Conseil de sécurité : la majorité des délégations rejettent les allégations russes sur l’existence d’un programme d’armes biologiques en Ukraine, soutenu et financé par les États-Unis
Si la Fédération de Russie a cru pouvoir convaincre aujourd’hui tous les membres du Conseil de sécurité de l’existence d’un programme d’armes biologiques en Ukraine, soutenu et financé par les États-Unis, elle s’est trompée. « Affirmations non vérifiées, non fondées, non corroborées et non évaluées indépendamment », « théorie du complot assez bizarre », « réalité alternative » ou encore « prélude à l’utilisation d’une arme chimique ou biologique en Ukraine »: les délégations n’ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer « une campagne de désinformation » visant à détourner l’attention de l’agression russe en cours. Les Nations Unies n’ont pas connaissance de l’existence d’un programme biologique en Ukraine, a même affirmé la Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement.
Au cours de notre « opération militaire spéciale » en Ukraine, a expliqué la Fédération de Russie, il a été établi que les autorités ukrainiennes, avec le soutien et la supervision directe du Département américain de la défense, ont mis en œuvre des projets « dangereux » dans le cadre d’un programme biologique à des fins militaires, conformément à un accord signé en 2005. Dans la série de documents que nous avons faits circuler ce matin au Conseil de sécurité, a souligné la Fédération de Russie, vous trouvez le soi-disant « Plan d’assistance technique » envoyé à certains destinataires du Ministère ukrainien de la défense, qui confirme le financement direct et la surveillance par le Pentagone des projets biologiques à des fins militaires. Selon le même Plan, c’est le Département américain de la défense qui a défini les tâches et déterminé l’étendue des projets ainsi que la liste des équipements, et délégué de larges pouvoirs à son sous-traitant « Black & Veatch », en coopération avec les autorités ukrainiennes.
Les laboratoires biologiques à Kiev, Odessa, Lvov et Kharkov n’ont pas été choisis par hasard par le Département américain de la défense, a encore expliqué la Fédération de Russie. Ils sont devenus les exécutants du projet UP-8, visant à étudier les agents pathogènes de la fièvre de Crimée-Congo, de la leptospirose et des hantavirus. Les documents que nous publions, a-t-elle affirmé, portent les signatures de véritables responsables américains et ils ne sont que la « pointe de l’iceberg » puisque nous en analysons d’autres en ce moment-même.
Comme la semaine dernière, ont commenté les États-Unis, la Russie vient de nous présenter une théorie du complot « assez bizarre ». L’Ukraine, ont-ils martelé, ne possède ni d’arme biologique ni de laboratoire suspect mais des établissements de santé publique, soutenus et reconnus par le Gouvernement américain, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et d’autres institutions internationales. La seule prétendue preuve que nous apporte la Fédération de Russie, ce sont des programmes de recherche nécessaires à la biosécurité et à la santé humaine ou animale, menés par ailleurs dans de nombreux pays, a fait observer l’Irlande.
C’est plutôt la Russie, ont poursuivi les « États-Unis, qui a depuis longtemps un programme contraire au droit international, comme en attestent l’empoisonnement à l’agent pathogène d’Alexeï Navalny, de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, et le soutien au « régime d’Assad » qui a utilisé des armes chimiques contre sa propre peuple. Nous en sommes réduits, s’est énervée l’Albanie, à parler de programmes d’armes « inexistants », développés dans des laboratoires « inexistants » et financés par des entités « inexistantes ». Elle a dénoncé des affirmations « non vérifiées, non fondées, non corroborées et non évaluées indépendamment » et « des tactiques de désinformation » pour justifier une nouvelle escalade et l’emploi éventuel d’armes chimiques ou biologiques.
Il faut craindre en effet que cette « réalité alternative » soit « le prélude » à l’utilisation d’une arme chimique ou biologique en Ukraine, a acquiescé la France. L’emploi de ces armes bannies par le droit international constituerait, a-t-elle prévenu, une escalade intolérable du conflit et entraînerait en réponse des sanctions économiques « absolument massives ». Ancienne victime des armes chimiques, la Chine a voulu que toutes les allégations liées à un programme chimique ou bactériologique soient abordées de manière « responsable ». Face aux nouvelles « révélations » de la Fédération de Russie, elle a demandé aux parties concernées de répondre aux questions posées et de fournir des éclaircissements permettant de balayer les doutes de la communauté internationale.
Des allégations « d’une telle gravité », a embrayé le Brésil, pointe vers la nécessité d’un protocole de vérification se rapportant à la Convention sur les armes biologiques. Le Kenya a d’ailleurs conseillé de profiter de la neuvième Conférence d’examen de ladite Convention pour renforcer le régime de ces armes parce qu’”aucune allégation ne doit être prise à la légère ». En attendant, Mme Izumi Nakamitsu, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a affirmé que les Nations Unies n’ont pas connaissance d’un programme d’armes biologiques en Ukraine. Nous n’avons, a-t-elle reconnu, ni le mandat ni la capacité technique ou opérationnelle d’enquêter sur ces allégations.
Soulignant que la Fédération de Russie et l’Ukraine sont toutes deux parties à la Convention sur les armes biologiques, elle a fait observer que cet instrument international comporte plusieurs mesures que les États peuvent actionner pour éliminer toute préoccupation ou tout soupçon face aux activités de leurs pairs. Ce que ce Conseil doit entendre de la Fédération de Russie, s’est impatienté le Royaume-Uni, nous ne l’avons entendu ni hier, ni aujourd’hui, « rien sur le retrait des troupes russes de l’Ukraine ».
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a, s’agissant des documents présentés par la Fédération de Russie sur les allégations relatives aux programmes d’armes biologiques en Ukraine, réitéré que les Nations Unies n’en ont pas connaissance. Nous n’avons, a-t-elle précisé, ni le mandat ni la capacité technique ou opérationnelle d’enquêter sur ces allégations. Soulignant que la Fédération de Russie et l’Ukraine sont toutes deux parties à la Convention sur les armes biologiques de 1972, la Haute-Représentante a fait observer que cet instrument international contient plusieurs mesures que les États peuvent actionner pour éliminer toute préoccupation ou tout soupçon face aux activités de leurs pairs.
Conformément à l’article V de la Convention, les États parties s’engagent à se consulter et à coopérer pour résoudre tout problème, sur une base bilatérale ou par les procédures internationales prévues dont l’une est la convocation d’une réunion consultative. D’autres mesures sont contenues dans les articles V et VI de la Convention, a encore fait observer Mme Nakamitsu, estimant que la neuvième Conférence d’examen de la Convention, qui aura lieu prochainement, est l’occasion idéale de renforcer le texte de manière globale et le Bureau des affaires de désarmement est prêt à soutenir toutes les procédures que les États parties décideraient d’utiliser.
En ce qui concerne la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes, la Haute-Représentante a cité le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui a indiqué que, selon les autorités ukrainiennes elles-mêmes, la centrale nucléaire de Zaporizhzhya était encore pleinement opérationnelle hier, après la perte de la connexion à une troisième ligne électrique externe la reliant au réseau électrique national. La centrale de Chernobyl reste, quant à elle, connectée audit réseau, après avoir été rebranchée le 14 mars dernier. Toutefois, les opérateurs et gardiens ukrainiens n’ont pas pu effectuer de rotation depuis trois semaines. Par ailleurs huit des 15 réacteurs du pays sont toujours en service.
S’agissant des garanties nucléaires, l’AIEA ne reçoit toujours pas de transmission de données à distance de ses systèmes de surveillance installés à Chernobyl, a expliqué la Haute-Représentante, soulignant toutefois que les données des autres centrales nucléaires ukrainiennes sont dûment transférées. Mme Nakamitsu a saisi l’occasion pour réitérer le soutien du Secrétaire général aux efforts de l’AIEA s’agissant de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires de l’Ukraine et a exhorté toutes les parties à travailler avec l’Agence.
Enfin, Mme Nakamitsu a souligné les terribles conséquences du conflit sur les civils: au 16 mars, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme avait enregistré 2 032 victimes civiles, dont 780 tués, parmi lesquels 58 enfants, et il est à craindre que le nombre réel soit beaucoup plus élevé. La plupart de ces victimes sont causées par l’utilisation d’armes explosives à large portée. La Haute-Représentante a plaidé pour une solution diplomatique à la guerre pour mettre fin à la violence « maintenant » au nom du peuple ukrainien et du monde entier.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré qu’au cours de « l’opération militaire spéciale » lancée en Ukraine, il a été établi que les autorités ukrainiennes, avec le soutien et la supervision directe du Département américain de la défense, ont mis en œuvre des projets « dangereux » dans le cadre d’un programme biologique à des fins militaires, posant une menace réelle à la biosécurité de la Fédération de Russie et de toute la région. Il y a une semaine, à notre demande, a dit le représentant, le Conseil de sécurité a tenu sa toute première réunion sur la question, au cours de laquelle nous avons posé des questions à « nos collègues occidentaux » qui sont restés muets. La représentante des États-Unis, a précisé M. Nebenzia, n’a pu expliquer pourquoi les déclarations des responsables américains sur l’absence d’un laboratoire biologique contrôlé par les États-Unis en Ukraine étaient contredites par des documents attestant d’une « coopération » entre Kiev et Washington dans ce domaine. Permettez-moi de vous rappeler, dit le représentant, que nous parlons d’un accord signé en 2005 entre le Département américain de la défense et le Ministère ukrainien de la santé, qui mentionne directement le soutien du Pentagone à la « recherche conjointe d’agents pathogènes dangereux ».
Dans la série de documents que nous avons fait circuler ce matin au Conseil de sécurité, a souligné le représentant, vous trouverez le soi-disant « Plan d’assistance technique » envoyé à certains destinataires du Ministère ukrainien de la défense, qui confirme le financement direct et la surveillance par le Pentagone des projets biologiques à des fins militaires. Selon le même Plan, c’est le Département américain de la défense qui a défini les tâches et déterminé l’étendue des projets en Ukraine, déterminé les listes des équipements nécessaires et délégué de larges pouvoirs à la société « Black & Veatch », qui lui est affilié, en coopération avec les autorités ukrainiennes. Le bénéficiaire de « l’aide américaine », à savoir le Ministère ukrainien de la défense, a été obligé d’assurer « l’accès rapide » du personnel du Pentagone et de son sous-traitant aux laboratoires en Ukraine pour « effectuer des travaux » dans le cadre de la mise en œuvre de projets. Le Ministère ukrainien a en outre été obligé d’ouvrir l’accès à ses installations à des « scientifiques étrangers ».
Nous ne serions pas surpris si des faits similaires sont révélés sur les activités des laboratoires contrôlés par les États-Unis dans d’autres régions du monde. Nous appelons les pays qui ont ouvert leur territoire aux expériences du Pentagone à étudier attentivement le contrat de leur partenariat avec les États-Unis dans le domaine biologique. Nous soutenons pleinement la demande de la Chine pour que les États-Unis divulguent des données relatives aux activités de 360 laboratoires qu’ils contrôlent dans le monde, a encore déclaré M. Nebenzia.
Mais « retour en Ukraine », a poursuivi le représentant. Les laboratoires biologiques à Kiev, Odessa, Lvov et Kharkov n’ont pas été choisis par hasard par le Département américain de la défense. Ils sont devenus les exécutants du projet UP-8, visant à étudier les agents pathogènes de la fièvre de Crimée-Congo, de la leptospirose et des hantavirus. Nous pensons que l’intérêt des biologistes de l’armée américaine pour ces agents pathogènes s’expliquent par le fait qu’ils ont des foyers naturels à la fois en Ukraine et en Russie, et que leur utilisation peut être masquée dans des épidémies de maladies naturelles.
Relayant volontiers toutes les « fausses informations » fournies par les autorités ukrainiennes, avec le soutien de leurs « mécènes occidentaux », les médias occidentaux ont douté de l’authenticité des documents publiés par le Ministère russe de la défense. Je veux attirer l’attention sur le fait suivant, a martelé le représentant. Les documents que nous publions portent les signatures de véritables responsables américains. Plusieurs d’entre eux ont été signés par la responsable du Bureau ukrainien de réduction des menaces, Mme Joanna Wintrall. Cette employée du Pentagone est bien connue dans les milieux de la non-prolifération. Avant l’Ukraine, elle a supervisé la destruction des armes chimiques en Libye. Si les journalistes sont vraiment intéressés par l’authenticité des documents que nous présentons, alors je suggère de la contacter directement.
En conclusion, M. Nebenzia a souhaité commenté les déclarations des représentants du Secrétariat de l’ONU qui n’auraient aucune preuve de l’existence de programmes biologiques à des fins militaires en Ukraine. Conformément à la Convention sur les armes biologiques, les États parties doivent soumettre à l’ONU des informations sur leurs activités en cours. Il s’agit des mesures de confiance mais depuis 2016, moment où la mise en œuvre des projets mentionnés, dont UP-4, UP-8 et R-781, a commencé, les États-Unis et l’Ukraine ont délibérément gardé le silence. Cela fait des années, a souligné le représentant, que mon pays appelle au renforcement du régime de la Convention et à l’adoption d’un protocole juridiquement contraignant qui permettrait de créer un mécanisme de vérification efficace, comprenant des informations sur les activités biologiques à des fins militaires menées à l’étranger. Les États-Unis bloquent ces travaux depuis près de 20 ans, a fait observer le délégué. Tous les faits et toutes preuves que j’ai énumérés aujourd’hui et le 11 mars dernier ne sont que la « pointe de l’iceberg ». Notre Ministère de la défense en a reçu d’autres qu’il analyse. Nous continuerons à informer la communauté internationale des activités « illégales » du Pentagone sur le territoire ukrainien, a promis M. Nebenzia.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a regretté que l’on en soit réduit à parler de programmes d’armes « inexistants », développés dans des laboratoires « inexistants » et financés par des entités « inexistantes » aux États-Unis, alors que de nombreux établissements de santé sont bombardés en Ukraine. Après avoir dénoncé des affirmations « non vérifiées, non fondées, non corroborées et non évaluées indépendamment » le représentant a estimé que nous sommes, dans le meilleur des cas, face à une tentative de la Russie de détourner l’attention de ses crimes et de son invasion de l’Ukraine. Il a dénoncé « des tactiques de désinformation » pour justifier une nouvelle escalade et l’emploi éventuel d’armes chimiques ou biologiques.
Acceptez plutôt le cessez-le-feu sur tout le territoire ukrainien, a conseillé le représentant à la Russie. Retirez vos forces dans un rayon de 40 km des lieux suspects, et demandez que les forces de l’ONU le sécurisent pour permettre aux équipes de mener des enquêtes. Le représentant a rappelé que 141 membres de l’Assemblée générale ont exhorté la Russie à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à arrêter la guerre et à protéger les civils. Ils ne vous ont pas demandé de bombarder aveuglément, de tuer des innocents, de détruire un pays ou de semer des ravages économiques dans le monde entier. Le représentant a exhorté la Russie à ne pas abuser du Conseil pour créer « l’illusion de la vérité à coup de mensonges répétés ». « Calomniez, calomniez, il en reste toujours quelque chose », a-t-il conclu, en citant Beaumarchais.
Comme la semaine dernière, la Fédération de Russie vient de nous présenter une théorie du complot « assez bizarre », a commenté Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis), affirmant que l’Ukraine ne possède ni d’arme biologique ni de laboratoire. L’Ukraine, a-t-elle dit, possède en effet des établissements de santé publique, soutenus et reconnus par le Gouvernement américain, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et d’autres institutions internationales. C’est plutôt la Russie qui a depuis longtemps un programme contraire au droit international.
C’est aussi elle qui est l’agresseur ici. Ce sont ses agents qui ont empoisonné Alexeï Navalny et Sergueï Skripal et sa fille Ioulia, avec des agents pathogènes. C’est elle qui continue de soutenir et de protéger « le régime d’Assad », alors qu’il a utilisé des armes chimiques contre sa population comme l’ont confirmé par les Nations Unies et l’OIAC.
Nous sommes réunis aujourd’hui, a poursuivi la représentante, parce que la Fédération de Russie a échoué à faire adopter son projet de résolution. En fait, cette réunion, n’est que le résultat et le fruit de son « isolement » au Conseil de sécurité et de la scène internationale. Nous ne sommes pas ici « pour vendre ou acheter des armes », au sens littéral comme au sens figuré, a souligné la représentante qui s’est inquiétée d’une réunion qui n’est qu’un autre effort la Fédération de Russie de justifier son attaque contre l’Ukraine. À de multiples reprises, la Fédération de Russie a accusé les pays de violations auxquelles elle se livre elle-même et elle pourrait être sur le point d’utiliser des armes biologiques ou chimiques sur le territoire de l’Ukraine, a alerté la représentante. Nous continuerons, a-t-elle promis, de tirer la sonnette d’alarme, d’informer le monde et de mettre à jour « les multiples mensonges » de la Russie devant ce Conseil malgré toutes les preuves, dont, l’invasion de l’Ukraine. Cette campagne de désinformation est en réalité un « signe de désespoir ». « C’est ça la vérité! » a conclu la représentante.
Mme GERALDINE BYRNE MASON (Irlande) a regretté la décision de la Fédération de Russie de convoquer cette réunion dans le seul but de promouvoir ses allégations « fallacieuses et non fondées ». La seule prétendue preuve de la Fédération de Russie, ce sont des programmes de recherche nécessaires à la biosécurité et à la santé humaine ou animale, menés par ailleurs dans de nombreux pays. La représentante a exhorté la Fédération de Russie à cesser ses « campagnes de désinformation » et ses tentatives de détourner l’attention de ce qui se passe vraiment en Ukraine. Il est tout simplement « inacceptable », a-t-elle tonné, de porter des accusations « sans fondement » contre l’Ukraine, un État partie en règle au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), et aux Conventions internationales sur les armes chimiques et biologiques. L’utilisation de ces armes « odieuses » est immorale et illégale, en toute circonstance et il n’y aura pas d’impunité pour ceux qui y recourent, a prévenu la représentante, avant d’exhorter la Fédération de Russie à se garder de violer ou de saper le désarmement multilatéral essentiel à notre sécurité collective.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a qualifié « de cynique et d’irresponsable » la campagne de désinformation de la Russie qui n’a présenté aucun fait avéré. L’Ukraine n’a pas de programmes d’armement biologique et elle respecte ses obligations au titre de la Convention sur l’interdiction des armes bactériologiques (biologiques), a insisté le représentant, avant de rappeler que les Nations Unies ont clairement indiqué la semaine dernière, et encore ce matin, n’avoir pas connaissance de l’existence de tels programmes. M. de Rivière a néanmoins précisé que la Russie a, en revanche, eu recours de manière répétée aux armes chimiques, ces dernières années. Le pays a soutenu le régime syrien et a eu recours à ces armes au Royaume-Uni et sur son propre territoire, dans des tentatives d’assassinats ciblés. En inventant « une réalité alternative », la Russie cherche à faire oublier sa responsabilité et à couvrir ses crimes. Le représentant s’est dit très préoccupé par la possibilité que cette campagne de désinformation soit le prélude à l’utilisation d’une arme chimique ou biologique en Ukraine. Il a prévenu que si de telles attaques avaient lieu, la Russie serait la seule responsable. L’utilisation de ces armes bannies par le droit international constituerait une escalade intolérable du conflit et elle entraînerait en réponse des sanctions économiques « absolument massives ». Le représentant a regretté que le Conseil de sécurité soit utilisé par l’un de ses membres permanents comme « une plateforme de propagande ».
Hier encore, ici dans ce Conseil, nous avons entendu les effets dévastateurs de l’invasion russe sur l’Ukraine, sa population, ses villes, la région et l’ensemble de la communauté internationale, a rappelé Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni). Aujourd’hui, nous avons, de nouveau, à faire à une campagne de désinformation « d’amateurs » qui a déjà fait l’objet d’une discussion, vendredi dernier. Qualifiant la réunion de « non-sens », la représentante a préféré souligné que le Président Putin et son invasion « inhumaine et illégale » est la plus grande menace à la paix et à la sécurité internationales. Les charades et la désinformation sont tout simplement « indignes » d’un membre du Conseil de sécurité. Ce dont ce Conseil a besoin d’entendre de la Fédération de Russie, nous ne l’avons entendu ni hier, ni aujourd’hui, rien sur le retrait des troupes russes de l’Ukraine. La Russie, en a déduit à son tour la représentante, est isolée d’un point de vue diplomatique et économique et elle s’enlise en Ukraine. Mettez fin à votre invasion « maintenant », a-t-elle conseillé.
Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a déclaré que l’utilisation d’agents chimiques ou biologiques comme armes de guerre en Ukraine ou ailleurs serait inadmissible et ne devrait être envisagée par aucune des parties. Elle a souligné la nécessité urgente pour la Fédération de Russie de cesser les hostilités et de procéder au retrait inconditionnel et immédiat de toutes ses troupes. Ce conflit, a-t-elle constaté, a de plus en plus de ramifications au-delà des frontières de l’Ukraine. La hausse importante des prix des denrées alimentaires et du gaz a un impact négatif sur une économie mondiale déjà fragilisée par la pandémie de COVID-19. Aussi la déléguée s’est-elle félicitée de l’intention du Secrétaire général de mobiliser une action mondiale pour atténuer l’impact de cette guerre. Déplorant la détérioration rapide de la situation humanitaire en Ukraine, elle a appelé au respect du droit humanitaire international et des droits de l’homme. Elle a ensuite demandé la fin immédiate des attaques contre les établissements médicaux et autres établissements essentiels, et encouragé à la poursuite des pourparlers en cours entre les deux parties.
Je vous prie d’éviter d’interpréter notre position sur quelque sujet que ce soit. Nous sommes tout à fait capables d’exprimer notre position ici au Conseil de sécurité et dans d’autres organes des Nations Unies, s’est emporté M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil). Aujourd’hui, pour la deuxième fois en une semaine, nous sommes réunis ici pour discuter d’allégations « très graves » concernant la production et le stockage d’armes biologiques. Des accusations d’une telle gravité doivent être étayées par des preuves « solides et confirmées », et collectées par une autorité indépendante, comme le prévoit l’article VI de la Convention sur les armes biologiques. Nous sommes dès lors, a dit le représentant, favorable à un protocole de vérification se rapportant à la Convention et tout aujourd’hui pointe vers la nécessité d’un tel mécanisme.
Mme STEPHANIE NGONYO MUIGAI (Kenya) a estimé regrettable que le conflit armé en Ukraine se poursuive avec des conséquences intolérables pour le peuple ukrainien et, de plus en plus, pour le reste du monde, en particulier pour les pays du Sud, où les prix des produits de base augmentent fortement en raison de l’impact des sanctions et des pénuries. À ce stade, a-t-elle préconisé, le Conseil devrait se concentrer sur la cessation de la campagne militaire en Ukraine. Elle a appelé les parties concernées à agir immédiatement pour faciliter l’action humanitaire mais aussi un dialogue indispensable à la recherche d’une solution politique durable. Poursuivant, elle a voulu que l’on ne prenne à la légère aucune allégation sur l’emploi d’armes biologiques. Elle a exhorté les États parties à la Convention à saisir l’occasion de la neuvième Conférence d’examen, qui se tiendra dans le courant de l’année, pour renforcer le régime des armes biologiques.
Mme MONA JUUL (Norvège) a rappelé que la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement a répété aujourd’hui, comme la semaine dernière, que « l’ONU n’a connaissance d’aucun programme d’armes biologiques en Ukraine ». La représentante a estimé que la Russie n’a fourni aucune preuve « crédible » de ses affirmations et qu’elle s’est limitée à des allégations et des interprétations non fondées. Elle a jugé inadmissible que la Russie continue de proférer des affirmations non étayées selon lesquelles l’Ukraine se prépare à utiliser des armes biologiques. Il s’agit d’une démarche qui vise à détourner l’attention du rôle d’agresseur de la Russie dans cette invasion illégale de l’Ukraine. Partisane de la Convention sur les armes biologiques, la Norvège, a souligné la représentante, condamne toute utilisation de ces armes. Après avoir accusé la Fédération de Russie de convoquer des réunions dans le seul but de saper le rôle vital du Conseil en matière de diplomatie et de maintien de la paix, elle a répété que ce pays porte seule la responsabilité de cette guerre illégale et de ses conséquences humanitaires dévastatrices.
M. CHRISTOPHE NANGA (Gabon) a réitéré les propos tenus, la semaine dernière, avant d’appeler les parties à s’en tenir au strict respect des dispositions pertinentes de la Convention sur les armes biologiques. En tant qu’État partie à cet instrument international, le Gabon, a dit le représentant, déclare son opposition à toute utilisation de ce type d’armes et appelle les belligérants en Ukraine à s’abstenir de toute escalade et à respecter le droit international.
M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a déclaré que son gouvernement attache une grande importance à la Convention sur les armes biologiques, qui doit être mise en œuvre de manière « complète et efficace ». Nous pensons également que toute question relative aux obligations découlant de la Convention doit être traitée conformément aux dispositions prévues et dans le cadre de consultations entre les parties concernées. Ma délégation, a dit le représentant, reste profondément préoccupée par la détérioration de la situation en Ukraine, même si elle se félicite de la dernière série de pourparlers diplomatiques entre la Fédération de Russie et l’Ukraine. Nous pensons que la cessation immédiate des hostilités et la poursuite diligente de la voie du dialogue et de la diplomatie sont « la seule voie possible », a ajouté le délégué.
M. JUN ZHANG (Chine) a estimé qu’un cessez-le-feu doit intervenir le plus rapidement possible pour éviter l’aggravation de la crise humanitaire en Ukraine. Notant ensuite que la Fédération de Russie et l’Ukraine ont tenu quatre cycles de négociations, le représentant a espéré voir un cessez-le-feu. Il a invité les parties à explorer les manières de mettre en place un régime équilibré, basé sur une architecture européenne s’appuyant sur le principe de la sécurité collective indivisible. Rappelant la position de la Chine sur les armes de destruction massive, le représentant a exhorté tous les pays qui ne l’auraient pas encore fait, à détruire leurs stocks d’armes chimiques le plus rapidement possible, et à permettre au régime de vérification de mener ses missions le plus vite possible pour renforcer la sécurité biologique. Ancienne victime des armes chimiques, la Chine, a dit le représentant, souhaite que toutes les allégations liées à un programme chimique ou bactériologique soient abordées de manière responsable. Face aux nouvelles « révélations » de la Fédération de Russie, il a demandé aux parties concernées de répondre aux questions posées et de fournir des éclaircissements permettant de balayer les doutes de la communauté internationale.
Après avoir noté que l’ONU n’est pas au courant de programmes d’armes biologiques en Ukraine, M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a rappelé que la Convention sur les armes biologiques est un instrument « fondamental » du régime de désarmement multilatéral. La Convention, a-t-il aussi rappelé, prévoit de régler les différends par la consultation et la coopération. Moins de 24 heures après la dernière réunion du Conseil sur les besoins humanitaires de l’Ukraine, l’urgence, a estimé le représentant, est de cesser les hostilités et de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, sans restriction ni exclusion. Ce « sentiment d’urgence », a-t-il martelé, est partagé par tous les membres de ce Conseil « sauf un ».
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déclaré que l’utilisation de tout type d’arme de destruction massive par quelque partie que ce soit, et quelles qu’en soient les circonstances, ne saurait être justifiée. Il s’agirait d’un crime contre l’humanité, a-t-il martelé, avant de réitérer son appel à la mobilisation de tous les instruments diplomatiques « à notre disposition » pour mettre un terme aux hostilités et apaiser les souffrances des civils, dans le respect du droit international.
Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie s’est étonné que les membres du Conseil se soient bornés à dénoncer une prétendue campagne de désinformation alors qu’ils sont saisis d’informations et de documents nouveaux et dûment signés sur la coopération entre l’Ukraine et les États-Unis, dans le domaine bactériologique. Contestez ces informations plutôt que de nous accuser de désinformation, a-t-il dit, et surtout cessez de nous soupçonner de vouloir utiliser des armes biologiques ou chimiques contre l’Ukraine alors que nous vous présentons des informations sur le déploiement de groupes nationalistes ukrainiens dotés de matériels permettant de mener des actions avec ces armes, a insisté le représentant. Après avoir mentionné un programme d’armes biologiques américain « caché », il a attiré l’attention sur des études relatives à l’augmentation du nombre de maladies « douteuses » en Ukraine qui ne s’explique pas par des facteurs traditionnels. Réagissant enfin à l’idée que l’ONU ne sait rien d’un programme d’armes bactériologiques en Ukraine, il s’est résigné: « l’ONU ne peut pas savoir car les initiateurs de ces programmes ne partagent pas ce genre d’informations. »