoodien bien connu “Un jour sans fin” (Groundhog Day) », a-t-il comparé, en rappelant que chaque matin, lorsque le personnage se réveille, c’est la même journée qui recommence.  Comme dans ce film, les détails de cet exposé changent d’un mois à un autre mais le décor de fond reste le même, a-t-il remarqué, en disant vouloir examiner « le temps qui semble être bloqué au Yémen ». 

« Comment cette guerre a-t-elle évolué ces quatre ou cinq dernières années?  Qu’est-ce qui a été fait?  À quoi devons-nous nous attendre si elle continue?  Que faisons-nous à ce propos?  Comment faut-il aider le Yémen pour casser ce cycle pour de bon? » a demandé M. Lowcock. 

Depuis le début, cette guerre est brutale, a dénoncé le haut fonctionnaire en apportant plusieurs illustrations.  Le groupe indépendant de surveillance « Armed Conflict Location and Event Data Project » (ACLED) estime que plus de 70 000 personnes ont été tuées depuis 2016.  Cette violence est constante, car les combats peuvent diminuer dans une zone pour exploser ailleurs, comme c’est le cas aujourd’hui à Al Dhale, Hajjah et Taëz.  Les incidents dans tout le pays ont augmenté depuis 2016, avec actuellement plus de 30 lignes de front actives au Yémen. 

M. Lowcock a détaillé les conséquences des combats sur la population civile: plus de 250 000 personnes ont été déplacées cette année; le nombre d’incidents tuant ou blessant les enfants a plus que triplé entre le dernier trimestre de 2018 et le premier trimestre de 2019.  Il a aussi mentionné l’augmentation, ces derniers jours, des attaques dangereuses et condamnables contre l’Arabie saoudite, ainsi que des bombardements aériens à Sanaa et dans d’autres régions. 

Les combats ont eu peu d’effet sur le contrôle du pays, a poursuivi M. Lowcock: aujourd’hui, la grande majorité des Yéménites vit dans des zones contrôlées par Ansar Allah et leurs alliés.  Après des dizaines de milliers de bombardements aériens et d’affrontements, la guerre a changé seulement marginalement depuis 2016.  Cela dit, « cette guerre n’est pas seulement brutale, elle est aussi impossible à gagner ».  Qu’a-t-elle alors réalisé? 

Chaque mois, a poursuivi M. Lowcock, les statistiques sont publiées: 80% de la population, soit plus de 24 millions de personnes, ont besoin d’aide et de protection, y compris 10 millions qui dépendent de l’aide alimentaire pour survivre.  Quelque 600 incidents par mois endommagent ou détruisent les infrastructures civiles.  Plus de 100 hôpitaux ont été frappés l’an dernier, de même que des centres de santé et des écoles.  Un quart des enfants ne vont d’ailleurs plus à l’école.  En outre, plus de 3,3 millions de personnes sont déplacées.  Quant à l’économie, elle est dévastée et réduite de 40%, voire plus.  Aujourd’hui, le nombre de personnes qui ont besoin d’aide est moitié plus qu’avant la guerre.  Pour la première fois cette année, les évaluations confirment l’existence de poches de famine dans plusieurs régions du Yémen. 

Les conséquences de tous ces affrontements sont les suivantes: des morts, des ravages et de la destruction, la misère d’une nation, la fracture et la fragmentation de la société.  En tout, la pire tragédie humanitaire au monde, a estimé M. Lowcock.

« Que va-t-il se passer maintenant si la guerre continue? » a demandé le Coordonnateur des secours d’urgence en apportant deux réponses immédiates.  En premier lieu, beaucoup de gens mourront et les conditions empireront pour ceux qui survivront.  Une étude de l’Université de Denver commandée pour le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) prévoit que si la guerre se poursuit jusqu’en 2022, il faut s’attendre à un demi-million de morts, dont 300 000 mourront de famine, de manque de soins et de causes sous-jacentes.  C’est le double que ce qui a été prévu si la guerre s’arrête cette année.  On verrait aussi un déclin profond des survivants dans tout le pays.  Un quart des enfants seraient malnutris, et près de 40% des enfants seraient privés d’école.  « Vous pouvez imaginer les implications de cette situation sur le plan sécuritaire et la stabilité de toute la région. » 

En deuxième lieu, nous aurons besoin d’une opération de secours plus grande et plus coûteuse.  Avec 4,2 milliards de dollars, la réponse humanitaire de cette année est déjà la plus grande au monde.  C’est trois fois de plus que ce dont nous avions besoin en 2015.  Et si les affrontements ne cessent pas, les besoins d’aujourd’hui ne seront qu’une fraction de ce dont nous aurions besoin pour assurer la survie de la population pendant quelques années.  Si au début de 2017 trois millions de personnes recevaient chaque mois de l’aide, deux ans plus tard ils ne sont plus de 10 millions.  Que faut-il changer pour rompre ce cycle? a questionné le haut fonctionnaire. 

Premièrement, il faut faire taire les armes et les avions de combat.  « Assez!  C’est assez », a martelé M. Lowcock, en appelant également les parties à respecter le droit international humanitaire et à éviter de cibler les civils et les infrastructures, avec ou sans cessez-le-feu.  Deuxièmement, toutes les parties doivent faciliter un accès humanitaire sans entrave. 

La troisième priorité est le financement complet de l’opération humanitaire.  Cette année, sur les 4,2 milliards de dollars demandés, 985 millions ont été reçus, soit 24%, mais des promesses de dons de 2,6 milliards de dollars ont été annoncées à Genève en février.  Quatrièmement, des mesures durables sont nécessaires pour renforcer l’économie du Yémen.  La cinquième priorité est la plus importante: des progrès dans le processus politique pour la paix.  L’Accord de Stockholm est une étape importante dans la bonne direction, mais nous nous trouvons maintenant dans un mauvais pas, a estimé M. Lowcock, qui a espéré que tout le monde travaille au mieux avec l’Envoyé spécial pour le Yémen et son équipe.

Revenant à sa comparaison de départ, le Coordonnateur des secours d’urgence a rappelé que le personnage principal du film sortait finalement du piège du temps mais en ayant totalement changé sa façon de se comporter.  S’agissant du Yémen, rien ne changera tant que chacun ne sera pas prêt à changer sa manière de faire, a-t-il prédit. 

M. DAVID BEASLEY, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), a prévenu d’emblée que la situation humanitaire au Yémen était désastreuse et que le PAM était toujours confronté à une « résistance acharnée » qui l’empêche de faire tout simplement son travail et de sauver des vies.  Il a rappelé avoir ouvertement critiqué en novembre 2017 le blocus de la coalition sur Hodeïda, comme aujourd’hui il dénonce les obstacles qui empêchent le PAM de nourrir les Yéménites affamés: dans des zones contrôlées par Ansar Allah, l’aide alimentaire de l’ONU est détournée aux dépens de ceux qui ont faim.

M. Beasley a expliqué que le travail principal du PAM sur le terrain consiste à identifier les personnes qui ont le plus besoin de l’aide et à mettre en place des systèmes de surveillance pour que ces personnes reçoivent effectivement l’alimentation qui leur est destinée.  Il a souligné la nécessité de ces systèmes pour s’assurer que l’on n’enlève pas le pain de la bouche des nécessiteux et pour que les rations alimentaires ne viennent pas soutenir des agendas politiques.  Ces systèmes protègent les nécessiteux et constituent une garantie pour les donateurs du monde entier, a-t-il résumé.

Au cours des deux dernières années, a-t-il poursuivi, nous avons répété à Ansar Allah que nous étions préoccupés par leur résistance à nos opérations neutres et indépendantes.  Le PAM rencontrait aussi des difficultés pour importer les équipements et obtenir des visas pour le personnel, des problèmes que nous n’avons eu de cesse de soulever, a-t-il précisé.  Alors que des négociations formelles avec les autorités de Sanaa avaient démarré en décembre 2017 pour que le PAM puisse identifier les plus affamés et les rentrer dans le système biométrique, des mois plus tard aucun résultat n’a été atteint et, en plus, des détournements ont été constatés, a déploré M. Beasley.

« La situation au Yémen est catastrophique », a affirmé le Directeur exécutif du PAM, en soulignant que les moyens de subsistance sont détruits et que l’économie est en mauvais état.  C’est dans ce contexte que, chaque mois, le PAM nourrit 10 millions de personnes.  « Mais en tant que chef du PAM, je ne peux pas vous garantir que toute l’aide va à ceux qui en ont le plus besoin. »  M. Beasley a expliqué les raisons de cette situation: d’une part, nous ne sommes pas autorisés à opérer de manière indépendante, d’autre part, l’aide est détournée pour en tirer des gains.

Pour apporter la preuve de ses propos, il a cité les personnes interrogées dans sept centres de Sanaa où 60% des personnes censées recevoir l’aide ont indiqué n’avoir reçu « aucune » aide alimentaire.  Pourtant leurs empreintes ont été apposées sur les listes de distribution.  « Qui a pris leur nourriture?  Où est passée l’aide? »

Toujours à Sanaa, 33% des personnes sondées ont dit ne pas avoir reçu d’aliments en avril 2019.  Au cours des 60 derniers jours, la ligne téléphonique d’urgence et le système de surveillance du PAM ont détecté plus de 30 cas de détournement possible d’aliments dans certaines régions du Yémen contrôlées par les autorités de Sanaa.  Ces détournements ne sont pas limités aux zones contrôlées par les houthistes, a-t-il précisé.

L’assistance alimentaire est en train d’être manipulée et on nous empêche de régler le problème, s’est-il plaint.  Il a rappelé que la raison de la présence du PAM au Yémen est humanitaire, grâce à plus de 150 millions de dollars versés chaque mois par les pays du monde entier.

Le Directeur exécutif a dit avoir tenté toutes les options possibles pour résoudre cette situation au cours des 18 derniers mois: dialogue et négociations avec les leaders de Ansar Allah, avec un appel personnel lancé au leader, qui a répondu favorablement en décembre et en janvier; accords signés avec les autorités de Sanaa le 28 décembre 2018 et le 15 janvier 2019, sur l’inscription et l’enregistrement biométrique des bénéficiaires. 

Mais à chaque fois que nous sommes près d’arriver à la mise en œuvre de ces accords, il y a un nouvel obstacle, a regretté M. Beasley, qui a écrit aux autorités pour leur demander « des paroles plutôt que des actes ».  Il a prévenu qu’à défaut de recevoir des garanties que ces accords seraient honorés, il devrait suspendre la livraison de l’aide dès la fin de la semaine, sauf pour les enfants malnutris, les femmes enceintes et les femmes se relevant de couches. 

Grâce à l’enregistrement biométrique, nous pouvons cibler les destinataires de l’aide, a-t-il rappelé, ce qui est crucial.  Concernant le problème d’accès, il a noté que si des dirigeants de Ansar Allah veulent aller de l’avant, d’autres ne sont là que pour faire des bénéfices, comme dans toute guerre.  Ce qui est en jeu, c’est l’intégrité du système des Nations Unies dans le monde, a-t-il mis en garde.

Nous demandons au mouvement Ansar Allah de nous laisser faire notre travail, a-t-il insisté.  « Au Yémen, nous avons l’argent –j’en suis très reconnaissant- mais nous n’avons pas l’accès », a dit en conclusion le Directeur exécutif du PAM.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a renouvelé son soutien envers l’action menée au Yémen par les Nations Unies, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et le PAM.  Elle a appelé toutes les parties à redoubler d’efforts pour œuvrer de concert avec les représentants de l’ONU sur le terrain, notamment en vue de lever les obstacles qui entravent l’aide humanitaire.  La représentante a d’ailleurs salué le Conseil pour avoir su « parler d’une même voix » sur cette question.

La déléguée britannique a par ailleurs jugé remarquable que l’Accord sur Hodeïda ait duré aussi longtemps.  « Le fait que l’Accord tienne est très important », a-t-elle insisté.  Toutefois, l’escalade militaire dans l’ensemble du pays est très préoccupante, a nuancé la représentante, condamnant notamment l’attaque récente sur l’aéroport d’Abha, en Arabie saoudite.

S’agissant du redéploiement des parties à partir des ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa, la représentante a appelé les houthistes à finaliser la mise en œuvre de l’Accord au-delà du seul redéploiement de leurs forces, notamment concernant les volets de l’Accord liés au déminage de la zone.  La représentante a également appelé toutes les parties à avancer sur la question de l’échange de prisonniers.  Elle a fait part de son incompréhension face à l’absence de progrès sur la question, étant donné son importance pour parvenir à un accord de paix global au Yémen. 

Sur le plan humanitaire, la représentante a appelé tous les États Membres de l’ONU à remédier au sous-financement actuel du Plan d’aide humanitaire des Nations Unies pour 2019.  Elle les a également appelés à soutenir l’action du PAM sur le terrain.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a condamné la dernière attaque qui aurait été menée par les houthistes contre l’aéroport d’Abha, en Arabie saoudite.  Il a demandé aux houthistes d’honorer leurs engagements pris en Suède au lieu de mener de telles attaques, niant la possibilité d’une solution militaire.  L’Iran doit cesser de leur fournir les armes nécessaires pour mener de telles attaques, a-t-il ajouté.  Il a assuré que les États-Unis avaient toujours l’objectif de travailler avec leurs partenaires internationaux en faveur de la paix, de la prospérité et de la stabilité au Yémen. 

En ce qui concerne le Gouvernement yéménite et les houthistes, il leur a demandé de travailler de bonne foi avec l’Envoyé spécial Griffiths et le général Lollesgaard en vue de la pleine mise en œuvre, aussi tôt que possible, de l’accord de redéploiement.  Notant que l’escalade récente des combats menace l’accès de l’aide humanitaire et contraint les populations à fuir leurs domiciles, il a exigé que les combats cessent immédiatement. 

M. Cohen a noté les progrès accomplis jusqu’à présent dans la mise en place de systèmes de surveillance onusiens supplémentaires, en espérant que le redéploiement ait lieu comme prévu, et a déclaré qu’il fallait saisir la chance offerte par ces progrès.  Soulignant l’importance du cessez-le-feu à Hodeïda et de la désescalade des hostilités, il a fait part de son inquiétude face à une nouvelle escalade et appelé les parties à faire preuve de retenue.  Toutes les parties doivent, entre autres, faciliter l’arrivée des observateurs de l’ONU et coopérer avec le travail de l’Envoyé spécial, a exigé M. Cohen.

Il a noté que le Gouvernement avait prouvé son engagement clair envers le processus mené par l’ONU, mais pour ce qui est des houthistes, il leur a demandé de démontrer qu’ils étaient sérieux à propos du processus de paix en retirant leurs troupes de la manière convenue dans l’Accord de Stockholm et en permettant ainsi l’achèvement de la première phase.  Préoccupé aussi par l’augmentation des cas de choléra dans l’ensemble du pays, le représentant a déclaré que les États-Unis soutenaient les efforts du PAM pour distribuer l’aide dans tout le Yémen conformément aux principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a appelé à redoubler d’efforts pour avancer sur la voie d’une solution politique globale au Yémen et lever les entraves actuelles à l’aide humanitaire. 

S’agissant de l’escalade récente des tensions dans le golfe Persique, le représentant a condamné les attaques contre des pétroliers en mer d’Oman.  Toutefois, selon lui, « attiser les tensions de façon artificielle et proférer des accusations hâtives » ne contribuent qu’à « politiser » la situation, plutôt que d’attendre les conclusions d’une enquête internationale indépendante.  Étant donné cette évolution, le représentant a rappelé la proposition russe de lancer un processus d’élaboration de mesures de confiance et de sécurité dans le golfe Persique.  « L’escalade de la rhétorique contre l’Iran », a encore estimé le représentant, ne peut que conduire à déstabiliser l’ensemble de la région et nuire à l’action diplomatique des Nations Unies au Yémen.

S’agissant du conflit dans le pays, le représentant a appelé à poursuivre la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm.  Il a salué le redéploiement des forces houthistes dans le cadre de l’Accord sur Hodeïda et a exhorté les parties à continuer sur cette lancée pour parvenir à une phase de suivi du redéploiement, ainsi qu’à la mise en œuvre complète de l’Accord de Stockholm.

Tous les membres permanents du Conseil de sécurité soutiennent l’Envoyé spécial pour le Yémen, a ensuite affirmé le représentant russe, avant d’appeler tous les pays bénéficiant d’une influence sur les parties à en faire usage pour sortir les négociations de paix au Yémen de l’impasse actuelle.  « Plus la guerre dure, plus le redressement sera difficile », a-t-il prédit, avant de condamner les attaques contre les infrastructures civiles du pays, y compris les installations pétrolières. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est dit très gravement préoccupé par l’augmentation de la violence au Yémen.  Le représentant a condamné les attaques houthistes de ces dernières semaines contre des zones peuplées de l’Arabie saoudite.  Ces attaques doivent faire l’objet d’enquêtes et leurs responsables doivent être traduits en justice, a-t-il exigé.  Le délégué a aussi rappelé qu’il n’y avait pas de solution militaire au Yémen.  Préoccupé par la recrudescence de la violence qui coïncide avec les améliorations constatées dans certaines zones, il a apporté son appui aux efforts de l’Envoyé spécial pour le Yémen en vue de rapprocher les parties et de trouver une solution au conflit. 

Pour le Pérou, l’Accord de Stockholm ne doit pas servir de justification pour renoncer aux autres engagements pris précédemment par les parties.  Le représentant a donc demandé à celles-ci d’éviter toute action unilatérale.  Il a également demandé aux houthistes de faciliter le déploiement des agents humanitaires notamment par l’octroi de visas.  Expriment sa crainte d’une famine généralisée qui menace le Yémen et de l’augmentation des cas de choléra, le représentant a suggéré à la communauté internationale d’être cohérente en protégeant les plus vulnérables et ceux qui doivent recevoir l’aide.

Dans une déclaration brève, M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a salué l’unité du Conseil s’agissant de la question yéménite et a renouvelé l’appui de son pays envers l’Envoyé spécial.  Il a toutefois jugé « déprimante » la situation humanitaire actuelle sur le terrain décrite par MM. Lowcock et Beasley, tout comme la situation de sous-financement du Plan humanitaire pour le Yémen.  Afin d’y remédier, le représentant allemand a appelé tous les pays à honorer leurs annonces de contribution faites à Genève, en février dernier.  Il a en outre condamné la « cruauté » dont fait, selon lui, preuve Ansar Allah sur le terrain et a appelé tous les pays bénéficiant d’une influence sur les parties à en faire usage pour que soient levées les entraves actuelles à l’aide humanitaire.

En réponse aux déclarations de son homologue russe concernant la montée des tensions dans le golfe Persique, le représentant a tenu à rappeler à la Fédération de Russie que l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis était également un principe à respecter par ce Conseil.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a constaté que les progrès sont lents et que beaucoup reste à accomplir.  Un engagement initial pour le redéploiement des forces en présence dans les trois ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa a débuté le mois dernier, a-t-il rappelé, jugeant impératif que l’ensemble des parties poursuivent ces efforts.  « Nous les appelons donc de nouveau à mettre intégralement en œuvre l’Accord de Stockholm, en particulier les deux phases de redéploiement prévues, et à rester engagées de bonne foi au sein du Comité de coordination du redéploiement et avec l’Envoyé spécial. »  Les efforts de ce dernier sont d’autant plus importants dans un contexte sécuritaire régional qui s’est dégradé, a noté M. Delattre. 

Le représentant a condamné avec fermeté la récente attaque revendiquée par les houthistes, qui a pris pour cible l’aéroport d’Abha, en Arabie saoudite, blessant plus d’une vingtaine de civils dont des enfants.  « D’autres tirs de drones ont été depuis revendiqués, dont certains interceptés par l’Arabie saoudite », a-t-il insisté.  Le respect relatif du cessez-le-feu à Hodeïda ne doit pas nous faire perdre de vue l’extrême gravité de la situation humanitaire, a poursuivi la délégation, en soulignant également l’importance de relancer, dès que possible, le processus politique, qui reste un objectif « prioritaire ».  Selon la France, la relance des discussions sur un accord politique global et inclusif, tenant compte de la diversité des acteurs yéménites, incluant les femmes et les représentants de la société civile, est la seule véritable perspective pour mettre un terme au conflit et à la crise humanitaire.  Le Conseil de sécurité doit rester engagé pour peser de « tout son poids » pour soutenir la dynamique enclenchée à Stockholm, a ajouté M. Delattre. 

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a estimé que les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm illustraient l’enlisement du conflit au Yémen.  Les efforts de la communauté internationale sont contrariés par le climat de méfiance entre le Gouvernement et les rebelles houthistes, qui contribue à la détérioration de la situation sécuritaire, dans un pays où sévit la pire crise humanitaire au monde, a-t-il dit.  La Côte d’Ivoire exhorte donc les parties yéménites à maintenir un dialogue constructif avec l’Envoyé spécial du Secrétaire général.  « Il est de ce fait important de poursuivre les redéploiements partiels des forces militaires, notamment le retrait des houthistes des ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa, conformément à la phase 1 de l’accord de cessez-le-feu signé à Stockholm », a souligné le représentant.

M. Adom a également exhorté les parties à mettre en œuvre le mémorandum d’accord sur la ville de Taëz pour l’ouverture de couloirs humanitaires et à favoriser l’application de l’accord d’échange de 15 000 prisonniers, en vue de renforcer la confiance entre les parties.  M. Adom a en outre invité les parties yéménites à coopérer avec les agences humanitaires, se félicitant à cet égard de l’accès donné au PAM aux entrepôts des « Red Sea Mills », où environ 51 000 tonnes de céréales destinées à 3,5 millions de personnes étaient en souffrance depuis des mois.  Il a enfin exhorté le Conseil de sécurité à soutenir les initiatives du PAM visant à combler son déficit budgétaire de 700 millions de dollars pour la période d’avril à septembre 2019. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a demandé à toutes les parties de respecter leurs obligations « sans conditions ».  Le représentant a noté les obstacles qui entravent le travail humanitaire dans les zones de combat.  Il faut, a-t-il exigé, que les ressources financières promises soient respectées et que le plan humanitaire puisse être mis en œuvre sans retard.  L’accès humanitaire ne doit pas être utilisé comme arme de guerre, a averti le représentant.  L’aide doit être réellement basée sur les besoins des personnes.

M. Singer Weisinger a condamné l’intensification des hostilités ces dernières semaines.  Les parties et les États qui les appuient doivent protéger les civils, a-t-il demandé.  Après avoir félicité le Gouvernement yéménite pour ses efforts en vue de ne pas enrôler des enfants comme combattants de guerre, il a appelé toutes les parties à donner la priorité à la protection des enfants.  Il a en outre réitéré que la clef de la solution politique est la participation des femmes et des jeunes au processus de paix. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a appelé les parties à mettre intégralement en œuvre l’Accord de Stockholm.  Il a toutefois jugé « inévitable » que des « difficultés » surviennent dans le cadre de cette mise en œuvre.  Le délégué a par conséquent appelé les parties à renforcer la confiance mutuelle et à redoubler d’efforts pour surmonter ces difficultés.  Des progrès notables ont notamment été réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm, a constaté le représentant, citant notamment le maintien du cessez-le-feu à Hodeïda. 

S’agissant des autres questions en suspens, y compris le positionnement des forces locales, le représentant a précisé que des différends demeuraient entre les parties.  Il a appelé l’ONU à renforcer ses actions et à promouvoir les synergies afin de régler ces questions.  Parallèlement, les parties doivent soutenir ces efforts et le Conseil doit impérativement rester uni, a-t-il exigé.

Le représentant a en outre condamné les attaques contre des civils et infrastructures civiles au Yémen.  Il a appelé à reprendre les négociations en vue de parvenir à une solution politique globale, conformément à l’initiative du Conseil de coopération du Golfe et à son mécanisme, dans le respect de la souveraineté du pays.  Le délégué s’est enfin déclaré préoccupé par la détérioration de situation humanitaire au Yémen.  Il a appelé les parties à lever les entraves actuelles à l’aide humanitaire, tout en précisant que la Chine s’attachait à augmenter son aide à destination du pays.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a dit qu’il avait de l’espoir en voyant le cessez-le-feu tenir depuis décembre.  Il a noté que les houthistes s’étaient retirés de certains endroits, notamment du port de Hodeïda.  Il faut éviter d’interrompre ce processus, a demandé le représentant qui s’est dit inquiet de la poursuite et l’augmentation des affrontements et des combats dans d’autres régions.  Il faut réduire les tensions et instaurer un climat propice pour améliorer la situation, a-t-il suggéré. 

Le délégué a également demandé au Gouvernement et aux houthistes de lever tous les obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire.  Il a souhaité que l’Accord de Stockholm serve d’exemple à d’autres rencontres futures pour trouver une solution au conflit.  Il faut trouver la seule solution possible qui est une solution politique, a-t-il rappelé. 

M. STEPHEN MAHLABADISHAGO NTSOANE (Afrique du Sud) a appelé toutes les parties à s’acquitter de leurs engagements respectifs dans le cadre de l’Accord de Stockholm, dans la mesure où cela contribuerait au renforcement de la confiance entre elles et à rendre possible un accord politique plus large.  Sur le plan humanitaire, l’Afrique du Sud a lancé un appel à la mise en œuvre de la résolution 2451 (2018), relative à l’acheminement sans entrave de l’aide et du personnel à travers tout le pays.  La délégation a ensuite réitéré qu’il est crucial que la MINUAAH soit en mesure de s’acquitter pleinement de son mandat.  Le représentant a constaté à regret que l’escalade de la violence au cours des semaines écoulées avait mis en péril l’Accord de Stockholm.  « Nous continuons à appeler toutes les parties à s’abstenir de l’usage excessif de la force dans des zones à forte densité de population et épargner la vie des femmes et des enfants », a ajouté M. Ntsoane.

La solution au Yémen ne peut être que politique, a affirmé M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie), appelant à relancer les négociations de paix, tout en poursuivant la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm.  Concernant la sécurité, le représentant s’est dit préoccupé par la montée des tensions dans la région.  Il a notamment condamné la récente attaque contre l’aéroport d’Abha, en Arabie saoudite.  À ses yeux, de telles attaques pourraient remettre en cause l’Accord « fragile » sur Hodeïda et laisser les violences se propager dans toute la région.  Le représentant a ainsi appelé à préserver « coûte que coûte » l’Accord pour éviter qu’un conflit n’éclate dans la zone.

Sur le plan humanitaire, il a fait part de sa « tristesse » face à la suspension de l’aide dans les zones contrôlées par les houtistes.  Il est en effet navrant de constater que l’aide soit « instrumentalisée et manipulée » par les parties, a-t-il déploré, appelant le Conseil à ne laisser quiconque s’opposer à l’acheminement de l’aide à des enfants dans le besoin.  « Personne ne devrait être en mesure de décider qui va et qui ne va pas manger », a-t-il dit.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a souhaité que les progrès initiaux dans le redéploiement des forces à Hodeïda soient rapidement suivis de la mise en œuvre des phases subséquentes.  Il a exhorté les parties à s’engager de manière constructive avec le général Lollesgaard pour finaliser les négociations en suspens et permettre la pleine application de l’Accord de Hodeïda.  Pour la délégation, la reprise des consultations, avec la participation de toutes les composantes de la société yéménite, y compris les femmes et les jeunes, est le seul moyen de mettre fin à la crise.  Aussi le représentant a-t-il demandé aux parties de s’abstenir de prendre des mesures de nature à remettre en cause le processus politique conduit par l’ONU.  La Pologne a condamné toutes les attaques sur le territoire de l’Arabie saoudite, qui posent une menace à la sécuritaire nationale de cet État et ont un impact négatif sur la stabilité régionale.  La délégation a enfin exhorté les parties à permettre et à faciliter la circulation de l’aide humanitaire et l’importation de marchandises dans tout le Yémen.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a appelé toutes les parties à mettre en œuvre l’Accord de Stockholm dans son entièreté, y compris l’accord sur l’échange de prisonniers et la Déclaration d’entente sur Taëz.  Le représentant a encouragé l’Envoyé spécial à poursuivre la préparation des prochaines étapes du processus politique en soulignant l’importance d’un processus inclusif, avec la participation significative des femmes et des jeunes, qui reflète la diversité ethnique, géographique et politique de la population yéménite.  Il a condamné le fait que les civils soient ciblés dans cette guerre dévastatrice et notamment l’attaque récente sur l’aéroport international d’Abha, en Arabie saoudite.  Il est préoccupé, a-t-il dit, par l’augmentation des tensions dans la région.  La voie du dialogue est la seule qui puisse conduire au maintien de la paix et la sécurité dans la région, a-t-il affirmé en attirant l’attention sur le rôle à jouer par l’ONU pour soutenir un tel dialogue. 

M. Pecsteen de Buytswerve a ajouté que des efforts sont indispensables pour améliorer la situation humanitaire qui reste catastrophique.  Il est primordial que toutes les parties facilitent l’accès humanitaire et respectent le droit international humanitaire, a-t-il exigé, disant condamner tout détournement de l’aide.  Le délégué a indiqué que sa délégation avait versé sa contribution promise lors de la Conférence de Genève.  En tant que Présidente du Groupe de travail sur les enfants dans les conflits armés, la Belgique a organisé une réunion sur la question vendredi dernier, a-t-il rappelé.  Sur la base du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés au Yémen, « nous allons maintenant faciliter les négociations sur des conclusions.  Nous réitérons notre demande à l’Envoyé spécial afin que des mesures visant à la protection de enfants soient incluses dans tout processus de paix », a annoncé M. Pecsteen de Buytswerve. 

S’agissant de l’Accord de Stockholm, M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déploré « l’enlisement », voire même « la fragmentation » du processus au cours des six derniers mois.  À ses yeux, l’Accord n’a en effet donné lieu à « aucun effort constructif » sur cette période, qui aurait permis d’atteindre ces objectifs, comme en témoigne selon lui le maintien du blocus, qui dure depuis maintenant quatre ans et révèle chaque jour à la communauté internationale les souffrances des civils yéménites.

Le représentant a déploré le manque de progrès dans la mise en application du Déclaration d’entente sur Taëz et des accords sur l’échange de prisonniers.  À l’heure actuelle, a-t-il insisté, les détenus ne sont pas libérés comme cela avait été envisagé lors de la signature de l’Accord de Stockholm. 

S’agissant de l’Accord sur Hodeïda, le représentant a estimé que le redéploiement des forces en partance des ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa devrait se traduire par l’enclenchement du mécanisme tripartite du Comité de coordination du redéploiement à Hodeïda.  En effet, a-t-il poursuivi, ce n’est qu’un retrait unilatéral de la part des houthistes dans les trois ports qui s’est produit entre le 11 et le 13 mai derniers.  Or, le représentant a estimé que le mécanisme tripartite du Comité de coordination devrait permettre au Gouvernement yéménite de superviser le redéploiement dans le cadre de l’Accord sur Hodeïda.

Tous les aspects de l’Accord de Stockholm doivent être mis en œuvre, a poursuivi le représentant, estimant qu’il s’agissait là de la « meilleure chance » pour relancer les négociations de paix dans le pays.

Sur le plan sécuritaire, il a condamné l’escalade des combats, et notamment l’attaque perpétrée par les houthistes contre l’aéroport international d’Abha.  Ces « attaques constantes » contre l’Arabie saoudite par les houthistes constituent une « menace flagrante et permanente » à la sécurité de la région, a-t-il estimé, jugeant qu’un embargo sur les armes devrait être adopté pour remédier à la situation.

Le représentant a par ailleurs appelé les parties à procéder à l’ouverture de corridors humanitaires dans le cadre de l’Accord de Stockholm.  Selon lui, l’ONU devrait pouvoir accéder aux silos à grain de la mer Rouge (Red Sea Mills), dont le contenu pourrait permettre de nourrir plusieurs millions de personnes pendant 30 jours.  Pour sa part, le Gouvernement du Yémen s’est proposé d’ouvrir des voies d’accès à ces minoteries, a précisé le représentant.

En réponse à l’intervention du Directeur exécutif du PAM, qui a fait état « d’entraves graves » à l’accès humanitaire, le représentant a condamné les houthistes, selon lui les principaux responsables d’une possible suspension des opérations humanitaires.  Il a par conséquent appelé les parties à lever toutes les entraves à l’aide humanitaire pour éviter qu’un tel scénario ne se produise. 

M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen) a réitéré son engagement à appuyer les efforts du Secrétaire général et à coopérer avec son Envoyé spécial.  Il a dit que sa délégation avait fait des concessions et fait preuve d’ouverture pour parvenir à une paix durable au Yémen.  Ces efforts visent à alléger la souffrance du peuple et à parvenir à un État civil et moderne, avec la passation pacifique du pouvoir et le respect de l’état de droit.  Le Gouvernement a participé à l’ensemble des pourparlers avec une opposition « qui n’y croit pas », a-t-il dit.  Il a dénoncé au passage l’influence de l’Iran sur ces milices et les rebelles houthistes, les accusant de vouloir déstabiliser la région et le monde entier.  « Ils font durer la guerre, entravent les efforts de paix, bravent les efforts du Conseil de sécurité, et tentent de mettre la main sur le port de Hodeïda. »

Le Gouvernement yéménite insiste sur l’importance de mettre en œuvre l’Accord de Stockholm, y compris l’échange de prisonniers, a réitéré le représentant, et ce, « en dépit de l’intransigeance des rebelles houthistes ».  Il a aussi affirmé que le Gouvernement réitère son engagement à la paix et à mettre fin au conflit.  Ravi de la visite de la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, le 10 juin, il a salué l’engagement du Secrétaire général à faire respecter l’Accord de Stockholm et le travail du mécanisme tripartite sur le retrait des rebelles houthistes.  Ces derniers ont confirmé la présence de leurs éléments dans le port de Hodeïda, le 15 mai 2019, a dénoncé M. Al-saadi.  Ils profitent à son avis des atermoiements et des louvoiements internationaux pour laisser souffrir le peuple yéménite, a-t-il pourfendu. 

Depuis le début du mandat de l’Envoyé spécial, le mot d’ordre est de renforcer la confiance conformément à l’Accord de Stockholm, a-t-il relevé.  Les houthistes, par contre, font tout le contraire, a-t-il affirmé.  Il a assuré que le Gouvernement faisait tout ce qui était en son pouvoir pour contourner les obstacles et payer les fonctionnaires et les pensions des retraités, alors que les houthistes refusent de payer leurs contributions du fait de leur occupation de la Banque centrale à Aden et de ses succursales dans d’autres villes.  Les houthistes profitent du chaos pour imputer la responsabilité de la situation humanitaire au Gouvernement yéménite, a-t-il accusé.

Le représentant a appelé le Conseil de sécurité et la communauté internationale à mettre un terme à ces violations.  Il a demandé de cesser d’envoyer des messages ambigus qui pourraient conforter les houthistes dans leurs actions.  Il faut des mesures plus strictes pour faire cesser les attaques des rebelles contre les villes et les populations, a-t-il demandé.  Il a également attiré l’attention sur la pose de plus d’un million de mines par les milices houthistes depuis le début du conflit.  « C’est du jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », a estimé le représentant. 

Il a aussi rappelé avoir déjà alerté l’ONU sur le délabrement du pétrolier SAFER au large de Hodeïda, qui risque de causer une marée noire en mer Rouge.  Ceux qui entravent l’accès à ce pétrolier pour y apporter les réparations nécessaires sont, là encore, les houtistes, a-t-il accusé.  Il a aussi dénoncé l’attaque de l’aéroport d’Abha, en Arabie saoudite, qui montre que les houthistes ne respectent pas leurs engagements et qu’ils sont aidés par l’Iran.  Dans sa conclusion, il a demandé au Conseil de sécurité de faire respecter ses résolutions sur le Yémen. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Burundi prépare les élections générales de 2020 dans un contexte jugé insuffisamment inclusif par certains intervenants

8550e séance – après-midi
CS/13844

Conseil de sécurité: le Burundi prépare les élections générales de 2020 dans un contexte jugé insuffisamment inclusif par certains intervenants

Cet après-midi, pour la première fois depuis février dernier, le Conseil de sécurité s’est réuni pour examiner la situation au Burundi, plongé dans les préparatifs des élections présidentielle et parlementaires de 2020, qui se déroulent dans un contexte préoccupant à plusieurs égards, selon le Sous-Secrétaire général chargé du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, M. Oscar Fernandez-Taranco.

« L’attention du Gouvernement se porte sur la préparation des élections générales de 2020 et celui-ci continue de mobiliser les citoyens en ce sens.  La Commission électorale nationale indépendante (CENI) poursuit ses efforts pour sensibiliser la population aux valeurs démocratiques, dans la perspective de scrutins pacifiques et crédibles », a expliqué le haut fonctionnaire, tout en précisant que la réunion de la CENI initialement convoquée le 14 juin pour annoncer le calendrier électoral avait été reportée.

Autres développements sur le plan électoral ces derniers mois: le 20 mars, le Congrès national pour la liberté (CNL) d’Agathon Rwasa a été autorisé à tenir son premier congrès ordinaire permettant à ce parti politique d’opposition de désigner ses représentants nationaux.  Et le 17 avril, le code électoral a été adopté à une large majorité par l’Assemblée nationale et approuvé à l’unanimité par le Sénat le 24 avril.  Toutefois, a indiqué M. Fernandez-Taranco, « certains membres de l’opposition ont dénoncé le processus entourant l’adoption du code électoral.  À leur avis, il a été insuffisamment consultatif et manquait du consensus requis par le cadre juridique régissant l’organisation et la conduite des élections en 2020 ». 

Le représentant du Burundi a considéré, pour sa part, que les préparatifs des élections de 2020 étaient très avancés.  « Les mécanismes nationaux de préparation se mettent en place progressivement alors que les gestes d’apaisement favorisant un climat propice à la tenue des élections se multiplient », s’est-il enorgueilli, en invoquant plusieurs mesures à l’appui de ses propos.  Outre la mise en place de la CENI et l’adoption du code électoral, il a cité la décision de financer l’ensemble du cycle électoral à partir des ressources nationales, une volonté d’appropriation saluée par plusieurs membres du Conseil.

S’il s’est félicité de ces mesures du Gouvernement burundais, le Commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité, M. Smaïl Chergui, a toutefois relayé les griefs des partis d’opposition, qui se plaignent d’arrestations arbitraires et d’entraves à leurs activités politiques.  Il a conclu que le climat politique devient de plus en plus « délicat » et que « l’horizon se ferme à mesure que l’année des élections approche », un sentiment qui contraste avec « l’élargissement de l’espace politique » dont la délégation burundaise s’est faite aujourd’hui l’écho.

En mission à Bujumbura en mai dernier, le Président de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, M. Jürg Lauber, a confirmé les préoccupations de membres de l’opposition relatives à la liberté de réunion et aux restrictions imposées aux médias, accusés d’avoir enfreint la règlementation en vigueur.  Le Royaume-Uni a d’ailleurs demandé que soit levée l’interdiction d’émettre imposée à la BBC.  « La situation ne pose pas de menace à la paix et à la sécurité internationales et, durant ma visite, aucun incident n’a été reporté », a conclu M. Lauber, en déplorant, toutefois, que des incidents violents présumés et des violations des droits de l’homme n’auraient pas fait l’objet d’enquêtes et de poursuites adéquates.

Des incidents qui « jettent une ombre » sur le processus électoral en cours au Burundi, selon les États-Unis, dont l’inquiétude a été partagée par la Belgique, la France et l’Allemagne, ou encore la Pologne, laquelle a aussi demandé au Burundi de prendre des mesures concrètes pour rétablir sa coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et avec la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Pour la délégation burundaise, soutenue sur ce point par la Fédération de Russie, « il est clair » que la situation dans son pays figure à l’agenda « surchargé » du Conseil de sécurité pour des « raisons politiques » et des « intérêts extérieurs » qui n’ont rien à voir avec le « bien-être » de son peuple.  Rejetant l’organisation de « réunions en cascade » sur le Burundi, le représentant a réitéré l’appel « légitime » de son gouvernement pour que soit retiré ce point de l’ordre du jour du Conseil.  « La place du Burundi devrait être au niveau des agences et programmes des Nations Unies traitant du développement socioéconomique pour accompagner les efforts nationaux dans la mise en œuvre de son programme national de développement », a-t-il plaidé.

Sur le plan humanitaire, le délégué burundais s’est félicité du retour « massif et volontaire » des réfugiés ayant fui le pays en 2015, en avançant le chiffre de 70 285 rapatriements entre le 1er août 2017 et le 29 mai 2019.  « Cela témoigne, selon la délégation, du retour à la paix, à la tranquillité et la stabilité dans le pays, nonobstant les propos de certains acteurs étrangers qui continuent délibérément de gonfler le nombre de ceux encore en exil pour maintenir le Burundi dans une psychose artificielle », a-t-il lancé.

Selon le Sous-Secrétaire général, au 30 avril 2019, le nombre de réfugiés burundais accueillis dans la sous-région se chiffrerait encore à 352 000.  Il a donc encouragé le Gouvernement du Burundi à travailler en étroite collaboration avec ses partenaires pour faire en sorte que l’assistance parvienne aux plus démunis en temps opportun.  Mais aussi les partenaires internationaux, priés d’augmenter leurs contributions car « le plan d’intervention humanitaire, qui requiert 106,4 millions de dollars, n’est actuellement financé qu’à hauteur de 24%, tandis que le plan régional d’intervention pour les réfugiés, nécessitant 296 millions de dollars, n’est financé qu’à 17% ».

LA SITUATION AU BURUNDI

Déclarations

M. OSCAR FERNANDEZ-TARANCO, Sous-Secrétaire général chargé du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, a fait le bilan de quelques développements notables au Burundi depuis février dernier.  L’attention du Gouvernement est axée sur la tenue des élections générales de 2020 et celui-ci continue de mobiliser ses citoyens pour contribuer à leur préparation, a-t-il dit.  La Commission électorale nationale indépendante (CENI) poursuit ses efforts pour sensibiliser la population aux valeurs démocratiques, dans la perspective d’élections pacifiques et crédibles.  La réunion de la CENI initialement convoquée le 14 juin pour annoncer le calendrier des élections générales a été reportée. 

Le 20 mars, après bien des atermoiements, a rapporté M. Fernandez-Taranco, le Congrès national pour la liberté (CNL) d’Agathon Rwasa a été autorisé à tenir son premier congrès ordinaire permettant au parti politique de désigner ses représentants nationaux.  Le 17 avril, le code électoral a été adopté à une large majorité par l’Assemblée nationale et approuvé à l’unanimité par le Sénat le 24 avril.  Certains membres de l’opposition ont dénoncé le processus entourant l’adoption du code électoral.  À leur avis, le processus manquait de la large consultation et du consensus requis pour le cadre juridique régissant l’organisation et la conduite des élections en 2020.  Dans ce contexte, la situation des droits de l’homme, a constaté le Sous-Secrétaire général, reste préoccupante compte tenu des nombreuses violations des libertés civiques et politiques fondamentales dénoncées par les acteurs politiques, certains médias et des organisations de la société civile.  La hausse du chômage et celle des prix des produits et des services de base ont eu un impact négatif sur les droits économiques et socioculturels. 

La situation humanitaire n’a pratiquement pas changé, a-t-il poursuivi.  Malgré une production agricole relativement satisfaisante cette année, près de 1,8 million de personnes restent menacées par l’insécurité alimentaire en raison de risques climatiques récurrents et dévastateurs.  Au 30 avril 2019, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés estimait à environ 352 000 le nombre de réfugiés accueillis dans la sous-région.  « Nous encourageons le Gouvernement du Burundi à travailler en étroite collaboration avec ses partenaires pour faire en sorte que l’assistance parvienne aux plus démunis en temps opportun.  Nous encourageons également les partenaires internationaux à augmenter leurs contributions car le plan d’intervention humanitaire, qui requiert 106,4 millions de dollars, n’est actuellement financé qu’à hauteur de 24%, tandis que le plan régional d’intervention pour les réfugiés, nécessitant 296 millions de dollars, n’est financé qu’à 17%. »

Par ailleurs, le haut fonctionnaire a fait état du rapport du vingtième Sommet ordinaire des chefs d’État de la communauté de l’Afrique de l’Est, tenu le 1er février à Arusha.  Ce document synthétise les cinq sessions du dialogue interburundais ainsi que la feuille de route du facilitateur pour soutenir le Burundi en prévision des élections générales de 2020.  Il s’est ensuite étendu sur les échanges entre l’Envoyé spécial M. Michel Kafando et l’Union africaine, et dans la sous-région, dans le but de stimuler les discussions, notamment sur la poursuite du partenariat de l’ONU avec la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE)et l’Union africaine.  Dans les efforts collectifs en faveur du Burundi, il a suggéré trois pistes d’action possibles: convoquer une réunion des garants de l’Accord d’Arusha en vue de réaffirmer sa centralité pour la stabilité politique du Burundi; appuyer l’Union africaine et la sous-région dans le cadre des élections dans la sous-région; et poursuivre le groupe de travail technique conjoint (CAE-UA-ONU) à l’appui des efforts dirigés par la région sur le Burundi.

Tout au long des consultations, les interlocuteurs de l’Envoyé spécial ont dit la nécessité de respecter la souveraineté du Burundi, tout en soulignant qu’il importait de poursuivre la coopération entre l’ONU, la Communauté de l’Afrique de l’Est et l’Union africaine pour soutenir le pays, en particulier dans le contexte des prochaines élections de 2020.  L’Envoyé spécial Kafando retournera dans la région pour s’entretenir avec le Médiateur sur la meilleure façon pour l’Union africaine et l’ONU de soutenir les efforts régionaux.  « Lorsque les consultations de l’Envoyé spécial seront dûment clôturées, les résultats serviront de base au Secrétaire général pour définir et recommander au Conseil de sécurité la voie à suivre », a ajouté M. Fernandez-Taranco.

SMAIL CHERGUI, Commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité, a réaffirmé l’attachement de l’Union africaine (UA) à la restauration de la paix et de la stabilité au Burundi.  Depuis le déclenchement de la crise en 2015, l’UA est convaincue que seul un dialogue inclusif interburundais peut aboutir à un règlement durable de la crise politique.  C’est dans cette optique, a expliqué M. chergui, que l’UA a soutenu la médiation de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) conduite par le Président Ougandais, M. Museveni, et le facilitateur, l’ancien Président Benjamin Mkapa.

Pour autant et malgré les efforts de médiation, le dialogue interburundais dont le cinquième tour tenu en octobre 2018 a été qualifié d’échec, n’a pas enregistré de franches avancées.  Face à cette situation, le Président de la Commission, M. Moussa Mahamat, a exprimé son regret et sa préoccupation quant à l’impasse persistante dans ce dialogue, ce qui met en péril les gains de l’Accord d’Arusha.  Il n’y a pourtant pas d’autre alternative qu’un dialogue interburundais, a estimé M. Chergui, pour lequel cela représente le seul moyen de promouvoir et renforcer la cohésion nationale, qui permettra à son tour de restaurer la paix et la sécurité ainsi que la réconciliation.

M. Chergui a encouragé une mise en place plus rapide de conditions favorables à l’organisation d’une élection libre, transparente et pacifique.  Les élections de 2020 ne doivent pas constituer une source supplémentaire de division entre les burundais, a-t-il précisé.  Rappelant que l’UA avait salué la déclaration faite par le Président Pierre Nkurunzia en juillet 2018 de ne pas se porter candidat à l’élection présidentielle de 2020, la Commission a été chargée d’accompagner le Gouvernement burundais et les partis politiques en vue de travailler ensemble pour le bon déroulement des prochaines élections.  C’est dans ce cadre que M. Chergui s’est rendu à Bujumbura du 5 au 7 novembre 2018 pour une mission d’écoute.  Il s’est félicité des mesures adoptées par le Gouvernement pour entamer les processus préparatoires des élections, en particulier la création, le 31 août 2018, d’une Commission électorale nationale indépendante.  Les partis d’opposition se plaignent néanmoins d’arrestations arbitraires de leurs membres, a poursuivi le haut responsable, et d’entraves à leurs activités politiques sur le terrain.  Il a reconnu que le climat politique devient de plus en plus délicat et que « l’horizon se ferme au fur et à mesure que l’année des élections approche ». 

Parmi les autres défis à relever par le Burundi, notamment en matière de gouvernance, le Commissaire a cité la persistance de la violence et des violations des droits de l’homme dans les provinces du pays.  Sur le plan humanitaire, c’est la situation des réfugiés et des personnes déplacées qui le préoccupe même si le rapatriement des réfugiés burundais de la sous-région continue.  En 2017, 13 176 personnes ont été rapatriées de la Tanzanie et de l’Ouganda, un chiffre qui est tombé à 9 825 en avril 2019.

Sur le plan économique, a poursuivi M. Chergui, la situation reste précaire, et la lutte contre la pauvreté dans le cadre du Programme national de développement 2018-2027 nécessite une attention urgente.

En conclusion, M. Chergui a réaffirmé l’engagement de l’UA à continuer à soutenir tous les efforts visant à trouver une solution durable et consensuelle à la situation dans cette phase critique en vue d’assister le Burundi dans l’organisation d’élections libres et transparentes.  C’est dans ce cadre que le Conseil de paix et de sécurité a demandé à la Commission, conjointement avec la CAE, et en coordination avec les Nations Unies et tous les partenaires concernés, de consentir des efforts supplémentaires susceptibles d’accompagner le Burundi dans sa recherche d’une paix et d’une stabilité durables.  Une piste à explorer à ce titre serait de réactiver le Groupe des garants de l’Accord d’Arusha de 2005, a-t-il proposé.

M. JÜRG LAUBER, Président de la formation Burundi de la Commission de la consolidation de la paix, a informé le Conseil de sécurité des résultats de sa dernière visite au Burundi du 5 au 10 mai 2019.  Il a précisé que sa déclaration a été approuvée par les 54 membres de la Commission y compris le Burundi.  La visite s’était focalisée sur quatre points: la situation politique et les possibilités de soutenir le Burundi dans l’organisation d’élections libres, justes, inclusives et pacifiques en 2020, la dimension socioéconomique et l’engagement entre le Burundi et les partenaires internationaux autour des priorités identifiées dans le plan national du Burundi 2018-2027, les initiatives de réconciliation nationale et de résolution de conflit au niveau local et les besoins immédiats et à long-terme du peuple burundais. 

Les autorités du Burundi, a indiqué M. Lauber, ont dit que tous les instruments nécessaires au bon déroulement des élections sont en place que le pays financera par ses propres ressources les scrutins.  Le code électoral a été adopté par l’Assemblée nationale.  Elles ont réitéré que le Président Pierre Nkurunziza ne se porterait pas candidat à ces élections.  Elles ont aussi parlé de la nécessité d’appui technique dans le domaine de la formation de la police et de la réforme du secteur de la sécurité.  La Commission électorale nationale indépendante (CENI) devrait inviter des observateurs internationaux et régionaux. 

De leur côté, les autres interlocuteurs, dont des partis de l’opposition, ont réitéré leur intention de participer aux élections de 2020, a poursuivi l’intervenant.  Ils ont souligné l’avancée des préparations et la nécessité d’un processus inclusif.  Certains ont fait entendre leurs préoccupations concernant les difficultés rencontrées par les membres de l’opposition de se réunir librement.  D’autres sont préoccupés par les mesures récemment prises contre deux médias étrangers qui auraient violé les réglementations nationales.  À Bujumbura, les autorités ont confirmé que la situation sécuritaire dans le pays était calme et stable.  La situation ne pose pas de menace à la paix et à la sécurité internationales et, durant la visite, aucun incident n’a été reporté. 

Toutefois, a poursuivi M. Lauber, des interlocuteurs ont exprimé leurs inquiétudes au sujet d’incidents violents présumés et de violations des droits de l’homme qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes et de poursuites adéquates.  Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à Bujumbura a été fermé fin février à la demande des autorités.  Le Ministère des droits de l’homme, des affaires sociales et du genre a confirmé sa disposition à s’engager dans une coopération technique avec les organes internationaux des droits de l’homme.  M. Lauber a souligné le travail en cours pour la mise en œuvre des recommandations liées à l’examen périodique universel du Burundi au Conseil des droits de l’homme.  La Commission nationale indépendante des droits de l’homme s’est également dite prête à coopérer avec les partenaires afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme au Burundi. 

Concernant le dialogue socioéconomique, les autorités étaient satisfaites du résultat positif de la réunion de haut niveau sur la nutrition organisée par le Ministère des finances avec les partenaires internationaux en avril à Washington, a rapporté M. Lauder.  Pour ce qui est de la mise en œuvre du plan national de développement, elles ont l’intention de mobiliser des ressources extérieures pour compléter les fonds nationaux.  Sur le terrain, un projet financé par le Fonds pour la consolidation de la paix a montré l’importance du travail d’un groupe de « femmes médiatrices » pour atténuer les tensions et résoudre les conflits au niveau communautaire.  Quelques améliorations ont pu être constatées par rapport à l’année dernière s’agissant de la satisfaction des besoins immédiats et à long-terme de la population.  D’importants financements demeurent néanmoins nécessaires y compris le plan de réponse humanitaire. 

Fort de l’expérience de cette visite, M. Lauder a formulé cinq recommandations: des élections libres, justes, inclusives et pacifiques en 2020 sont essentielles pour assurer les conditions d’une paix durable; la période électorale ne devrait pas ralentir le développement socioéconomique du pays; les États Membres, les partenaires de l’ONU et le Burundi doivent travailler ensemble pour créer un environnement favorable à la réalisation des droits de l’homme; les initiatives pour promouvoir la réconciliation et le dialogue y compris au niveau communautaire jouent un rôle crucial pour réduire les tensions durant la période électorale;  et le retour volontaire et ordonné des réfugiés reste une question fondamentale qui exige un financement supplémentaire afin de leur permettre un retour digne et volontaire et d’aider à leur réintégration durable. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a insisté sur trois points.  Tout d’abord, il a estimé que le Burundi ne retrouvera le chemin de la stabilité qu’avec l’organisation d’élections « libres et inclusives » en 2020.  S’il a salué l’engagement du Président Nkurunziza à ne pas se représenter et la reconnaissance, en février, du principal parti d’opposition, le représentant a souhaité « des gestes supplémentaires », notamment le libre accès de tous les partis au territoire burundais et le respect des droits des opposants.  « La mobilisation de la région est indispensable », a-t-il déclaré ensuite, en saluant notamment le rôle de la Communauté des États d’Afrique de l’Est. 

Enfin, M. Delattre a fait valoir qu’à un an des élections, et compte tenu de la remise en cause de certains équilibres prévus par l’Accord d’Arusha, et des préoccupations que suscite la présence de foyers de tensions périphériques à l’échelle de la région, « le Conseil de sécurité ne peut pas se désintéresser de la situation au Burundi ».  La France, a-t-il rappelé, apporte un soutien déterminé aux efforts de médiation de l’ONU. 

Mme JOHANNA ELIZABETH MARAIS (Afrique du Sud) a dit soutenir la facilitation de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la désignation du Président ougandais comme médiateur pour le Burundi.  L’Afrique du Sud est d’avis qu’il faut coordonner les positions du Conseil de sécurité avec celles du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) quand il est question de sujets relatifs à l’Afrique.  Dans le cas du Burundi, c’est la CAE qui supervise le processus lié au Burundi, a-t-elle rappelé, avant de demander de « laisser cette organisation et l’UA prendre les choses en main, avec la coordination de l’ONU ».  L’Afrique du Sud invite le Gouvernement burundais à créer les conditions d’un dialogue avec les principales parties prenantes du processus de la CAE. 

En tant que garante de l’Accord d’Arusha, l’Afrique du Sud se dit prête à apporter son soutien au Gouvernement et au peuple burundais dans le cadre de la démocratisation du pays.  La délégation félicite le Gouvernement pour certaines mesures prises comme la mise en place d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI) ou encore l’adoption du code électoral, ainsi que l’engagement des autorités à mettre en œuvre la feuille de route de Kayanza qui ouvre la voie à des élections pacifiques en 2020.  L’Afrique du Sud salue aussi la volonté du Gouvernement de financer l’organisation des élections avec des fonds propres, tout en se félicitant de la décision du Président Pierre Nkurunziza de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2020.  Par ailleurs, la déléguée a invité la communauté internationale à soutenir les capacités burundaises en matière de maintien de la paix, notamment au vu des quelque 6 000 Burundais déployés dans différentes opérations de maintien de la paix de l’ONU.  Après avoir prié la communauté internationale et le Conseil de sécurité de redoubler d’efforts pour résoudre la crise humanitaire au Burundi, elle a réitéré l’appel lancé au trente-deuxième Sommet de l’Union africaine pour la levée des sanctions unilatérales imposées par l’Union européenne. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a réitéré la préoccupation de la Belgique par rapport à la situation des droits de l’homme et à la situation socioéconomique au Burundi, ainsi que sa disponibilité pour le dialogue avec les autorités burundaises concernant la mise en œuvre de son Plan national de développement et du Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (2019-2023).  Il a souligné l’importance des élections de 2020 et a plaidé pour un processus électoral transparent et suffisamment inclusif pour éviter les contestations.  Cela devrait passer, selon le délégué, par une feuille de route consensuelle où les principaux acteurs s’accordent sur les préparatifs et les modalités des élections, mais aussi sur les conditions nécessaires pour garantir des élections pacifiques.  À cet égard, il a lancé un triple appel aux acteurs burundais: que l’espace politique et médiatique ne soit pas verrouillé à l’avance; que les élections ne soient pas boycottées; et qu’elles puissent être observées de manière indépendante.  Pour la Belgique, l’inclusion signifie aussi la participation des nombreux acteurs politiques pacifiques qui se sont exilés ces dernières années et, « bien entendu », le respect de l’esprit et de la lettre de l’Accord d’Arusha.

Si toutes ces conditions sont réunies, il semble important de réfléchir au soutien à apporter à ce processus, a estimé le représentant, tant sur le plan bilatéral qu’au niveau des Nations Unies.  Dans ce cadre, la Belgique se félicite de l’adoption du nouveau code électoral et de l’annonce de la Commission électorale nationale indépendante selon laquelle elle invitera des observateurs internationaux et régionaux à assister au processus électoral de 2020.  À l’approche de ces élections, une opportunité se présente, de l’avis du représentant, pour trouver une solution durable à certaines causes ou conséquences de la crise de 2015 qui sont toujours d’actualité.  Il a estimé qu’en termes de médiation, les activités de l’Union africaine ainsi que les garants de l’Accord d’Arusha pourraient complémenter et renforcer davantage celles actuellement entreprises par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a indiqué que seule l’instauration d’un dialogue interburundais inclusif, dans l’esprit de l’Accord d’Arusha, et bénéficiant du soutien de la communauté internationale, y compris les Nations Unies et l’Union africaine, permettra au Burundi de faire face aux défis multiples qui attendent d’être relevés.  La délégation appelle donc à la reprise d’un dialogue « hardi » entre toutes les forces vives burundaises, afin de créer un environnement apaisé, indispensable à la tenue d’élections transparentes, libres, inclusives et pacifiques en 2020. 

M. Adom a souligné que la question humanitaire, ainsi que le retour des réfugiés et des personnes déplacées internes doivent, autant que les défis politiques et sécuritaires, demeurer au cœur des préoccupations de la communauté internationale.  Il faut donc soutenir le Plan d’urgence pour le Burundi afin de faciliter le retour des personnes déplacées internes dans leur région d’origine, ainsi que celui des réfugiés qui sont estimés à 352 000, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).  De même, la Côte d’Ivoire appelle au dialogue entre le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et les autorités burundaises, afin de « dissiper les nuages d’incompréhensions et de méfiance », et faire face aux préoccupations relatives à la fermeture, le 28 février dernier, du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies au Burundi.  Enfin, la délégation plaide pour le soutien aux initiatives de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) visant la relance du dialogue politique interburundais. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a exhorté le Gouvernement burundais à respecter son engagement à mettre fin à la crise politique, et appelé la Communauté des États d’Afrique de l’Est à exercer ses bons offices.  Il est essentiel, a-t-il insisté, de garantir la protection de tous les civils, y compris les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme.  Il a également évoqué le sort des femmes et des filles réfugiées qui restent les principales victimes de la violence sexuelle et sexiste.  Le représentant a salué ensuite la visite récente du Président de la Commission de consolidation de la paix au Burundi et souligné l’importance de fournir un appui financier aux femmes actives dans ce domaine.  La République dominicaine, qui a récemment établi des relations diplomatiques avec le Burundi appelle les autorités à protéger la liberté d’expression, la liberté de la presse et l’accès à l’information, et, sur le plan international, à coopérer avec la Cour pénale internationale (CPI) et les acteurs humanitaires.  Le représentant s’est également dit préoccupé par les allégations de persécution de minorités religieuses. 

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a salué les efforts déployés par les acteurs impliqués dans le dialogue interburundais, qui ont conduit à l’adoption de la feuille de route de Kayansa pour les élections générales de 2020 et à la nomination des nouveaux membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).  Dans ce contexte, a-t-elle reconnu, il existe aujourd’hui au Burundi un « retour à la normale ».  La délégation a félicité le Gouvernement pour la volonté politique dont il fait preuve en vue de consolider le calme et la stabilité et conduire à bien le processus électoral.  Cet esprit de réconciliation s’est illustré, en autres, par le retour d’exil de cinq dirigeants politiques. Soulignant l’évolution « très positive » de la situation, laquelle ne menace pas la paix et la sécurité internationales, la déléguée a souhaité que le Conseil de sécurité retire le Burundi de son ordre du jour et consacre ses ressources à d’autres pays gravement en crise.  

M. DAVID CLAY (Royaume-Uni) a regretté le manque de progrès dans le dialogue interne burundais, avant de demander à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) de faire montre d’un rôle de chef de file dans les efforts déployés pour atténuer la situation dans le pays.  Il est possible d’avoir une transition démocratique du pouvoir pour la première fois en 40 ans dans le pays, a espéré le représentant, en faisant référence aux élections qui doivent se tenir en 2020.  Il a ensuite regretté les restrictions qui pèsent sur la liberté d’expression dans les médias, y compris étrangers, dont la BBC qui s’est vue retirer son autorisation d’émettre.  La délégation britannique s’est également émue de constater qu’au 31 mars, environ 125 000 Burundais étaient déplacés, et a donc salué le rôle joué par le Haut-Commissariat des Nations Unies (HCR) vis-à-vis d’eux.

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) s’est dit déçu par le manque de progrès depuis le Sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est, le 1er février.  Il semble qu’aucune mesure n’a été prise par le leadership régional depuis la dernière réunion du Conseil sur le Burundi, en février, a relevé le représentant, alors que les Burundais continuent de fuir leur pays sous la pression politique.  Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a noté le représentant, indique que si 8 253 réfugiés burundais ont été aidés à rentrer chez eux volontairement entre janvier et avril l’année dernière, pendant la même période, 2 569 autres personnes ont fui le pays pour la première fois.  Le représentant a donc appelé la Communauté d’Afrique de l’Est à redynamiser les pourparlers et jugé important que toutes les parties s’engagent en faveur du processus mené par la Communauté et parviennent à un accord, en prévision des élections de 2020.

L’espace civique et politique est essentiel pour des élections libres et justes, a-t-il insisté, en regrettant les informations continues sur les violations des droits de l’homme qui jettent une ombre sur le Burundi et ses préparatifs électoraux.  Le représentant a dénoncé les arrestations arbitraires, les intimidations, les passages à tabac et les enlèvements, du fait, en particulier, de la jeunesse du parti au pouvoir.  Ce sont là de graves menaces à la paix et à la sécurité du pays, a-t-il asséné.  Une presse libre, a poursuivi le représentant, est indispensable pour la démocratie.  Il a appelé le Gouvernement du Burundi à respecter la liberté de la presse et à permettre aux journalistes de travailler de manière indépendante, sans peur de la violence et des menaces de fermeture.

Le représentant a aussi appelé le Gouvernement du Burundi à répondre aux informations persistantes et fiables sur les transferts illicites d’armes, le recrutement de combattants et les activités des groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo, lesquels groupes armés sont liés au Burundi.  Il est temps pour toutes les parties au Cadre de coopération de 2013 de respecter leur engagement à ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des pays voisins et à refuser tout appui ou refuge aux groupes armés.

La région des Grands Lacs a une chance de se transformer en réseau interconnecté de paix et de prospérité.  En résolvant sa crise politique et en renforçant le respect des droits de l’homme, le Burundi pourrait jouer un rôle central dans cet effort, a conclu le représentant, en se disant préoccupé par l’échec des Nations Unies à présenter les rapports à temps, comme le leur demande le Conseil de sécurité.

M. HAITAO WU (Chine) a estimé que la situation au Burundi s’était améliorée ces derniers mois, en considérant que la communauté internationale devait respecter le rôle de chef de file du Burundi lui-même et soutenir la mise en place d’un environnement favorable à la tenue d’élections en 2020.  La création de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) démontre, selon lui, que les autorités du Burundi ont la volonté d’aller de l’avant sur ce point.  La délégation chinoise a espéré que les bailleurs de fonds contribueront plus généreusement au plan régional et que les organisations internationales reprendront leur coopération économique en faveur du développement du Burundi. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a pris note des développements récents dans la préparation des élections générales au Burundi dont l’adoption du nouveau code électoral et l’annonce importante du Président Nkurunziza qu’il ne se représenterait pas.  Pour le Pérou, le succès du processus électoral dépendra en grande partie de l’accompagnement dont il bénéficiera de la part de l’Union africaine et de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) ainsi que de la communauté internationale.  Le représentant a également encouragé la revitalisation du dialogue interburundais et souligné l’importance de la réconciliation nationale et des travaux de la Commission vérité et réconciliation, conformément à l’Accord d’Arusha. 

Le Pérou reste également préoccupé par les rapports faisant état de violations des droits de l’homme au Burundi et souligne qu’il faut que ces actes fassent l’objet d’enquêtes et que leurs responsables soient traduits en justice.  Le représentant a mis l’accent sur la situation humanitaire dans le pays, et en particulier celle des réfugiés et des personnes déplacées en lançant un appel aux autorités burundaises pour qu’elles fassent preuve de la volonté politique nécessaire pour permettre leur retour en toute sécurité et leur réinsertion dans le tissu social sur la base de normes internationales.  Enfin, il a insisté sur l’importance de la mise en œuvre du plan national pour le développement (2018-2027) et du Plan-cadre pour l’aide au développement des Nations Unies (2019-2023).

M. ALEXANDER V. REPKIN (Fédération de Russie) s’est demandé « pour quelle raison certains de ses collègues ont insisté pour la tenue de cette réunion, alors qu’aucun développement sur le terrain ne la justifie et que la situation est en cours de normalisation ».  Le référendum constitutionnel s’est déroulé dans le calme, la majorité de la population y ayant pris part.  La délégation s’est prononcée contre l’ingérence dans les affaires internes d’un pays, en particulier dans le cadre des élections présidentielle et parlementaires prévues en 2020.  Ce qu’il importe, c’est que le dialogue se poursuive, a souligné le représentant, en appelant les autorités et l’opposition à s’abstenir de toute rhétorique incendiaire pour se concentrer sur les préparatifs du scrutin.  Après avoir salué le plan national de développement adopté pour la période 2020-2025, le représentant s’est déclaré convaincu que la situation au Burundi ne représente pas de menace pour la paix et la sécurité internationales et que cette question devait être retirée de l’ordre du jour « déjà surchargé » du Conseil de sécurité.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) s’est dit préoccupé par la crise politique irrésolue, la situation sécuritaire volatile et les tensions régionales qui en découlent, menaçant la paix et la sécurité dans toute la région.  Il a encouragé les acteurs régionaux à jouer un rôle constructif pour imprimer un nouvel élan aux négociations et au dialogue.  Il a jugé nécessaire que le pays organise des élections libres, justes et inclusives en 2020 pour stabiliser durablement le pays et rétablir la confiance au sein de la population.  Le représentant s’est, d’ailleurs, dit très préoccupé par la situation des droits de l’homme et la crise humanitaire en cours.  Il a estimé que l’Envoyé spécial devrait pouvoir venir informer le Conseil de sécurité.  Il a encouragé la région à obtenir l’accès de l’Envoyé spécial au Burundi pour qu’il puisse exécuter son mandat.  L’Envoyé spécial doit d’ailleurs, dans le respect des mandats, collaborer avec son homologue pour les Grands Lacs et se concentrer sur la situation interne du Burundi, en mettant l’accent sur les élections de 2020, les bons offices et les efforts de consolidation de la paix. 

Quant au Conseil de sécurité, a poursuivi le représentant, il doit maintenir le Burundi à son ordre du jour.  Les élections de 2020 seront cruciales, a-t-il insisté, en souhaitant des rapports réguliers du Secrétaire général et en estimant qu’il faut travailler à un compromis réalisable pour éviter les discussions répétitives tous les trois mois.  Il est temps pour la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) mais aussi pour les membres du Conseil de sécurité, qui ont prouvé leur importance et leurs capacités, de s’engager.  Les garants de l’Accord d’Arusha doivent assumer leurs responsabilités. 

Qu’est-ce qui vous fait croire au potentiel de la relance du processus mené par le Président Mpaka, sous les auspices du Président Museveni et logistiquement appuyé par les Nations Unies? a demandé le représentant aux intervenants principaux.  Est-ce que l’appui des Nations Unies aux élections de 2020 est vraiment réaliste et faisable, compte tenu de l’attitude hostile du Gouvernement du Burundi?  Comment peut-on obtenir un engagement plus fort des pays de la région?

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a constaté qu’un calme relatif règne au Burundi, souhaitant que cette tendance se pérennise, avant de saluer la volonté d’appropriation nationale exprimée par les autorités burundaises dans l’organisation des élections en 2020.  Selon lui, les organisations régionales et sous-régionales devraient se voir accorder un espace suffisant à l’appui du Burundi, nommément la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’Union africaine.  La délégation a également préconisé d’augmenter l’assistance humanitaire au Burundi, 2019 étant une année record pour le nombre de réfugiés de retour dans le pays.  Elle a salué les projets transfrontaliers innovants, soutenus par le Fonds pour la consolidation de la paix, qui ont contribué à l’amélioration des conditions de vie de ces populations.  « Et pourtant, il est désolant de voir que le Plan de réponse régional pour le Burundi est l’un des moins bien financés au monde », a constaté M. Djani.  Enfin, a-t-il dit, il faut éviter à tout prix que le Burundi ne retombe dans la situation qui prévalait auparavant.  À cet égard, le rôle de la Commission de consolidation de la paix (CCP) demeure crucial, notamment pour encourager les autorités du Burundi à identifier les formes d’assistance dont elles ont besoin en prévision de l’élection en 2020.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a salué les efforts déployés par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) pour faciliter le dialogue burundais inclusif, encourageant tous les partenaires régionaux à s’engager dans le processus de médiation qui pourrait déboucher sur une feuille de route largement acceptée pour la tenue d’élections crédibles.  Il a appelé les autorités burundaises à s’engager dans un dialogue véritable avec leurs partenaires internationaux, notamment l’ONU, afin de briser l’impasse politique et à œuvrer à l’amélioration de la situation socioéconomique.  « Le risque d’escalade violente et de tensions ethniques persiste au Burundi, bien que la sécurité et la stabilité prévalent dans un certain nombre de régions.  Les autorités devraient être rappelées à leur obligation de garantir, protéger, et promouvoir les droits fondamentaux, y compris les libertés d’expression et de réunion », a indiqué la délégation, avant de demander au Gouvernement burundais de prendre des mesures concrètes pour rétablir sa coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et avec la Commission d’enquête dépêchée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a pris note de la décision des autorités burundaises de financer des élections prévues l’an prochain, le fait que l’actuel Président renonce à se présenter étant un gage de sérieux à ses yeux.  Sa délégation a ensuite souhaité que le Gouvernement burundais saisisse l’occasion que présente la situation actuelle pour s’engager dans un dialogue constructif avec toutes les parties prenantes en vue de veiller au déroulement des scrutins dans le calme.  Saluant les efforts de l’Union africaine et de la Communauté de l’Afrique de l’Est, il a exprimé l’espoir d’un règlement pacifique sur la base de l’Accord d’Arusha, appelant le Burundi à saisir l’occasion qui lui est offerte d’accélérer le processus politique.  « Les réformes socioéconomiques sont essentielles pour tout gouvernement afin de garantir un avenir prometteur.  Le Plan de développement décennal du Burundi est un pas dans la bonne direction », a dit le représentant.

M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) est revenu sur le Sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA) du mois de février 2019, et ses quatre messages clefs, en reprochant à M. Chergui de n’avoir pas fait référence à ce Sommet et d’avoir basé son intervention sur celui de 2018.  « Encore une fois, a-t-il regretté, quelques pays maintiennent des positions figées depuis plus de quatre ans au lieu de faire la lecture de la situation au Burundi avec objectivité et discernement alors que certains de ces pays se trouvent eux-mêmes en crise ».  Certains sont allés jusqu’à former une coalition, a-t-il remarqué, pour réclamer une réunion « inopportune » sur le Burundi le mois dernier, comme s’il y avait situation d’urgence dans le pays alors que la situation s’est normalisée depuis 2017.

Même si cette réunion du Conseil « lui a été imposée », M. Shingiro a saisi cette opportunité pour faire un tour d’horizon de la situation générale dans le pays depuis le 19 février, « tout en espérant que ce briefing sera le dernier sur mon pays, qui ne cesse de réclamer légitimement son retrait de l’agenda très chargé de ce Conseil ».  Reprenant la position de M. Lauber, il a affirmé que la situation politique et sécuritaire au Burundi est « tranquille, stable et entièrement maîtrisée ».  Les préparatifs des élections de 2020 sont très avancés aussi bien sur le plan organisationnel que budgétaire, a-t-il assuré.  Les mécanismes nationaux sur la préparation des élections se mettent en place progressivement alors que les gestes d’apaisement favorisant un climat propice à la tenue des élections se multiplient.  À ce titre, le représentant a notamment cité l’adoption de la feuille de route de Kayanza pour des élections pacifiques en 2020; la mise en place de la Commission électorale nationale indépendante; l’adoption du nouveau code électoral révisé en avril 2019; la décision de financer l’ensemble du cycle électoral sur les ressources nationales; l’élargissement de l’espace politique par l’agrément du nouveau parti d’opposition CNL; la décision volontaire du Président de la République de ne pas se représenter en 2020, et la libération de plus de 2 000 prisonniers dont des « casseurs et insurgés » de 2015, ce qui s’inscrit dans les efforts de promotion de la réconciliation nationale.

S’agissant du dialogue entre les partis politiques en vue de l’organisation d’élections apaisées en 2020, M. Shingiro a affirmé qu’il se poursuit « normalement » au Burundi dans un esprit d’ouverture et de tolérance, et a indiqué que certains leaders politiques qui avaient fui le pays en 2015 sont rentrés, parmi eux des anciens présidents et parlementaires.  Il a accusé « les acteurs étrangers qui semblent vouloir ramener cette question de dialogue hors du Burundi de viser la déstabilisation du pays à la veille des élections, de donner un coup de pouce aux putschistes de 2015 toujours en cavale et qui ne cessent d’agresser diplomatiquement et politiquement le Burundi depuis 2015, et de vouloir détourner l’attention des Burundais de l’essentiel, c’est-à-dire l’organisation des élections de 2020 et la mise en œuvre du plan national de développement ».  « Tous ces acteurs exogènes devront assumer leur responsabilité le moment venu de toutes les conséquences de leur ingérence dans les affaires qui relèvent de la souveraineté du Burundi », a menacé le représentant.

Pour ce qui est de la situation humanitaire, il s’est félicité du retour massif et volontaire des Burundais qui avaient fui le pays en 2015, en avançant le chiffre de 70 285 rapatriements entre le 1er août 2017 et le 29 mai 2019.  Pour la délégation burundaise, « il est clair » que le Burundi est inscrit à l’agenda du Conseil de sécurité pour des raisons politiques et des intérêts extérieurs qui n’ont rien à voir avec le bien-être du peuple burundais.  Selon elle, la place du Burundi devrait être au niveau des agences et programmes des Nations Unies traitant du développement socioéconomique.  « La diplomatie des muscles doit céder la place à la coopération mutuellement bénéfique et respectueuse », a tranché M. Shingiro.  « Ce ne sont pas ce genre de pressions injustes qui vont nous remettre à genoux 57 ans après la fin de la colonisation dans notre pays, une période cauchemardesque dont le peuple burundais essaie encore de se réveiller aujourd’hui. »  « Toute tentative de vouloir créer un nouveau rôle ou de redéfinir le rôle existant des Nations Unies pour s’occuper des élections au Burundi à la place des Burundais serait une atteinte à leur souveraineté et une violation flagrante de la Charte des Nations Unies », a-t-il prévenu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Darfour: divisions au Conseil de sécurité sur les conditions du retrait de la MINUAD face à l’incertitude qui prévaut à Khartoum, au Soudan

8549e séance – matin
CS/13843

Darfour: divisions au Conseil de sécurité sur les conditions du retrait de la MINUAD face à l’incertitude qui prévaut à Khartoum, au Soudan

C’est devant un Conseil de sécurité visiblement divisé face à l’évolution de la situation politique au Soudan que le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a présenté, ce matin, le rapport spécial du Président de la Commission de l’Union africaine et du Secrétaire général de l’ONU sur l’évaluation stratégique de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD).

Ce rapport, a expliqué M. Lacroix, a été finalisé dans un contexte de développements politiques importants au niveau national qui ont entraîné au Soudan « le début de changements radicaux dans un système de gouvernance vieux de 30 ans ».  Depuis lors, de nouveaux développements ont eu lieu, provoquant une situation de plus en plus imprévisible.  Ce qui avait commencé en décembre 2018, à la suite de contestations liées à des griefs socioéconomiques, a conduit à la destitution du Président Al-Bashir le 11 avril et à son remplacement par un Conseil militaire de transition, qui négocie actuellement avec le groupe d’opposition de la Déclaration pour la liberté et le changement, la nature et la structure du système de gouvernance.

Alors que le mandat de la Mission arrive à terme le 30 juin 2019, plusieurs pays, dont les porte-plumes, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont suggéré de procéder à un renouvellement technique afin de mesurer l’impact de cette situation sur la trajectoire prévue de la MINUAD.  À l’inverse, le Soudan, appuyé par d’autres délégations du Conseil, concentrées comme lui sur le sujet à l’ordre du jour, à savoir la MINUAD, a demandé que se poursuive le retrait de la Mission selon le calendrier fixé. 

M. Lacroix a invité le Conseil de sécurité à « examiner avec soin les options de retrait et de démantèlement de la MINUAD, conformément aux directives fournies dans la résolution 2429 (2018) et à la lumière des considérations du rapport ».  Ce dernier prévoit trois options.  Deux d’entre elles consistent en un retrait en deux phases, selon un calendrier similaire mais suivant deux rythmes différents: du 1er juillet au 31 décembre 2019 ou du 1er janvier au 30 juin 2020.  Une troisième option comporte trois phases, à savoir: du 1er juillet au 31 décembre 2019; du 1er janvier au 31 mars 2020 et du 1er avril au 30 juin 2020.  Selon l’équipe chargée de l’évaluation stratégique, la fermeture des bases d’opérations et les rapatriements prévus en juin 2020 pourraient être entravés par la saison des pluies, ce qui prolongerait la période de liquidation au-delà de 2020.

Le Secrétaire général adjoint est revenu sur le pillage du camp d’El Geneina les 14 et 15 mai par des civils et des membres des Forces de sécurité soudanaises; ainsi que sur le décret 102 du 13 mai du Conseil militaire de transition par lequel il est demandé à la Mission de transférer tous ses camps aux Forces d’appui rapide, en violation des règles et procédures de l’ONU.  « Compte tenu de ces développements, nous n’avons pas eu d’autres choix que de suspendre le transfert des sites de la MINUAD aux autorités soudanaises jusqu’à l’annulation du décret », a expliqué M. Lacroix. 

Alors que plusieurs délégations se sont insurgées contre ce décret qui a du reste été rejeté, hier, par un Communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), le représentant du Soudan a annoncé qu’une décision du Conseil militaire de transition datant également d’hier invite la MINUAD à retirer toutes ses forces armées et de sécurité des sites transférés au Soudan, et suspend par là-même le décret en question.

Le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, a pour sa part fait observer que les violences entre milices armées et forces de sécurité, ainsi que les affrontements intercommunautaires avaient diminué au Darfour.  Cependant, la situation des droits de l’homme dans la région a continué de se détériorer au cours des derniers mois, a-t-il déploré en citant des cas d’assassinats, d’enlèvements et de violences sexuelles.  Il s’est inquiété du fait que les forces de sécurité de l’État seraient les principales responsables d’actes de violence au Jebel Marra, alors même qu’elles sont chargées d’assurer la protection des civils.  Dans un tel contexte, a considéré M. Gilmour, « il est impératif que la MINUAD soit en mesure de poursuivre son mandat de protection des civils et des droits de l’homme ».

C’est également l’avis partagé par l’Allemagne et le Royaume-Uni, pour qui la MINUAD devrait pouvoir quitter le Soudan « sans laisser de vide sécuritaire », ce que la situation actuelle ne permet pas de garantir.  Par conséquent, ces deux pays préconisent « un renouvellement technique du mandat de la Mission en attendant que l’ONU et l’UA puissent élaborer une stratégie pour l’après-MINUAD et l’avenir du Soudan ».  Même son de cloche pour l’Afrique du Sud qui estime qu’à la lumière des derniers développements au Soudan, dont le Darfour fait intégralement partie, le Conseil devrait rejeter la demande de retrait de la MINUAD faite par le Conseil militaire de transition.  « Dans le contexte actuel, nous devons suspendre toute décision relative au retrait de la MINUAD », a résumé la France en plaidant pour un retrait « responsable et prudent ».  Pour les États-Unis, plusieurs incidents récents au Darfour remettent en question l’engagement du Conseil militaire de transition à respecter les droits des habitants du Darfour et d’agir de bonne foi pour instaurer une paix durable. 

À contrario, le Koweït ainsi que la Chine notent qu’à la lumière du dernier rapport du Secrétaire général, le retrait progressif de la Mission d’ici à 2020 doit se poursuivre ainsi que l’adaptation de son mandat.  « Il n’est pas question de faire autrement », a renchéri la Fédération de Russie qui a même dit être « surprise que certains collègues prennent le prétexte de l’ordre du jour de la réunion pour parler de la situation générale au Soudan, alors que le communiqué conjoint de l’ONU et de l’Union africaine appelait précisément à éviter toute ingérence dans les affaires intérieures soudanaises ».  Il a ajouté que « les Soudanais se mettront d’accord sans mentorat de l’étranger ».  « Ce qui se passe au Soudan est une affaire interne », a tranché le Soudan, avant de réagir face aux « mentalités du passé » et rappeler que « l’Afrique et le Soudan sont désormais libérés ». 

Bien que l’impact des événements sur la situation qui prévaut au Darfour ait jusqu’à présent été modéré, l’incertitude entourant l’issue des négociations est susceptible d’avoir des répercussions bien au-delà de Khartoum et de conduire à une escalade de la violence, a averti le Secrétaire général adjoint.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2019/445)

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a présenté, un an après l’adoption de la résolution 2429 (2018) du Conseil de sécurité, l’évaluation stratégique de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD).  « Je ferai également la lumière sur l’impact de l’évolution de la situation politique et de la sécurité au Soudan depuis le 11 avril sur la trajectoire prévue de la MINUAD, qui a également conduit à votre décision de reporter d’un mois la soumission du rapport susmentionné. » 

Le rapport dont le Conseil de sécurité est aujourd’hui saisi a été finalisé, a indiqué M. Lacroix, dans un contexte de développements politiques importants au niveau national qui ont entraîné au Soudan le début de « changements radicaux » dans un système de gouvernance vieux de 30 ans.  Depuis lors, de nouveaux développements ont eu lieu, provoquant une situation de plus en plus imprévisible.  Ce qui avait débuté en décembre 2018, à la suite de contestations liées à des griefs socioéconomiques, a conduit à la destitution du Président Al-Bashir le 11 avril et à son remplacement par un Conseil militaire de transition, qui négocie actuellement avec le groupe d’opposition de la Déclaration pour la liberté et le changement, la nature et la structure du système de gouvernance.

Bien que l’impact des événements sur la situation qui prévaut au Darfour ait jusqu’à présent été modéré, l’incertitude entourant l’issue des négociations est susceptible d’avoir des répercussions bien au-delà de Khartoum et de conduire à une escalade de la violence, a averti le Secrétaire général adjoint.  Les attaques et meurtres de civils que le Conseil a condamnés le 3 juin en sont une illustration.  En outre, les actes de violence signalés perpétrés par des acteurs tels que les Forces d’appui rapide, étroitement liées au Darfour, sont une source d’inquiétude pour sa population civile.  Bien que la MINUAD fasse tout son possible pour entretenir des relations normales avec les autorités actuelles, « la situation instable qui prévaut à Khartoum rend plus difficile la poursuite de ces contacts sur une base régulière », a expliqué M. Lacroix.

Dans ce contexte, il a attiré l’attention du Conseil sur deux défis particuliers auxquels la MINUAD a été confrontée à ce jour et qui ont eu une incidence sur ses opérations.  La première, c’est le pillage du camp d’El Geneina les 14 et 15 mai par des civils et des membres des Forces de sécurité soudanaises; la deuxième, le décret TMC 102-2019 en date du 13 mai, qui demande à la Mission de transférer tous les « camps » aux Forces d’appui rapide, en violation des règles et procédures de l’ONU.  « Compte tenu de ces développements, nous n’avons pas eu d’autres choix que de suspendre le transfert des sites de la MINUAD aux autorités soudanaises jusqu’à l’annulation du décret TMC.  En attendant, nous mettons en place des plans et des mesures pour prévenir de futurs incidents similaires à celui du pillage d’El Geneina », a indiqué le haut fonctionnaire.

Il a ensuite présenté les principales conclusions de l’évaluation conjointe de l’Union africaine et de l’ONU, telles que reflétées dans le rapport spécial.  Les tendances du conflit au Darfour sont restées les mêmes depuis 2016.  Le seul groupe rebelle actif dans ce pays, l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid (ALS/AW), est limité à des poches du Jebel Marra, ses capacités opérationnelles sont limitées et il est de plus en plus affaibli par des luttes intestines.  Les deux autres groupes rebelles,  Armée de libération du Soudan-faction Minni Minawi ALS/MM et le Mouvement pour la justice et l’égalité-faction Gibril Ibrahim MJE/Gibril, bien qu’ils aient perdu de leur emprise au Darfour, restent actifs dans la région et font désormais partie intégrante du conflit libyen.  L’évaluation a conclu que, dans l’ensemble, la violence intercommunautaire avait visiblement décliné, mais qu’il était nécessaire de « s’attaquer davantage aux facteurs du conflit liés à l’accès à la terre et aux ressources, à la dégradation de l’environnement et à la violation des droits humains », a souligné M. Lacroix.

« Le processus politique au Darfour est dans l’impasse », a-t-il constaté, malgré une brève percée réalisée en décembre dernier par le biais de négociations intensives menées par le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine.  Dans l’intervalle, la mise en œuvre du Document de Doha pour la paix au Darfour s’est poursuivie, mais à un rythme lent, et le processus de dialogue et de consultations internes sur le Darfour a été mené à bien dans tous les États du Darfour, permettant de formuler des propositions de solutions durables pour les personnes déplacées à l’intérieur du territoire et pour maintenir la paix au Darfour. 

Le contexte actuel, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, est caractérisé par une capacité limitée des institutions chargées de l’application des lois et de l’état de droit, une crise humanitaire prolongée avec environ 1,5 million de personnes déplacées vivant dans des camps, dont 90% ne peuvent se permettre plus d’un panier de nourriture par jour, et peu de programmes de développement viable.  « Cette convergence de facteurs exige une approche globale allant au-delà du maintien de la paix. »  L’an dernier, la résolution 2429 (2018) du Conseil de sécurité a entériné le concept de transition et soutenu les fonctions de liaison entre États, en tant que vecteur de la mise en œuvre de quatre priorités de consolidation de la paix, tout en réduisant davantage l’empreinte du volet maintien de la paix, a rappelé le haut fonctionnaire.

À l’avenir, a-t-il plaidé, il conviendrait de prêter attention aux facteurs de conflit, à savoir l’accès à la terre et aux ressources, les changements climatiques et la dégradation de l’environnement, ainsi que les droits de l’homme et la protection.  Dans ce contexte, les violations des droits de l’homme, les violences sexuelles liées aux conflits et les violences sexuelles et sexistes demeurent un défi majeur.  « C’est pourquoi l’évaluation stratégique propose des critères de référence spécifiques à moyen et à long termes », a expliqué M. Lacroix.  Selon lui, « le cadre des fonctions de liaison avec les États, que le Conseil a approuvé l’an dernier pour mettre l’accent sur l’état de droit, la résilience et les moyens de subsistance, ainsi que sur la prestation de services immédiate aux personnes déplacées à l’intérieur du pays, garantira la continuité de notre intervention après la MINUAD ».

Dans la perspective finale, l’évaluation stratégique a réexaminé les priorités de la MINUAD: la revitalisation du processus politique, notamment par le biais d’une stratégie actualisée de l’ONU et de l’Union africaine sur le processus de paix au Darfour; le renforcement des institutions de l’état de droit au Soudan; et l’appui à la stabilisation à long terme grâce à des solutions durables pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays et à une approche durable fondée sur les droits de la population du Darfour.  Dans ce contexte, la Mission renforcerait le rôle des fonctions de liaison entre États, en tant que « mécanisme d’intégration novateur de l’approche globale ».  « Nous appelons les membres du Conseil de sécurité à examiner avec soin les options de retrait et de démantèlement de la MINUAD, conformément aux directives fournies dans la résolution 2429 (2018) et à la lumière des considérations susmentionnées », a conclu M. Lacroix.

M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a commencé par faire remarquer que les violences entre milices armées et forces de sécurité, ainsi que les affrontements intercommunautaires avaient diminué, ce dont il s’est réjoui.  Cependant la situation des droits de l’homme au Darfour a continué de se détériorer au cours des derniers mois, a-t-il déploré en citant des cas d’assassinats, enlèvements et violences sexuelles.

Depuis le mois d’avril, a poursuivi M. Gilmour, les manifestations politiques au niveau national, surtout dans les grandes villes soudanaises, ont été réprimées par la force, y compris au Darfour, par les Forces d’appui rapide.  La composante droits de l’homme de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD)a fait état de 47 morts et de 186 blessés dans la région du Darfour entre le 11 avril et le 12 juin.  Elle a également signalé des arrestations et des détentions arbitraires, ainsi qu’une intensification des attaques et du harcèlement de la population civile, y compris le pillage de maisons et le vol de bétail par les Forces d’appui rapide. 

Le Sous-Secrétaire général s’est, en outre, dit convaincu que beaucoup de cas de violation des droits de l’homme au Darfour restent « invisibles » en raison des difficultés d’accès à certaines parties de la région.  Qui plus est, s’est-il indigné, les forces de sécurité de l’État seraient le principal responsable d’actes de violence au Jebel Marra alors même qu’elles sont chargées d’assurer la protection des civils.  « Ceci ne contribue pas à renforcer la confiance de la population dans les forces de l’ordre. »  La présence de la MINUAD dans les camps de personnes déplacées a eu cependant un effet positif sur le respect des droits de l’homme et la protection des civils.

Dans un tel contexte de violence et d’incertitudes, a considéré M. Gilmour, « il est impératif que la MINUAD soit en mesure de poursuivre son mandat de protection des civils et des droits de l’homme », y compris à travers le recensement et le suivi des situations de violation des droits de l’homme sur tout le territoire du Darfour.  Le Sous-Secrétaire général s’est dit persuadé que la présence de la composante civile renforcée de la Mission aura un impact positif sur la protection de la population.  Parallèlement, la MINUAD continue de renforcer les capacités nationales de protection des droits de l’homme à travers ses fonctions de liaison avec l’État et sa composante droits de l’homme travaille en étroite collaboration avec les Forces armées soudanaises, en particulier dans le nord du pays.  De son côté, la Commission pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration doit mettre l’accent sur des activités qui relèvent des droits de l’homme.

M. Gilmour a prédit que la violence qui sévit au Darfour depuis quelques mois se poursuivra aussi longtemps que l’on ne se sera pas attaqué à ses causes profondes.  Toute feuille de route pour la transition doit impérativement comprendre, selon lui, des mesures visant à renforcer la confiance de la population locale dans les services des forces de l’ordre, l’état de droit et les institutions de l’État ainsi que la garantie que l’on demandera aux responsables de l’utilisation excessive de la force et des violations des droits de l’homme de rendre des comptes.

En conclusion, M. Gilmour a fermement appuyé le communiqué publié hier par le Conseil pour la paix et la sécurité de l’Union africaine sur le Darfour qui appelle le Soudan à assurer impérativement la protection des civils et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) est revenu sur la situation au Darfour et sur la MINUAD qui opère dans un climat particulièrement « inquiétant » ces derniers mois.  Le Conseil militaire de transition avait le choix: il aurait pu mettre en place un système basé sur les droits de l’homme et collaborer avec la communauté internationale, or il a opté pour une violence brutale qui a tué plus d’une centaine de personnes, a-t-il déploré.  Prenant note du fait que le Conseil militaire de transition a reconnu certaines violations des droits de l’homme et aurait lancé une enquête, il a espéré que cette enquête sera transparente et que les auteurs seront traduits en justice.

Le Royaume-Uni appuie pleinement les efforts de l’Union africaine (UA) en vue de régler cette crise, a indiqué le représentant.  La violence et les violations des droits de l’homme qui se sont produites à Khartoum au début du mois de juin sont bien connues, a-t-il insisté; elles sont le fait des Forces d’appui rapide, qui sont « issues d’une milice au passé sombre et redoutée par la population civile, y compris au Darfour ».  Dès lors, le passé de ces Forces devrait inquiéter la communauté internationale, a-t-il mis en garde, reprochant au Conseil militaire de transition de n’avoir pas respecté ses engagements à cet égard, y compris pour ce qui est des sites occupés par la MINUAD « qui ne doivent pas tomber entre leurs mains ».  Le Royaume-Uni a observé une multiplication des affrontements intercommunautaires dans les centres de personnes déplacées, ce qui appelle à des mesures de renforcement de la confiance, une approche que la MINUAD a d’ores et déjà mise en œuvre. 

La MINUAD devrait pouvoir quitter le Soudan sans laisser de vide sécuritaire, ce que la situation actuelle ne permet pas de garantir, a constaté le délégué.  Par conséquent, le Conseil de sécurité devra en tenir compte en réfléchissant à l’avenir de la MINUAD.  Le Royaume-Uni et l’Allemagne préconisent dès lors un renouvellement technique du mandat de la Mission en attendant que l’ONU et l’UA puissent élaborer une stratégie pour l’après-MINUAD et l’avenir du Soudan. 

Les négociations entre les parties soudanaises doivent reprendre au plus vite, a déclaré M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne), tout en condamnant les violences commises à l’encontre des civils et insistant pour que les auteurs de ces actes rendent des comptes.  Ainsi, faut-il procéder à une enquête pour mettre fin à l’impunité.  L’Allemagne plaide pour une transition civile, même si les circonstances sur le terrain en ce moment ne semblent pas aller dans ce sens. 

Les sites de la MINUAD ne peuvent être cédés aux Forces d’appui rapide, a souligné le représentant.  Il a déploré le fait que des sites de la Mission ont été pillés, préconisant même l’adoption de mesures du Chapitre VII de la Charte pour protéger ses installations.  S’agissant du renouvellement du mandat de la MINUAD, a avancé M. Schulz, « l’Allemagne et le Royaume-Uni proposent une option adaptée, soit un renouvellement technique du mandat afin de permettre à l’ONU et à l’Union africaine d’élaborer une stratégie de sortie de la Mission qui tienne compte des réalités sur le terrain. »   

Mme ANNE GUEGUEN (France) a condamné avec la plus grande fermeté les violences survenues au Soudan ces derniers jours.  Elle a appelé l’ensemble des acteurs à la retenue et rappelé le Conseil militaire de transition à sa responsabilité première d’assurer la sécurité de tous les Soudanais.  La France, a-t-elle dit, demande que toute la lumière soit faite sur les exactions commises, y compris les violences sexuelles.  L’enjeu aujourd’hui, a poursuivi la représentante, est la reprise du dialogue politique et de la transition négociée vers un pouvoir dirigé par les civils.  Elle a rappelé que le délai accordé par l’Union africaine pour le transfert du pouvoir à une autorité de transition conduite par des civils arrivera à son terme le 30 juin.  Elle a d’ailleurs salué la position « déterminée et claire » de l’Union africaine et a souhaité que les Nations Unies soutiennent pleinement ces efforts.  Elle a donc salué la mission confiée par le Secrétaire général à son Conseiller spécial, M. Nicholas Haysom, d’appuyer la médiation de l’Union africaine, ce qui a permis d’obtenir des deux parties leur retour à la table des négociations.  La stabilité du Soudan ne sera garantie que si nous agissons tous dans la même direction et parlons d’une seule voix, a souligné la représentante. 

Nous devons tout faire, a-t-elle martelé, pour empêcher le Darfour de s’embraser à nouveau.  Dans ce contexte, la MNUAD doit rester dans une posture aussi robuste que possible.  La représentante s’est dite particulièrement choquée par l’attaque et le pillage du camp d’El Geneina et jugé « inacceptable » l’implication des Forces de défense et de sécurité soudanaises.  Elle a dénoncé l’impunité au Darfour et rappelé que toutes les parties au conflit ont l’obligation de coopérer avec la Cour pénale internationale.  Dans le contexte actuel, a estimé la représentante, nous devons « suspendre » toute décision relative au retrait de la MINUAD.  Elle a plaidé pour un retrait « responsable et prudent » dont la décision devrait être repoussée de quelques mois.  Nous ne pouvons pas, s’est-elle expliquée, décider de transférer, dans deux semaines, aux autorités soudanaises les 15 bases restantes alors que n’avons pas d’interlocuteur légitime et fiable au pouvoir à Khartoum.  Elle a qualifié de violation aux accords conclus entre le Soudan et les Nations Unies, le décret du Conseil militaire de transition selon lequel les camps de la MINUAD devront être remis à la Force d’appui rapide.  La situation au Darfour est tellement « instable et volatile » que la présence de la MINUAD sera encore nécessaire dans les mois qui viennent, a-t-elle conclu.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a exhorté toutes les parties soudanaises à s’engager dans un dialogue inclusif afin de parvenir à une solution rapide de sortie de crise.  La délégation apporte son plein soutien à l’Union africaine et au Premier Ministre éthiopien dont les initiatives et les actions de médiation et de bons offices devraient permettre de créer les conditions pour une transition pacifique au Soudan. 

Au Darfour, en dépit des progrès encourageants, les parties ne sont pas encore parvenues à la signature d’un accord définitif de cessation des hostilités, ce qui constituerait un pas important vers la paix.  M. Adom a appelé toutes les parties du Document de Doha à insuffler une dynamique nouvelle au processus politique en souffrance.  Selon lui, toute décision relative à une réduction de la présence de la MINUAD et à un retrait définitif du Darfour doit être prise « à la lumière d’une évaluation réaliste de la situation sociopolitique et sécuritaire, afin d’éviter d’exposer les populations civiles aux violences des groupes armés ».  Enfin, le représentant a exhorté la Mission à poursuivre son soutien au processus politique de sortie de crise et de réconciliation, ainsi que ses activités de prévention des conflits et de protection des civils, avec un accent sur les actions prioritaires dans le Jebel Marra. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) s’est, à son tour, dit choqué par les derniers évènements au Soudan et a condamné fermement les violences qui ont causé la mort de plus de 100 personnes, ont fait de très nombreux blessés sans parler des cas de violence sexuelle.  Le représentant n’a pas manqué de rappeler le Conseil militaire de transition à sa responsabilité de protéger les civils, de respecter les droits individuels des Soudanais et de libérer les détenus politiques.  Il a salué la décision « forte » de l’Union africaine et a appelé tous les membres du Conseil de sécurité à respecter l’appropriation par l’Union africaine de la réaction à cette crise.  Il a exigé la reprise immédiate des négociations en vue de la création d’une autorité de transition sous conduite civile, dans le strict respect des décisions du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. 

La situation au Darfour, a-t-il poursuivi, ne peut être isolée de la situation dans le reste du Soudan.  Le représentant s’est dit particulièrement choqué par le décret du Conseil militaire de transition qui indique que toutes les bases de la MINUAD ne devraient être remises qu’aux Forces d’appui rapide, à savoir les responsables mêmes de la violence à Khartoum et qui ont, selon certains rapports, incendié quelque 62 villages dans le Jebel Marra depuis octobre 2018.  Comment peut-on, s’est emporté le représentant, imaginer remettre les camps de la MINUA à ceux-là mêmes qui ont créé la situation pour laquelle la MINUAD fut déployée en 2007.  Il est essentiel, a-t-il martelé, que les sites ne soient remis qu’à des utilisateurs finaux civils, comme le requière le communiqué du 13 juin du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. 

Le Darfour est une région fragile où les problèmes d’accès à la terre et de l’avenir des déplacés n’ont pas vraiment été réglés.  Cette situation, a estimé le représentant, nous impose la prudence quant au calendrier du retrait de la MINUAD.  Il faut affiner et éclaircir les critères de sortie pour guider le retrait.  Le représentant a appelé tous les membres du Conseil de sécurité à mettre leurs divergences de côté et à identifier une unité de vue et de stratégie concernant le Darfour.  Il leur a demandé le courage d’envisager un mandat à durée plus limitée dans le temps afin de comprendre les implications des développements et de donner à la région un peu de temps pour se rapprocher d’une solution.  La dernière chose que nous voulons, c’est un Darfour qui retombe dans le conflit après le départ de la MINUAD, a conclu le représentant. 

Condamnant les récents actes de violence et l’usage disproportionné de la force par les Forces militaires soudanaises contre la population civile, M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a souligné la nécessité de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales.  Or, l’incertitude politique au Soudan a un impact direct sur la situation au Darfour et présente de nouveaux défis, ce qui impliquera de réévaluer la stratégie de sortie de la MINUAD, pour que celle-ci se réalise de manière prudente et responsable, sans compromettre les acquis.  Le représentant s’est dit préoccupé par la persistance des violations des droits de l’homme au Darfour, notamment les violences sexuelles qui touchent principalement les déplacés, en particulier les femmes et les enfants.  Il a redit combien il est important que la Mission puisse exécuter son mandat dans l’ensemble du Darfour, y compris le Jebel Marra. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a fermement condamné les récentes violences perpétrées par les Forces de sécurité soudanaises contre les manifestants à Khartoum, qui ont fait des morts et des blessés parmi les civils.  Elle a appelé à des enquêtes indépendantes et transparentes sur toutes les violations des droits de l’homme, avant de souligner que le Conseil militaire de transition au pouvoir en ce moment est « responsable de la sécurité et du respect de l’état de droit dans tout le pays ».  La déléguée a ensuite souligné que beaucoup reste à faire pour s’attaquer aux causes profondes de la crise du Darfour.  Au sujet du renouvellement du mandat de la MINUAD, la Pologne souhaite « que la question soit débattue en tenant compte des développements à Khartoum ». 

M. HAITAO WU (Chine) a fait remarquer, que grâce aux efforts combinés du Soudan et de la MINUAD, la situation au Darfour s’est améliorée de façon significative au cours des dernières années.  Cela prouve, selon la Chine, que le Gouvernement soudanais est en mesure d’assurer la paix et la stabilité dans la région avec le soutien de ses partenaires internationaux.  Soulignant que le Gouvernement soudanais a la responsabilité première dans ce domaine, le représentant a encouragé l’ONU à tenir compte de ses avis et à l’aider à renforcer ses capacités nationales.  La Chine espère que toutes les parties feront preuve de retenue et qu’elles regèleront leurs différences par le biais du dialogue. 

La Chine appelle en outre à poursuivre l’aide humanitaire au Darfour et à faciliter la réinstallation des personnes déplacées au Darfour.  Elle se félicite de la contribution de la MINUAD et appuie le prolongement de son mandat.  Mais, a précisé le représentant, à la lumière du dernier rapport du Secrétaire général, « le retrait progressif de la Mission d’ici à 2020 doit se poursuivre ainsi que l’adaptation de son mandat ». 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a salué l’amélioration globale de la situation au Darfour, ce qui, selon lui, confirme la pertinence des dispositions prises antérieurement par le Conseil de sécurité en faveur du retrait de la MINUAD d’ici à la fin de l’année prochaine.  Pour la Fédération de Russie, « il n’est pas question de faire autrement », et il faut désormais discuter des paramètres de ce retrait des soldats de la paix.  Quant à un renouvellement technique, la délégation souligne que cette option est encore à l’étude devant les experts, et de ce fait, qu’il est « prématuré et non avéré » que les porte-plumes fassent croire que l’initiative fait l’unanimité.  Alors que les dettes des opérations de maintien de la paix ne cessent d’augmenter, « un retrait complet de la MINUAD ferait économiser 500 millions de dollars à l’Organisation », a argué le représentant.  À contrario, le budget de la Mission de l’ONU au Kosovo, dont le retrait est demandé à cor et à cri par plusieurs délégations, atteint à peine 40 millions, a-t-il relevé.

Par ailleurs, le Darfour se trouve aujourd’hui dans une phase de consolidation de la paix et non plus de maintien de la paix et il faut donc désormais accorder la priorité à son développement économique, a poursuivi le délégué.  Il a dit être « surpris que certains collègues prennent le prétexte de l’ordre du jour de la réunion pour parler de la situation générale au Soudan, alors que le communiqué conjoint de l’ONU et de l’Union africaine appelait précisément à éviter toute ingérence dans les affaires intérieures soudanaises ».  Il a donc estimé que la crise actuelle doit être résolue par les parties prenantes nationales, ajoutant que « les Soudanais se mettront d’accord sans mentorat de l’étranger ».  Enfin, le délégué a demandé au Secrétaire général adjoint, M. Lacroix, s’il y avait d’autres obstacles techniques au retrait de la MINUAD, hormis la préoccupation suscitée par le décret du Conseil militaire de transition qui demandait la cession des sites de la Mission aux autorités nationales.

M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a déploré la perte de vies innocentes ces derniers jours au Darfour.  S’agissant de la MINUAD, il a salué ses efforts continus dans des conditions souvent difficiles ainsi que son travail avec les autorités soudanaises.  Tout en reconnaissant les progrès substantiels enregistrés en matière de maintien de la paix dans la région, il a pris note des violations des droits de l’homme continues dont il y est fait cas.  En ce qui concerne le retrait de la Mission, il a préconisé un « processus responsable, qui tienne compte de la réalité sur le terrain » et souhaité que les soldats de la Mission soient déployés dans les centres de sécurité névralgiques tout en veillant à ce que la protection des civils reste assurée, comme l’avait préconisé l’Union africaine (UA).

L’Afrique du Sud estime qu’à la lumière des derniers développements au Soudan, dont le Darfour fait intégralement partie, le Conseil de sécurité devrait rejeter la demande de retrait de la MINUAD du Conseil militaire de transition, a poursuivi le représentant.  En ce qui concerne la situation politique, les incertitudes sont énormes, et l’Afrique du Sud condamne et déplore les pertes de vies tragiques et enjoint le Conseil militaire de transition à relancer le dialogue interne et à faire sien le cadre proposé par l’UA, sous la houlette du Premier Ministre éthiopien et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).  « Il est essentiel que les Soudanais définissent leur propre cap en matière de paix, de sécurité et de développement », a tranché le représentant.  Ainsi, l’Afrique du Sud souligne l’importance de la MINUAD qui doit continuer à soutenir notamment la Commission de désarmement, de démobilisation et de réintégration du Soudan.  Le Soudan reste un pays stratégique fondamental au niveau de la région et son instabilité aurait des répercussions négatives sur toute la région, a-t-il mis en garde.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a salué l’amélioration progressive de la situation sécuritaire au Darfour et appelé à « un retrait responsable » de la MINUAD.  En effet, ce départ ne doit pas créer de vide ni exposer les civils qui ont longtemps souffert à de nouveaux risques.  Pour le délégué, un tel retrait doit tenir compte des propositions faites dans le rapport conjoint ONU-Union africaine, tout en prenant note du communiqué de l’Union africaine publié le 13 juin.  L’Indonésie appelle à renforcer davantage l’état de droit au Darfour.  M. Djani a rappelé le principe de non-ingérence que promeut son pays, avant de privilégier « une solution de sortie de crise menée par les Africains ».  Pour l’Indonésie, il est temps de poursuivre l’action de la MINUAD et de soutenir une transition vers la consolidation de la paix.

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) s’est déclarée préoccupée par l’évolution des tendances générales au Soudan et par la lenteur de la mise en œuvre du processus politique sur la base du Document de Doha pour la paix au Darfour.  Elle a déclaré qu’il n’était pas possible d’ignorer les évènements en cours à Khartoum, se félicitant de la fermeté démontrée par l’Union africaine pour veiller à ce que la volonté du peuple soudanais soit respectée.  Son pays, a-t-elle dit, a rappelé le communiqué conjoint rendu public la semaine dernière avec l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire.  La Guinée équatoriale en appelle à la responsabilité historique du Conseil militaire de transition pour se montrer à la hauteur des circonstances en facilitant une transition démocratique conduite par la société civile. 

La représentante a jugé impératif que non seulement cesse la violence, mais aussi que la protection des civils et les droits fondamentaux soient respectés.  L’usage disproportionné de la force, surtout lorsqu’il se traduit par des violences meurtrières aveugles, est inacceptable et ne peut rester impuni.  Les trois délégations, a rappelé la représentante, ont lancé un appel aux autorités soudanaises pour qu’elles suivent la feuille de route établie par l’Union africaine.  Elle s’est félicitée du rapprochement opéré par les parties prenantes ces derniers jours, en espérant que cette tendance se consoliderait.  S’agissant de la MINUAD, la délégation a estimé qu’il serait contreproductif de modifier la configuration de cette Mission, jugeant préférable une prorogation technique de quelques mois le temps que la situation au Soudan se stabilise, « de préférence le plus vite possible ». 

Face aux violations continues des droits de l’homme au Darfour, le moment est venu de se poser la question du futur de la MINUAD, a reconnu M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine).  Dans certaines zones du Darfour, comme le Jebel Marra, « la protection de la Mission reste urgente et indispensable » pour la population civile.  Évoquant les évènements récents à Khartoum, le représentant s’est dit préoccupé par le fait que la milice responsable d’atrocités au Darfour fasse partie du Conseil militaire de transition.  Il a donc salué la décision de l’ONU de suspendre le transfert des sites de la MINUAD aux autorités soudanaises et jugé nécessaire de « repenser la stratégie de sortie » de la Mission.  La délégation plaide en faveur d’une négociation politique transparente à Khartoum, dirigée par les civils, à travers un dialogue ouvert à tous les acteurs, et souhaite qu’une enquête indépendante soit menée pour traduire en justice les auteurs d’actes violents. 

M. JONATHAN R.  COHEN (États-Unis) s’est dit de plus en plus préoccupé par les incertitudes politiques à Khartoum qui ont des conséquences néfastes sur la situation au Darfour.  « La gravité de plusieurs incidents récents au Darfour est particulièrement troublante.  Ces incidents remettent en question l’engagement du Conseil militaire de transition à respecter les droits des habitants du Darfour et d’agir de bonne foi pour instaurer une paix durable », a-t-il déclaré.  À cet égard, les informations faisant état d’une attaque contre des civils à Al-Deleij, dans le Darfour central, le 9 juin, sont extrêmement préoccupantes, a ajouté le représentant, en faisant observer que cette attaque a fait plusieurs victimes, et en demandant à la MINUAD de mener une enquête.  « Au-delà du Darfour, les forces de sécurité soudanaises ont déclaré avoir eu recours à la violence la semaine dernière pour disperser un sit-in pacifique, ce qui est également alarmant.  L’incident à l’extérieur du quartier général des Forces armées soudanaises à Khartoum a provoqué la mort de plus de 100 manifestants non armés et en a blessé des centaines d’autres.  Des informations selon lesquelles les Forces du Conseil militaire de transition auraient dirigé de telles violences contre des civils, entravé les soins médicaux, bloqué l’accès à Internet, et restreint l’accès des médias et de la société civile, soulèvent de sérieuses questions sur leur volonté de négocier une transition vers un gouvernement dirigé par des civils », s’est alarmé le représentant.  Les États-Unis ont donc appelé le Conseil militaire de transition à mettre fin à ces attaques et à créer un environnement plus propice à la reprise des négociations politiques avec la coalition Forces of Freedom and Change. 

« Le maintien de l’appui international à la MINUAD doit être envisagé dans le contexte des efforts de bonne foi du Conseil militaire de transition visant à maintenir de manière responsable les services de base pour la population soudanaise et des progrès réalisés dans la recherche d’une solution politique durable pour le pays. »  Le CMT peut prendre des mesures pour montrer qu’il est prêt à négocier, a estimé M. Cohen.  « Permettre une enquête indépendante sur les événements de Khartoum serait un premier pas appréciable. »  Au-delà, a-t-il dit, il faut permettre à toutes les voix politiques de s’exprimer librement et retirer les Forces d’appui rapide et les autres milices de Khartoum.  Les États-Unis se sont également félicités de la récente initiative diplomatique prise par le Premier ministre éthiopien, entreprise conjointement avec l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).  « Nous exhortons toutes les parties à poursuivre le processus de transition civile dans une atmosphère de calme et nous sommes prêts à collaborer avec nos partenaires du Conseil et de la région pour soutenir ces efforts. »

Pour M. MANSOUR AYYAD SH.  A.  ALOTAIBI (Koweït), les acquis de la MINUAD sont significatifs et la situation sécuritaire dans la région du Darfour est stabilisée.  En ce qui concerne les facteurs de conflit au Darfour, il a estimé qu’ils pourraient être éliminés par d’autres moyens que le maintien de la paix, en citant notamment l’accès à la terre et d’autres éléments.  Par conséquent, le Koweït est favorable au retrait de la MINUAD « conformément au calendrier initialement fixé », et sur la base des informations contenues dans les derniers rapports du Secrétaire général.

La plupart des cadres législatifs ont déjà été mis en place au Darfour, a rappelé le représentant, et il faut aujourd’hui « privilégier une solution politique ».  Tout en étant conscient du fait que certaines parties refusent de participer à ce processus politique, il a estimé que la MINUAD ne devrait pas être « prise en otage ».  Le Koweït suit de près la situation au Soudan et appelle toutes les parties à faire preuve de retenue.  Il espère que les mesures préconisées pour remédier à la situation actuelle permettront de trouver une solution pacifique et de répondre aux attentes du peuple soudanais.  Toutefois « ce qui se passe au Soudan est une affaire interne et le Conseil de sécurité devrait se concentrer sur le point à son ordre du jour, à savoir la situation de la MINUAD », a conclu le représentant.

Le rapport conjoint du Président de la Commission de l’Union africaine et du Secrétaire général de l’ONU fait mention de l’amélioration de la situation sécuritaire au Darfour, a relevé M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan), estimant qu’il fallait désormais passer aux priorités de développement.  Il a affirmé que le Soudan est disposé à coopérer avec le Conseil de sécurité dans le cadre du retrait de la MINUAD, conformément au rapport conjoint et à la résolution 2429 (2018).  Le Soudan, a-t-il insisté, est un État indépendant doté de la souveraineté sur tout son territoire, en vertu de la Charte des Nations Unies.  Il reste attaché à tous les accords signés avec la MINUAD, notamment concernant la cession des bases au Gouvernement soudanais.  Le délégué a annoncé qu’une décision du Conseil militaire de transition datant d’hier invite la MINUAD à retirer toutes ses forces armées et de sécurité des sites transférés au Soudan, et suspend par là-même le décret 102 du 13 mai dernier qui demandait la remise des bases de la MINUAD aux Forces d’appui rapide.

La position du Gouvernement soudanais est qu’il faut poursuivre le retrait de la MINUAD selon le calendrier fixé, a déclaré le délégué.  « Le Gouvernement s’oppose à toute décision qui tendrait à maintenir la Mission, puisque aucune raison ne le justifierait. »  Même les groupes armés qui étaient réticents face au processus politique y sont désormais favorables, a noté le représentant.  D’après lui, « le Darfour n’a pas été affecté par la situation politique qui prévaut à Khartoum ».  Ainsi, le retrait de la MINUAD, a-t-il défendu, démontrerait le succès de l’ONU et de l’Union africaine dans le cadre de la Mission.  Il a également insisté sur l’importance de « privilégier les solutions africaines aux conflits en Afrique ».

Le délégué a ensuite réagi aux déclarations de certains membres du Conseil de sécurité qui s’en tiennent encore à des « mentalités du passé », oublieux qu’ils sont du fait que « l’Afrique et le Soudan sont désormais libérés ».  Il a insisté sur le fait que la question politique qui prévaut à Khartoum n’est pas le sujet de la présente séance, ajoutant que « ce qui se passe au Soudan depuis décembre 2018 est une affaire interne ».  De ce fait, aucun membre du Conseil n’est qualifié pour en parler.  Tout en avertissant contre toute ingérence étrangère, le représentant a salué le travail de médiation engagée par le Premier Ministre éthiopien, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine, qui devrait aboutir à une solution pacifique dans les prochains jours.  Au sujet des évènements du 3 juin dernier, le délégué a dit que la description des faits était incorrecte.  En tout état de cause, le Conseil militaire de transition a créé une commission d’enquête dont les conclusions seront rendues publiques demain.  De même, le Procureur général a créé une commission afin d’assurer la responsabilité des auteurs et de lutter contre l’impunité.  Il a donc invité les membres du Conseil de sécurité à « ne pas tirer de conclusions hâtives avant les communications officielles des autorités soudanaises compétentes ». 

Revenant sur une question soulevée par le représentant de la Fédération de Russie au sujet de problèmes techniques qui pourraient avoir une incidence sur le processus de retrait de la MINUAD, M. Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a expliqué qu’à ce jour, le retrait avait bien avancé mais qu’il rencontrait en effet des problèmes technique, d’ordre logistique, et faisait parfois face à des procédures très longues.  En vue de les dépasser, le Département est en dialogue avec son interlocuteur soudanais sur ces questions.  Les délais habituels de retrait des contingents et de matériels sont de 6 à 9 mois en moyenne, a-t-il précisé.  Pour M. Lacroix les échanges avec les autorités soudanaises sont essentiels dans ce contexte, mais, compte tenu du contexte volatile à Khartoum, il pourrait y avoir des incidences sur le processus de retrait de la mission.

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