À Bruxelles, le Vice-Secrétaire général souligne le « potentiel énorme » de la République centrafricaine, malgré des « défis gigantesques »
On trouvera ci-après le discours prononcé par le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, à la Conférence de Bruxelles pour la République centrafricaine, aujourd’hui:
J’aimerais saluer la présence dans cette salle de l’Assemblée nationale de la République centrafricaine, en particulier celle de son Président, l’honorable Karim Meckassoua, et les honorables parlementaires qui l’accompagnent.
Je veux également saluer l’importante délégation gouvernementale présente aux côtés du Président Touadéra.
Lors de ma récente visite en République centrafricaine, ce fut un immense privilège pour moi de m’entretenir avec toutes ces personnalités de l’avenir de leur pays et de leur peuple.
Il y a moins de trois ans, la République centrafricaine était au bord de l’abîme. Nous nous souvenons tous des images de bain de sang, qui ont inondé les médias et provoqué une onde de choc partout dans le monde. La communauté internationale a réagi en déployant des troupes provenant de la sous-région, de l’Union africaine, de la France, de l’Union européenne et des Nations Unies.
Ces efforts conjugués ont aidé à contenir la violence. Ils ont également contribué à créer des conditions favorables à la poursuite de la transition politique du pays et au rétablissement de l’ordre constitutionnel, avec l’élection du Président Touadéra.
Il y a deux semaines, je me suis rendu en République centrafricaine. J’ai vu un pays confronté à des défis gigantesques. J’ai constaté que les blessures résultant du conflit étaient encore bien visibles. Le tissu social est déchiré. De nombreux Centrafricains sont profondément traumatisés et la réconciliation, dans certains cas, prendra certainement du temps.
Les conditions de sécurité demeurent fragiles. Les groupes armés continuent de représenter une menace pour les civils et de déstabiliser l’autorité de l’État. Les fauteurs de trouble recourent à la violence pour perturber le processus politique et mettre en avant leurs intérêts. Les violations des droits de l’homme demeurent endémiques et se sont multipliées avec la récente intensification de la violence.
J’ai également vu un pays confronté à une situation humanitaire désastreuse. Quarante pour cent des habitants ont besoin d’une aide humanitaire vitale. Un cinquième de la population a été déplacée au sein du pays ou dans les pays voisins. Beaucoup de ces déplacés ont peur de retourner chez eux.
Pourtant, j’ai vu de nombreux signes d’espoir. J’ai trouvé un pays au potentiel énorme, un pays avec beaucoup de vitalité et de dynamisme. Des hommes et des femmes de tous horizons m’ont fait part de leur désir de paix et de leur espoir d’un avenir différent. Le Président Touadéra croit fermement, je sais bien, à l’inclusivité, à la réconciliation et à la nécessité de transformer le pays. Les acteurs internationaux sur le terrain sont mobilisés et unis pour aider les Centrafricains à consolider les avancées faites jusqu’à présent.
J’ai quitté la République centrafricaine convaincu que le pays pourrait tourner la page, consolider la paix et la cohésion sociale, parvenir à une vraie réconciliation et favoriser le développement.
Nous sommes tous ici aujourd’hui pour soutenir pleinement un peuple qui aspire à la paix. Je tiens à exprimer ma reconnaissance à l’Union européenne, qui a organisé une réunion d’une telle importance à ce moment critique. Je veux aussi remercier la Banque mondiale pour son soutien professionnel et substantiel à notre tâche commune.
Notre présence à Bruxelles démontre le partenariat étroit de la communauté internationale avec le peuple de la République centrafricaine et son gouvernement. À cet égard, je salue le travail conjoint accompli dans le cadre du Plan national de relèvement et de consolidation de la paix. Ce Plan définit les grandes priorités en matière de relèvement et de développement.
Je voudrais aussi souligner l’importance du Cadre d’engagement mutuel entre le Gouvernement centrafricain et la communauté internationale, que le Président Touadéra et moi-même, au nom du Secrétaire général et pour le compte de la communauté internationale, signerons aujourd’hui dans cette salle. Cet accord permettra d’appuyer les avancées politiques au plus haut niveau pour favoriser la paix et assurer la mise en œuvre du Plan national pour le relèvement et la consolidation de la paix.
La paix et la sécurité, le relèvement, le développement à long terme, la stabilisation et les droits de l’homme doivent aller main dans la main et se renforcer mutuellement. Des initiatives coordonnées et bien planifiées, comme celles articulées dans le Plan national pour le relèvement et la consolidation de la paix, seront primordiales. Même si nous nous engageons sur tous ces fronts, la priorité consistant à sauver des vies humaines doit demeurer essentielle.
Le progrès sur le front politique est plus essentiel que jamais, surtout à la suite des violences survenues récemment à Bangui et ailleurs dans le pays. Je salue l’adoption récente par les autorités centrafricaines de réformes clés et des stratégies de désarmement, démobilisation et réinsertion, ainsi que celles qui portent sur la réforme du secteur de la sécurité, la réforme de la police ainsi que la réconciliation.
Le dialogue et un engagement politique continu seront nécessaires pour mettre en œuvre ces plans nationaux. Le soutien politique et financier de la communauté internationale sera également essentiel pour le succès de ces plans.
Dans le même temps, il faut répondre aux revendications et à la marginalisation par un dialogue et des négociations continus et inclusifs et rejeter la violence. Les groupes armés doivent être désarmés dans le cadre d’un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion holistique, inclusif et soutenu. Les forces nationales de défense et de sécurité doivent être transformées pour être représentatives, équilibrées ethniquement, effectives et responsables. La réconciliation nationale doit être facilitée à tous les niveaux.
Mais sans état de droit, les efforts de stabilisation resteront vains.
La justice devra être une composante essentielle de la réconciliation. Il faut que la Cour pénale spéciale devienne rapidement opérationnelle, que les institutions judiciaires et pénitentiaires reprennent progressivement leurs activités à travers le pays et qu’une stratégie de justice transitionnelle soit mise en place tout en assurant la protection des victimes et témoins.
L’amélioration des services sociaux de base sera primordiale. Les jeunes Centrafricains, aspirant désespérément à une vie meilleure, doivent être le cœur de cible de notre assistance.
Les vastes ressources naturelles du pays devront être exploitées en vue d’un développement durable. L’investissement qui promeut l’intégration économique régionale contribuera à préserver la paix. Il faudra aussi mobiliser la diaspora centrafricaine pour les initiatives de relèvement.
L’ONU fera sa part de travail. Notre mission de maintien de la paix, la MINUSCA, continuera de contrer fermement les actions des fauteurs de troubles pour prévenir la violence, assurer la sécurité et protéger les civils. En collaboration avec l’équipe de pays des Nations Unies et en coordination avec les partenaires internationaux, l’ONU poursuivra également le dialogue politique avec le Gouvernement autour des grandes priorités que sont le désarmement, la démobilisation et la réintégration, la réforme du secteur de la sécurité, la réconciliation et la cohésion sociale, le rétablissement de l’autorité de l’État et la lutte contre l’impunité.
Les institutions, fonds et programmes des Nations Unies, de même que les partenaires et les donateurs, notamment à travers le fonds multipartenaire, Ezingo, accompliront un important travail de relèvement et de développement.
J’ai par ailleurs le plaisir de vous annoncer que le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix va mettre à disposition dès à présent 15 millions de dollars pour couvrir les besoins clés de consolidation de la paix.
La République centrafricaine se trouve à un tournant. Nous devons maintenant tout faire pour soutenir et rassembler les forces du bien. Sinon, nous risquons de voir les fauteurs de trouble réussir à contrecarrer la marche du pays vers la paix, la réconciliation et le développement.
La République centrafricaine a souffert dans le passé d’un manque d’attention internationale. Aujourd’hui, plus que jamais, son peuple a besoin de notre engagement et de notre soutien à long terme. La conférence d’aujourd’hui montre que nous sommes résolus à éviter les erreurs du passé.
Nos chances de succès restent élevées si nous nous attaquons tous ensemble à la fois aux causes et aux conséquences du conflit. Notre réussite collective est à portée de main.
Je suis convaincu que les autorités centrafricaines prouveront aux Centrafricains et à la communauté internationale qu’elles sont elles aussi déterminées à engager des réformes difficiles mais nécessaires et à s’attaquer aux racines du conflit.
L’Organisation des Nations Unies demeure pour sa part profondément attachée à continuer de soutenir le peuple centrafricain.
J’espère que vous vous joindrez à nous aujourd’hui en vous engageant à fournir l’appui financier indispensable pour appuyer les priorités et les réformes nécessaires pour le relèvement et la stabilisation du pays, ainsi que pour mieux soutenir l’aide humanitaire.
Cette réunion est un acte de solidarité avec les forces positives, les forces de bien en République centrafricaine. Mais c’est aussi un acte visant à la sécurité et au développement durable dans un pays avec des ressources humaines et matérielles substantielles et avec des promesses d’avenir meilleur pour le peuple centrafricain. Nous sommes là à vos côtés dans un moment crucial pour nous tous.
Je vous remercie.