10011e séance – matin & après-midi
CS/16187

Femmes et paix et sécurité: le Conseil de sécurité débat des moyens de relancer l’élan suscité par sa résolution 1325, il y a 25 ans

Aujourd’hui lors de son débat public annuel sur les femmes et la paix et la sécurité, le Conseil de sécurité a dressé un bilan des avancées réalisées depuis l’adoption de sa résolution 1325 (2000), il y a 25 ans, tout en identifiant les tendances négatives. 

Si des pistes ont été avancées pour relancer l’élan de ce texte historique, notamment par le biais de financements dédiés, de quotas de femmes dans les opérations de paix et de mécanismes de redevabilité, quelque voix discordantes se sont fait entendre quant au rôle que devrait jouer l’ONU dans ce cadre. 

En ouvrant ce débat public, auquel étaient inscrites plus de 80 délégations, le Secrétaire général de l’ONU a constaté qu’en dépit de la profusion de discours sur la protection, l’inclusion et le leadership des femmes qui œuvrent pour la paix, ces dernières restent sous-financées, menacées et insuffisamment reconnues. 

Le Chef de l’ONU a déploré une « régression » marquée par l’exposition croissante des femmes aux conflits, à l’explosion des violences sexuelles, à la montée de la mortalité maternelle, à l’abandon scolaire et à la progression des cas de violence et de harcèlement ciblant des femmes politiques, des journalistes et des défenseuses des droits humains. 

Le Secrétaire général s’est alarmé du manque cruel de ressources dont souffrent les organisations féminines, évoquant une récente enquête d’ONU-Femmes selon laquelle 90% des groupes locaux dirigés par des femmes dans les situations de conflit font état de difficultés financières. 

Rappelant qu’il a lancé, il y a un an, l’Engagement commun pour la participation pleine, égale et véritable des femmes aux processus de paix, il s’est réjoui que, depuis lors, 39 entités –dont des États Membres et des organisations internationales et régionales– l’aient adopté. 

Nous avons également fixé comme objectif initial qu’au moins un tiers des participants aux processus de paix menés par l’ONU soient des femmes, a-t-il indiqué, précisant que l’objectif ultime est d’atteindre la parité des sexes dans tous les processus de paix et de sécurité. 

Des recommandations pour faire avancer l’égalité femmes-hommes

Parmi ses recommandations, M. António Guterres a mis en avant l’augmentation des investissements en faveur des organisations féminines dans les pays touchés par un conflit, la fixation de « quotas contraignants » sur la présence des femmes à la table des négociations, l’établissement des responsabilités dans les actes de violence sexiste, y compris les violences sexuelles liées aux conflits. 

Le Secrétaire général a aussi mis en avant la « tolérance zéro » à l’égard des violences faites aux femmes artisanes de la paix et aux défenseuses des droits humains, l’amélioration de la sécurité économique des femmes et la nécessaire « révolution des données sur le genre ». 

Dans la même veine, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Sima Sami Bahous, a signalé que 676 millions de femmes et de filles vivent aujourd’hui à proximité de zones de conflit meurtrier, « le chiffre le plus élevé depuis les années 1990 ». 

Elle a privilégié six priorités pour les années à venir, à commencer par l’adoption d’« actions positives » pour garantir aux femmes leur juste place à la table des négociations de paix.  Elle a également appelé à mesurer les effets du programme pour les femmes et la paix et la sécurité à l’aune du « nombre de femmes participant directement aux processus de paix et de sécurité ».

Elle a aussi appelé à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles, y compris celle facilitée par la technologie; à faire cesser l’impunité pour les atrocités et crimes commis contre les femmes et les filles; et à ancrer plus profondément cet agenda « dans les esprits et les cœurs des populations, en particulier des jeunes, filles et garçons ». 

Ces propositions onusiennes ont trouvé un accord favorable chez une large majorité des délégations.  Seule responsable gouvernementale présente à ce débat, la Ministre du genre et de l’enfance de la Sierra Leone, qui a rappelé le rôle transformateur des femmes dans le processus de paix de son pays, a insisté sur le maintien de la protection des femmes et des filles dans les mandats de maintien et de consolidation de la paix.

Division autour du principe de quotas pour la participation des femmes

En tant que coordinatrice des engagements communs sur les femmes et la paix et la sécurité, la Slovénie s’est prononcée à son tour pour l’instauration de quotas « afin de promouvoir l’égalité des genres et faire en sorte que les femmes soient à la table des négociations de paix », une position largement partagée parmi les membres du Conseil, au même titre que la redevabilité face aux violences sexuelles. 

Le Royaume-Uni a rappelé que, depuis 2012, il est le fer de lance de l’initiative sur la prévention des violences sexuelles dans les conflits et qu’il poursuit ses efforts, notamment en Ukraine, au Soudan et en République démocratique du Congo. 

La représentante de la Grèce a souscrit pleinement à l’appel du Secrétaire général demandant que les femmes représentent au moins 30% des participants aux processus de paix, attirant l’attention sur l’instauration, dans son pays, d’un quota de 40% de candidates aux élections et sur l’imposition d’une représentation de 33% de femmes au sein des conseils d’administration des grandes entreprises cotées en bourse. 

Des réserves sont venues de la Fédération de Russie qui a estimé que l’amélioration de la situation des femmes et l’élargissement de leur participation à la prise de décision ne peuvent être imposés. 

Le représentant russe a regretté que le rapport du Secrétaire général mette en avant la participation « quantitative » des femmes alors que des caractéristiques qualitatives, telles que le travail, l’emploi et l’éducation, sont « reléguées à l’arrière-plan ».  Quant aux concepts de compétences et de participation efficace, ils ne sont même pas mentionnés, a-t-il déploré. 

À l’heure où l’ONU traverse une crise financière, il importe de « réfléchir à la façon d’utiliser les ressources disponibles de la meilleure façon ».  Le représentant russe s’est opposé à la création de structures bureaucratiques supplémentaires, avant de mettre en garde contre la promotion d’agendas politiques et de « concepts néolibéraux » soutenus par un groupe distinct de pays.  Le mot « genre » apparaît plus de 200 fois dans le rapport du Secrétaire général, a-t-il fait observer. 

Acquiesçant, le Pakistan a jugé profondément regrettable que le rapport du Secrétaire général ne fasse aucune mention de la situation des femmes du Jammu-et-Cachemire. 

La lutte contre l’impunité défendue par de nombreuses délégations

Cette question et celle des réparations pour les victimes ont également occupé une place centrale dans les interventions.  La France a réitéré son plein soutien à la Cour pénale internationale (CPI) et aux mécanismes internationaux qui enquêtent sur les crimes sexuels.  Elle a par ailleurs plaidé pour le recours aux sanctions ciblées du Conseil contre les responsables de ces crimes. 

Le Conseil « doit user de tous les instruments pour remédier à l’odieuse violence visant les femmes et les filles », a renchéri la représentante du Guyana, en citant Gaza ou encore l’Afghanistan. 

Préoccupation à l’égard des femmes de Gaza

Comme souvent dans les débats onusiens organisés ces deux dernières années, la question palestinienne s’est invitée dans la discussion.  Mme Noura Erakat, avocate dans le domaine des droits humains, a déclaré que la « Nakba » menée par Israël à Gaza a pour objectif de « réduire à néant le peuple palestinien ». 

Elle a précisé que le taux de natalité a diminué de 41% en deux ans dans l’enclave, tandis que la destruction des immeubles et les déplacements empêchent d’avoir des relations intimes.  Il est par ailleurs difficile de mener une grossesse à terme à Gaza, a-t-elle signalé, indiquant que le taux de fausses couches a bondi de 300% en 2024 dans le territoire. 

Sept femmes sur 10 tuées dans le monde, entre 2023 et 2024, l’ont été à Gaza, a ajouté la représentante de l’Algérie qui s’est indignée d’une situation révoltante, fruit de « deux années de guerre génocidaire ». 

Ces allégations ont été réfutées par la représentante des États-Unis qui a estimé qu’elles alimentent l’antisémitisme et la haine.  Elle a appuyé Israël et son droit à la légitime défense.  L’entière responsabilité de la situation à Gaza incombe au Hamas, a martelé la représentante. 

Elle a souligné que le plan de paix proposé par le Président Trump vise la fin immédiate des combats, la libération de tous les otages, le désarmement total du Hamas et la démilitarisation de la bande de Gaza.  

Les États non membres du Conseil insistent sur la protection, l’inclusion et la justice

Intervenant en vertu de l’Article 37 du Règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité, de nombreuses délégations ne faisant pas partie des « Quinze » ont regretté la « stagnation » et même le « retour en arrière » observés dans la mise en œuvre de certains objectifs du programme pour les femmes et la paix et la sécurité au cours des cinq dernières années, s’inquiétant en particulier de la persistance des violences sexuelles liées aux conflits. 

« Il s’agit d’une véritable tactique de guerre », a dénoncé la Suède, qui s’exprimait également au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède).  Le Guatemala s’est, pour sa part, félicité que le Conseil ait reconnu que ces crimes peuvent donner lieu à des sanctions individuelles, y voyant « une étape importante vers la reddition de comptes ». 

L’Afrique du Sud a réaffirmé son soutien à une approche de tolérance zéro à l’égard de toutes les formes de violences sexuelles et de violences ciblant les femmes dans les situations de conflit et de postconflit.  « Il faut appliquer ces normes à tous les auteurs de ces crimes », a insisté Israël, exhortant le Conseil à franchir une nouvelle étape en désignant le Hamas comme organisation terroriste, au regard des atrocités commises contre des femmes israéliennes.  Le Liban a rappelé, pour sa part, que les femmes de son pays continuent de souffrir des affres de la guerre, notamment lors de la dernière agression israélienne qui se poursuit actuellement. 

« En Ukraine, à Gaza, en Afghanistan, au Myanmar, au Soudan et dans de nombreux autres contextes de guerre et de conflit, nous soulignons la responsabilité de protéger », a encore martelé la Suède, exprimant sa préoccupation face au « retour de bâton » croissant contre les droits des femmes.  « Une paix sans les femmes n’est pas une paix », a renchéri le Canada, appelant à garantir la présence des femmes à la table des négociations. 

La Colombie a partagé, à cet égard, son expérience en matière de mise en œuvre de la résolution 1325, rappelant que son premier Plan d’action national avait été élaboré à l’issue d’un processus participatif inédit ayant mobilisé plus de 1 500 femmes issues de toutes les régions et de toutes les diversités. « Cela reflète notre conviction que les politiques de paix et de sécurité doivent être construites à partir de l’échelon local », a affirmé la délégation.  Le Guatemala a abondé dans ce sens, soulignant que, selon son expérience, la participation active des femmes rend les accords de paix plus durables et les sociétés plus résilientes.  Leur absence mine les processus de paix, a soutenu El Salvador.

Financements, cybersécurité et société civile: les soutiens nécessaires

Le Japon, Coprésident avec la Norvège du Réseau des points focaux Femmes, paix et sécurité, s’est félicité des nouveaux engagements ministériels annoncés par plusieurs régions lors de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale.  Tokyo a indiqué avoir alloué, pour l’année 2025, environ 2 millions de dollars pour soutenir l’élaboration de plans d’action nationaux dans la région Asie-Pacifique.

La Croatie, appuyée par l’Union européenne (UE), a souligné l’importance d’un financement durable pour le programme.  L’UE a d’ailleurs rappelé qu’en réponse aux appels des Nations Unies, elle avait plus que triplé son soutien au cours des trois dernières années, passant de 56 millions à 169 millions d’euros. 

D’autres délégations, à l’instar du Costa Rica et du Bangladesh, ont exhorté à intégrer la cybersécurité dans les plans d’action nationaux.  Il s’agit d’une mesure de plus, selon la délégation, pour combattre la violence fondée sur le genre, combler le fossé numérique et protéger les femmes activistes dans l’espace numérique. 

En conclusion, le Canada a rendu hommage aux femmes de la société civile du monde entier, « celles qui ont porté ce programme à l’ONU, qui le font avancer chaque jour et qui en paient le prix le plus élevé lorsque nous échouons à produire des résultats ». 

Retrouvez les délibérations: LIVE - Conseil de sécurité | Couverture des réunions & communiqués de presse 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.