Quatre-vingtième session,
Conférence de haut niveau sur la situation des musulmans rohingya et des autres minorités au Myanmar
AG/12716

Assemblée générale: pour les participants à la Conférence de haut niveau sur la situation des musulmans rohingya, « la solution se trouve au Myanmar » malgré une situation qui se détériore

L’Assemblée générale a organisé aujourd’hui la Conférence de haut niveau sur la situation des musulmans rohingya et des autres minorités au Myanmar, conformément à sa résolution A/RES/79/278.  Huit intervenants, notamment de hauts fonctionnaires de l’ONU et des représentants de la société civile, ainsi qu’une soixantaine d’États, ont répété un message clef: « la solution se trouve au Myanmar ». 

Pour autant, cette dernière semble éloignée si l’on en juge par les nombreuses descriptions de la détérioration de la situation sur le terrain.  « Les conflits armés, les violences contre les civils et les persécutions ciblées contre les Rohingya s’intensifient », a résumé la Présidente de l’Assemblée générale lors de son intervention liminaire. Et la conjoncture ne s’est pas améliorée avec l’avancée de l’Armée arakanaise, qui contrôle désormais la quasi-totalité de l’État rakhine, a renchéri le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, déplorant, entre autres, des incendies de leurs villages, le travail et le recrutement forcés, les discriminations systématiques. « Depuis la reprise des combats dans l’État rakhine en 2024, 150 000 personnes supplémentaires sont arrivées au Bangladesh en quête de sécurité », a-t-il rappelé. 

Un plan d’intervention humanitaire pour le Myanmar financé à 12% seulement

En outre, le niveau de soutien international ne prête pas à l’optimisme a ajouté Mme Annalena Baerbock, puisque « le plan d’intervention humanitaire pour le Myanmar en 2025 n’est financé qu’à 12% fin septembre, avec millions de dollars reçus sur les 1,14 milliard nécessaires ».  De son côté, l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Myanmar a indiqué que le plan d’intervention conjoint 2025 pour l’aide humanitaire aux Rohingya n’est actuellement financé qu’à hauteur de 37%. 

Le Royaume-Uni a annoncé un financement supplémentaire de 36 millions de dollars pour aider les réfugiés rohingya au Bangladesh.  Évoquant une aide de 16 millions de dollars, les États-Unis ont averti qu’ils ne soutiendraient pas cet effort « à l’infini », et appelé les acteurs de la région à augmenter leurs contributions. 

Le manque de financement frappe les 5,1 millions de personnes forcées de fuir en raison du conflit dans l’État rakhine, dont 1,6 million de réfugiés installés dans les pays voisins, a expliqué le Haut-Commissaire pour les réfugiés.  En 2024, plus de 800 000 enfants ont été privés d’aide à l’éducation, a indiqué M. Filipo Grandi, augmentant ainsi les risques pour les filles de se retrouver victimes de mariages précoces, de travail des enfants et d’exploitation sexuelle.  « La situation à Cox’s Bazar, le plus grand camp de réfugiés au monde, est désastreuse », a averti Mme Baerbock, ajoutant que les réfugiés ne reçoivent souvent qu’un seul repas par jour et que même l’accès à l’eau se fait rare. 

Risque de voir des enfants mourir de malnutrition

Les perspectives de financement pour l’année prochaine sont sombres, a annoncé M. Grandi.  « À moins que des ressources supplémentaires ne soient débloquées, nous serons contraints de procéder à de nouvelles coupes budgétaire », a-t-il regretté, évoquant le risque de voir des enfants mourir de malnutrition et de plus en plus de réfugiés périr en mer en s’embarquant pour de périlleuses traversées.

Évoquant les solutions politiques à la crise, l’Envoyé spécial du Président de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour le Myanmar, M. Othman Hashim, a estimé que la première étape cruciale consistait à mettre fin aux hostilités et à la violence dans le pays.  Le fondateur du Réseau des étudiants rohingya a demandé à l’ONU de produire un plan concret, mesurable et réaliste, assorti d’un calendrier, pour trouver une solution durable à la crise.  « Le monde doit agir de toute urgence pour arrêter le génocide », a martelé M. Maung Sawyeddollah.

Face à ces attentes, l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Myanmar s’est livrée à un constat sans appel: « Nous n’avons pas encore trouvé le terrain d’entente, ni la volonté de compromis qui permettraient aux multiples parties de s’asseoir à la table des négociations.  Le temps ne joue pas en notre faveur. » 

Mme Julie Bishop a pointé « un risque important » que les élections prévues en décembre intensifient la résistance, les manifestations et la violence, et fragilisent davantage la situation précaire du pays. Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme l’a rejointe sur cette ligne, expliquant que les Rohingya, « privés arbitrairement de leur citoyenneté », ne peuvent voter aux élections organisées sous contrôle militaire, qui ne reflètent donc pas les aspirations légitimes du peuple du Myanmar.  « Dans les conditions actuelles, nous rejetons ces élections », ont déclaré les États-Unis. 

La junte continue de perpétrer « des atrocités de masse et un génocide»

« Les Rohingya subissent une destruction totale dans l’État rakhine », a témoigné la fondatrice du réseau de paix des femmes Natwork-Myanmar.  Mme Wai Wai Nu a dénoncé la junte, qui continue de perpétrer « des atrocités de masse et un génocide » dans tout le pays, doit rendre des comptes.  « Il faut mettre fin aux tueries et à l’impunité », a-t-elle insisté, demandant à la communauté internationale d’honorer ses obligations vis-à-vis des réfugiés et de faire preuve de volonté politique.

« Il ne sera pas possible de résoudre la situation des musulmans rohingya et des autres minorités au Myanmar si nous ne nous attaquons pas à la cause profonde du problème », a estimé le représentant du Myanmar.  « Nous ne pouvons obtenir des résultats qu’en agissant ensemble pour mettre fin à la dictature militaire, à son coup d’État illégal et à sa culture d’impunité », a-t-il exhorté, appelant l’Assemblée à lui retirer tout soutien politique, militaire et financier. 

Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a rappelé qu’il avait demandé au Conseil de sécurité de saisir la Cour pénale internationale (CPI) de cette situation. M. Volker Turk a également prié le Myanmar de respecter les mesures imposées par la Cour internationale de Justice (CIJ) et la reddition de comptes pour les violations graves.  Qualifiant ces procédures d’« historiques », la Türkiye, au nom de l’Organisation de la coopération islamique, s’est félicitée de la demande faite au Myanmar de prévenir un génocide et de produire des éléments concrets en ce sens pour le début des audiences en janvier 2026.

La Fédération de Russie a condamné ce qu’elle a appelé « l’adoption de résolutions sélectives et unilatérales sur la situation des droits de l’homme dans des pays spécifiques », expliquant à ce titre avoir voté contre le projet de résolution 79/278 de l’Assemblée générale adopté en mars dernier.  Elle a jugé « inutile » d’organiser une rencontre visant à imputer exclusivement au Gouvernement du Myanmar la responsabilité de la crise. 

Dans le même ordre d’idées, la Chine a dit « soutenir le Myanmar ». Elle a également émis des réserves quant à la tenue de cette Conférence, estimant que toute action de l’ONU devait se faire sur la base du respect de la souveraineté et de la volonté des pays concernés.  Comme l’Algérie, le Vietnam a affirmé que toute solution à la crise devait respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du Myanmar.

Le Bangladesh demande le début du rapatriement des Rohingya vers l’État rakhine

« Huit ans après le début du génocide, le calvaire des Rohingya se poursuit », a estimé le Conseiller principal du Gouvernement provisoire de la République populaire du Bangladesh, s’inquiétant du manque d’initiatives pour mettre fin à la crise et des déficits du financement international.  « Nous sommes contraints de supporter d’énormes coûts financiers, sociaux et environnementaux », a expliqué M. Muhammad Yunus, se préoccupant en outre des activités criminelles, notamment le trafic de drogue via l’État rakhine, vers le Bangladesh, qui menacent son tissu social.  « Avec la diminution des financements, la seule option pacifique est de commencer le rapatriement des Rohingya. » 

« La communauté internationale doit exercer une pression efficace sur le Myanmar et l’Armée arakanaise afin qu’ils mettent immédiatement fin à la persécution des Rohingya et commencent à œuvrer pour leur rapatriement rapide dans l’État rakhine » a argué M. Yunus.  Il a également appelé à « mobiliser le soutien international pour stabiliser l’État rakhine et à mettre en place une présence civile internationale afin de surveiller cette stabilisation ». 

« Comment peut-on préparer le retour des réfugiés malgré le conflit en cours et réunir les conditions propices? » a interrogé la Directrice exécutive de Femmes réfugiées pour la paix et la justice, Mme Lucky Karim, dénonçant elle aussi un « génocide qui perdure ».

Malheureusement, la réalité actuelle, notamment les attaques aériennes continues menées par la junte militaire à travers le pays, y compris dans l’État rakhine, « assombrit toute perspective à court terme d’un rapatriement sûr, digne et volontaire des Rohingya », a déploré le délégué du Myanmar.  Une position partagée par Mme Bishop qui a estimé que l’escalade du conflit constitue un obstacle « apparemment » insurmontable au retour des Rohingya déplacés de force. 

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