M. Ban Ki-moon effectue la première visite d’un Secrétaire général de l’ONU à Monaco « petit pays au grand cœur » devant lequel il plaide pour la croissance verte
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M. BAN KI-MOON EFFECTUE LA PREMIÈRE VISITE D’UN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU À MONACO
« PETIT PAYS AU GRAND CŒUR » DEVANT LEQUEL IL PLAIDE POUR LA CROISSANCE VERTE
On trouvera ci-après le discours que le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a prononcé au Musée océanographique de Monaco, le 3 avril:
Je suis ravi d’être parmi vous.
C’est la première fois que je viens à Monaco, et c’est la première fois qu’un secrétaire général de l’ONU y vient en visite officielle.
Je remercie Son Altesse Sérénissime de son accueil chaleureux.
Le Prince Albert et sa famille soutiennent énergiquement plusieurs causes chères à l’ONU, de la lutte contre le sida à l’éducation, en passant par le sport au service du développement et de la paix et le développement durable.
Je suis très heureux de constater qu’il y a beaucoup de jeunes dans cette salle.
Le mois prochain, vous participerez à la première conférence « L’ONU mise en scène » organisée à Monaco.
De savoir que vous êtes déjà en passe de devenir des citoyens du monde, je suis rempli d’optimisme pour l’avenir.
Tout ce que je fais en tant que Secrétaire général a un rapport avec votre avenir.
Même quand je m’occupe de crises appelant un règlement immédiat, comme les conflits qui déchirent la Syrie ou le Mali, j’ai à l’esprit la nécessité de créer des conditions propices à la paix, à la justice et à l’égalité des chances.
Aujourd’hui, m’inspirant de ce lieu magnifique – ce temple de la mer –, je voudrais vous parler d’une des plus importantes de ces conditions.
Je voudrais vous parler du développement durable, en particulier du point de vue de l’environnement, et de ce que fait l’ONU pour le promouvoir, en collaboration avec des partenaires tels que Monaco.
Monaco est un petit pays au grand cœur.
Vous êtes en quelque sorte une réplique en miniature des Nations Unies. Trente-six mille personnes de quelque 120 nationalités partagent cette petite enclave avec 8 000 Monégasques de souche.
Depuis des siècles, vous êtes un exemple de coexistence pacifique.
Vous y avez gagné en prospérité, et cette prospérité, vous l’utilisez à présent pour promouvoir une croissance verte et la protection de l’environnement terrestre et marin.
La Fondation Prince Albert II de Monaco est respectée dans le monde entier pour le travail qu’elle fait dans les domaines de la biodiversité, de l’eau et de la lutte contre les changements climatiques.
Le Grimaldi Forum est un exemple de ce qui se fait de mieux en matière d’architecture écologique.
Les politiques judicieuses qu’a adoptées Monaco pour promouvoir les véhicules électriques montrent comment s’engager sur la voie d’une économie peu génératrice de carbone.
Le Prince Albert est à l’avant-garde. Je crois comprendre que certains l’appellent désormais « le Prince branché »!
La générosité de Monaco rend possibles d’importantes activités environnementales de l’Agence internationale de l’énergie atomique et de l’Organisation hydrographique internationale.
Vous aidez à placer le XXIe siècle sous le signe de la viabilité.
Permettez-moi à présent de vous dire ce que je voudrais que vous fassiez de plus, en tant que citoyens de monde, pour contribuer à la réalisation de nos objectifs communs.
Ce siècle a commencé avec une promesse : celle de faire considérablement reculer la pauvreté, la faim et la maladie.
Les objectifs du Millénaire pour le développement, adoptés par les dirigeants des pays du monde en l’an 2000, ont mobilisé les gouvernements et fait naître de nombreux partenariats.
Ils ont montré à quel point il est utile de fixer des cibles assorties de délais.
Ils ont montré qu’avec suffisamment de volonté politique et de ressources, on peut obtenir des résultats spectaculaires.
Cet enseignement a toute son importance pour notre futur programme de développement.
Au cours des 12 dernières années, 600 millions de personnes sont sorties de la misère, ce qui représente une réduction de 50%.
Plus d’enfants que jamais vont à l’école primaire et, pour la première fois, les filles sont aussi nombreuses que les garçons.
La mortalité de la mère et de l’enfant a chuté. Les ressources investies dans la lutte contre le paludisme, le VIH/sida et la tuberculose ont sauvé des millions de vie.
Mais il nous reste du pain sur la planche.
Les progrès sont inégaux, variant d’un pays à l’autre et au sein d’un même pays.
Et pour certaines cibles, comme l’assainissement, nous sommes sérieusement à la traîne.
En 2015, date butoir pour la réalisation des OMD, il pourrait encore y avoir 2,5 milliards de personnes qui vivent sans accès facile à des toilettes, risquant sans cesse d’entrer en contact avec des déchets non traités.
Ce n’est bon ni pour la santé de ces gens ni pour l’environnement.
Cette semaine, je lancerai un appel, à l’échelle mondiale, pour demander une intensification de l’action menée en vue de la réalisation des OMD.
Il ne nous restera qu’un millier de jours pour tenir nos promesses.
Si nous y arrivons, des centaines de millions de personnes auront une vie meilleure.
Et nous aurons créé une dynamique propice pour l’après-2015.
Il restera beaucoup de chantiers en cours une fois passée la date butoir.
Le système des Nations Unies et les États Membres s’emploient activement à élaborer un programme de développement pour l’après-2015 et à arrêter un ensemble d’objectifs de développement durable.
Nous ne pourrons pas éliminer la pauvreté, la faim et la maladie si nous ne nous attaquons pas aux grands problèmes que pose le développement durable sur les plans social, économique et écologique.
Ces trois volets sont indissociables et interdépendants.
Ils recouvrent de nombreux éléments, dont les droits de l’homme, la justice sociale, l’égalité entre les hommes et les femmes, le renforcement des moyens d’action des jeunes, le travail décent, la bonne gouvernance et le commerce équitable.
Tous sont d’importance égale.
Mais, aujourd’hui, je voudrais me concentrer sur l’environnement.
D’abord, parce qu’il est le plus menacé.
Ensuite, parce que, si nous consentons les investissements voulus dans la santé de notre planète, nous récupérerons notre mise un nombre incalculable de fois.
Enfin, parce que nous avons les connaissances et la technologie voulues pour transformer nos modes de fonctionnement économiques et engager définitivement nos sociétés sur la voie d’une croissance verte.
Je parlerai d’abord des risques.
L’an dernier, le Programme des Nations Unies pour l’environnement a passé en revue les nombreux engagements pris par la communauté internationale dans le domaine de l’environnement ces 20 dernières années.
Quatre-vingt-dix objectifs avaient été adoptés d’un commun accord, et il n’y avait eu de progrès notables qu’en ce qui concerne quatre d’entre eux. J’ai bien dit quatre.
La biodiversité continue de s’amoindrir à un rythme alarmant.
Les stocks de poissons diminuent à vue d’œil, surtout à cause des excès de la pêche commerciale.
Les émissions de gaz à effet de serre augmentent et les changements climatiques s’accélèrent.
Les océans deviennent plus acides, ce qui menace l’ensemble de la chaîne alimentaire marine. Partout, les récifs coralliens s’amenuisent.
Le Prince Albert Ier, fondateur de ce musée, serait horrifié de voir de qui arrive au milieu marin qu’il aimait tant.
Et il reconnaîtrait à peine l’Arctique qu’il a connu.
Je suis moi-même allé dans l’Arctique et dans l’Antarctique pour constater les effets des changements climatiques.
Le Prince Albert II y est allé lui aussi.
Comme moi, il a fait de la lutte contre les changements climatiques et du développement durable des questions prioritaires.
C’est pourquoi une des premières choses qu’il a faites lorsqu’il est monté sur le trône a été de signer le Protocole de Kyoto.
Comme moi, il comprend qu’il est dangereux de ne rien faire.
Nous approchons de plusieurs seuils critiques.
Dans l’Arctique, les scientifiques craignent que le pôle Nord ne soit bientôt plus couvert de glace en été, ce qui déclencherait de dangereuses réactions en cascade.
La glace est blanche et reflète le soleil. L’eau, plus foncée, ne le reflète pas; elle absorbe la chaleur, ce qui fait fondre encore plus de glace.
Une autre réaction en chaîne risque de se déclencher si le permafrost de Sibérie et d’Alaska continue à fondre et à libérer le méthane qu’il recèle.
Le méthane est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le dioxyde de carbone.
Des changements climatiques incontrôlables sont un risque réel, et une menace pour l’environnement de la planète, le développement durable et la sécurité des nations et leur stabilité économique.
Ce n’est pas d’hier que datent les préoccupations relatives aux changements climatiques et à la dégradation du milieu naturel.
Depuis que la Conférence de Stockholm s’est tenue en 1972, puis le Sommet de la terre en 1992 et la Conférence Rio +20 l’an dernier, l’ONU s’efforce de faire prendre conscience de la menace, ainsi que des possibilités qui existent.
Mais les paroles n’ont pas été suivies d’effets.
Et il sera bientôt trop tard.
Nos modes de consommation sont incompatibles avec la santé de la planète.
Notre empreinte écologique est démesurée.
Nous devons agir maintenant si nous voulons qu’en 2050, la planète soit vivable pour ses 9 milliards d’habitants.
Ce qui m’amène à mon deuxième point : les avantages de l’action.
Investir dans une croissance verte, c’est verser un acompte aujourd’hui pour que la planète soit vivable demain.
C’est le choix éclairé de tous ceux qui veulent construire un monde plus prospère, plus juste et plus stable.
Parier sur les énergies renouvelables et l’efficience énergétique, c’est lutter contre les changements climatiques, créer des emplois et assainir l’environnement.
C’est pourquoi mon initiative intitulée « Énergie durable pour tous » vise à ce que l’utilisation des énergies renouvelables et l’efficience énergétique doublent d’ici à 2030.
Cette alliance de partenaires de tous les secteurs et de toutes les régions a également pour objet de donner accès à l’énergie au 1,4 milliard de personnes aujourd’hui privé d’accès à des services énergétiques modernes, afin qu’elles puissent mener des vies dignes et productives.
C’est le principe du développement durable: équilibrer les avantages sociaux, économiques et écologiques dans l’intérêt de tous.
Pratiquer une gestion durable des forêts, c’est préserver la biodiversité et les réserves d’eau douce, défendre les villes et les villages contre les inondations et les glissements de terrain, protéger les moyens de subsistance des gens et atténuer les changements climatiques.
Et protéger les habitats côtiers, c’est rendre les pêches plus productives, capturer le carbone atmosphérique et faire barrière aux tempêtes et à la montée des eaux.
L’an dernier, à la Conférence Rio+20, le Prince Albert et moi-même avons participé à une manifestation sur les océans organisée par Monaco.
Le Président de Kiribati, M. Tong, était présent lui aussi.
Son pays se compose de 32 atolls et d’une île corallienne de faible altitude.
Je me suis rendu à Kiribati en 2011. Le Président et moi-même avons planté des mangroves destinées à protéger les terres contre la montée des eaux, qui empoisonnent les puits et menacent de recouvrir l’île.
Un détail m’a aidé à prendre la mesure de l’angoisse qui hante Kiribati.
Dans ma chambre d’hôtel, il y avait un objet que je ne m’attendais pas à y trouver: un gilet de sauvetage.
J’ai également rencontré une petite fille qui m’a posé deux questions toute simples: « Qu’allons-nous devenir? Et l’ONU, que va-t-elle faire pour nous? »
En réponse à la première question, le Président Tong est en train de conclure des accords avec les Gouvernements de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande pour que ses concitoyens puissent émigrer dans ces pays si le leur devient inhabitable.
Le statut de réfugié climatique n’a rien d’enviable, mais au moins le Président de Kiribati a un plan de secours.
Mais quel est le plan de secours pour la planète? Il n’y en a pas.
La question qui se pose est donc de savoir ce que les États Membres de l’ONU vont faire pour éviter que le monde entier ne se trouve menacé dans son existence même comme l’est déjà Kiribati.
Il n’y a qu’une réponse: nous devons nous engager sur la voie du développement durable, en accordant la même attention aux considérations sociales, économiques et écologiques.
À la Conférence Rio+20, les États ont réaffirmé leur attachement au développement durable et leur volonté d’adopter un nouvel ensemble d’objectifs de développement durable pour l’après-2015.
Ils ont décidé de renforcer les institutions, à commencer par le Programme des Nations Unies pour l’environnement, dont le Conseil d’administration s’est réuni ici, à Monaco, en 2008.
Ils se sont également engagés à redoubler d’efforts pour protéger et gérer durablement les océans et les ressources qu’ils renferment.
À cette fin, j’ai lancé l’an dernier le Pacte pour les océans.
À la Conférence Rio +20, les États ont également approuvé un cadre décennal de programmation concernant les modes de consommation et de production durables qui pourrait nous aider à réduire notre empreinte écologique.
Et ils ont noté qu’une économie verte pouvait contribuer à protéger l’environnement et à faire reculer la pauvreté.
Ceci m’amène à mon troisième et dernier point.
L’économie verte est non seulement nécessaire, mais aussi possible; elle est en train de devenir réalité.
De la Chine au Rwanda et du Brésil au Danemark, ainsi que bien sûr ici à Monaco, les politiques et initiatives favorisant des solutions économes en ressources et peu génératrices de carbone commencent à avoir le vent en poupe, dans les parlements, les municipalités, les conseils d’administration et les écoles.
Les avantages de l’économie verte sont d’ordre social, économique et écologique.
Des emplois meilleurs et plus nombreux, moins de pauvreté et plus d’égalité.
Des villes plus propres, des rendements agricoles plus élevés, des écosystèmes en meilleure santé.
L’économie verte est une évolution dont l’heure est venue.
Mais il faut que la dynamique s’accélère.
Nous devons développer ce que nous testons en éprouvette depuis 40 ans.
Pour cela nous devons adopter des mesures d’incitation efficaces, et notamment mettre un prix sur les émissions de carbone.
Nous devons aussi adopter, d’ici à 2015, un instrument universel et juridiquement contraignant relatif au climat, afin que tous les pays prennent des mesures supplémentaires pour réduire les effets des changements climatiques et s’y adapter.
L’an prochain, j’organiserai une réunion de haut niveau sur les changements climatiques pour nous aider à franchir la ligne d’arrivée.
Je compterai sur l’appui de personnalités dynamiques comme le Prince Albert.
Nous sommes dans une phase vulnérable, une période de transition.
La dégradation de l’environnement et la fréquence et l’intensité accrues des phénomènes météorologiques extrêmes sont des symptômes que nous ne pouvons faire semblant d’ignorer.
Le remède à ces problèmes renferme en lui la possibilité d’édifier l’avenir que nous voulons. Un monde dans lequel l’humanité progresse en harmonie avec la nature.
Prendre soin de l’environnement, c’est contribuer au développement social et économique.
Protéger la planète, c’est aider à créer un monde dans lequel chaque enfant pourra compter sur un avenir de possibilités, non de désespoir, et de prospérité, non de misère.
Ce sont là des objectifs ambitieux, mais réalisables.
Je suis déterminé à tout faire, tant que j’occupe le poste de secrétaire général, pour que l’avenir de notre planète soit assuré.
Mais j’aurai besoin de votre aide.
C’est pourquoi aujourd’hui, en ce lieu magnifique, je lance un appel au monde entier : je demande à chaque habitant de la planète de penser à ce qu’il peut faire pour protéger l’environnement et promouvoir le développement durable.
Aucun d’entre nous ne peut tout régler.
Mais chacun d’entre nous peut faire quelque chose.
Merci, Monaco, de montrer la voie.
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